5 décembre 2024
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EPE : mauvaise gestion et fausses solutions à leur crise

Ministère des Finances
Ministère des Finances

L’entreprise publique algérienne constitue une réalité omniprésente dans l’expérience de développement et dans l’édification d’une économie se voulant indépendante menée par le pays depuis cinq décennies.

Elle se situe au point de rencontre des principaux problèmes du monde contemporain, notamment dans un pays en pleine mutation, qu’il s’agisse du fondement et de l’exercice du pouvoir, de ses réactions face aux pressions internes et/ou aux contraintes extérieures.

Dans toute organisation, il y a des hommes qui exercent un pouvoir et d’autres qui cherchent à influencer, de façon plus ou moins visible et avec plus ou moins de bonheur l’exercice de ce pouvoir. Les décisions les sociétés contemporaines se prennent au sein de trois institutions : l’Etat, l’Armée et les grandes entreprises. Toutes les doctrines socialistes préconisent la même solution à savoir l’abolition de la propriété privée des moyens de production, « …la propriété, c’est du vol » disait Pierre-Joseph Proudhon.

Mais la seule abolition de cette propriété ne peut conduire qu’à la disparition de la classe bourgeoise, elle ne conduit pas nécessairement à l’émancipation des travailleurs et encore moins au développement des forces productives. C’est pourquoi, il nous semble que la réforme de l’entreprise publique passe nécessairement par une redéfinition de la propriété de l’entreprise ; mais le fait que cette propriété appartienne à l’Etat soulève un certain nombre de problèmes.

L’Etat est en effet, une personne morale de droit public, c’est à dire une création de droit, donc en réalité une fiction juridique. Derrière ce voile, se trouvent des personnes physiques auto-investies de pouvoirs nécessaires au fonctionnement de cette entité abstraite qu’est l’Etat.

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Si le schéma théorique de la construction de l’Etat actionnaire est sur papier des plus séduisants, il n’en demeure pas moins qu’en pratique, il connaîtra plusieurs déformations. Alors que les réformes avaient pour but de promouvoir un mode de gestion indirect des entreprises publiques pour éviter les tutelles de gestion et toute possibilité de leur résurgence et que les Fonds de participation sont des EPE comme les autres, ils vont quant à eux être gérés par le propriétaire à savoir l’Etat.

C’est à ce niveau que réside le « vice constitutif » du mode de gestion de participation étatique, en fait de l’exercice ou du non exercice du droit de propriété par ce qui légalement censé être leur assemblée générale commune. C’est cette « structure  » qui est le lieu de toutes les interrogations car elle devait normalement constituer le creuset stratégique et le cœur du système de gestion des participations de l’Etat actionnaire. Si le dispositif de 1988 pèche quelque part, c’est parce qu’il n’a pas correctement résolu cette question de l’assemblée générale des Fonds de participation.

La réforme n’a pu faire échapper la gestion du secteur public au politique et le confier à des managers professionnels indépendants appréciés selon leurs résultats. La question est de savoir si l’Etat providence, en tant que forme sociale et politique peut continuer à rester le seul support des progrès sociaux et l’unique agent de solidarité sociale.

L’Etat providence est en crise

Une crise de légitimité doublée d’une crise morale. La corruption a gagné du terrain dans de nombreux pays du tiers monde. Parmi les facteurs qui facilitent la corruption, on peut citer au moins cinq ; la concentration excessive des pouvoirs et des ressources ; le laxisme et/ou l’indigence des autorités monétaires, fiscales et bancaires ; la mauvaise gestion au sens pénal et économique du terme ; l’absence ou l’insuffisance des mécanismes qui permettent le contrôle de l’action des dirigeants ou des fonctionnaires et les obligent à rendre compte de leurs actes et enfin l’intervention systématiques de l’Etat pour éponger les déficits de toutes origines.

Si l’on s’en tient à ce dernier facteur  actualité oblige les concours consentis par l’Etat pourraient s’assimiler à des subventions automatiques si l’on se référé au montant des crédits accordés inscrits dans les différentes lois de finances pour couvrir les déficits d’exploitation et les besoins en fonds de roulement.

Tous ces fonds engloutis par les entreprises publiques sont-ils une fatalité ou est-ce le prix de la pérennité du système à la fois rentier et distributif ? Autrement dit la transition vers un système marchand productif est-elle un leurre ? A-t-on cerné scientifiquement l’origine de ce déficit chronique pour s’engager résolument dans une si vaste opération aux conséquences incalculables en temps de crise multidimensionnelle qui menacent l’existence de la nation. Ce déficit des entreprises publiques est-il la règle ou l’exception, passager ou chronique, réel ou artificiel (la pandémie du covid-19 ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt).

Doit-on l’imputer la responsabilité à la régulation administrative de l’Etat ou à la mauvaise gestion des EPE et dans quelle proportion ? Ou bien a-t-on fait son choix de faire payer à la collectivité le gaspillage, la dilapidation ou la dissipation ? En d’autres termes n n’y a-t-il une sorte de « motus vivendi » qui consiste à dire « ne m’interroges pas sur ma gestion, je ne t’interroge pas sur la tienne ? Sinon à quoi auraient servis les milliards de revenus pétroliers et gaziers dépensés.

Dresser l’inventaire de soixante ans de souveraineté, c’est-à-dire le bilan de l’emploi de ces ressources en devises. En clair, comment administrer un remède à un malade invétéré sans l’ausculter, sans tenir compte de ces conditions organiques et de sa capacité de le tolérer et sans prévoir d’autres mesures pour accroître ses capacités de résistant ou devrions nous contenter d’un cliché thoracique pour prévenir une maladie incurable ? Bref, la démarche retenue traite d’un tableau financier des ressources et des emplois et non des réalités politiques, économiques et sociales de l’entreprise.

De plus, assainir des entreprises, de structures pour des erreurs propres de gestion et par le caractère arbitraire des politiques menées contribue à peine à un redressement précaire, insuffisant et superficiel (une aspirine pour un cancer). Une dernière remarque : une entreprise qui réalise des profits confère aux produits qu’elle vend une valeur plus élevée qu’aux ressources qu’elle a dû sacrifier pour les livrer aux consommateurs puisque le prix de vente dépasse le prix de revient.

En revanche, une entreprise qui est en perte soustrait à la collectivité des ressources dont la valeur excède celle qu’elle lui restitue sous forme de produits finis. Dans ce cas, la perte signale un gaspillage auquel la faillite mettra fin.

Par conséquent, si l’Etat par le biais de son budget, peut combler par des subventions le déficit d’exploitation des entreprises publiques, il appartiendra à l’Etat d’équilibrer les pertes d’utilité économique encourues par un gain d’utilité politique équivalent dans l’hypothèse évidente de l’équilibre budgétaire de la nation. Ce qui n’est pas le cas de l’Algérie d’aujourd’hui qui ne fait que s’aggraver.

En résumé, tout assainissement mal conduit provoquera une inflation galopante à deux chiffres laquelle limitera la demande donc l’opportunité d’investissement réduisant ainsi les capacités de production avec comme conséquence l’aggravation du chômage et le recours à l’endettement extérieur dans des conditions inhumaines.

Ce sont les populations pauvres qui ne sont aucunement responsable des fautes et des erreurs commises par leur gouvernement que l’on punit par la misère et la violence du désespoir. Ne dit-on pas que la compétence d’un dirigeant se meure à sa longévité au poste et que cette longévité est fonction de la qualité et de la solidité du réseau des relations clientélistes qu’il a pu tisser avec les décideurs politiques pour accéder ou se maintenir à ce poste ?

Pourtant, une authentique démocratisation des structures politiques, économiques et sociales peut contribuer grandement à mettre fin à ces pratiques, ces agissements, nuisibles à l’économie et à la société.

Tout cela nous fait penser à cet auditeur anonyme qui, dans les années 80, concluait ses rapports par cette phrase laconique «situation anarchique créée en vue de détournement ». « Un problème créé ne peut être résolu de la même manière qu’il a été créé » nous apprend Einstein.

Mais à qui il le dit ? Certainement pas à ceux qui ont créé le problème. Ceux qui posent zéro et retiennent tout ou ceux qui posent tout et retiennent zéro. Il ne s’agit pas évidemment de remettre les compteurs à zéro, le premier (fonds publics) est en panne, le second (fonds privés) en est dépourvu.

Dr A. Boumezrag

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