Mercredi 1 avril 2020
Être libres, un jour, en Algérie…
Kamel Bencheikh.
«Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. » Nelson Mandela
Autant le dire crûment au risque de me faire vilipender, la pandémie du coronavirus, qui a pris d’assaut la planète à partir de la Chine et qui touche maintenant l’Algérie, est une sorte de bénédiction pour le pouvoir algérien. On l’a heureusement vu, la population ne défile plus les mardis et vendredis pour les marches du Hirak afin de ne pas propager le virus. C’est déjà un début de satisfaction pour ceux qui sont à la tête du pays sans jamais avoir reçu mandat.
Ensuite, cette endémie permet à une simili-justice d’appréhender et d’emprisonner tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à un opposant.
Ainsi donc, l’indispensable confinement de la population devient un allié objectif du régime algérien. Ce dernier profite d’une manière éhontée des rues vides pour arrêter à tour de bras les démocrates pour les faire taire. Il n’y a aucune possibilité de dialoguer avec ces gens qui n’ont comme seul moyen de discussion que de bastonner ceux qui ont l’audace et la bravoure de s’opposer à eux.
On me dit qu’à part les « célébrités » que tout le monde connait, il y a des milliers de citoyens militants qui croupissent dans les geôles algériennes. Voilà donc un retour malvenu vers les temps bénis des militaires qui nous font le remake de Boumediene.
Quels crimes ont donc commis ces démocrates que l’on menotte et que l’on jette dans des culs-de-basse-fosse pour qu’ils croupissent dans le silence et la solitude ?
Ils n’ont fait que réclamer leurs justes droits, celui de manifester leur mécontentement devant un pouvoir illégal qui spolie le pays. Ils marchent d’une manière pacifique pour s’opposer à ceux qui n’ont aucune légitimité à diriger ce pays.
Ils n’acceptent pas que cette nation si riche, détentrice d’incommensurables gisements de gaz et de pétrole, soit l’épicentre d’une corruption généralisée. Ce serait donc un crime que de relever la tête et de marcher fièrement ? Ceci, dans l’espoir d’un redressement historique de ce pauvre pays qui n’en peut plus d’être écrasé sous les bottes de toujours les mêmes ?
Que reproche donc ce pouvoir illégitime à ce peuple sinon la légitimité de ses droits et celle de ses combats. Car comment analyser autrement la situation ? Les conjonctures et les circonstances ne permettent légalement aucune arrestation. Les marches sont totalement pacifiques Aucun débordement n’a été constaté depuis la première marche massive du 22 février 2019. Le peuple algérien a, non seulement, été exemplaire dans ses agissements et sa conduite, mais mieux, il a été source d’inspiration inespérée pour beaucoup.
Cette témérité et cette hardiesse sont-elles, à elles seules, insoutenables pour ce régime ? Ce régime né d’un coup d’Etat fomenté bien avant l’indépendance, dans les bas-fonds des officines mafieuses de la ville d’Oujda, par un clan de voyous… La moindre réaction de la population mérite-t-elle que cette dernière soit matée par les rejetons du couple illégitime formé par l’inculte Ben Bella et Boumediene l’arsouille ?
Épris de liberté depuis toujours et en tous les cas depuis sa révolte du 1er novembre 1954, ce peuple refuse que les aigrefins qui ont pris le pouvoir de force, lui confisquent toute possibilité de respirer.
Voilà donc un pouvoir aux abois qui profite de la pandémie et de l’arrêt des marches pacifiques du vendredi pour déployer la justice aux ordres et mettre aux fers les citoyens qui ne réclament que leurs droits les plus élémentaires.
Pire, dans un pays où l’état des hôpitaux est désastreux, on n’ose imaginer celui des prisons. Ainsi, l’arrestation de certains équivaudrait d’ores et déjà à une véritable condamnation à mort.
Un jour prochain, quand le coronavirus et le virus au pouvoir seront vaincus, il faudrait penser à juger ces juges qui ont mis leur veulerie et leur lâcheté au service de ce pouvoir corrompu. Celui-ci a décidé de mettre à genoux tout un pays en s’appuyant sur la présence de cette pandémie.
Il faudrait un jour penser à mettre sur pied une véritable instance, non pas de réconciliation, puisque le peuple algérien a toujours marché dans l’unité, mais de justice et d’équité. Il faudrait donner de la légitimité aux audacieux et aux altruistes du Hirak, aux lanceurs de slogans revendicatifs, aux musiciens et aux danseurs qui ont égayé nos rues, aux jeunes qui, sacs poubelles en bandoulière, les ont nettoyées à la fin de chaque manifestation, aux jeunes femmes, cheveux au vent, qui ont distribué des bouteilles d’eau, tout un peuple de citoyens responsables qui ont déplacé la lumière du soleil et accroché notre dignité aux grappins de la joie collective… Il faudrait objectivement, un jour prochain, féliciter toute cette jeunesse avide de vie et de lendemains qui frétillent…