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mardi, 4 novembre 2025
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France–Algérie : Alain Ruscio dénonce « le retour du refoulé colonial»

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Dans une analyse lucide, l’historien français Alain Ruscio estime que le vote de l’Assemblée nationale sur les accords migratoires de 1968 révèle une France travaillée par ses vieux démons coloniaux. Selon lui, le pays vit aujourd’hui « le retour du refoulé impérial », où la nostalgie de l’empire se mêle à la xénophobie politique.

Au moment où Alger et Paris semblent renouer un timide dialogue, à la faveur du message envoyé par Emmanuel Macron à Abdelmadjid Tebboune pour la commémoration du 1er Novembre, un autre débat, plus profond, ressurgit en France : celui de la mémoire coloniale.

Le vote du 29 octobre à l’Assemblée nationale, favorable à la révision des accords migratoires de 1968, a ravivé les démons du passé et mis en lumière ce que l’historien français Alain Ruscio (spécialiste reconnu de la colonisation et de la guerre d’Algérie, auteur de Les non-dits de la colonisation, ancien chercheur au CNRS) nomme « le retour du refoulé colonial ».

Pour Ruscio, ce rapprochement du camp macroniste et de la droite traditionnelle avec l’extrême droite autour de cette motion n’a rien d’un accident politique.

« Ce n’est pas un épisode parlementaire isolé, dit-il, mais la réactivation d’un imaginaire impérial longtemps enfoui. »

Selon lui, la France n’a jamais réglé son rapport à son passé colonial, préférant substituer au travail critique une nostalgie impunie.

L’historien rappelle que cette nostalgie prend racine dès les débuts de la Ve République, lorsque Charles de Gaulle, tout en admettant l’inéluctabilité de l’indépendance algérienne, a traité la question algérienne comme une nécessité politique, non comme une refondation morale. Après lui, la droite a entretenu cette mémoire blessée, notamment sous la pression des pieds-noirs qui n’ont jamais accepté la perte de « leur Algérie ».

Cette sensibilité, observe Ruscio, s’est transmise jusqu’aux cercles du pouvoir : Philippe Tabarot, actuel ministre des Transports, est le fils d’un cadre de l’Organisation de l’armée secrète (OAS).

Pour l’historien, la séquence politique actuelle illustre un phénomène plus vaste qu’il appelle la « téléscopie idéologique » entre la droite classique et l’extrême droite.

Depuis les années Giscard, la frontière entre ces deux familles politiques s’est estompée, portée par la banalisation des discours islamophobes et xénophobes. Les médias, ajoute-t-il, ont contribué à cette dérive en offrant une tribune permanente à ceux qui réhabilitent, sous couvert de « mémoire historique », les pages les plus sombres du passé colonial.

Concernant les accords de 1968, Alain Ruscio démonte une idée reçue : ces accords n’ont jamais été un privilège pour les Algériens, mais une réponse aux besoins économiques de la France, soucieuse d’attirer une main-d’œuvre issue de l’ex-colonie pour soutenir la croissance des Trente Glorieuses.

Les présenter aujourd’hui comme un « avantage injustifié » relèverait d’une manipulation politique, destinée à désigner l’Algérie et les immigrés comme responsables symboliques d’un malaise identitaire français.

« Ce n’est pas l’Algérie qu’ils attaquent, c’est leur propre incapacité à se penser en dehors du passé impérial », résume Alain Ruscio.

Et d’ajouter que cette nostalgie ne s’arrête pas aux portes d’Alger : elle s’étend aussi aux territoires d’outre-mer, de Mayotte à la Nouvelle-Calédonie, où les mêmes réflexes coloniaux persistent sous couvert de défense de la souveraineté nationale.

Face à cette régression mémorielle, l’historien appelle à une riposte intellectuelle et morale : « Il ne suffit pas de s’indigner ; il faut déconstruire patiemment les récits falsifiés et restituer à l’histoire sa fonction critique. »

Pour lui, l’histoire n’est pas un mausolée, mais un outil de résistance contre le déni, l’oubli et la manipulation.

Synthèse Mourad Benyahia 

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