7 mai 2024
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Hamid Sadoudi, un militant de 1980 nous quitte !

HOMMAGE

Hamid Sadoudi, un militant de 1980 nous quitte !

J’ai appris avec consternation le décès de mon ami Hamid Sadoudi. Le texto qui m’a été envoyé par son épouse était bref mais grave. J’en étais terriblement affecté. Je suis resté totalement pétrifié mais en même temps dans le déni. Je ne voulais pas y croire. Non, ça ne pouvait pas être lui. Il en est ainsi à chaque fois que l’on apprend la disparition d’un être cher. On refuse d’abord de l’admettre avant de se rendre à l’évidence.

Hamid, originaire du village Tiferdout dans le Djurdjura. Mais il est né à El-Kseur dans la vallée de la Soummam. Il s’est éteint ce 8 juillet 2019 à l’hôpital Saint-Joseph à Paris, vaincu par une maladie à laquelle il a longtemps opposé une courageuse résistance. 

Je l’ai connu dans les années 1980. Un militant déterminé, calme et réfléchi. Nous étions un groupe soudé autour du CCDCA, (Collectif de défense des Droits culturels en Algérie) que nous avions mis sur pied pour porter la parole du Mouvement Culturel Berbère (MCB) de 1980 à l’échelle internationale. Faire connaître en Europe la répression qui touchait terriblement les militants de l’époque dont 24 d’entre eux étaient traduits devant la Cour de sûreté de l’État. 

À peine cet incendie éteint qu’un autre reprenait en 1985 autour de la création de la LADDH, (Ligue algérienne de Défense des Droits de l’Homme) présidée par Maître Ali Yahia Abdenour. Pour y faire face, nous avions aussitôt créé le CCRA, le Collectif Contre la Répression en Algérie parce que là aussi plus d’une vingtaine de militants se sont retrouvés devant la même Cour de sûreté de l’État, sise à Médéa à une centaine de km au sud d’Alger. 

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Les deux structures associatives ont été mises sur pied dans le cadre des activités militantes de la Libraire Imedyazen (11, rue de Lesdiguières Paris-Bastille). Une effervescence quotidienne y régnait tant les nouvelles qui parvenaient d’Algérie étaient aussi alarmantes les unes que les autres. 

Hamid faisait partie du « groupe de choc » qui portait le combat sur le terrain : réunions, meetings politiques, manifestations de rue, rassemblements, tracts, affichages, contacts avec la presse, les syndicats, les partis politiques, les associations des droits de l‘homme, etc. Il fallait faire connaître le visage hideux du régime algérien pour faire réagir l’opinion internationale face aux sévices que subissaient ces détenus d’opinion : lourdes condamnations, tortures, humiliations…

Hamid était toujours là avec son énergie, son sourire, il était un des matheux du groupe. Il enseignait, en effet, les mathématiques dans le secondaire au collège Saint-Jean-de-Dieu dans le 15ème arrondissement de Paris et aidait individuellement les élèves en difficulté. Ma fille aînée avait de gros problèmes dans cette matière, elle obtenait des notes catastrophiques. En quelques mois, il en a fait une brillante élève et elle est aujourd’hui prof de… maths ! Eh ! Oui, Hamid était un excellent pédagogue. Grâce à son humour incisif, son humanisme et son ouverture d’esprit, il était accepté et aimé de tous ses élèves.

Il a participé des années durant aux activités de l’ACB (Association de Culture Berbère Paris 20ème rue des Maronites) puis a rejoint la CBF (Coordination des Berbères de France) animée par l’avocat Mustapha Saadi. Il a présidé la section parisienne de cette coordination durant une dizaine d’années.

En 1989, il rejoint naturellement le RCD, le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, parti politique créé par le docteur Saïd Sadi dans le sillage de « l’ouverture politique » opérée suite à la révolte du 5 octobre 1988. La lutte pour les libertés démocratiques, pour la culture kabyle (et amazighe en général) lui était chevillée au corps. 

Hamid avait le sens de « taqbaylit » comme on dit chez nous. Taqbaylit est un mot polysémique. Il désigne à la fois la langue et la femme kabyles mais il traduit également les valeurs qui fondent le monde paysan enraciné dans les montagnes du Djurdjura et dans la vallée de la Soummam. Hamid incarnait ces valeurs : humilité, ouverture, travail, persévérance, famille et surtout le respect de la parole donnée.

Bref, tout le code de l’honneur que le grand sociologue Pierre Bourdieu a explicité dans son ouvrage « Esquisse d’une théorie de la pratique », Droz 1977. 

Retraité de l’enseignement secondaire, Hamid a su être utile et mettre à profit son potentiel pour les personnes autour de lui y compris pour les personnes touchées par un handicap. C’était un passionné de l’altruisme, de la relation humaine. Je l’ai revu il y a quelques semaines sur la Place de la République dans le cadre des rassemblements qui s’y déroulent en soutien à la révolution pacifique algérienne en cours depuis le 22 février. Nous avions parlé de l’espoir devenu permis de voir l’Algérie se démocratiser et avions évoqué nos « luttes d’antan ». Quelques semaines auparavant, il m’avait appelé suite au décès de notre ami commun, le linguiste berbérisant Hamid Hamouma. Il en était consterné, bouleversé. Ils étaient de grands amis et se rendaient mutuellement visite.

Hamid Sadoudi nous quitte donc. Il laisse son épouse Souad qui l’a toujours accompagné dans ses activités et trois enfants aujourd’hui adultes, deux garçons Yidir et Yani et une fille Yelly. 

Hamid

Ce matin ils étaient tous présents au cimetière d’Ivry accompagnés par deux centaines de personnes. Ils étaient courageux et dignes. La cérémonie était sobre, laïque et traduisait la vie active et modeste de l’époux, du père, du militant.

Un frisson de tristesse continu traversa la foule compacte quand le cercueil drapé de l’emblème amazigh (comme l’a toujours recommandé le professeur et militant Rachid Benguenane du Canada) était descendu du véhicule funèbre pour être acheminé vers le lieu de sépulture. L’avocat Mustapha Saadi lui a rendu un vibrant hommage en rappelant son action au sein de la CBF. Il me fit signe de prendre la parole mais ma gorge était nouée, trop nouée pour articuler quoi que ce soit. 

Avec Mustapha Saadi, un chœur s’est constitué spontanément pour entamer un chant d’adieu : « Ghur-i yiwen umeddakel ». Un chant allemand adapté par Hocine Aït Ahmed et/ou Laïmèche Ali le (selon les sources) puis retouché par le célèbre dramaturge Mohya et interprété par Ferhat Imazighen Imula et Ali Ideflawen. Puis, la fille de Hamid a lu un texte de Saint-Augustin «Ne pleure pas si tu m’aimes » avant de passer un CD de Matoub Lounès «Ay ahlili » apprécié de Hamid. La chanson est interprétée par le groupe AmZik dont un membre, Kheiredine était présent comme l’était aussi le chanteur militant Madjid Soula. 

L’émotion était très forte et se lisait sur le visage des femmes et des hommes qui l’accompagnaient à sa dernière demeure. Beaucoup de femmes étaient en tenue traditionnelle kabyle, une manière pour elles de rendre hommage au combat de Hamid.

Notre ami à toutes et tous est parti, son nom restera gravé, à coup sûr, dans le vaste champ mémoriel de la société kabyle qu’il a tant aimé, défendue et honorée. Ruh a gma Hamid, mazal-ik yid-negh.

Hacène Hirèche

Auteur
Hacène Hirèche

 




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