En réponse à l’invitation de la Fédération des Amazighs d’Amérique du Nord, la communauté algérienne du Canada a la chance de recevoir Hend Sadi pour célébrer le 20 avril 1980 avec trois conférences : une à Ottawa, la seconde à Montréal et une dernière à Sherbrooke.
C’est dans ce périple canadien que Hend Sadi a présenté ses conférences sous le thème : «Légitimité politique et instrumentalisation de l’Histoire ». Pour celle de samedi 23 avril, c’est à Montréal, au Patro Le Prevost au 7355 de l’Avenue de Christophe-Colomb, qu’elle a eu lieu devant une assistance venue en grand nombre pour écouter l’un des acteurs du printemps berbère. En fait, c’est un cours magistral sur des événements saillants des enjeux d’une politique de reniement et de nihilisme concernant l’identité algérienne.
Après une minute de silence à la mémoire des personnes, acteurs du printemps berbère de 80, qui nous ont quittés et les victimes du printemps noir de 2001, les représentants de la FAAN ont ouvert la séance en souhaitant la bienvenue à Hend Sadi et l’assistance.
En étant fin connaisseur de l’Histoire du mouvement national, d’une manière attentive et avec pédagogie, l’invité a exposé pendant deux heures un aperçu essentiel pour la compréhension de certains événements importants. Chronologiquement, il a brossé un tableau d’une histoire très complexe liée aux acteurs politiques qui ont œuvré soit dans le bon ou le mauvais sens de l’avenir de l’identité algérienne. Chacun son rôle.
En parlant de l’Etoile Nord-Africaine créée par Imache Amar, des oulémas dirigés par Hamid Ben-Badis, d’un Messali qui a des ambitions panarabistes, les communistes à l’image d’Amar Ouzeggane, Idir El-Watani conduite par un trio de nationalistes (Mabrouk Belhocine, Yahia Henine et Sadek Hadjeres), Mouloud Mammeri connu par son célèbre roman la Coline Oubliée et un Benaï Ouali précurseur de la berberité, se sont toutes des tendances à différentes obédiences politiques qui ont pesé avec leurs agissements sur le destin de l’Algérie après l’indépendance.
En citant le sort réservé à Mouloud Mammeri suite au succès de son roman publié en juin 1952 par les membres influents des oulémas est un exemple patent d’une Histoire controversée. À leur tête d’Ahmed Toufik El-Madani, fervent du nationalisme arabe et de l’islamisme, qui n’a pas hésité de le qualifier d’être aux manœuvres du colonialisme tout en l’associant au mouvement berbériste de 49 considéré comme une menace de division. Il y avait également Mostefa Lacheraf et Mohamed Chérif Sahli qui ont fait bloc contre Mouloud Mammeri pour le rudoyer.
Selon les explications du conférencier, on peut comprendre que c’est la mauvaise tendance conduite par Ben Bella qui a dominé et a imposé aux Algériens une forme d’idéologie importée de l’Orient et particulièrement de l’Égypte tout en excluant systématiquement l’identité algérienne, c’est-à-dire amazighe. Ahmed Taleb Ibrahim, oulemiste, fut l’un des premiers responsables de cette débâcle.
Il a fallu que ces décideurs interdisent une conférence de Mouloud Mammeri prévue à l’université de Tizi-Ouzou sur les poèmes anciens kabyles un certain 10 mars 1980 pour que ça soit une occasion pour dénoncer ce déni identitaire et réclamer en même temps la reconnaissance de la langue amazighe.
Et il déplore qu’après 42 ans, pour la première fois que 20 avril soit célébré timidement. En faisant allusion à la situation politique du moment que le pouvoir tente d’imposer et les arrestations des activistes et militants sont des raisons qui contribué à instaurer un climat de terreur et de suspicion. Il y a urgence d’y remédier à la situation et d’y réfléchir sur l’avenir du combat identitaire.
Tout en tenant compte que la Kabylie est visée, il rappelle que l’avenir de l’identité amazigh dépend de l’ensemble des pays de l’Afrique du Nord. Aujourd’hui, il précise que le 20 avril est célébré au Maroc, en Libye et ailleurs. Inflexible sur cette question, une manière de se dissocier de tout projet menant vers une impasse, pour lui l’amazighité doit passer par sa reconnaissance de l’ensemble des peuples de ces pays avec qui on doit composer.
En étant pragmatique, il explique que puisque tamazight est inscrite dans la constitution algérienne – malgré son statut – : qu’est ce qui nous empêche de dénoncer ceux qui refusent de l’appliquer à commencer par les agents de l’administration et réclamer son utilisation selon la loi?
Ensuite, la conférence s’est terminée par une série de questions venant de l’assistance qui tournent autour de la thématique de la conférence et la situation inquiétante des activistes kabyles incarcérés injustement. Chacun des intervenants a exprimé un certain dégoût sur les comportements autoritaires du pouvoir et l’absence d’organisation et de perspectives concernant l’avenir de la question identitaire.
De Montréal : Mahfoudh Messaoudene