19 avril 2024
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Jacinda Ardern ou l’art de diriger un pays

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Jacinda Ardern ou l’art de diriger un pays

Généralement, le nom de la Nouvelle-Zélande évoque la beauté de la nature, l’équipe du rugby All Blacks et la dance du Haka. Il fut un temps, le pays du Long Nuage Blanc, comme l’appelle les Polynésiens, avait également la réputation d’abriter l’une des sociétés les plus égalitaires de la planète, au point où on le qualifiait de pays communiste sans dictature. 

A partir des années 1980, ses dirigeants successifs ont engagé le pays sur la voie du néolibéralisme avec un enthousiasme sans égal, aboutissant, deux décennies plus tard, à l’une des sociétés les plus fracturées, matériellement parlant, au sein des pays industrialisés. Dans les années 1990-2000, le chômage frôlait parfois les 10% et les Néo-zélandais émigraient en masse vers l’Australie. 

Ces dernières années ont enregistré une certaine embellie économique, accompagnée d’une crise aiguë dans le secteur de l’immobilier, avec des prix stratosphériques, privant des milliers de familles d’un toit. C’est dans ce contexte que fut élue au poste de Première Ministre, en 2017, à l’âge de 37 ans, la dirigeante du Parti Travailliste, Jacinda Ardern. 

Elle n’a pas exactement le profil d’une révolutionnaire, prônant le renversement de l’ordre établi, mais dans un monde peuplé de dirigeants de droite et d’extrême-droite, à l’image d’Emmanuel Macron, Vladimir Poutine, Donald Trump, Boris Johnson, Scott Morrison et Jair Bolsonaro pour n’en citer qu’une poignée, Jacinda Ardern fait figure d’une oasis au milieu d’un désert. 

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Dès son intronisation à la tête du gouvernement, elle s’est lancée dans un programme ambitieux pour la réduction de la pauvreté, notamment enfantine, l’augmentation du salaire minimum, l’élargissement de l’accès aux soins gratuits, l’investissement dans les infrastructures, les transports publics en particulier, et surtout l’éradication définitif du problème des sans-abri qu’elle a a qualifié “d’échec flagrant du capitalisme.” Elle a aussi signé une législation engageant son pays dans la decarbonisation totale de son économie comme contribution à la mitigation du changement climatique.

Sur le plan social, Jacinda Ardern a signé en loi la decriminalisation de l’avortement, a promis un référendum sur la légalisation du cannabis durant son premier mandat et l’imposition de l’enseignement obligatoire de la langue maorie dans les écoles. Elle est la deuxième dirigeante d’un pays à donner naissance au cours d’un mandat, après la Pakistanaise Benazir Bhutto, et la première à partir en congé de maternité.

La popularité nationale et internationale de Jacinda Ardern a été propulsée par un supremaciste blanc australien qui a froidement assassiné une cinquantaine de personnes dans deux mosquées de la ville de Christchurch, au sud de la Nouvelle-Zélande, en 2019. Vêtue de noir, avec un foulard sur la tête, elle s’est rendue sur les lieux pour consoler les familles des victimes avec une compassion et un humanisme dénués de la théâtralité qu’exhibent les dirigeants politiques dans ce genre de circonstances.

Dans son adresse à ses contemporains, elle a exprimé, avec un calme résolu, sa profonde solidarité et son identification avec ses concitoyens de confession musulmane, a traité l’auteur de l’atrocité de terroriste (un mot réservé aux tueurs d’origines musulmanes par la classe politique et les médias occidentaux) et a dénoncé le suprémacisme blanc qui est tout aussi dangereux que le jihadisme globaliste mais qui passe sous les radars des politiciens dans les pays où il sévit. Elle a cloué le bec aux présidents Donald Trump et Recep Erdogan qui voulaient exploiter l’attentat à des fins politiciennes et électorales. Dans les jours qui suivent, elle a annoncé l’interdiction de la vente d’armes semi-automatiques et le rachat de celles qui étaient en circulation dans le pays.

A l’occasion de la pandémie du Covid-19, Jacinda Ardern a administré aux dirigeants politiques du monde entier une leçon magistrale de leadership. Un grand leader est celui qui a la capacité de gagner l’adhésion des gens en donnant des directions claires, en expliquant la démarche à suivre et les buts à atteindre, tout en exhibant de l’empathie.

Dès l’apparition des premiers cas de Covid-19 en Nouvelle-Zélande, elle a expliqué à ses compatriotes qu’il était nécessaire à la collectivité d’œuvrer à la sauvegarde des vies de tous ses membres et la meilleure manière d’y arriver était d’instaurer un confinement stricte et totale jusqu’à l’éradication du virus de tout le territoire du pays.

Elle a exprimé ses regrets sur les inconvénients qui allaient accompagner le processus, que ce soient les perturbations de la vie quotidienne des familles et des lieux de travail ou de l’impossibilité de dire au revoir aux personnes décédées. Tout au long du confinement, elle a donné des conférences quotidiennes ainsi que des séances d’échanges sur les réseaux sociaux, pour apporter des nouvelles et clarifier les démarches et les changements dans la gestion de la crise.

D’après les sondages, pratiquement son peuple tout en entier était derrière elle et le résultat du confinement, avec uniquement 21 morts, l’un des taux les plus bas au monde, est une réussite totale. 

Avec le retour à la vie normale, Jacinda Ardern n’est pas prête à se reposer et de jouir béatement de son succès. Faisant face à la disparition du tourisme international, elle vient de jeter sur l’arène l’idée de réduire la semaine de travail à 4 jours afin de permettre aux néo-zélandais de compenser pour le manque à gagner des visiteurs étrangers, tout en découvrant les merveilles naturelles de leurs îles.

Décidément, la Première Ministre du pays du Long Nuage Blanc risque de surprendre encore son monde. 

Auteur
Kamel Boukherroub

 




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