25 avril 2024
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Kabylie dévastée : leçons citoyennes, société nouvelle

REGARD

Kabylie dévastée : leçons citoyennes, société nouvelle

«Elle a permis au peuple algérien une nouvelle prise de conscience de sa dignité nationale. Elle a également déterminé une union psycho-politique… cette unanimité nationale qui …rend inéluctable la victoire de la liberté».

Champs de cendres et de désolation. La dévastation s’estompa, miracle et enchantement, devant les digues de la raison. De la bravoure : la sagesse et la solidarité. Des dizaines d’êtres calcinés, terres brûlées, faune et flore détruites.

S’y ajoute l’indicible. L’acte barbare commis contre Djamel Bensmaïl est un traumatisme national. Le choc du supplice restera dans les mémoires. C’est l’horreur aux visées insoutenables; à l’opposée des valeurs millénaires, des droits humains, portées par la Kabylie endeuillée. L’interrogation, tant rationnelle que juridique, porte sur l’origine et desseins de l’embrasement.

Djamel, venu de Miliana, est connu pour son engagement pro- révolution citoyenne. Artiste humaniste, qui perd sa vie sur la terre d’Abane Ramdane. Le rassembleur, l’artisan de la matrice de l’État démocratique et fraternel. Lâchement assassiné dans un traquenard.

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Unanime, la condamnation est d’autant plus vigoureuse de cette abjection d’un autre âge.

Hommage à toutes les victimes. Paix à leurs âmes.

Epreuves et enjeux

Ces moments dramatiques sont, pourtant, générateurs de souffles émancipateurs. Les mots divins, empreints de courage et de sagesse, du père de Jimmy ont réussi à conjurer la discorde.

Son patriotisme perspicace a sauvé la patrie. La dignité face à l’innommable: l’atrocité d’une mort évitable. L’histoire retiendra que ses mots apaisés ont cimenté les synergies, à l’oeuvre, du peuple debout; au chevet de la Kabylie martyrisée. Devant sa dignité, sa foi, la nation s’incline; elle lui est reconnaissante.

Des tragédies sans fin qui allongent le lot des malheurs: pandémie du Covid-19, pénurie d’oxygène, d’eau, répression et, désormais, incendies déclenchés partout: La Kabylie est asphyxiée. Les collines décimées. Les drames s’enchaînent.

Solidarité agissante : une vitalité

Des scènes apocalyptiques. Cernées par des vagues de feux, les populations, désarmées, vivent l’enfer. Un supplice pour le vivant et la nature. Des personnes ont péri. Ikhlidjen, ville décimée.

La gravité recommande, immédiatement, sérénité, mobilisation générale, appuyée par l’aide internationale: soigner les victimes, boiser, reconstruire.

Sous les feux de la rompe, sans discontinuer, l’ex-wilaya III historique est touchée dans son âme.

Dans les villages et quartiers les enterrements se succèdent. Incommensurable deuil. Une plaie abyssale. Un trauma collectif.

Sinistre et colères: contre-feu de la solidarité

S’y infère un référent transcendant : la ténacité du contre-feu : La communion fraternelle. Inatteignables, les valeurs de solidarité légendaire, Tiwizi, subjuguent la planète.

Face au désastre combiné du variant Delta et des feux, l’ampleur du sursaut citoyen émeut par son altruisme. Efficacité. Acquisition de centrales à oxygène, donations des opérateurs économiques, auto-confinement général... Actions citoyennes spontanées pour pallier la déficience du pouvoir, dans l’un des attributs essentiel de l’État: le droit à la vie. La protection du citoyen.

Leçons et enseignements: pédagogie du débat et du dialogue

C’est dire que l’abnégation populaire achève une incurie: Le citoyen supplie la défaillance générale. Renversant les plus accablantes situations: pas de respirateurs ; ni de dispositif contre les incendies ; en moins une organisation pour la distribution de l’eau…

Faute d’anticipation, aggravée par la fragilité d’un système de santé dépassé, la fulgurance de la troisième vague de la pandémie a viré au cauchemar. Une hécatombe. Mais des séquences émouvantes, dont regorgent les réseaux sociaux, ressuscitent l’espoir. Submergés par le déferlement des patients, les structures sanitaires ont trouvé dans la mobilisation populaire un soutien vital. Et en la diaspora le reversoir de dons.

C’est là une valeur cardinale de la société post-Février 2019: fraternité, disponibilité, résilience. Une mobilisation obstinée, silencieuse, au chevet de l’hôpital malade et la patrie meurtrie. Atavisme millénaire, réactivant l’éclaircie politique. Mobilisée, bien que livrée à elle-même, la société civile délivre, ici, une subliminale leçon. Société dont les arrogances pensaient lui ôter le droit à l’épanouissent. Ces trésors d’humanité impliquent un plongement historique. Global. Définitif.

De fil en aiguille, des vies humaines ont pu, ainsi, être sauvées grâce à Facebook et les médias libres.

Réformer l’État

L’émouvante chaîne de solidarité citoyenne, à travers les comités de villages – quartiers, élus locaux, les volontés anonymes, est à méditer. La société fait la démonstration que ses ressorts demeurent solides : salvateurs. Invulnérabilité de gens blessés. Et c’est cet esprit imprimé par les luttes pour les libertés, qui guide le citoyen attaché à une belle utopie.

Or, les chantiers de la reconstruction ne doivent, eux, être relégués, indéfiniment, à l’aune de l’évolution de la tragédie.

C’est là une séquence propice à la dynamique du changement. Fonder une nouvelle ère régie par le droit. La Loi qui fait du citoyen, à la fois, l’arbitre et l’acteur de la collectivité. Au fond, en tous points, le constat accable le décideur.

Il en ressort que tout plaide en la faveur d’une large refonte de l’Etat, de sorte que les Régions, issues du Congrès de la Soummam, aient les instruments d’une gestion efficiente. D’illustres exemples, dans le monde, appuient le déclin du système jacobin. A l’instar de l’Allemagne, le Canada, l’Espagne. Jusqu’à la France où les Régions sont investies de larges prérogatives.

En somme, la société, extraordinaire vivacité, acte qu’il est possible d’agir en dehors du carcan bureaucratique paralysant. Cela procède d’un principe Soummamien : la citoyenneté. Pivot de l’État de droit.

Citoyenneté d’un peuple abandonné ; mais digne contre vents et flammes. Qui bâtit, dans la contrainte, la douleur, et l’épreuve un destin nié. Interdit par les « fossoyeurs des lumières », depuis que l’État démocratique né à Ifri, 20 aout 1956, est renversé, un an plus tard. L’assassinat de Abane, en 1957, coup de force contre le civil, a paralysé l’espérance. Qui s’enlise dans la crise labyrinthique.

Lame de fond des ruptures

Et les mauvaises nouvelles n’en finissent pas. Le journaliste Rabah Karèche reste en prison. Enfermé pour s’être conformé à son éthique journalistique: informer. Ils sont près de deux cents citoyens pacifiques à partager le même sort.

Principe universellement admis, l’opinion adverse relève du débat contradictoire, l’échange argumenté et non point du judiciaire.

En ce sens, il n’est guère redondant d’asséner que les pulsions cycliques et les provocations stigmatisantes de la Kabylie, rétive à la soumission, terre de paix, berceau de la Libération, bastion des émancipations républicaines, rappellent bien de malheureux chaos. Sanglants. Soulèvement de 1963, Avril 1980, Octobre 1988, assassinat de Matoub Lounès, Printemps Noir 2001. Et l’opération «zéro kabyle ».

Il est de ces normes intemporelles suivant lesquelles le musellement du droit allonge le tunnel de la régression. Et de l’opacité.

Par delà les drames, le sort de la Kabylie renseigne sur la situation des droits de l’Homme, dans le sous-continent africain. De nouveau, force est de relever que c’est sur la cité du Djurdjura que repose l’Espoir algérien.

Dans le sillage du soulèvement de février 2019, le peuple exige, inlassablement, la rupture systémique. Refondation nationale qui s’attellera à réformer l’État, l’autorité, le pouvoir…Par la confiance, assortie de l’onction populaire.

Dans le même temps, l’étouffement caractérisé des contre-pouvoirs ne peut venir à bout d’une ardente exigence: le renouveau.

Démocratie pacifique

«L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le Monde ». Nelson Mandela.

En dépit de difficultés sans nombre, l’élan populaire n’est en rien anesthésié. Mouvement souverain d’un combat lointain, aspiration à la liberté adossée à une conquête inachevée: un passé douloureux. La révolte de 1871, la crise anti- berbère de 1949, Novembre – La Soummam 1956, les deux Printemps berbères, … nourrissent la génération de Février par la lutte pacifique. Le devoir de mémoire. Et, en filigrane, le sursaut participatif pour les droits humains.

La dimension nationale est assumée, surpassant identités et particularismes régionaux. La nouvelle tragédie de la Kabylie, source de la Révolution citoyenne, rappelle l’immensité du projet fraternel. Ancrée dans la mémoire démocratique depuis l’ENA, propulsée par Imache Amar, la quintessence de la révolte populaire s’approprie, en somme, les standards de la démocratie universelle : effectivité des droits de l’homme, laïcité, Etat de droit, égalité homme- femme…

Pour tout dire, quand la Kabylie est agressée, l’Afrique du Nord régresse. L’ambition de l’union de Tamazgha suppose d’assumer une Histoire, partie scintillante de l’édifice universel (Saint-Augustin, Apulée, …Idir…). Qui a toujours été aux confluences d’humanités pétries par des usages multiculturelles et multiconfessionnelles.

En dernière analyse, l’enfer des feux ressuscite une longue impatience. Comment investir cette épopée pour donner une meilleure visibilité au souffle nouveau? Le citoyen a délivré du sens. Une page riche de lucidité, de courage et de l’affranchissement: l’Etat se construit par le bas. Quoi de plus vital pour l’Homme, en vertu des normes internationales, que d’aspirer à une collectivité arrachée à l’anéantissement? Elévation aux antipodes de la vision rétrograde dans laquelle la cité, ombre encerclée, se trouve encore prisonnière.

Sacrifices infinies

 » La Kabylie, …est l’héritière privilégiée de gestes millénaires, de signes obstinés, de transhumances orientées vers la recherche de l’équilibre et de la vie.  » Tahar Djaout.

L’éclosion républicaine, perspective qui permet à la contrée de Abane, Ben M’hidi, de se projeter dans la modernité, exige disponibilité du citoyen et effectivité des attributs de la démocratie. Opinion publique, presse libre, élargissement des capacités critiques, initiatives de réflexion populaire, désidiologisation de l’école, l’engagement de l’élite. Et, immanquablement, décliner la matrice soummamienne.

La Kabylie, le pays, pleurent ses morts, mais viendra le temps du relèvement. La contrée de Mammeri renaitra plus belle encore et rebelle. Poumon démocratique de l’Afrique du Nord, elle est vitalité et beauté. La tâche, à présent, est d’un tel ordre, d’une telle grandeur pour réfléchir, posément, aux formules devant conduire à bon port la plus haute aspiration: «un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, »(DUDH).

Enquêter sur l’enfer de trop de la Kabylie : situer les causes des décombres. Déconstruire tous les archaïsmes. Multiplier l’amplitude de l’élan citoyen, en greffant les intelligences aux énergies. Ressusciter le débat libre et argumenté. Donner du contenu à la pleine citoyenneté –Tolérance, libertés-, épine dorsale de l’édifice républicain. Où l’État se confond avec la souveraineté populaire. Pour achever de désenchanter un peuple résolu à regarder les Etoiles. Pour éviter de nouveaux désastres au pays. Où la Mémoire est assiégée.

Me Kebir, avocat.

Contact : ktransition57@gmail.com

Auteur
Me Kebir, avocat

 




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