Il y a des chanteurs qui forcent l’admiration et qui impressionnent par leur modestie, leur humilité et leur discrétion. Kamel Mezani appartient à cette génération de chanteurs talentueux qui créent et composent sans chercher comme tant d’autres une quelconque gloire.
Kamel Mezani est originaire de Tibecharine dans la commune Mizrana, village situé entre Tigzirt et les Aït Ouaguenoun, cette célèbre confédération qui regroupe les tribus kabyles du versant nord du Sébaou, délimitée au Nord par la mer Méditerranée, au nord-est par la confédération des Iflissen lebhar à l’est par celles des Aït Djennad et au sud-ouest par les Amraouas et l’Oued Sebaou.
Mais Kamel Mezani a grandi à El Maâchra dans le village de ses grands-parents maternels, dans la commune de Makouda dans l’Aarch Attouche, situé dans la wilaya de Tizi Ouzou, à mi-chemin entre Tizi-Ouzou et Tigzirt.
El Maâchra est également le village de Rabah Djaouti, connu sous le nom de Rabah Boudjaoud, un autre grand artiste talentueux reconnu dans la chanson, la comédie et le théâtre parti hélas trop tôt. Rabah Boudjaoud avait une forme d’humour bien particulière qui décrivait si bien la société et l’esprit kabyle.
Kamel Mezani a côtoyé de grands noms de la chanson kabyle, Hamidouche, Rahim, Matoub Lounès paix à leur âme, qu’il interprète brillamment. « Leur absence laisse un énorme vide artistique », me confie-t-il.
Kamel Mezani fût très proche de Rahim et de Hamidouche avec lesquelsvil a partagé l’amitié et l’amour de l’art, il n’oublie d’ailleurs jamais de leur rendre hommage dans ses concerts en interprétant leurs chansons.
Chanteur-auteur-compositeur animé par la passion et le souci de bien faire, il excelle dans l’art de la composition et du chant, il a un grand sens du rythme, si ses chansons invitent à la danse, elles invitent aussi à la réflexion par un verbe tranchant élevé et recherché interpelant le cœur et l’esprit dans une langue kabyle magnifiée dans un élan poétique et musical envoûtant.
Kamel Mezani n’est pas seulement un artiste de talent, il est aussi un homme d’une générosité rare, il connaît et vit dans l’harmonie des valeurs kabyles.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un chanteur talentueux, vous avez le sens du rythme, vous excellez dans la composition, vous émerveillez votre public, depuis maintenant de longues années, qui est Kamel Mezani ?
Kamel Mezani : Je vous remercie, mais en réalité je ne suis qu’un poète, qui chante et compose depuis de longues années pour en premier lieu écarter l’ennui, l’exil et la solitude, aller au-delà des mots, pour saisir des sens et des couleurs que seuls la poésie, la musique et le chant permettent une approche pour espérer appréhender l’insaisissable pour ciseler à travers le chant un chemin vers un jardin de floraison d’équilibres et d’harmonies, vers un idéal commun, l’espoir.
J’essaie d’apporter un renouveau dans le regard, pour accepter le soi afin de s’améliorer pour un avenir prometteur où cesseront les injustices, c’est un cri qui résonne dans mes chansons.
J’ai sorti ma première cassette en 1996 à Paris dans le 18ème arrondissement chez Diane Music (Denise Laborie), une cassette sortie est aussi en Algérie, l’accueil du public fut chaleureux, puis ce fut un long silence jusqu’à l’enregistrement d’autres albums, 2002, 2006, 2010 et 2016.
J’ai travaillé avec beaucoup de chanteurs kabyles qui sont aussi mes amis, dont Rahim paix à son âme, Ali Ferhati, Moh Oubelaid, Ahmed Amzal et d’autres.
Et je continue depuis, tant bien que mal ce chemin de la chanson rempli d’embûches et d’obstacles.
Le Matin d’Algérie : Racontez-nous vos débuts dans la chanson ?
Kamel Mezani : C’est une longue histoire. En fait mon grand frère Slimane chantait depuis les années soixante-dix, lui-même a commencé très jeune la chanson, il n’a pas enregistré mais il animait des fêtes, il a tout de même composé quelques chansons qu’il chantait avec des jeunes du village. Il chantait avec des jeunes de l’époque, de sa génération, comme Amrous Ahmed qui a aussi beaucoup chanté. Il y a aussi Youcef Hadid, Yidir Saadoune, Moh Ourezki Saadoune, qui chantaient et animaient des fêtes.
Je me souviens de la venue de Belkhir Mohand-Akli paix à son âme, au village, il a invité sur scène Moh Ourezki Saadoune qui avait d’ailleurs le look de Louis Aït-Menguellet avec les moustaches. J’étais donc dans un environnement propice à la création artistique, la passion pour la musique et le chant était né.
Le Matin d’Algérie : Il y a eu l’immense artiste Ahcène Mezani paix à son âme, est-ce que le fait de s’appeler Kamel Mezani vous a aidé ?
Kamel Mezani : Oui certainement, c’est ce qu’on me dit souvent et c’est ce que je crois aussi. C’est évidemment un honneur de porter le même nom de famille. Ahcène Mezani a laissé une empreinte éternelle dans la chanson kabyle, il nous a laissées des chansons de toute beauté. J’essaie à mon tour d’être à la hauteur en privilégiant la qualité sur la quantité.
Quand j’ai commencé à enregistrer, le chanteur Moh Bouchiba m’a conseillé de m’appeler Kamel Rawes en hommage au chanteur Arezki Rawes de son vrai nom Arezki Chabli originaire de Agouni Hemiche (Tala Bouzrou)
Arezki Rawes décède à l’âge de 25 ans le 29 octobre 1987, avec trois de ses amis dans un accident de voiture, à la sortie de Tizi Ouzou, a laissé trois cassettes.
Selon Moh Bouchiba, le nom de « Kamel Rawes » m’aurait permis de mieux me faire connaître, je raconte le conseil de Moh Bouchiba juste pour l’anecdote, car le rapprochement avec le chanteur Ahcène Mezani était déjà un honneur, j’ai alors décidé d’être juste moi-même.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes très connu, pourtant on vous voit très peu sur les grandes scènes, pourquoi à votre avis ?
Kamel Mezani : Il me semble malheureusement qu’il n’y a qu’un seul cercle apparent, ce sont toujours les mêmes qui tournent mais cela incombe aux organisateurs de spectacles qui n’essaient pas d’élargir leur vision afin de donner la chance à d’autres.
On a ainsi même habitué le public à n’écouter qu’un seul son. Il y a aussi une certaine forme d’égoïsme, on se connait tous, mais celui qui a accès à une scène, il veut la garder pour lui, comme une chasse-gardée. Cette façon de faire appauvrit notre culture et n’agrandit pas ceux qui se comportent ainsi. L’histoire se souvient de tout.
Le Matin d’Algérie : Quel est votre regard sur la chanson kabyle d’aujourd’hui ?
Kamel Mezani : Il y a beaucoup d’espoir. Il y a une jeunesse rayonnante qui excelle dans le chant ou la musique, il y a de belles voix. Il y a juste un manque de créations, la chanson kabyle manque de création.
Il faudrait travailler les voix et arrêter avec les « effets robotiques », cela dénature la musique et la création artistique. On ne peut pas éternellement tricher. La chanson demande des efforts, dans la musique, dans la voix et le texte, nous avons des bons musiciens, de bons compositeurs, de bons paroliers et poètes ; tous les ingrédients sont là pour insuffler de belles créations.
Nous souffrons aussi d’un manque de fraternité, maintenant chacun tire la couverture à lui, chacun veut devenir une star.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?
Kamel Mezani : Les projets foisonnent, je prépare actuellement un CD de dix nouvelles chansons, cela fait un moment que je travaille dessus, j’espère avoir la force cet été pour mener à bout ce projet enregistré chez Irath Music en Algérie.
C’est un projet de longue haleine car j’aime beaucoup l’acoustique et il faut pour cela réunir les meilleurs musiciens, je suis optimiste quant à la qualité de ce CD une pléthore de jeunes musiciens et arrangeurs de talents qui sont capables et aptes à comprendre et à saisir la moindre nuance pour en augmenter les couleurs et la portée émotionnelle. Je tiens à préciser que ces chansons sortiront sous forme de clips, car il faut savoir s’adapter aux exigences de l’époque et ses moyens modernes pour répondre aux différentes plateformes de diffusions.
Les thèmes abordés sont variés, il y a évidemment l’amour, la société avec sa vision politique et humaine et la joie sans qui tout paraîtrait fade et amer.
Il y a aussi une chanson sur la JSK, cette équipe quasi légendaire et mythique qui symbolise l’union autour du combat identitaire berbère, d’où jaillissent des bonheurs, des pleurs et des espoirs.
J’ai également plusieurs dates de concerts cet été, des fêtes, des rencontres en Algérie comme chaque année.
Pour la suite, d’autres projets attendent pour se concrétiser car je continue à créer et à composer.
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?
Kamel Mezani : Merci pour m’avoir donné l’occasion de m’exprimer, mon souhait le plus profond, qui me tient le plus à cœur et celui de la fraternité entre nous. Ce dresse un triste constat de la réalité actuelle, un individualisme grandissant semble séduire la plupart, chacun tire les choses vers soi, le froid de l’hiver envahit les cœurs et les esprits. J’espère que les prisonniers d’opinion retrouveront la liberté pour retrouver leurs familles et leurs proches pour que revienne la vie avec ses espoirs retrouvés. Il est temps que prennent fin les injustices pour que la joie retrouve sa place dans chaque cœur.
Entretien réalisé par Brahim Saci
Je ne suis pas d’accord avec ce chanteur que d’ailleurs je ne connais pas. La chanson Kabyle soufre de beaucoup mais le
manque de creation n’est que le resulat d’ une politique culturelle absurde en Algerie : en premier, la chanson Kabyle souffre car persecute de toute part ; Pas de salles ou se produire, pas de tele Kabyle, pas de radios Kabyles independantes, pas d’ecole de musique, pas de cours de musique avec instruments dans les ecoles primaires comme cela se fait en Occident, pour ne citer que ces raisons. Secondo, la chanson Kabyle souffre du manque de musiciens de qualite : Ceux qui existent jouent mediocrement de la guitare ; sopuvent utilisant deux cordes comme Ait Menguelet et osent se presenter sur scene avec leur guitare. Mais ils ont un truc savamment employe : la fameuse derbouka qui brouille tout. Imaginer notre chanteur Allaoua qui passe sur scene au zenith avec 10 musiciens et vous n’entender que la derbouka comme fond musical. Mais celui la utilise de la musique enrtegister en studio pour passer sur scene, c’est une autre histoire.
Enfin, les ingenieurs du son sont inexistants en Kabylie ! Les prises de sons sur scene sont d’une mediocrite incroyable.
Il ya quelques studios a Tizi qui commenecnet a faire du bon enregistrement et ils sont a encourager si ils arrivent a survivre face a la pression que subit tamazight en Algerie.