« Mac Arthur a beau exterminer les enfants de Corée et « Dernière Heure » battre le rappel contre le « péril jaune » : le sol de l’Asie se fait de plus en plus mouvant sous les bottes des corps expéditionnaires étrangers.
Perdant pied en Asie, les impérialistes sont maintenant fascinés par les richesses stratégiques et les « réserves humaines » du continent africain, et particulièrement de l’Afrique du Nord.
Le plan Schuman s’est chargé de drainer les richesses de nos pays vers les arsenaux d’Europe occidentale, en échange d’une armée de chômeurs que des généraux nazis sont en train d’enrôler en Allemagne occidentale pour mettre sur pied une industrie de guerre nord-africaine.
Kateb Yacine et M’hamed Issiakhem : digressions sur deux livres
Les travaux ont commencé il y a plusieurs mois à Tripoli, par l’aménagement d’une base pour bombardiers atomiques à destination des centres orientaux de l’Union Soviétique.
Le voyage de M. Attlee à Washington, au commencement de la retraite de Mac Arthur en Corée, a abouti à une décision : les anglo-américains vont édifier un chapelet de bases semblables au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Le journal anglais « People » déclare crûment que cette décision vise à « encercler l’URSS ».
Après cela, le doute n’est plus permis. L’Afrique du Nord est promue au sot de Hiroshima, pour que les bombardiers basés dans notre pays lâchent ou soient contraints d’y lâcher leurs effroyables engins.
Il convient ici de se remémorer les retentissantes informations relatives à cette fameuse « bombe atomique de poche » dont les américains sont décidés à arroser les « pays arriérés » pour briser leur lutte libératrice.
On a beaucoup parlé du « lâcher tactique » de ces bombes et les Algériens ne peuvent être dupes de ce terme qui signifie ne fait : répression massive de mouvements nationaux africains.
Il n’est que de songer aux massacres de civils coréens pour être fixé !
Enfin, et comme par hasard, on a appris dimanche que de mystérieuses expériences atomiques sont en cours aux Etats-Unis, tandis que se déchainent à New-York les mugissements des sirènes.
Devant de tels préparatifs, il n’est que temps de rappeler que l’explosion (même par accident) d’une bombe atomique sur Alger ferait, dès les premières minutes, 120.000 morts !
Qu’en pensent les candidats du réarmement allemand et de l’Eurafrik américaine ? »
Kateb Yacine,
Alger-Républicain, chronique Le fait du jour, du 31 janvier 1951.