Lundi 23 septembre 2019
La Bataille d’Alger
Le mouvement de dissidence populaire a montré sa puissance à Alger. Crédit photo : Zinedine Zebar.
Alger, le point focal par lequel aucune dissidence ne doit s’infiltrer. C’est ainsi que Gaïd Salah, dans un bêlement entêté, s’est résigné à mater la rébellion en décrétant Alger ville fermée, Alger ville encerclée, Alger ville introuvable sur la carte du pays.
Il nous livre, depuis des mois, sa bataille d’Alger, dont son héros, Ali Benflis, se voit déjà décerner, de son vivant, la médaille du mérite d’être le seul qu’on ne voit plus à Alger. Le héros se planque dans sa piaule d’Alger, une de ces forteresses qui témoigne de l’opulence des années passées à servir le régime, Sa Majesté Bouteflika et sa suite dorée. Le temps presse, le 12 décembre est à nos portes et le souvenir du Général Massu, déployant ses parachutistes pour extirper Ali La Pointe et ses comparses des panses d’Alger, inspire à Gaïd Salah un ultime tressaillement : éviter que l’histoire et ses hommes ne fassent un glissement géographique vers Alger.
Alors Gaïd Salah ferme Alger, sort ses hommes, ses blindées et sa longue liste des opposants à cloîtrer pour faire émerger son Ali, celui qui trônera sur l’Iceberg qui cache les fortunes amassées par les copains d’abord, les complots fomentés par les concubins d’alors et les assassinats orchestrés par la pègre qui, jusqu’alors, gouverne encore.
Bientôt la loi martiale pour pacifier Alger de ces millions de voix qui ne se lassent de scander « liberté et démocratie » sur tous les toits, dans toutes les rues qui portent les noms d’illustres combattants pour l’indépendance du pays. Boumediene interdisait aux Kabyles de parler leur langue, Gaïd Salah leur ferme les routes pour qu’ils ne marchent plus sur les pas de ceux qui l’ont libéré. Mais ce que Gaïd Salah feint d’effacer de la mémoire collective du pays c’est que, la Kabylie, c’est l’Algérie, et l’Algérie est Kabyle.
Je ne sais plus qui avait dit que la carte n’était pas le territoire, mais ce dont je suis foncièrement convaincu, c’est qu’il faudra à Gaïd Salah plus qu’une boussole pour comprendre qu’aucune frontière ne subsistera sur les territoires de la résistance.
Qu’il ne s’étonne pas de voir la jeunesse submerger Alger par tous les interstices qui ne figurent ni sur une carte, ne portent le nom d’aucune rue et ne s’arrêtent à aucun barrage filtrant.
Les voies de la résistance lui resteront inintelligibles, impénétrables. Même Benflis ne sait plus quel chemin mène vers Alger la rebelle, maintenant qu’il regarde El-Mouradia avec l’œil du faucon qui se hâte à se faire la belle, la promise, l’Algérie qu’on cède comme un vulgaire butin de guerre. Leur sale guerre.
Ce que Gaïd Salah feint d’ignorer, dans sa solitude du grand âge, cloîtré dans sa forteresse dorée, c’est que la bataille d’Alger, une des plus sanglantes dans l’histoire de la libération du pays, a fini par proclamer l’indépendance du pays, celle qu’on n’a pas encore vu, mais qui ne saura tarder, tant que nos vies valent plus que vos macabres élections à faire valser tout le régime que vous tentez de sauver.