25 avril 2024
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La brève Storia de Stora, l’enfumeur

Stora Macron
Benjamin Stora et Emmanuel Macron. Crédit : présidence française.

Outil indispensable à la protection des apiculteurs, l’enfumoir leur assure le temps de tranquillité ou de sécurité nécessaire à l’exploration de la ruche, à son déplacement ou à des manipulations diverses, les abeilles s’étant préalablement, par instinct de survie et face à la menace ressentie, gavées de miel puis recroquevillées autour de la Reine de manière à l’exfiltrer des éventuelles flammes ou du feu supposé prééminent.

Tout en déclenchant le stress des Apoïdes, la fumée opaque et froide a aussi pour incidence paradoxale de les calmer puisque leur réseau interne et groupé de communication s’en trouve brouillé, d’où la désolidarisation entre les membres d’une colonie beaucoup moins agressive. C’était précisément l’objectif du travail d’apaisement des mémoires qu’a mis, sous couvert de recommandations élyséennes, en scène et en branle Benjamin Stora.

Remis au président Emmanuel Macron mercredi 20 janvier 2021, son rapport Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie n’a pas provoqué le soufflet escompté, factotums et gradés du Haut commandement militaire algérien le ramenant à une affaire franco-française, soit au ras des pâquerettes.

Hormis la commémoration du 17 octobre 1961 (date marquant la répression d’une manifestation d’émigrés algériens suivie de l’exaction de plus d’une centaine d’entre eux), l’acceptation d’une stèle érigée à l’effigie de l’émir Abdelkader, le souhait de récupérer son épée, le Canon Baba Merzoug (actuellement exposé à l’arsenal de Brest, en Bretagne) ou les restes humains de combattants algériens encore conservés au Muséum national d’histoire naturelle, la reconnaissance par la France de l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel ainsi que des retombées négatives inhérentes aux essais nucléaires, aucune autre des 22 propositions émises du côté du pied-noir ne trouvera grâce aux yeux des ordonnateurs algériens.

İnstigateurs d’une véritable OPA sur le « Hirak » (vaste mouvement protestataire de réhabilitation démocratique débuté en février 2019 et depuis fortement réprimé), par extension logique sur la relecture historique voulue chez des manifestants rétifs à la concentration décisionnelle d’une armée des frontières imposant à l’automne 1962 le système de parti unique (lequel sabordera les perspectives cosmopolites et modernistes de Gouvernement provisoire de la république algérienne), ils exècrent l’idée même de commission « Mémoire et Vérité » (en charge des révisions communes) que préconisera également l’historien français.

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Elle ne verra sans doute jamais le jour (sinon sous une forme biaisée), la question de la mémoire, intimement couplée à l’écriture de l’histoire, restant un filon à préserver et thésauriser au titre de maintien au pouvoir de la Famille révolutionnaire, cordon ombilical de la hiérarchique gérontocratie militaire. La gestion capitalistique de sa rente mnésique est relativement proportionnelle à l’épouvantail stratégique qu’emblématise la France, ex-contrée colonisatrice faisant donc office de repoussoir lorsqu’il s’agit de trouver, de façon tactique, les pseudo-rouages de la main étrangère.

Observateur assidu, l’ex-ambassadeur Xavier Driencourt certifiera que le « Hirak algérien, c’est fini », notamment parce que « l’opacité, le nationalisme sourcilleux, la place prépondérante de l’armée, un certain affairisme, et un discours anti-français légitimant le régime» sont les ingrédients moteur de l’État profond via lequel « l’héritage français, à la fois culturel et économique se réduit et continuera à se réduire car l’Algérie veut l’effacer ».

Aussi, que pèsera, à ce stade épuratoire, l’inexpérimentée ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak annoncée partie intégrante de la délégation française attendue le 25 août à Alger ? Sans doute peu, tant elle ne possède pas un droit de regard sur les chapitres réservés de l’entente cordiale, tant le conseiller-télégraphiste Benjamin Stora oriente ses initiatives, notamment depuis l’envie répétée d’organiser un office franco-algérien de la jeunesse en mesure de promouvoir les œuvres de créateurs émergents travaillant sur la rive sud de la Méditerranée.

C’est d’ailleurs une « visite tournée vers la jeunesse, l’avenir, les start-up, l’innovation et les secteurs nouveaux » que plébiscite maintenant un Emmanuel Macron disposé à «refonder durablement une relation abîmée par des mois de brouille mémorielle entre les deux pays».

Prévoyant un échange durable, à Alger puis Oran, avec les entrepreneurs en herbe, le premier locataire de l’Élysée écoute ses visiteurs privilégiés, en l’occurrence les storias de Stora à l’origine du programme de résidence initié (à la suite de la sortie de son rapport de 2021 et dans le cadre des préconisations visant au soulagement des mémoires) à destination et en faveur de plasticiens, musiciens et écrivains algériens.

İnvités quatre mois durant à la Cité des arts de Paris ou à la Friche Belle de Mai de Marseille, les heureux lauréats (Nazim Bakour, Mouna Bennamani, Ahmed Merzagui et Boubakr Maâtalla) ont bénéficié (en collaboration avec l’AMİ, Triangle-Astérides, centre d’art contemporain et Fraeme, Fondation Camargo à Cassis) d’hébergements, d’un accompagnement financé et d’une aide à la production.

Promoteur de ce type de concorde, l’auteur de Une mémoire algérienne (Robert Laffont, Paris. 2020) et France-Algérie, les passions douloureuses (Albin Michel, Paris 2021) évite néanmoins toujours de parler des 300 prisonniers d’opinion lorsqu’il est convié par une chaîne de télévision ou une radio.

Aujourd’hui accessible sur la toile (İnternet) son document commandé en 2020 n’aura pas servi de sursaut intellectuel, bien au contraire. İl a renforcé le système militaro-industriel en place, à fortiori son pouvoir prédateur et immobilisme ambiant, ses stratégies dilatoires et glissements sémantiques sur le « Vrai/Faux Hirak », son clientélisme mémoriel et son instrumentalisation de l’Histoire. Plutôt que d’adoucir les réactions coercitives des représentants du pouvoir réel, l’enfumoir de Stora les aura mis sur la défensive et depuis les coups-bas pleuvent sur la tête des récalcitrants à la pause moutonnière, cela au rythme de la recrudescence des mythologisations des Héros ou Martyrs.

Saâdi-Leray Farid. Sociologue de l’art et de la culture

6 Commentaires

  1. Le travail de benjamin stora sur l’Algérie n’est qu’une fumisterie! il prend bien soin de choisir ses mots pour traiter le sujet de la colonisation française en Algérie! les actes criminels contre la population civile algérienne sont juridiquement un génocide, et ils sont irréfutables car ouvertement proclamés par leurs auteurs et cyniquement justifiés par des intellectuels français de l’époque ( notament alexis de toqueville), la vraie question c’est « pourquoi les historiens restent muets? »

  2. Le travail de benjamin stora sur l’Algérie n’est qu’une fumisterie! il prend bien soin de choisir ses mots pour traiter le sujet de la colonisation française en Algérie! les actes criminels contre la population civile algérienne sont juridiquement un génocide, et ils sont irréfutables car ouvertement proclamés par leurs auteurs et cyniquement justifiés par des intellectuels français de l’époque ( notament alexis de toqueville), la vraie question c’est « pourquoi les historiens algériens restent muets? »

  3. « Tant que les lapins n’auront pas leurs propres historiens, leur Histoire sera racontée par les chasseurs! » (Howard Zinn, historien étatsunien).

  4. Momo,

    Dans le cas de notre pays et si beau pays son l’histoire est racontée par d’autres est pour les autres avec une langue autre…

    Demander, à Tebboune, Makri et compagnie, c’est quoi l’Algérie?

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