24 novembre 2024
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La « Bunga » ou la mort par le cinquième mandat

Vingt années de Bouteflika dont six muettes

La « Bunga » ou la mort par le cinquième mandat

De mémoire d’homme, de strate, papier ou pierre, jamais une contrée n’aura été si longuement conduite dans le silence par un dirigeant absent. Jamais une nation, un royaume ou même une tribu, dans l’histoire du monde depuis ses débuts, depuis que dieu existe et qu’il envoie ses commandements aux hommes, n’aura été gouverné aussi longtemps par un spectre.

Dans toutes les cultures, toutes les sociétés, le vieux Roi, pharaon, empereur, ou chef de village, assis en salle d’attente pour le paradis ou l’enfer, sans rêve ni illusion, finit par obéir si ce n’est aux lois des hommes, du moins, à celles immuables de la nature, qui veulent que chaque chose ait un début et une fin.

Mais en Algérie, pays des miracles insensés, on fait de la résistance, défiant les lois des dieux et de la physique : nous avons encore une fois « épaté » le monde par un « inégalable génie », marquant tristement l’Histoire à jamais.

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Le pays invente, la non-gouvernance, la gouvernance par l’absence ou par procuration et démontre qu’un État «moderne», du moins dans sa conception peut, par la force d’El Qodra (la grâce divine) et de la surabondance du pétrole, marcher sans tête et sans Cap pendant au moins un quinquennat, avec un peuple de spectateurs blasés et face à une communauté internationale ahurie.

Est-ce parce qu’on ne le répète pas assez, que ce mode anormal de gouvernance semble ne plus choquer ou est-ce, au contraire, parce qu’on ne cesse de le répéter que cela semble devenir la norme ? Comme lorsque, par la force des coups répétés, l’on ne ressent plus la douleur.

En Algérie, le président n’a pas parlé depuis six ans. Soit, plus de 72 mois ou 2200 longues journées ! Son dernier discours remonte au 8 mai 2012. Discours dans lequel il prononça à Sétif ses fameuses expressions d’au-revoir et merci, des « Djili tab djnanou », « Aach Men 3raf 9adrou », ou « Erregssat Bezzaf werrass werrejline magueddouha » (les danses sont nombreuses, mais ni la tête ni les jambes ne peuvent exécuter), qui furent à l’époque, interprétées comme un adieu solennel, d’autant plus que l’homme, déjà très fatigué, insistait, dans une scène de tristesse sur-jouée, auprès des jeunes, pour qu’ils se préparent à reprendre le flambeau !

L’AVC dont il fut victime le 27 avril 2013 venait consolider la conviction de tous que les jours de Bouteflika étaient comptés à la tête de l’État, (d’autant plus que sa santé s’était sensiblement dégradée), ne rentrant au pays que sur une chaise roulante, à moitié paralysé et presque muet, après une hospitalisation à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, en France, qui aura duré 80 jours.

C’était méconnaître la bête, qui malgré cela, brigue un nouveau mandat en 2014 faisant une brève apparition lors du dépôt de son dossier de candidature au Conseil constitutionnel, comme pour démontrer sa détermination à poursuivre, de son propre chef, son « œuvre », malgré Sétif, les jérémiades d’adieu, les jambes et la tête qui ne peuvent plus danser.

Celui qui semblait raccrocher définitivement les crampons lors de son discours de jubilaire de 2012, a en réalité pris à contre-pied observateurs et population, pour filer en catimini vers les bois vides d’un nouveau mandat, face à une société civile, désorganisée et prise de court, comme une piteuse équipe drivée par Rabah Madjer. Même au seuil de la mort, Bouteflika reste fidèle à ce qu’il est, cultivant la feinte et la ruse, et passant toujours là où personne ne l’attend, sans trop forcer son talent diabolique de dribbleur attitré. Fin tacticien, il ruse comme un renard et pique comme un moustique: Bouteflika est le maître de la diversion.

Résultat: Bouteflika 4 mandats – société civile 0.

Alors bien sûr, l’homme n’est plus ce qu’il était, et même si la virtuosité du danseur l’a quitté et que l’agilité du moustique a pris des rides, sa mégalomanie et son désir de mourir sur le trône sont aussi intacts que lorsqu’il eut l’âge de comprendre que ce que Dieu ou la biologie n’ont donné, l’homme peut le prendre et que pour garder d’une main les acquis, il faut distraire de l’autre.

L’histoire des Algériens captifs de Bouteflika ressemble à celle de ces deux amis, qui, otages d’une tribu primitive, n’avaient le choix qu’entre la « Bunga » ou la mort. C’est alors que l’un des deux, pour éviter la mort, choisira la « Bunga » sans trop savoir ce à quoi il devait s’attendre. Il fut violé ! Son ami, par fierté choisira la mort, préférant mourir que perdre son honneur. C’est ainsi que le chef de la tribu prononça la sentence : « La mort par la Bunga ! »

Il en va de même pour nous, prisonniers d’un pouvoir primitif et mafieux, qui nous condamne, plus que jamais, parce qu’on a refusé la « Bunga » du quatrième mandat, à la mort par un cinquième !

 

Auteur
Hebib Khalil

 




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