19 avril 2024
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La constituante (I)

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La constituante (I)

1. Par la pédagogie

Il y a trente ans, nous l’avions proposée et elle fut reçue par une indifférence générale. Aujourd’hui, « Constituante » et «deuxième république » sont des slogans qui reviennent avec force. Alors, il faut reprendre le bâton de pèlerin (nous tous) et expliquer de nouveau ce qu’est une constituante, ses forces et, surtout, ce qu’elle n’est pas.

Une première approche sémantique

En fait, la véritable expression serait « l’Assemblée nationale constituante » car sa principale caractéristique, nous y reviendrons, est d’être une assemblée élue ou portée par le peuple après une mise à bas d’un système politique en place et de ses institutions.

C’est l’exemple révolutionnaire français qui est à l’origine de l’idée et donc de l’expression car, rappelons-le, si l’empire britannique a créé le parlementarisme et réussi son passage vers des institutions démocratiques, il n’avait pas connu le même fracas révolutionnaire de 1789. La France est allée jusqu’au point inconcevable à l’époque, couper la tête au roi.

Des représentants zélés du tiers-Etat (partie représentative du peuple, les deux autres représentaient la noblesse et le clergé) se sont réunis le 20 juin 1789 pour le célèbre «Serment du Jeu de paume » (du nom d’une salle de Versailles) pour s’autoproclamer « Assemblée nationale ». Il firent le serment de ne pas se désunir jusqu’à la proclamation d’une constitution, raison pour laquelle on rajoute habituellement le mot « constituante » aux deux autres.

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Un accord constitutionnel que toutes les démocraties dans le monde ont ensuite repris par la duplication de sa base fondamentale, soit la déclaration universelle des droits de l’Homme.

Tous les peuples révolutionnaires qui se sont soulevés dans les siècles suivants ont eu donc pour référence cet épisode historique. Nous avions choisi, il y a trente ans, son appellation contractée « la constituante » car c’est elle qui est souvent d’usage dans les slogans révolutionnaires des peuples. C’est une manière de s’assurer une forme d’appropriation et d’adhésion, comme si elle nous était déjà intime car un substantif précédé d’un article défini, c’est parfois le personnifier.

La constituante n’est donc pas seulement le texte de la constitution mais le processus qui mène vers sa rédaction et son installation. Cette confusion est une erreur très fréquente que j’ai souvent entendu de la bouche des Algériens.

En résumé, la Constituante est une assemblée représentative du peuple ayant pour mission de rédiger le texte constitutionnel, c’est-à-dire la norme juridique suprême d’une nation qui veut bouleverser (ou qui a déjà bouleversé) les institutions passées.

Ainsi, lorsqu’on nomme les régimes institutionnels nés dans un processus de refonte radicale, après une constituante, il est d’usage d’attribuer un numéro à la nouvelle république, raison pour laquelle nous en serions à la « deuxième république ». À moins que les manifestants dans les rues algériennes fassent référence à une renaissance du projet républicain rêvé par les révolutionnaires algériens en 1962. En quelque sorte une première république qui fut rapidement étouffée par le très long règne d’une dictature militaire. Ceux qui scandent le slogan « deuxième république » me rectifieront d’eux-mêmes.

Une constitution n’est donc pas un processus classique de modification de la constitution mais un véritable nouveau départ, forcément bâti sur les ruines de l’ancien régime. C’est bien la grande réserve que j’aurais à formuler sur la situation présente en Algérie.

Une représentation nationale

Et voilà la première difficulté qui s’annonce, elle n’est pas la plus petite. Lorsque nous avions décidé de proposer la constituante, nous n’avions pas fait le constat d’une révolution créée par les manifestations de rue d’octobre 1988. La rue n’avait pas engendré une révolution, comme aujourd’hui, pas plus (en l’état des choses, à ce jour).

Ainsi, nous n’avions pas le choix et avions misé sur l’ouverture constitutionnelle qui mettait fin au monopole du FLN. Cependant, à cette époque il existait des forces démocratiques, même minoritaires, qui pouvaient être la base de la représentation des démocrates dans une assemblée constituante. Nous comptions sur un rapport de force qui nous permettrait d’avancer.

Comment fera la jeunesse actuelle, elle qui ne veut absolument pas composer avec le régime en place ? Elle a raison mais se pose alors le problème d’une émergence de personnalités vierges de compromissions (y compris par le silence coupable), hommes et femmes.

Puisqu’elle n’a pas été jusqu’à la révolution, terme que l’on emploie lorsque l’ancien régime a disparu, il faut qu’elle emprunte la seule voie possible dans les conditions actuelles. Elle consiste à passer à une seconde étape, sans la destruction immédiate du régime passé, et le contourner, le forcer à mourir. C’est-à-dire en l’étouffant par un refus des urnes et la continuation des manifestations.

Ce passage en force consiste à passer à la phase du débat massif et quotidien. Des forums, partout où il est possible de les organiser, spontanément et sans formalisme excessif. Dans les amphithéâtres, dans les rues, sur les réseaux sociaux, partout où cela pourra se faire.

La rue, à elle seule, ne suffit jamais aux révolutions pérennes. Ce sont « les Lumières » du XVIIIe siècle qui ont mené à la révolution, pas le contraire.  

Le pari est que « la fonction créera l’organe », comme disent les scientifiques. De ces débats surgiront inévitablement les forces humaines capables d’être légitimement portées vers une représentation à l’Assemblée nationale constituante.

Si les débats ne laissent aucun tabou de côté, si la liberté d’expression est large, l’humanité fera son office c’est à dire que des individus s’élèveront pour être naturellement choisis par la masse. C’est ainsi que fonctionne l’histoire, des mécanismes nouveaux ne naissent pas comme les fleurs au printemps, chaque année.

Il y a un risque que ce ne soit pas les bons ? Bien entendu mais alors, laissons l’ancien régime perdurer, nous n’aurons aucune mauvaise surprise. La révolution démocratique, c’est un pari, pas une vérité religieuse révélée. Elle se construit avec des erreurs et avance, inexorablement si on lui donne réellement une chance.

Une base de consensus dans les points fondamentaux

C’est évidemment la phase la plus importante. Mais si vous voulez un consensus intégral, là encore, fondez une nouvelle religion, vous ne l’aurez jamais avec une démocratie car le sens profond de sa définition, c’est la base majoritaire.

Le consensus dans une démocratie veut dire une base majoritaire la plus large possible. Raison pour laquelle il faut se focaliser sur quelques points, très peu nombreux.

Ils auront pour avantage d’être plus communicants car plus mémorisables et ainsi être forts dans leur message. Et surtout, c’est en eux que nous serons assurés d’une acceptation de la base fondamentale élargie. Le reste est affaire d’écriture juridique, ce n’est vraiment pas le plus compliqué même si cela reste un exercice très difficile.

Je participe donc à ces forums avec ma proposition, dans un second volet de cet article. Il appartient à la jeunesse de se lancer dans cet exercice, surtout elle. Nous sommes mal placés pour lui monopoliser la parole.

Nous avions échoué une première fois, c’est donc avec modestie que nous nous exprimons.

S.L. B.

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant de droit

 




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