Samedi 27 juin 2020
La démocratie mort-née ?
Des voix s’élèvent de plus en plus au sein du Hirak qui demandent d’inclure les islamistes dans le mouvement de contestation et de les admettre dans le jeu démocratique.
Cette question n’a jamais été à l’ordre du jour jusqu’à présent, les porte-voix de cette mouvance étant simplement mis hors circuit, chassés des manifestations par la population, au même titre que les ‘opposants’ de la dernière heure, à l’image de Benflis et consorts (Premier ministre au moment du massacre de Tafsut Taberkant en Kabylie).
Le peuple avait déjà compris que tous ceux-ci étaient du même bord et ne représentaient que les deux faces d’une même médaille.
Le terrorisme ayant échoué, les islamistes ont fini par se rallier à la stratégie d’une frange de leur mouvance représentée par Hamas sous la houlette de Nahnah (qui lui-même était passé par la phase terroriste avant d’opter pour l’entrisme). Leur dernier recours est donc l’infiltration et le noyautage pour continuer à servir les mêmes intérêts, les mêmes choix idéologiques, la même vision et le même projet politique et de société qu’ils ont en commun et qu’ils partagent avec le système.
L’alliance objective des tenants du système et de tous ses vassaux avec les arabo-islamistes ne datent pas d’aujourd’hui.
Elle remonte aux origines du Mouvement National, du temps de Messali qui s’était acoquiné, avant de devenir son âme damnée, avec Chakib Arslan, lui-même fervent soutien d’abord du panislamisme et même de l’’ottomanisme’ avant de devenir le cœur et la conscience du baâtho-islamisme ; il fut l’inspirateur de la fin tragique des défenseurs de la démocratie et de l’algérianité dans toutes ses composantes et de la pluralité culturelle au sein du Mouvement National.
Je veux parler de ceux à qui a été accolé l’étiquette de berbéro-matérialistes, étiquette choisie car elle servait les menées dirigées à la fois contre la berbérité de l’Afrique du Nord et les choix idéologiques en faveur des classes souffrant le plus du colonialisme.
Cette alliance s’est poursuivie au lendemain de l’indépendance lorsque des secteurs clés, tels que la culture et l’éducation nationale, c’est-à-dire les institutions par excellence dont la noble mission qui est d’assurer l’avenir de l’Algérie a été détournée pour mener à bien le conditionnement des idées et des esprits, l’asservissement de la jeunesse et donc la spoliation de tout son héritage, sont confiés à des adeptes de l’arabo-islamisme, à travers Taleb Ibrahimi entre autres, qui s’est aujourd’hui découvert une âme d’opposant et se pose en alternative avec son acolyte Hamrouche et bien d’autres.
Ce mariage réussi a donné naissance à une nombreuse progéniture dont le plus « infâme » est le ‘code de la famille’, né du lit conjugal qu’est l’APN, siège des ébats entre baâthistes et islamistes, sans oublier le week-end islamique qui a jeté la jeunesse algérienne dans les bras de ces mêmes islamistes dont la mission et la fonction politique étaient et demeurent de débarrasser l’Algérie de la ‘vermine démocrate’. Les autres rejetons sont bien connus de tous ceux qui les ont subis.
S’étant défroqués de leur discours anti-démocratique, les islamistes se parent maintenant des meilleures intentions, prêtent serment et jurent allégeance à la démocratie, la pluralité, l’égalité entre hommes et femmes et tutti quanti devant un parterre de ‘démocrates’ qui se donnent à ce jeu, peut-être sincèrement mais tout au moins naïvement.
Car ces derniers oublient, pour certains d’entre eux, ou feignent d’oublier, pour les autres, l’attachement viscéral de ces dogmatiques à leurs maîtres à penser et théologiens (lire ou relire Qotb) et à leur doxa, qu’ils placent au dessus de tout autres considérations politiques ou idéologiques, seulement parce que ceux-ci se sont délestés de leurs guenilles d’islamistes au passé lourd, tragique et sanguinaire pour se voir revêtu d’un costume neuf d’’islamo-conservateur’.
Certains, pour mieux les adouber avancent, sottement, qu’idéologiquement ils sont plus proches d’Erdogan, faisant mine d’oublier que ce dernier est loin d’être un parangon de démocratie, ses plus chers et proches alliés l’ont payé de leur vie ou de leur liberté. Inutile de parler de ses adversaires politiques, femmes et hommes.
Peut-on vraiment penser qu’ils vont sacrifier le précepte de ‘dimokratia kofr’, eux qui n’ont même pas pris soin de condamner les massacres qu’ils ont commis à l’ombre de leurs protecteurs, de réprouver les rivières de sang qu’ils ont fait couler – leur chef Abassi Madani avait promis en direct sur un plateau de la télévision d’Etat de noyer le pays dans un bain de sang – et qu’ils vont respecter les règles de la démocratie et de l’alternance au pouvoir, sans tenir compte des expériences malheureuses vécues dans nombre de pays ?
En sus, que proposent-ils d’apporter à une Algérie libre et démocratique ? Je laisse la question ouverte. Certains disent les avoir rencontrés et leur avoir posé la question du respect des règles démocratiques. Mais ils ont omis de nous donner leur réponse.
Fidèles à leur jeu sur l’échiquier politique, ils vont continuer à assurer leur mission historique qui est de combattre l’ennemi qui leur est commun à eux et au système, en clair le camp de la démocratie et de l’Algérie plurielle.
Cette fois-ci, ils seront la dernière carte que les barons du système auront à jouer en s’en servant comme cheval de Troie pour s’y introduire, tuer dans l’œuf l’idéal démocratique en étouffant ce bébé en gestation et l’écraser sans lui laisser aucune chance de survivre ou de revenir à la vie.
Est-ce le sort que les démocrates algériens réservent à leur combat ?
Rabah Saoudi
(citoyen qui rêve d’une Algérie libre, démocratique et plurielle)