27 avril 2024
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« La ferme des animaux » ou comment Orwell raconte aussi l’Algérie

Détenus d'opinion, oppression

Nous aurions aimé avoir dans notre cursus universitaire ce roman magistral du XXe siècle, siècle des dictatures, des idéaux, des illusions et désillusions. Nous aurions aussi aimé l’étudier tellement il répond à notre réalité algérienne.

Notre pays a mis du temps à se réveiller du joug colonial et s’en affranchir. Il fallait un prix considérable pour recouvrer cette liberté confisquée. Nos aïeux ont consenti leurs vies. A l’aube de l’indépendance, la question centrale était le pouvoir. Un joug avait remplacé un autre.

Laissons Orwell parler de nous.

« La Ferme des Animaux », écrit par George Orwell en 1945, se déroule sur une ferme où les animaux se révoltent contre leur propriétaire humain, Mr. Jones, et prennent le contrôle de la ferme. Ils établissent alors une société égalitaire basée sur les principes de la liberté et de la justice.

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Nous pouvons analyser les différents éléments de l’histoire et leur relation avec les concepts de la grammaire tensive qui est notre cadre théorique pour le présent exercice.

  1. Les animaux de la ferme : Dans l’espace tensif, les animaux représentent les actants de l’histoire, ceux qui agissent et interagissent. Chaque animal a son rôle et sa personnalité distincte, ce qui crée une dynamique intéressante dans l’histoire. Par exemple, Napoléon, le cochon, représente le pouvoir et la corruption, tandis que Boule de Neige incarne l’idéalisme et la lutte pour la liberté.
  2. La révolte contre Mr. Jones : La révolte des animaux contre Mr. Jones est un événement clé de l’histoire. Dans l’espace tensif, cela représente un changement de tension, où les animaux passent d’une situation d’oppression à une situation de liberté. Cela met en évidence la lutte pour la justice et l’égalité.
  3. L’établissement d’une société égalitaire : Après avoir pris le contrôle de la ferme, les animaux établissent une société égalitaire où tous les animaux sont censés être égaux. Cependant, au fil de l’histoire, nous voyons comment certains animaux, en particulier les cochons, commencent à abuser de leur pouvoir et à instaurer une hiérarchie injuste. Cela soulève des questions sur la manipulation du pouvoir et les limitations de l’idéalisme.
  4. Les conflits et les tensions internes : Dans l’espace tensif, les conflits et les tensions internes entre les animaux représentent les différentes forces qui s’opposent et créent des frictions au sein de la société. Par exemple, la rivalité entre Napoléon et Boule de Neige conduit à des conflits et à la division de la ferme. Ces tensions internes mettent en évidence les défis de maintenir une société égalitaire et juste.

Dans le roman, les cochons, dirigés par Napoléon, prennent progressivement le contrôle de la ferme et deviennent les nouveaux dominants. Ils utilisent diverses stratégies pour maintenir leur pouvoir et manipuler les autres animaux.

Manipulation de l’idéologie

Les cochons commencent par diffuser une idéologie appelée « Animalisme », qui prône l’égalité entre tous les animaux. Ils se présentent comme les défenseurs de cette idéologie et utilisent leur intelligence pour convaincre les autres animaux de leur supériorité intellectuelle. Ils rééditent ainsi la gestuelle des humains en manipulant les idées et les croyances des animaux, tout comme les anciens dirigeants humains le faisaient.

Utilisation de la violence et de la répression

Pour maintenir leur pouvoir, les cochons n’hésitent pas à utiliser la violence et la répression. Ils créent une milice de chiens, qu’ils ont élevés depuis leur plus jeune âge, pour éliminer toute forme de dissidence parmi les animaux. Cela reflète les méthodes autoritaires utilisées par les anciens dirigeants humains pour maintenir leur contrôle.

Privilèges et corruption

Les cochons commencent également à se donner des privilèges et à se comporter de manière corrompue. Ils s’octroient une plus grande part de la nourriture, se réservent des espaces confortables et se livrent à des excès de pouvoir. Par exemple, Napoléon se fait construire un luxueux logement dans la ferme, rappelant ainsi les privilèges des dirigeants humains qu’ils avaient renversés.

Manipulation de l’information

Les cochons contrôlent également la diffusion de l’information en modifiant les règles et les commandements établis initialement. Ils réécrivent l’histoire et manipulent les faits pour justifier leurs actions et maintenir leur pouvoir. Cela rappelle les pratiques de propagande utilisées par les anciens dirigeants humains pour altérer la vérité. En rééditant la gestuelle des humains qu’ils ont renversés, les cochons démontrent comment le pouvoir peut corrompre même ceux qui prétendent lutter pour la liberté et l’égalité. Critique subtile des dangers de l’autoritarisme et de la manipulation.

Concentrons-nous sur la première scène et la dernière scène de « La Ferme des Animaux » afin de mettre en évidence les différences et les similitudes entre les deux. Dans la première scène du roman, nous sommes introduits à la Ferme du Manoir, où Mr. Jones est le propriétaire et les animaux vivent dans des conditions d’oppression. Mr. Jones est décrit comme étant négligent et brutal envers les animaux. Les animaux souffrent de malnutrition et de mauvais traitements. Cependant, ils aspirent à un changement et à une vie meilleure. La dernière scène du roman se déroule après une période de temps où les cochons ont pris le contrôle de la ferme. Les cochons ont établi une dictature sous le règne de Napoléon, qui a manipulé les autres animaux pour servir ses propres intérêts. La ferme est devenue une parodie de l’idéal initial de l’égalité, et les cochons mènent une vie de privilèges et de corruption. Maintenant, examinons les différences et les similitudes entre les deux scènes :

Différences :

  1. Propriétaire : Dans la première scène, Mr. Jones est le propriétaire de la ferme, tandis que dans la dernière scène, les cochons, en particulier Napoléon, sont les dirigeants.
  2. Conditions de vie : Dans la première scène, les animaux vivent dans des conditions misérables, souffrant de malnutrition et de mauvais traitements. Dans la dernière scène, les cochons vivent dans des conditions relativement meilleures, mais certains animaux sont exploités et opprimés.
  3. Objectifs et idéaux : Dans la première scène, les animaux aspirent à renverser Mr. Jones et à créer une société basée sur l’égalité. Dans la dernière scène, les cochons ont détourné ces idéaux et utilisent leur pouvoir pour servir leurs propres intérêts, trahissant ainsi les aspirations initiales des animaux.

Similitudes :

  1. Oppression : dans les deux scènes, il y a une forme d’oppression présente. Dans la première scène, les animaux sont opprimés par Mr. Jones. Dans la dernière scène, certains animaux sont opprimés par les cochons au pouvoir.
  2. Lutte pour la liberté : dans les deux scènes, il y a une lutte pour la liberté et l’égalité. Dans la première scène, les animaux aspirent à se libérer de l’oppression humaine. Dans la dernière scène, certains animaux continuent de lutter pour retrouver l’idéal initial d’égalité.
  3. Manipulation du pouvoir : dans les deux scènes, il y a une manipulation du pouvoir. Dans la première scène, Mr. Jones utilise son pouvoir pour opprimer les animaux. Dans la dernière scène, les cochons utilisent leur pouvoir pour manipuler les autres animaux et maintenir leur propre domination.

En résumé, la première scène de « La Ferme des Animaux » représente l’oppression initiale et les aspirations des animaux à un changement, tandis que la dernière scène montre comment les cochons ont détourné ces aspirations et ont eux-mêmes adopté les mêmes comportements oppressifs que les humains qu’ils avaient renversés. Cette évolution met en évidence la corruption du pouvoir et les dangers de l’autoritarisme.

Analysons les transformations de l’espace dans « La Ferme des Animaux ». Dans le roman, nous observons différents types de transformations de l’espace qui reflètent les disparités et les inégalités entre les animaux.

  1. Raréfaction de l’espace : dans la ferme, certains animaux subissent une raréfaction de l’espace. Cela signifie qu’ils ont moins d’espace disponible pour vivre et se déplacer. Par exemple, les cochons, en particulier Napoléon, s’octroient des espaces confortables et privilégiés, comme le luxueux logement construit pour Napoléon, tandis que les autres animaux sont relégués à des espaces plus restreints et moins confortables. Cette raréfaction de l’espace illustre la concentration du pouvoir et des privilèges entre les mains des cochons dirigeants.
  2. Extension de l’espace : d’un autre côté, certains animaux bénéficient d’une extension de l’espace. Par exemple, lorsque les animaux renversent Mr. Jones et prennent le contrôle de la ferme, ils s’approprient de nouveaux espaces qui étaient auparavant réservés aux humains. Ils ont accès aux bâtiments, aux pâturages et à d’autres endroits qui étaient auparavant limités pour eux. Cette extension de l’espace représente leur lutte pour la liberté et leur quête d’égalité.
  3. Fragmentation de l’espace : en parallèle, nous observons également une fragmentation de l’espace dans « La Ferme des Animaux ». Cela se produit lorsque les cochons établissent des divisions et des hiérarchies entre les animaux, créant ainsi des espaces séparés et exclusifs. Par exemple, les cochons ont leur propre espace réservé où seuls certains animaux sont autorisés à entrer. Cette fragmentation de l’espace reflète les inégalités sociales et la division entre les dirigeants et les masses.

Ces transformations de l’espace dans « La Ferme des Animaux » mettent en évidence les inégalités et les disparités qui existent dans la société, même lorsque les animaux luttent pour un idéal d’égalité. Les cochons, en tant que nouveaux dominants, réorganisent l’espace pour servir leurs propres intérêts et maintenir leur pouvoir. Cela souligne la façon dont les structures de pouvoir peuvent influencer l’accès à l’espace et perpétuer les inégalités.

« La Ferme des Animaux » présente plusieurs matrices de pouvoir qui sont mises en évidence tout au long du roman. Ces matrices décrivent les différentes façons dont le pouvoir est exercé et maintenu par différents personnages ou groupes d’animaux. Voici quelques-unes des principales matrices de pouvoir que nous pouvons dégager du roman :

  1. Matrice du pouvoir coercitif : cette matrice est représentée par la force et la violence utilisées pour exercer le pouvoir. Dans le roman, nous voyons comment Mr. Jones, en tant que propriétaire de la ferme, utilise la violence physique et la brutalité pour maintenir les animaux dans un état d’oppression. De même, les cochons dirigeants, en particulier Napoléon, utilisent la coercition et la répression pour maintenir leur domination sur les autres animaux. Par exemple, ils créent une milice armée pour imposer leur autorité et punir ceux qui s’opposent à eux.
  2. Matrice du pouvoir idéologique : cette matrice repose sur la manipulation des idées, des valeurs et de l’idéologie pour exercer le pouvoir. Dans « La Ferme des Animaux », les cochons utilisent le pouvoir idéologique en distordant les principes de l’égalité et de la révolution pour justifier leur propre domination. Ils créent des slogans et des discours trompeurs pour manipuler les autres animaux et les convaincre que leur leadership est nécessaire. Par exemple, ils utilisent le concept de « tous les animaux sont égaux » pour justifier leur propre privilège et leur autorité.
  3. Matrice du pouvoir économique : cette matrice se réfère au pouvoir qui découle du contrôle des ressources économiques. Dans le roman, les cochons prennent le contrôle des ressources et des produits de la ferme, tels que la nourriture, les récoltes et les matériaux de construction. Ils utilisent ce contrôle pour manipuler les autres animaux et les maintenir dépendants d’eux. Par exemple, ils rationnent la nourriture pour exercer un contrôle sur l’alimentation des autres animaux et les rendre plus vulnérables à leur autorité.
  4. Matrice du pouvoir de la manipulation des informations : cette matrice repose sur la manipulation et le contrôle de l’information pour exercer le pouvoir. Dans « La Ferme des Animaux », les cochons contrôlent la narration et la diffusion de l’information. Ils modifient les règles et l’histoire de la ferme pour servir leurs propres intérêts et maintenir leur pouvoir. Par exemple, ils modifient les sept commandements originaux pour justifier leurs propres actions et réduire les droits des autres animaux.

Ces matrices de pouvoir sont interconnectées et se renforcent mutuellement. Les cochons utilisent une combinaison de coercition, d’idéologie, de contrôle économique et d’information pour maintenir leur domination sur les autres animaux.

Dans « La Ferme des Animaux », George Orwell offre une critique acerbe des systèmes autoritaires et des régimes totalitaires. Le roman met en lumière les conséquences néfastes de l’autoritarisme et souligne les dangers inhérents à la concentration excessive de pouvoir. Voici quelques-unes des critiques des systèmes autoritaires que nous pouvons trouver dans ce roman :

  1. Corruption du pouvoir : « La Ferme des Animaux » met en évidence la tendance des dirigeants autoritaires à être corrompus par le pouvoir. Les cochons, qui initialement se révoltent contre l’oppression des humains, finissent par adopter des comportements tyranniques et s’approprient les privilèges et les ressources de la ferme. Ils abusent de leur autorité et se comportent de façon oppressive envers les autres animaux. Cette critique souligne la propension des systèmes autoritaires à corrompre même ceux qui prétendent lutter pour la liberté et l’égalité.
  2. Manipulation de l’information : Le roman met en évidence la manipulation de l’information et la propagande utilisées par les régimes autoritaires pour contrôler et tromper les masses. Les cochons modifient les règles de la ferme et réécrivent l’histoire pour s’assurer que leurs actions et leurs privilèges sont justifiés. Ils utilisent la propagande pour maintenir les autres animaux dans l’ignorance et les empêcher de remettre en question leur autorité. Cette critique souligne le contrôle de l’information comme un outil puissant utilisé par les régimes autoritaires pour maintenir leur pouvoir.
  3. Suppression des libertés individuelles : « La Ferme des Animaux » critique également la suppression des libertés individuelles dans les systèmes autoritaires. Les cochons restreignent les droits et les libertés des autres animaux, en imposant des règles arbitraires et en les privant de leurs droits fondamentaux, tels que le libre accès à la nourriture et à l’espace. Cette critique souligne comment les régimes autoritaires cherchent à contrôler et à limiter les libertés des individus pour maintenir leur pouvoir.
  4. L’inégalité sociale et économique : Le roman souligne également les inégalités sociales et économiques qui résultent des systèmes autoritaires. Les cochons dirigeants s’approprient les ressources et les privilèges de la ferme, tandis que les autres animaux sont exploités et vivent dans des conditions précaires. Cette critique met en évidence la façon dont les régimes autoritaires perpétuent les inégalités et favorisent une élite privilégiée au détriment de la majorité.

« La Ferme des Animaux » dénonce les systèmes autoritaires en critiquant la corruption du pouvoir, la manipulation de l’information, la suppression des libertés individuelles et les inégalités sociales et économiques qui en découlent. Ces critiques soulignent les dangers des régimes autoritaires et appellent à la vigilance pour préserver la liberté, l’égalité et la démocratie.

Après un examen et une approche descriptive du roman de Georges Orwell, nous pouvons juste fermer notre texte et laisser le lecteur méditer sur la nouvelle Algérie. Tout y est dit dans La ferme des animaux. Enfin, ce roman reste un texte à lire pour comprendre la mise en place d’un système dictatorial. L’auteur s’est ingénié à utiliser un espace restreint, facilement délimité ou meuvent en son intérieur un nombre limité d’actants. En quelques scènes et à travers un laps de temps raisonnables, nous pouvons comprendre les dynamiques narratives et les transformations importantes qui s’y déroulent devant nos yeux. Facile à lire, ce roman nous offre une fresque historique de la tragédie humaine, confrontée à un idéal à réaliser.

Nous nous sommes restreints au texte, sans l’extrapoler. Cette pratique discursive nous est imposée pour la portée objective de notre travail.

Said Oukaci, Doctorant en sémiotique

Crédits : « la Ferme des animaux », George Orwell

« La grammaire Tensive », Claude Zilberberg

« Maupassant », Algerdas Greimas

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