Dimanche 1 novembre 2020
La maladie de Tebboune a éclipsé et plombé le référendum
Bien que le vote soit plié et quel que soit le taux de participation annoncé, l’évacuation du chef de l’Etat en Allemagne, pour un temps incertain, pourrait bousculer l’agenda présidentiel et changer la donne.
Bien qu’en ce 1er novembre tout soit fait pour faire croire que la maladie d’Abdelmadjid Tebboune n’aura aucune incidence sur le référendum constitutionnel, il n’en demeure pas moins qu’elle soulève deux problèmes, et ce, même si le vote est plié.
Un. Son évacuation en urgence en Allemagne a éclipsé un référendum constitutionnel dont l’objectif est de solder le Hirak et, partant, faire oublier une élection présidentielle massivement boycottée par officiellement plus de 61% d’Algériens, auxquels il faut ajouter les deux millions de vote blancs et nuls ! Ce qui fait quand même beaucoup de monde.
Car pour ces Algériens, sortis par centaines de milliers durant une année, chaque vendredi et chaque mardi pour les étudiants, pour revendiquer le changement, le projet de constitution quoique révisée à la marge, est synonyme de reconduction du système et de ses pratiques autoritaires.
Ces Algériens, qui sont loin d’être tous des « touaïchias » (perturbateurs) ou des dupes, ont vu défiler sur les écrans des télés publiques des figures de l’ancien système, dont les partis de l’ex-Alliance présidentielle, pour faire la promotion du projet constitutionnel et fustiger les opposants à ce projet de texte ! Et ce, face à un public clairsemé car les Algériens sont loin de se bousculer pour écouter ces orateurs qui clamaient il y a peu « Bouteflika dielna » ! Comme si le Hirak n’avait jamais eu lieu ou qu’il avait été une simple parenthèse à vite refermer !
Aussi n’y a-t-il rien de surprenant à ce que par ces temps de crise sanitaire, et instruits par la maladie de l’ex-président Bouteflika, l’évacuation d’Abdelmadjid Tebboune en Allemagne suscite de multiples réactions et interrogations, fasse débat et, surtout soit source d’inquiétudes quand on sait que tous les clignotants de l’économie sont au rouge. Après tout, on l’oublie, il est le chef de l’Etat.
Comment dès lors, et par quel tour de magie, le pouvoir politique escompte-t-il rétablir la confiance en l’espace de quelques mois et convaincre les Algériens de voter sur fond de procès à répétition de jeunes hirakistes accusés, qui d’atteinte à l’unité nationale, qui d’atteinte à celle du chef de l’Etat, ou encore d’avoir blasphémé comme ce jeune de Khenchela condamné à 10 ans de prison pour « athéisme » alors que dans la Constitution – l’ancienne qui est toujours en vigueur-, la liberté de conscience est garantie ! Et alors que ces jeunes embastillés ou poursuivis n’ont fait qu’exprimer leur opinion sur les réseaux sociaux.
Deux, la maladie de Abdelmadjid Tebboune, qui a ainsi plombé ce scrutin référendaire, et ce quel que soit le résultat annoncé, notamment le taux de participation, pourrait à terme bousculer l’agenda politique présidentiel si ce n’est déjà le cas.
Le chef de l’Etat aura 75 ans le 18 novembre prochain. Il appartient à la tranche d’âge la plus vulnérable – la Covid-19 tout le monde sait de quoi il s’agit – aussi y a-t-il de quoi en inquiéter plus d’un au sein et en dehors du pouvoir. En atteste ce retour au premier plan de l’armée à travers les interventions médiatisées du chef d’état-major par intérim, le général Chenegriha, qui rappellent, malgré un contexte différent, celles du général Gaïd Salah au plus fort moment du Hirak.
D’où les questionnements sur l’état de santé d’Abdelmadjid Tebboune et le climat d’incertitudes et de scepticisme qui en découlent. Pour l’heure donc, voter n’est pas le souci premier des algériens.
Pour rappel, Abdelmadjid Tebboune a dû être contaminé avant le 23 octobre, date du communiqué annonçant qu’il s’était mis « volontairement » à l’isolement pour cinq jours ! Quelques jours avant cet isolement contraint, le Conseil des ministres du 18 octobre avait été reporté, officiellement en raison du calendrier chargé du président !
Le mardi 27 octobre, veille du Conseil des ministres du 28 qui n’a pas eu lieu, M. Tebboune était admis à l’hôpital militaire d’Ain Naadja où son état était jugé «stable » et n’inspirait «aucune inquiétude » ! Et ce, avant qu’à la surprise générale, il ne soit évacué le lendemain mercredi en soirée vers l’Allemagne !
Au regard du déroulé de ces faits, tout un chacun est interpellé. Abdelmadjid Tebboune est le chef de l’Etat et en même temps ministre de la Défense nationale. Ce n’est pas un citoyen lambda.
Certes, il a voté par procuration (dépêche APS daté de 14 h 30). Mais compte tenu des fonctions qu’il occupe dans un contexte national fragilisé et un contexte régional porteur de menaces, il y va de la sécurité nationale. Les informations sur son état de santé sont rares.
Or les Algériens ont le droit d’être informés et de savoir combien de temps va durer sa convalescence, et quelles mesures ont été prises pour assurer en son absence, la gestion et le fonctionnement de l’Etat.
H.Z