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La philosophie, cible d’un député islamo-conservateur : une remise en cause de l’esprit critique

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La proposition du député Rachid Cherchar, issu du Mouvement de la Construction Nationale (Al Bina al Watani), un parti d’obédience islamo-frèriste, visant à initier une démarche parlementaire pour supprimer la philosophie des épreuves du baccalauréat, a suscité une vive réaction dans l’opinion publique.

Dans une publication diffusée sur les réseaux sociaux, l’élu a mis en doute la pertinence de cette discipline, suggérant son retrait du cursus secondaire. Cette sortie, largement perçue comme une provocation, s’inscrit dans une posture idéologique plus profonde, caractérisée par une défiance à l’égard des savoirs qui favorisent l’esprit critique, la réflexion autonome et la pensée rationnelle.

La controverse est survenue dans un contexte déjà marqué par des tensions autour de l’épreuve de philosophie au bac, notamment dans les filières littéraires, où plusieurs candidats ont exprimé leur désarroi face à la difficulté des sujets.

Les thématiques abordées cette année — telles que l’éthique, le sentiment ou encore la place de l’hypothèse dans la pensée scientifique — ont désarçonné de nombreux élèves, dont certains avaient misé sur des listes de sujets présumés, largement diffusées sur les réseaux sociaux. En misant sur des pronostics au lieu d’une préparation rigoureuse, une partie des candidats s’est retrouvée en difficulté face aux exigences de l’épreuve.

Une défiance idéologique envers la pensée rationnelle

La prise de position du député reflète une orientation idéologique plus large. Au sein de certains courants islamo-conservateurs, la philosophie est souvent perçue comme un champ de savoir déstabilisant, dans la mesure où elle encourage la remise en question des certitudes établies, le questionnement de l’autorité et l’examen critique des systèmes de pensée — qu’ils soient religieux, politiques ou sociaux.

Dans cette optique, héritée d’une tradition politique empreinte de verticalité, la vérité n’a pas vocation à être discutée, mais acceptée. La pensée est balisée, non explorée. Dans ce cadre, l’ignorance peut se voir investie d’une fonction symbolique, voire valorisée comme protection contre les dérives de la libre pensée. Certains y voient ce que des intellectuels qualifient de « sacralisation de l’ignorance », où l’absence de questionnement devient une posture en soi.

Une hostilité ancienne, mais révélatrice

Les réactions du monde académique, médiatique et intellectuel n’ont pas tardé. Pour nombre d’observateurs, cette proposition révèle une tendance inquiétante à l’appauvrissement du débat public. Le fait qu’un élu puisse remettre en cause une discipline fondatrice du raisonnement critique est perçu comme un signal préoccupant sur l’état du discours politique national.

Ce rejet de la philosophie est interprété non comme un simple désaccord sur le contenu scolaire, mais comme le symptôme d’une crise plus profonde touchant la représentation politique et la place de la pensée dans la sphère publique. Pour certains, cette défiance envers la philosophie reflète un malaise plus large face à l’idée même d’émancipation intellectuelle.

Il est également rappelé que les grandes transformations sociales, politiques ou scientifiques dans l’histoire ont souvent été précédées, voire rendues possibles, par des ruptures philosophiques majeures. À ce titre, s’opposer à la philosophie revient, pour ses détracteurs, à compromettre toute dynamique de progrès.

Une école écartelée entre savoir et endoctrinement

L’épisode met en lumière une tension structurelle qui traverse depuis longtemps le système éducatif algérien. La place de la philosophie y fait régulièrement l’objet de débats, dans un environnement pédagogique encore largement dominé par la mémorisation et le respect strict du cadre, au détriment de l’analyse critique et de la discussion argumentée.

Le rejet de cette discipline par un responsable politique ne se limite donc pas à une critique de sa difficulté ou de sa pertinence scolaire. Il traduit une conception de l’école comme espace de reproduction des normes sociales et morales, plus que comme lieu d’apprentissage de la pensée libre. Toute discipline qui ouvre sur le doute ou la complexité — qu’il s’agisse de philosophie, de sociologie ou d’histoire — devient alors source d’inconfort, voire d’opposition.

Le danger d’un anti-intellectualisme institutionnalisé

Lorsque ce type de position veut investir les bancs de l’Assemblée nationale, la question posée dépasse largement le cadre éducatif. S’en prendre à la philosophie, ce n’est pas simplement remettre en cause une matière : c’est interroger la finalité même de l’éducation. S’agit-il de former des esprits autonomes, capables de discernement, ou de produire des individus conformes à un modèle préétabli ?

Cette polémique soulève ainsi un enjeu fondamental : le rôle de l’école dans la formation citoyenne et la place que doit y occuper la pensée critique. En filigrane, elle renvoie à une interrogation plus large sur le modèle de société que l’on souhaite construire : un espace ouvert au dialogue, à la pluralité des idées et à la rationalité, ou un système verrouillé, où l’autorité dogmatique prime sur la liberté de penser.

Samia Naït Iqbal

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