Lundi 14 octobre 2019
La si mauvaise classe politique algérienne: Benflis, Tebboune et les autres
Tout au long processus du mouvement national, on a vu naître d’incomparables militants de la cause nationale. A l’indépendance, les opportunistes de tout bord se sont octroyé des titres plus qu’élogieux du combattant ou du patriote pour les plus jeunes alors qu’ils ne sont en définitive que des lèche-bottes au service du pouvoir.
Plus que d’autres, la plupart des militants nationalistes n’avaient pas atteint le niveau du secondaire parce qu’ils étaient précisément animés d’une volonté combattante, qu’ils pouvaient s’enorgueillir d’une capacité intellectuelle à la mesure du défi de la guerre d’indépendance menée contre une des grandes puissances du XIXe et XXe siècles. Il y a eu certainement quelques-uns qui avaient fréquenté l’université d’Alger qui à l’époque était réservée à l’élite européenne ou étudié en Tunisie ou en Egypte.
Parmi ces étudiants algériens musulmans, il eut une prise de conscience partagée de la domination coloniale avec le reste de la population. Par conséquent, très peu étaient versés dans de longues études universitaires. Certainement cet état de fait a beaucoup contribué à l’émergence de l’autoritarisme populiste à l’image des zaïm qui est une pure incarnation de la société tribale.
Que ce soit la structure organisationnelle des partis nationalistes ou des techniques de recrutement du personnel politique, il faut bien admettre que les principaux leaders n’ont jamais dérogé aux règles communautaires de la participation des militants nationalistes à l’animation du mouvement national. A cor et à cri, des comportements « tribaux » ont été combattus par les plus fervents défenseurs de la cause nationale.
L’exemple le plus saisissant de la maturité politique fut sans contestation celle de Mustapha Ben Boulaid en tant que chef de la wilaya I qui a pourtant refusé de promouvoir son propre frère au détriment d’autres militants plus aptes à des postes de responsabilité. Il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre d’opportunistes de l’heure ont saisi l’occasion qui s’est présenté à eux pour accéder à des fonctions de responsabilité au sein des appareils de l’ALN et du FLN. Parmi les plus incrédules d’entre gens, on peut citer toute la jeune génération du clan d’Oujda parrainée par quelques figures clandestines du mouvement national. L’exemple le plus typique de cette génération est sans contestation, le jeu trouble du jeune Abdelaziz Bouteflika qui lui a valu avec d’autres leur déportation au Mali. Il tient son sobriquet « d’Abdelkader al mali » de la purge qu’il a subie lorsqu’il complotait contre d’autres militants nationalistes.
La liste est longue des usurpateurs de tout poil et des arrivistes de la dernière heure qui se sont octroyés des titres de gloire alors qu’ils n’ont pas tiré une balle contre l’armée française. L’arrivisme affiché des uns et des autres s’est soldé par la perte de la volonté révolutionnaire de la première génération radicale qui au gré des circonstances historiques a été progressivement marginalisée par la montée en puissance du clan formé à Oujda qui au fur et à mesure s’est imposé comme force substitutive constituée principalement d’éléments hétérogènes venus d’horizon divers. L’alliance entre l’homme politique et premier président de l’Algérie indépendante et l’Etat-Major Général s’est concrétisé en alliant la ruse dont le manipulateur n’est que Abdelaziz Bouteflika le roublard et le principal instigateur du coup d’Etat de 1965, et la puissance de feu, beaucoup parmi les militants de la première heure se sont vus octroyés pour les plus conciliants un rôle subalterne au service de l’autoritarisme entreprenant du colonel Boumediene.
On retrouve un type comme Youcef Saadi alors responsable de la zone autonome qui a mobilisé ses groupes armés au moment de l’entrée en fanfare de l’armée des frontières à Alger. Il va sans dire que la légitimité révolutionnaire s’est fourvoyée en de multitude revendications partisanes. Aidé au nom de la stabilité géopolitique par la France, le clan d’Oujda s’est imposé à l’ombre d’un président godillot qui ne tarda pas à succomber à une destitution programmée d’avance. La suite des méfaits du pouvoir autoritaire autour duquel gravitent toute une myriade d’opportunistes est sans équivoque, la faillite sur tous les plans du système de l’Etat organisé autour du FLN. Nous connaissons si bien le désastre social et économique qui a laissé place à la perfidie des hommes pour ne pas rajouter plus ; le clientélisme généralisé qui gangrène toute la société algérienne. Il a fallu plus d’un demi-siècle de luttes pour déroger à la règle de l’usurpation politique de la légitimité populaire par l’Armée algérienne tout du moins l’Etat Major pour sortir de l’ornière de l’accoutumée jeu des ombres chinoises.
Hélas ! depuis l’indépendance, le régime pour survivre a trop l’habitude d’imposer un ordre des choses sous le diktat du char et de la mitraillette. Le nombre de fois où l’armée s’est intervertie dans le jeu politique est à la mesure de l’indissociable nature de l’Etat algérien qui est fondé sur une légitimité guerrière des va-nus pieds qui par beaucoup d’aspects est comparable au modèle du sultanat qui est la forme achevée du despotisme oriental. Dès lors, on comprend mieux les difficultés actuelles du Hirak pour se débarrasser de ce type de régime qui n’existe que par la force et le clientélisme.
A toute épreuve, les candidats qui se sont déclarés aux « élections présidentielles » sont presque tous issus du sérail du pouvoir. Il n’y a qu’à voir la liste des prétendants pour se rendre compte que presque tous sont d’anciens collaborateurs du système. Par eux-mêmes, ces personnes quoiqu’ils disent et en tant que larbins des véritables décideurs, tentent par tous les moyens de travestir le champ politique au profit de la caste des généraux et des parvenus oligarques. Certes, il y a quelques « personnalités » qui refusent de jouer le jeu du système et préfèrent se joindre au mouvement populaire. Il va de soi que ces antagonismes pris dans le cours de l’histoire reflètent le positionnement des uns et des autres vis à vis d’un Etat considéré à tort comme un chapeau anthropologique alors qu’il n’est qu’un instrument de l’exercice du pouvoir par la force et la persuasion. C’est peut-être à ce niveau que se trouve la limite des acteurs politiques algériens envers une société qu’ils ont tendance à trop oublier.
Depuis l’indépendance, les compartiments sociétaux soudés par le nationalisme révolutionnaire, se sont transformés pour donner naissance à une société distincte de l’appareil de l’Etat. C’est le surgissement des acteurs de cette même société trop longtemps mis à l’écart par le « Tout Etat corrupteur » ou comme dit un philosophe « tous ceux qui échappent à l’appareil de capture » qui rendent possible la révolution. Tout compte fait, ce n’est parce que les prétendants complotent contre le peuple pour que la révolution se détourne de ses principaux objectifs c’est-à-dire : rendre au peuple la légitimité d’exercer pleinement sa souveraineté trop longtemps bafouée par des comploteurs de toute sorte. Que les prétendants usent de l’intrigue ou que les généraux emploient la répression pour dissuader les Algériens de mener à bien leur révolution pacifique, rien ne détournera le cours de l’histoire. Osons dire que la révolution aura bien lieu. Il va de soi que les généraux et leurs satellites font tout pour faire avorter la deuxième révolution algérienne. A cette fin, les relais satellitaires (médias, forces de police, faux monnayeurs du nationalisme) sont déployés un peu partout pour faire peur à la population.
Mais le mal est tel que rien ne puisse arrêter la volonté populaire pour en finir avec un système nauséabond au point que le poids de la chkara a plongé le dinar au fin fond de la corbeille à billets et sert de monnaie d’échange pour l’acquisition des places à « l’assemblée nationale » vendues au plus offrant par la progéniture des faux nationalistes qui croyaient détenir pour l’éternité les clefs de l’Algérie. Et c’est peut-être ça qui attirent la convoitise des prétendants. Ils sont connus et les masques sont tous tombés. Et, la révolution fera le reste.