27 juillet 2024
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La Terre, une pudeur de la rondeur (Suite)

La Terre

L’idée d’une terre sphérique était déjà installée dans la communauté scientifique après les développements que nous venons de présenter.

Eratosthène, un puits, un bâton et du génie

Eratosthène sera le premier qui prouvera définitivement, non seulement que la terre est sphérique mais il en mesurera la circonférence, par une approximation stupéfiante au regard des outils et connaissances dont il disposait.

Nous ne présenterons Eratosthène que par sa prestigieuse fonction de directeur de la bibliothèque d’Alexandrie (ville grecque, faut-il le rappeler, crée par le Macédonien Alexandre le Grand). Comme on dirait aujourd’hui, son curriculum scientifique serait si long que cet article ne suffirait pas à le présenter entièrement, dans ses compétences en philosophie, en mathématiques et en astronomie.

Un jour, juste à midi, pendant le solstice d’été, jour le plus long de l’année, il remarqua que les rayons du soleil éclairaient à la verticale le fond d’un puits dans la ville de Syène, sans ombre. Eratosthène pensa que si la terre avait été plate, les rayons du soleil provenant d’un astre si lointain éclaireraient la terre à la verticale, en tous points de celle-ci.

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Il planta alors un bâton à Alexandrie, à la même heure du soleil. Cette fois-ci, une ombre fut produite par le bâton, preuve irréfutable que les rayons n’étaient pas à la verticale. Eratosthène en conclut que la terre ne pouvait être plate et que les savants qui avaient émis l’hypothèse de la forme sphérique avaient raison.

Mais il alla plus loin. Si la belle terre venait d’être découverte dans sa rondeur, il fallait maintenant en mesurer la taille, c’est-à-dire la circonférence.

Par une déduction des règles de géométrie que les Grecs maîtrisaient depuis longtemps, il en déduit que les rayons du soleil, s’ils devaient traverser la terre, rejoindraient tous son centre. Il suffisait alors d’évaluer la distance d’Alexandrie à Syène pour avoir la mesure de l’arc de cercle séparant les deux villes.

Là, la légende est entière pour la méthode de mesure utilisée. La plus communément retenue est celle du décompte des pas d’un chameau, animal connu pour la très grande régularité de ses pas. Reste à savoir comment fut fait le décompte sur une si longue distance (à l’époque). L’hypothèse la plus crédible est qu’Eratosthène avait calculé les pas pour un jour et multiplié par le nombre de jours qu’on savait être la durée d’un voyage en chameau entre ces deux villes.

Le résultat est stupéfiant, Eratosthène finit par calculer la circonférence d’une manière si proche à une réalité maintenant connue au mètre près avec tous les outils modernes. Eratosthène l’a fait avec un bâton, un puits, une observation et du génie remarquable dont il a fait preuve.

Quand je pense qu’avec les calculatrices modernes, les connaissances pléthoriques disponibles, très peu de mes étudiants arrivent à déduire un montant hors taxes à partir d’un montant TTC, pourcentage de la TVA donnée (là, je règle mes comptes sournoisement, en leur adressant un clin d’œil malicieux).

Voltaire, un coupable involontaire ?

Nous avions commencé par poser cette question, pourquoi une si importante découverte de l’antiquité avait été occultée par la Renaissance ? Ma génération est l’une des dernières à connaître cette occultation dans les livres d’histoire du primaire

Le Moyen-âge est celui d’un long tunnel d’obscurantisme dont on a fini par voir une lumière annonçant son bout, la Renaissance, voilà l’image communément retenue dans les livres d’histoire.

Cette idée générale n’est pas fausse. Après les éclatantes civilisations antiques, le Moyen-âge est passé sous le joug d’une Eglise catholique qui a plongé l’Occident dans un trou d’obscurantisme qui durera des siècles.

Mais la Renaissance en a trop fait pour présenter son propre apport comme le retour à la lumière. Sa définition imposait qu’il n’y ait que le néant auparavant. La Renaissance a ainsi créé un sentiment que tout était, avant elle, dans les ténèbres, par la mainmise de l’Eglise et son conservatisme extrême.

L’idée que le Moyen-âge était revenu à la croyance d’une terre plate est totalement fausse. L’Eglise a combattu bien des vérités scientifiques, notamment celle de l’héliocentrisme, mais n’a cependant jamais banni la croyance en une terre sphérique.

Même si de nombreux hommes d’Eglise ont été farouchement contre cette évidence établie.  Ainsi, Lactance, dans Institutions divines, huit siècles après Aristote, affirme que la terre est plate en soutenant la vieille idée de l’humanité qu’il était impossible de penser qu’il existe des lieux où les choses et les êtres humains puissent être suspendus de bas en haut.

Il en est de même pour un moine Byzantin, Cosmas d’Alexandrie, qui soutient dans sa Topographia Christiana que la terre plate se terminait par des murailles derrière lesquelles se couchait le soleil.

Le Moyen-âge, nous l’avons dit, fut certainement une régression catastrophique dans l’approche des sciences, ouvertes et libres. Mais il y eut beaucoup d’autres hommes d’église qui n’ont jamais remis en cause une vérité établie depuis l’antiquité. Et surtout, ce fut le cas de la haute hiérarchie de l’Eglise.

Et Voltaire dans tout cela ? Il n’aura pas été le seul grand homme à participer à cette occultation mais il aura été celui qui a permis la plus grande diffusion de cette fausse idée, vu son immense notoriété en France comme en Europe.

Voltaire s’est appuyé sur deux textes qui furent sa base argumentaire alors qu’il a laissé de côté des dizaines d’autres faisant état de l’acceptation d’une terre ronde par les auteurs du Moyen-âge. De plus, beaucoup lui reprochent que cette supercherie soit son plaidoyer alors que ces deux textes n’avaient pas le statut de manuel ou d’encyclopédie (nous dirions aujourd’hui, une publication scientifique ou académique).

Son incroyable et infatigable attaque contre les forces rétrogrades de l’Eglise, bien remarquables et utiles pour l’avancée de l’humanité, lui ont fait commettre une erreur. Nous l’excuserons vu son combat contre les ténèbres, si flamboyant et utile pour l’avancée de l’humanisme et des sciences.

Sacré Voltaire !

Aussi plat que leur encéphalogramme

En 1969 à Oran, une nuit aussi bouleversante pour l’humanité que la découverte d’un continent par Christophe Colomb, Neil Amstrong et Edwin Aldrin venait de poser les pieds sur le sol lunaire.

Dès le lendemain, inévitablement une grande partie de la population (en Algérie comme dans le monde) avait nié le fait pour des raisons de croyance, mais pas seulement. Dans un premier temps, je m’en étais amusé car à cette époque, nos grands-parents que nous adorions et la majorité de la population avait une intelligence certaine mais étaient illettrés ou peu instruits.

J’ai très rapidement découvert que les « théoriciens du complot » étaient très anciens dans l’histoire, ce n’était donc pas nouveau y compris parmi les personnes instruites. Stupéfiant, en France comme aux Etats-Unis, une frange de 7 à 15 % de la population pense que la terre est plate et qu’il s’agit d’un mensonge entretenu par des « forces étatiques, judéo messianiques, francs-maçons » et autres bêtises de ce genre.

Nous connaissons aujourd’hui leur adeptes, petits-enfants de ceux qui m’avaient étonné en 1969. On les regroupe dans la terminologie « complotistes ». Le pire du danger n’est pas seulement leurs élucubrations, tellement stupides qu’hilarantes, mais la vertigineuse propagation sur les réseaux sociaux qui touche des millions de jeunes et autres personnes fragiles psychologiquement.

En quelque sorte, des sectes, avec des gourous aussi caricaturaux que terrifiants. Ils remettent en question tout, absolument tout. En ce moment, les plus actifs sont les adeptes de la théorie du complot par une vaccination supposée être dangereuse et les mesures prises pour la santé publique, notamment avec la Covid, être un complot liberticide contre des populations qui seraient aux prises de ces forces étatiques.

L’un d’entre eux, inondant la presse de ses articles, a un délire contre ces forces du mal qu’il appelle le libéralisme, l’Occident, les régimes « soi-disant » démocratiques, les yankees, l’Otan, les banques, les big pharmas et Tintin et Milou. Je ne le nommerai pas, il se reconnaîtra s’il lit mon article.

Mais en ce qui concerne notre sujet sur la terre, les plus rigolos sont ceux dont on a mentionné l’existence plus haut, soit les « platistes » qui dénoncent la supercherie d’une terre qui serait ronde. Non, le Moyen-âge n’a pas occulté les grandes découvertes astronomiques de l’antiquité (pas autant qu’on le prétendait) mais de gentils délurés le font aujourd’hui malgré le bond gigantesque de la science et de l’instruction.

Isaac Newton, balle au centre 

Après tant de péripéties depuis plus de deux millénaires sur la platitude et la rondeur de la terre, le physicien Newton va renvoyer tout le monde au vestiaire.

La terre n’est ni sphérique, ni plate, elle est boursoufflée sur les côtés et plate aux pôles. Une affirmation aujourd’hui prouvée par la science.

Tout ça pour ça ? Non, bien entendu, ce n’est qu’un mot d’humour en final car la rondeur de la terre (approximativement ronde) n’est aujourd’hui aucunement remise en compte. Sauf par certains, ils nous amusent plus qu’ils nous agacent.

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant

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