21 novembre 2024
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AccueilA la uneL’Administration en Algérie : mille-pattes et mille têtes !

L’Administration en Algérie : mille-pattes et mille têtes !

Walis

Les évènements de l’été 1962  nous montrent que les cadres issus de l’armée de l’extérieur et de l’administration coloniale sont les représentants d’une petite bourgeoisie partisane d’un Etat fort, fort par sa capacité à contraindre que par sa volonté à convaincre et à entreprendre, se fondant sur la loyauté des hommes que sur la qualité des programmes, se servant de la ruse et non de l’intelligence comme mode de gouvernance.

On se trouve devant une société éclatée, une classe dominante qui vivant de l’Etat n’a pas le sens de l’Etat mais de celui de ses intérêts. Cette classe a le goût de l’autorité et du prestige, elle ignore celui de l’austérité et de l’humilité. Dans le champ des rationalités néo-patrimonialités, la rationalité économique est l’éternelle perdante face aux logiques de patronage, de consommation ostentatoire ou de constitution de réserves de sécurité à l’étranger.

Cette bourgeoisie militaro-bureaucratique dénuée de tout esprit d’entreprise  considère l’Etat comme « une caverne d’Ali Baba » où se servir et puiser les ressources servant de patronage politique serait le crédo qui la maintiendra au pouvoir.

Cette conception  « consommatrice » de la chose publique débouche nécessairement sur la violence, La rivalité politique peut prendre la forme d’un affrontement armé inter clanique. «Quand deux éléphants se battent, si l’herbe qui souffre ». 

Or, il existe d’autres façons de gouverner qui n’accroissent pas la violence, ne produisent pas de désordre et n’hypothèquent pas l’émergence d’économie productives et d’un ordre social légitime. C’est parfois l’affrontement Cela remonte loin dans l’histoire du nationalisme algérien au moment où la société de l’époque était organisée de telle façon que seules les élites étaient aptes à faire de la politique le peuple était maintenue à l’écart.

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Il était là pour servir de caution aux choix et décisions prises par l’élite. Quand la liberté de voix a été accordée au peuple, il s’est jeté à corps perdus dans la religion, une religion tronquée par des enjeux de pouvoir.  

L’échec politique des acteurs de la modernisation va pousser une partie de la population algérienne vers un retour à l’intégrisme religieux et à la revendication ethnique. Il est loisible de constater que cette élite dirigeante issue du mouvement de libération nationale au pouvoir depuis cinquante ans n’a pas apporté le bien être pour tous, ni fourni les éléments constitutifs de l’identité algérienne.

En effet, l’Etat s’est institué propriétaire des gisements pétroliers et gaziers du territoire national, et a conçu la rente comme un instrument d’une modernisation de l’Etat sans mobilisation de la nation. 

Pour ce faire, il est conduit à affecter une part grandissante de la rente en cours de tarissement à la production et la reproduction de la base sociale c’est-à-dire à la consommation soit directement par la distribution de revenus sans contrepartie, soit indirectement par subvention, soit par les deux à la fois.

Cette pratique a donné naissance à une véritable débauche des dépenses publiques et à une grande auto-complaisance en matière de politique économique et sociale. La rente a constitué un soporifique en masquant toutes les insuffisances en matière de production et de gestion.  

Elle a donné lieu à des problèmes très difficiles à résoudre : le premier de ces problèmes fût posé par des investissements considérables dans les projets inutiles entrepris notamment pour des raisons de prestige ou visant à satisfaire une boulimie de consommation : le second problème résulte des gaspillages des gouvernements en matière de dépenses courantes. 

Il faut citer les dépenses excessives de fonctionnement, une augmentation inutile du nombre d’emplois destinés aux fonctionnaires de l’économie nationale, les subventions destinées à diverses activités improductives etc.

Le troisième problème, le plus épineux, devenus excessivement riches à la faveur d’une embellie financière exceptionnelle, les gouvernements qui se sont succédés successifs ces deux dernières décennies, pris dans le tourbillon de l’argent facile et de l’impunité, n’ont pas eu la sagesse et la lucidité d’adopter une politique économique saine et rationnelle en matière de dépense, de subvention, de crédit, de change aveuglés par une embellie financière exceptionnelle illusoire. C’est l’explosion des dépenses publiques au-delà des besoins réels et des capacités disponibles du pays.

Le train de vie de l’Etat n’a plus de freins, et il ne reste plus de rails, la prochaine gare incertaine. Que faire pour rationaliser les dépenses afin d’éviter la planche à billets ou à l’endettement extérieur ? Il faut donc s’attacher au contrôle des dépenses publiques.  Nul n’ignore que l’exécution des opérations financières de l’Etat joue un rôle déterminant dans la gestion de l’économie d’un pays.

A une exécution saine des opérations financières de l’Etat correspond en général une économie saine quel que soit le niveau ou le type d’organisation. C’est pourquoi depuis les temps les plus reculés, l’un des premiers soucis des castes dirigeantes était d’organiser les finances d’un pays. D’un point de vue historique et sociologique « le Trésor est une institution qui reflète de très près l’état du pouvoir politique et la situation économique d’un pays ». A un pouvoir stable et incontesté correspond en général une situation saine et un système financier solide.

Au contraire, à un pouvoir instable et contesté correspond en général une situation économique de crise, le système financier s’effrite et en même temps il se trouve entre les mains de chaque détenteur d’une parcelle du pouvoir. 

Dans leur conquête du pouvoir politique, les dirigeants se sont la plupart du temps efforcés à recueillir l’adhésion des masses populaires pour justifier voire légitimer la place qu’ils occupent. 

Ils ont très vite compris que le pouvoir politique ne signifiait rien sans le pouvoir financier et ce n’est que par la conquête de ce dernier qu’ils ont pu asseoir leur autorité sur une longue période. Le droit de « battre monnaie » est un attribut de souveraineté qui remonte à la création des Etats. Le système de financement de l’économie et des ménages apparaît essentiellement basé en premier lieu sur le principe de la centralisation des ressources et leur affectation en fonction d’objectifs politiques décidés centralement.

L’idée finalement admise voulait que les hydrocarbures devaient assurer les ressources financières et ensuite de les mettre à la disposition de l’Etat qui se chargera ensuite de les répartir entre les différents secteurs économiques pour être finalement utilisés par les entreprises et les administrations.

L’équilibre socio-économique a pu être préservé parce que les problèmes financiers étaient résolus soit par la nationalisation des hydrocarbures, soit par la hausse des prix des hydrocarbures sur le marché mondial. 

Le pays vit au jour le jour

Nous sommes sans planification stratégique depuis la fin des années 70 livrant toute une nation aux multinationales tant en amont (exportation des hydrocarbures) qu’en aval (importation tout azimut) la mettant à l’abri des excès du système mondial dominant. Pourtant, ni les instituts, ni les hommes, ni l’argent n’ont manqué. L’Administration apparait dans ces conditions comme le seul instrument de gestion et se substituant aux individus et au groupe, leur impose sa propre conception des choses par les décisions qu’il prend à leur place.

L’organisation sociale étant ainsi faite favorise la dynamique d’un processus de transfert des pouvoirs de la base et de leur centralisation au sein des appareils de l’Etat. N’ayant pas d’autres moyens d’intervention que par la transmission d’ordres formels, l’Etat multiplie les lois, les décrets, les circulaires et les organes de contrôle créant de toute pièce un système tentaculaire administratif : la bureaucratie étouffant toute initiative de production ou d’investissement.

 Le fait que les recettes pétrolières vont pour l’essentiel au gouvernement qui décide de leur répartition et de leur affectation, fait en sorte que le revenu est moins perçu comme la contrepartie d’efforts productifs que comme un droit dont on peut jouir passivement du moment qu’il est octroyé en dehors de la sphère interne de la production.

Pour les dirigeants qui se sont succédés depuis l’indépendance, gouverner c’est importer, gérer c’est dépenser, sécuriser c’est réprimer, administrer c’est privilégier, diriger c’est autoriser et/ou interdire. Nous n’avons pas d’Etat au sens moderne du terme mais des administrations pléthoriques et budgétivores.

Administrer, exige de la technique ; gouverner réclame de la personnalité. L’une est une affaire de compétence, l’autre une question d’intégrité. Il s’agit de placer l’intérêt général au-dessus des intérêts particuliers. L’autorité doit aller de pair avec la responsabilité. 

En Algérie, elles font chambre à part. Ce n’est pas moi, c’est l’autre qui n’est que soi-même mais on ne veut pas l’admettre de peur de perdre son estime à soi mais personne n’est dupe mais on fait semblant. L’autorité sans la responsabilité se nomme dictature ; la responsabilité sans autorité s’appelle anarchie. 

Dr A. Boumezrag

PS/ Longtemps sevrés par la colonisation, les Algériens mettent désormais les bouchées doubles. « Un ventre rassasié demande à la tête de chanter » dit un adage algérien. Quand la tête chante, le corps danse, et les mains applaudissent. C’est le début de la récréation.

Les élèves quittent leurs classes, les paysans leurs terres, les ouvriers leurs usines, les artisans leurs échoppes. Les fonctionnaires leurs bureaux, les colons leurs exploitations, les moudjahidines se multiplient, les opportunistes foisonnent, les ambitions s’aiguisent, les luttes de pouvoir s’exacerbent, les discours claironnent. C’est l’indépendance.

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