La situation de l’Algérie est on ne peut plus alarmante. Les voyants sont au rouge et la tournure autoritaire du régime se précise de jour en jour. Exil ou prison : c’est le choix laissé aux opposants.
Comment justifier la cadence de ce train répressif que l’on met à la presse, autrement que comme une énième tentative de mettre au pas la corporation journalistique et de taire toute voix dissidente? Depuis le procès « bâclé » du meurtre du feu Djamel Bensmail, l’on ressent que la stratégie autoritaire fait son petit bonhomme de chemin dans la tête des concepteurs de la « Nouvelle Algérie ».
La peur doit changer de camp, tel semble être le credo de la nomenklatura. Le contexte international avec la guerre de l’Ukraine est, semble-t-il, en faveur de l’équipe dirigeante. L’Algérie est un pion essentiel aussi bien pour l’oligarchie de Vladimir Poutine (notre pays est un allié de taille pour Moscou dans la région) que pour les chancelleries occidentales (barrage pour l’immigration clandestine, pourvoyeur du pétrole, soutien actif dans la lutte anti-islamiste au Sahel, etc). Jeter un journaliste en prison ne fait plus peur aux dirigeants, car l’affaire est reléguée à la faveur des événements au second plan.
L’enjeu n°1, c’est désormais le pétrole et les perspectives énergétiques. Ayant compris cet aspect-là, le président français Emmanuel Macron a monnayé, en quelque sorte, son silence sur l’arbitraire algérien en contrepartie de l’assurance d’Alger sur l’approvisionnement de l’Europe en gaz pour cet hiver. Le président français sait bien que Poutine pèsera de tout son influence sur Alger pour traîner l’Europe dans la boue, en la laissant au froid.
C’est dans ce sens que l’on doit comprendre l’assouplissement du processus de la délivrance des visas pour les Algériens, malgré « le flou’ entretenu par l’Algérie à propos du processus de la récupération de ses clandestins. Sommes-nous en phase de « normalisation des relations bilatérales »? Niet catégorique.
La France et l’Algérie, c’est comme un couple en instance de divorce, mais, chacun d’eux traînant des casseroles qui compromettent l’autre, est obligé de garder contact avec son « ennemi » circonstanciel pour la sécurité des enfants! Cette équation n’a jamais changé depuis l’époque du prince des ténèbres, Jacques Foccart, le M. Françafrique de l’Elysée.
Quoiqu’il dise, Emmanuel Macron ne peut échapper à cette réalité historique, c’est pourquoi, il a donné un blanc-seing à Abdelmadjid Tebboune pour la mise en place de son nouveau système répressif contre la presse et les médias.
D’ailleurs, la question des droits de l’homme n’a jamais été une priorité pour les puissances occidentales et le précédent de la guerre civile des années 1990 est là pour nous le faire rappeler. S’ajoute le fait que l’ébullition politique provoquée par le Hirak s’est émoussée, faute de stratégie et de vision claire d’une structuration du mouvement citoyen né après le 22 février 2019, en vue d’un dialogue avec le pouvoir ou, du moins, une confrontation précise sur le terrain du débat des idées.
Faute d’arbitrage, le peuple et le pouvoir sont plus que jamais en divorce, alors que le premier magistrat du pays n’a jamais effectué depuis son arrivée à El-Mouradia une visite dans une ville ou un village d’Algérie! Un fait grave et « inédit » dans les annales de l’histoire algérienne contemporaine.
Tous les signes vont dans le sens d’une fermeture totale du champ médiatique et d’une restructuration clanique du pouvoir, autour du diptyque : sécurité nationale-militarisation, avec comme moteur la rente.
Néanmoins, l’espoir du Hirak, tel un feu mal éteint, est en train de couver, sans trouver de paille pour se propager. La faute est à qui? Bien sûr, à l’élite : le maillon faible de l’histoire algérienne depuis au moins 1980, date du dernier événement politique provoqué par un intellectuel, en l’occurrence l’anthropologue Mouloud Mammeri .
Kamal Guerroua