22 novembre 2024
spot_img
AccueilA la uneL’Algérie utile et l’Algérie profonde

L’Algérie utile et l’Algérie profonde

Pétrole

1956, une année marquante dans l’histoire de l’Algérie contemporaine : découverte du pétrole par les français, création des services de renseignements algériens. L’Algérie utile et l’Algérie profonde, venaient de naître d’une mère française et d’un père algérien.

L’une a les yeux bleus comme sa mère, l’autre des yeux noirs comme son père. La mère étant de confession chrétienne, le père de religion musulmane. Les deux ont grandis écartelées entre les deux rives de la Méditerranée.

L’une est éduquée par la mère dans la liberté de la femme, l’autre dressée par le père dans la soumission à l’homme. L’une dispose d’une plume pour s’exprimer, l’autre d’un bâton pour s’imposer. Pour l’une « jeu de mains, jeu de vilains », pour l’autre le « je » dois l’emporter sur le « jeu ». Elles se chamaillent souvent mais ne se séparent jamais. L’une ne peut s’en passer de l’autre. La ménopause approche, comment faire pour se marier et rester toujours ensemble, c’est-à-dire avoir le même domicile c’est-à-dire vivre sous le même toit ?  Il est évident que les nationalistes algériens n’ignoraient pas l’importance stratégique du pétrole après la seconde guerre mondiale sur les régimes politiques arabes de l’époque. La présence du pétrole au Sahara est à l’origine de l’intensification de la guerre par les deux belligérants que sont la France et le FLN.

La France coloniale visait l’indépendance énergétique, l’objectif du FLN est l’indépendance politique. De Gaulle décréta en 1959 le pétrole découvert au Sahara en 1956 propriété de l’Etat français. Compte tenu de l’intérêt stratégique des hydrocarbures pour la France coloniale comme pour les dirigeants du FLN, la guerre a dû être prolongée de deux années. De Gaulle était conscient que le FLN et l’ALN allaient remporter la guerre de libération nationale dès la fin de l’année 1959. Il réfléchissait déjà à la manière de sauvegarder les intérêts français en Algérie.

- Advertisement -

Il en est de même de l’Armée de l’extérieur avec à sa tête le colonel Boumediene qui envisageait dès 1959 son accession au pouvoir. Le 24 février 1971, Boumediene décide la nationalisation des hydrocarbures. Cette nationalisation signifiait que l’Etat algérien devient propriétaire des gisements pétroliers, gaziers et miniers se trouvant sur le territoire national.

Déjà à l’époque, le FLN mobilisait les masses en leur tenant ce discours « aidez-nous à avoir l’indépendance et vous recevrez chez vous votre salaire sans travailler ». C’est pour dire que les revenus pétroliers, étaient présents dans la tête de la révolution algérienne. Il sera le pot de miel de l’Algérie indépendante que se disputeront les clans parvenus au pouvoir. L’indépendance va faire apparaître deux Algérie : l’Algérie utile, celle du pétrole et l’Algérie profonde, celle des clans.

Le pétrole sera le « pot de miel » de l’Algérie indépendante que se disputeront les différents clans parvenus au pouvoir. Les « services » vont jouer un rôle clé dans la transmission des pouvoirs d’un clan à un autre, d’une période à une autre. Ils seront successivement, simultanément ou séparément soit un outil du pouvoir, soit le centre du pouvoir soit un pouvoir. L’Algérie profonde est segmentée en clans dominés par des personnes physiques influentes privant l’Etat en tant que personne morale de jouer son rôle régulateur et planificateur. Pour asseoir sa dynastie, la constitution de clans est un impératif vital pour le maintien du régime. Il n’a pas besoin d’un Etat mais d’une Cour, d’une clientèle et non d’institutions.

Pour ce faire, il s’entoure de courtisans qui chantent et non de collaborateurs qui réfléchissent, de corrompus pour les tenir et non de vertueux qui lui échappent, de médiocres qui exécutent les ordres et non de compétence qui débattent les idées. Le clanisme reposant sur la parenté réelle ou supposée fonde toute l’organisation de la société dans sa dimension politique où l’individu ne reconnaît aucune autorité légitime autre que celle de sa famille ou de son clan ou de sa tribu à qui il accorde une confiance absolue et dont il attend une protection et des privilèges.

Une société dans laquelle les fonctions du chef du clan se confondent avec celles du chef de l’Etat. Le renseignement et le pétrole forment un couple inséparable. Les deux se tiennent par la main. Les renseignements sont ses yeux et ses oreilles, sa lumière et son ombre, son bras droit et son bras gauche. Ils occupent tout le terrain. Ils jouent des deux pieds et marquent des buts avec la tête. Une partie qui se dispute sans arbitre à huis clos.

Au regard des puissances étrangères, le pétrole et le renseignement sont les deux piliers du régime de l’Algérie utile. Deux industries qui fonctionnent à plein rendement (24/24). Elles n’ont ni problèmes d’approvisionnement, ni de débouchés. Elles tournent toutes seules. C’’est le pilotage automatique.

Si on devait comparer le régime algérien à un moteur d’une voiture, le pétrole serait son carburant et le renseignement son lubrifiant. Aujourd’hui, le moteur tousse, l’essence manque, l’huile est usée et la prochaine station incertaine.

L’économie rentière est la base sur laquelle repose les régimes arabes et la prospérité occidentale. « On ne crache pas dans la soupe ». Le pétrole a transformé le pays en une vaste caserne à ciel ouvert où chacun attend son virement du mois en fonction de son grade (attribué ou mérité ?) et de sa disponibilité à servir loyalement ses supérieurs. Le pétrole dans sa gouvernance est informé par le renseignement et protégé par l’armée dans le fonctionnement et la pérennisation du régime en place. Le pétrole est présent dans l’Etat, dans la tête de ceux qui pensent être l’Etat, c’est-à-dire l’incarnation de la volonté populaire.

Les gisements pétroliers et gaziers sont la propriété de l’Etat et non de la nation. Une nation en gestation, suite à une fécondation in vitro, avec un accouchement sous césarienne, dans une clinique suisse, nourrie au biberon à partir du lait importé, elle est fragile et malléable. Qui en est le père protecteur ? De quelle côté de la méditerranée se trouve la mère patrie ? Une société réduite à un corps amorphe, un esprit stérile et une âme agitée ?

« L’âme d’une nation se révèle à travers ses services secrets » nous dit John le Carré. Pris en tenaille entre la volonté populaire de changement et le statut quo suicidaire du régime, on s’interroge que faire dans un pays où régime et Etat sont cimentés par le pétrole, où l’Algérie réelle et l’Algérie virtuelle se confondent.

La guerre et la paix cohabitent dans le même palais. L’amour et la haine du pays couchent dans le même lit.  Le renseignement et le pétrole forment un couple pervers. Les deux se tiennent par la main. Les « services » sont ses yeux et ses oreilles, sa lumière et son ombre, son bras droit et son bras gauche. Ils occupent tout le terrain. Ils jouent des deux pieds et marquent des buts avec la tête. Une partie qui se dispute sans arbitre à huis clos. Au regard des puissances étrangères, le pétrole et le renseignement sont les deux piliers du régime de l’Algérie utile.

Deux industries qui fonctionnent à plein rendement (24/24). Elles n’ont ni problèmes d’approvisionnement, ni de débouchés. Elles tournent toutes seules. Elles n’ont besoin ni de parlement, ni de gouvernement, ni de dirigeants. Ils peuvent prendre leur retraite ou vaquer à leurs affaires. Leur présence n’est pas nécessaire. C’’est le pilotage automatique. Si on devait comparer le régime algérien à un moteur d’une voiture, le pétrole serait son carburant et le renseignement son lubrifiant.

Aujourd’hui, le moteur tousse, l’essence manque, l’huile est usée et la prochaine station incertaine. Le pétrole est présent dans l’Etat dans la tête de ceux qui pensent être l’Etat, c’est-à-dire l’incarnation de la volonté populaire. Les gisements pétroliers et gaziers sont la propriété de l’Etat et non de la nation. Une société réduite à un corps amorphe, un esprit stérile et une âme agitée ? « L’âme d’une nation se révèle à travers ses services secrets » nous dit John le Carré. Le temps presse, la mort frappe.

Que faire quand « Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions » ? Que faire dans une société dominée par l’armée dépendante des revenus pétroliers et gaziers pour sa survie dans un monde sans état d’âme ou le fort s’empare des richesses du faible ? C’est là la signification profonde du mouvement pacifique de contestation populaire du 22 février 2019 qui s’inscrit dans la droite ligne du mouvement de libération nationale du 1er novembre 1954.

« L’arbre suit sa racine ». Algérie éternelle, quand tu me tiens, je suis ton serviteur, tu es ma mère patrie clament les jeunes manifestants qui n’ont pas connu les atrocités des deux guerres. Epargnons-leur les souffrances passées et les ressentiments présents de leurs aînés. Ils n’ont rien à se reprocher. Ils désirent tout simplement vivre dignement dans un pays de liberté et de justice. Ils n’ont pas choisis les parents qui les ont vu naître, le pays dont il seront citoyens, l’époque dans laquelle ils vont vivre. Soyons cléments, accompagnons les de nos prières. Ils ont en besoin dans ce monde turbulent. Qui sait ce qu’il leur réserve.

Dr A. Boumezrag

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

ARTICLES SIMILAIRES

Les plus lus

L’autoroute est-ouest toujours gratuite

Le péage sur l'autoroute est-ouest n'est pas pour le moment dans les tablettes du gouvernement. Les automobilistes pourront continuer à appuyer sur le champignon...

Les derniers articles

Commentaires récents