23 novembre 2024
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L’alliance militaro-FLN veut accaparer son butin

Alors que la rébellion citoyenne se durcit

L’alliance militaro-FLN veut accaparer son butin

Ce que le mouvement protestataire a obtenu grâce à d’imposantes marches pacifiques qui ont drainé des millions de citoyens à travers toutes les grandes villes du pays, le pouvoir tente de se l’approprier : la destitution de Bouteflika.

Même si cette destitution ne signifie pas encore la neutralisation de son clan, son départ d’El Mouradia où il n’est, depuis longtemps, qu’une taxidermie d’un Président, elle est en revanche entamée par au moins trois signes probants : son renoncement à un 5e mandat, l’impossibilité pour ses hommes de paille de la dernière chance de constituer un nouveau gouvernement fantoche, et sa conférence nationale inclusive censée appliquer sa feuille de route édictée depuis Genève rendue inopérante.

Face à ces érosions politiques des terres du sérail d’un Bouteflika dans ses derniers retranchements, il est aisé pour ses fidèles carnassiers d’hier, d’achever la bête agonisante, tout en s’assurant des appuis des louveteaux du sérail dressés aux infidélités de la loi du plus fort.

Et ce n’est guère étonnant que la meute glapisse et sorte des bois. L’ennemi à abattre, ils le savent, n’est plus un danger pour le pays, encore moins pour la République. C’est, pensent-ils, l’occasion ou jamais.

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A la faveur du mouvement de protestation du 22 février, il veulent se refaire une virginité, être les premiers à l’assaut, s’octroyer les premières victoires des marches de la protestation en lançant à cor et cris l’assaut final contre un Président fantomatique. Au sixième vendredi des gigantesques marches de l’insurrection citoyenne qui se politise, a, à sa naissance, dépassé, le slogan initiateur « Non au 5e mandat », que signifient donc ces appels tardifs de la cohorte du sérail même du FLN et ses partis cocotte minutes à l’abdication de Bouteflika à contretemps de la dynamique du mouvement protestataire qui l’a dépassée, exigeant le départ de tout le Système en place ?

Ce sixième vendredi, le mouvement de la protestation citoyenne a rejeté la « voie de sortie de crise » du chef d’Etat major Ahmed Gaïd-Salah  par le recours à l’article 102 de la constitution en lui opposant avec causticité l’application de l’article 7 de la constitution « Art. 7. — Le peuple est la source de tout pouvoir.
La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple ».

Mais cette réplique, si elle n’était pas comprise sous son aspect humoristique, est tout aussi dangereuse car la notion de « peuple » est dangereuse ; elle se prête à toutes les dérives idéologiques et politiques. Où était le « peuple » sous les quatre mandats de Bouteflika, chacun à 99% ? Est-ce le « peuple » algérien qui a voté à l’unanimité la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ? Est-ce le « peuple » qui en 1991 a ouvert les portes des communes au Front Islamique du Salut ( FIS) ?…et cetera.

Observons de plus près ce décalage entre les propositions de « sorties de crise » formulées par le pouvoir toutes tendances confondues et les avancées dans les revendications politiques de la Protestation du 22 février.

Dans un premier temps, le pouvoir minimise l’ampleur du mouvement de la mobilisation populaire mais il est pris de court par le message du 8 mars de Bouteflika qui dit renoncer au 5e mandat sous la pression de la rue tout en  proposant la première voie de sortie de l’impasse  : une conférence nationale, un nouveau gouvernement, le rejet des échéances électorales des présidentielles à une date ultérieure. Conforté par le fait que la duperie ne serait pas dévoilée, le clan Bouteflika déploie l’arsenal médiatique et juridique pour engager le processus de mise en route d’une prolongation d’un 4e mandat. La supercherie dévoilée et décriée par de gigantesques marches populaires et corporatistes, la constitution du nouveau gouvernement annoncé pourtant comme imminent n’a pas lieu et l’homme providentiel chargé des consultations pour la conférence nationale subit un cuisant échec.

Pour la rue rebelle, est considéré « harki » quiconque se porte candidat à la réalisation des « traîtrises » de Bouteflika ! A ce stade, le pouvoir fait la sourde oreille au mouvement protestataire tout en le caressant dans le sens du poil faisant l’éloge de ses actions pacifiques. Il affûte ses armes du « dialogue », mobilise ses relais, tente de multiples opérations de charme, de propagandes, entre autres, la distribution de logements sociaux, l’adduction  de bourgades du gaz naturel, informations soutenues sur la lutte anti-terroristes et anti-maffia etc.

Dans un deuxième temps, dénoncé dans ses entreprises anticonstitutionnelles déjouées par la rébellion citoyenne, le pouvoir, dans la diversité de ses clans, claniques, d’apparat, mafieux de l’ombre, légaux, intellectuels de service, chefs de partis, islamistes intégristes reconvertis ou non, FLN, FLN bis d’une opposition de façade, tout ce beau monde appelle, avec pathétisme, au dialogue « inclusif ». De mini-partis insignifiants proposent de piètres solutions de « sorties crises », d’autres appellent à l’installation de  « comités populaires », d’autres encore à maintenir les Présidentielles coûte que coûte, seule véritable voie, à leurs yeux, de règlements salutaires par la voie et la Voix des urnes.

C’est dans cette foire d’empoigne qu’est intervenue l’institution militaire des Tagarins, marquée par le traumatisme de la décennie noire lorsque Bouteflika, en faisant voter la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, a fait d’elle, elle, issue de l’héroïque A.L.N, une bande de mercenaires sans objectifs politiques. Dans ce charivari impuissant à faire face à la crise, l’Armée ne pouvait rester la Grande Muette. Son chef d’Etat-Major, dès la naissance du mouvement protestataire du 22 février est monté au front, sur tous les fronts, saisissant toutes les sorties qui auraient été, en temps de « paix » de routine, pour lancer des messages à double tranchant jusqu’à ce fameux article 102 de la constitution qu’il propose comme « sortie de crise » pour destituer le chef des armées ( l’est-il toujours ?), Bouteflika.

En tout cas, c’est la lecture d’aucuns prêtent à ce « télégramme » du vice-ministre de la Défense nationale. Or, ce recours  à l’article 102 s’est fait tardivement car il tombe sous le coup de l’article 105 que Bouteflika a piétiné dans son emballement à vouloir prolonger son 4e mandat à défaut de mourir dans l’apothéose d’un 5e, dans le chiffre porte-bonheur de l’hagiographie maghrébine d’une « khamsa » au henné sur les murs d’un santon ! Même si cette constitution est cousue et recousue de ses mains d’un mandat à l’autre, elle prévoit tout de même en son article 88 : « La durée du mandat présidentiel est de cinq ( 5) années. Le Président de la République est rééligible une seule fois ».

Et qu’en a-t-il fait ? Comment Ahmed Gaïd-Salah peut-il invoquer la pertinence de l’article 102 dans l’inobservance même de l’article 88 ? La Constitution est un « Tout » elle n’est pas un ensemble de lois disparates prises isolément. Ahmed Gaïd Salah n’a pas plutôt formulé ce recours à la loi constitutionnelle pour faire destituer son chef des armées que du côté des politiques on s’empresse de lui montrer patte blanche sans toutefois se montrer « visibles » aux côtés des revendications du mouvement protestataire auquel contre vents et marées ils persistent à faire la sourde oreille.

A propos de cette alliance supposée entre l’Armée et le mouvement protestataire du 22 février, elle est, selon Ibn Khaldoun, dans sa Muqadima, utopique. Lorsque le Prince prend ses aises dans son royaume, s’accapare des biens de la communauté, trahit ses liens de sang, éloigne sa famille des centres décisionnels du pouvoir tout en l’engraissant, fait appel à des étrangers et à l’armée pour diriger le pays, c’est le signe de la décadence de son Règne.

Dans un troisième temps, après ce sixième vendredi, l’épuisement du recours à la légalité de la Constitution poussera le pouvoir à d’autres manœuvres autrement plus subtiles, qui se joueront dans ses propres espaces décisionnels restés jusque-là prémunis, physiquement, par le mouvement contestataire : le Conseil constitutionnel, le Parlement, l’Assemblée nationale en somme les représentations nationales.

Comment faire passer la « prétendue », car dépassée destitution de Bouteflika comme la fin du système qui l’a enfanté  aux yeux d’un mouvement insurrectionnel qui se durcit dans ses revendications du dégagement de l’entité du Système en place et donc de la représentativité de l’architecture politique et sémantique de ses représentations?

Pour ce faire, cette alliance contre nature, militaro-FLN ( et non militaro-mouvement du 22 février) qui ira, s’élargissant aux partis politiques agréés, nourris et logés par le système, participant aux élections présidentielles et législatives,  envisagera une occupation « militante » des institutions législatives et représentatives, le conseil constitutionnel, le sénat, l’Assemblée nationale où se jouent les dernières cartes du pouvoir, comme solution de « sorties de crise ».

De caisse de résonance des quatre mandats de Bouteflika, cette alliance qui tentera ainsi de faire sienne le butin de la rébellion populaire du 22 février se fera le héraut d’une nouvelle ère d’institutions revenues au peuple grâce à l’article 7 de la Constitution. En somme un coup d’Etat déguisé en sursaut révolutionnaire selon la vieille rhétorique du FLN.

Mais, à n’en pas douter, quelles que soient les roublardises de cette alliance, le dernier mot reviendra au mouvement insurrectionnel du 22 février. Jamais le vice ne triomphe de la vertu.

Auteur
Rachid Mokhtari, écrivain journaliste

 




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