20 avril 2024
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AccueilCulture"Le Fils du pauvre" réédité dans sa version originelle

« Le Fils du pauvre » réédité dans sa version originelle


La Fondation Mouloud Feraoun a annoncé avoir réédité deux romans de Mouloud Feraoun, « Le fils du pauvre et « La cité des roses ». Ce dernier est roman posthume qui devait paraître sous le titre de L’anniversaire chez  les éditions Le Seuil. 

La nouvelle édition des deux ouvrages  est une  version intégrale manuscrite des textes remis par l’auteur à son éditeur qui d’après Ali Feraoun, fils de l’écrivain et président de la Fondation qui porte le nom de son père, les a expurgés de certains passages.

« Les deux ouvrages ont été revues, complètes et commentés par expertise académique », a-t-il précisé dans un post publié dans son réseau social.

Selon le président de la Fondation Mouloud Feraoun, les lecteurs pourront ainsi lire Le fils du pauvre et La Cite des roses (L’anniversaire) avec des détails qui ne figurent pas dans l’édition initiale, redonnant ainsi la profondeur symbolique et la teneur originale voulue par l’écrivain.

Ali Feraoun voit dans les versions publiées jusque-là un acte de censure qu’il impute aux éditions du Seuil et à l’écrivain Emmanuel Roblès, ami et camarade de Mouloud Feraoun à l’Ecole normale de Bouzeréah. Il les accuse d’avoir fait l’impasse sur le texte intégral des deux ouvrages dont ils ont escamoté des passages.

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La  censure, car il s’agit bien de cela,  selon les propos du fils de l’auteur de Jours de Kabylie, est destinée à mettre en adéquation le contenu des deux romans de Mouloud Feraoun avec les standards idéologiques de l’institution littéraire coloniale.

Ce dont s’était plaint longuement Ali Feraoun dans une émission diffusée en 2021, sur les ondes de la RTO (Radio Tizi-Ouzou) à l’occasion du 59e anniversaire de l’assassinat de Mouloud Feraoun.

« Pendant 50 ans, Emmanuel Roblès, qui dirigeait les éditions du Seuil, donnait une image fausse de Feraoun». « Cette conclusion est partagée par José Lenzini qui, lorsque je voulais faire un livre sur le centenaire de Feraoun en 2013, il a sonné à ma porte et m’a dit avoir connu Feraoun à travers Albert Camus sur qui il a écrit six ou sept livres (1).

José Lenzini m’a dit que tout le monde dit que Feraoun est l’ami de Camus et moi je vois que Feraoun est le contraire de Camus parce que Camus depuis sa naissance regardait l’Algérie française et Feraoun depuis qu’il existe regardait l’indépendance, puis encore que tout le monde dit qu’Emmanuel Roblès est l’ami de Feraoun et moi je dis que c’est lui qui a bloqué Feraoun et que l’ennemi de Feraoun c’était Roblès”, relate Ali Feraoun qui abordera dans la même émission de Radio Tizi-Ouzou certaines des raisons pour lesquelles Feraoun a continué à être attaqué même durant la période post-indépendance.

Lorsque Le journal de Feraoun a été publié en septembre 1962, post-mortem, les dirigeants de l’époque étaient particulièrement consternés en découvrant des vérités qui dérangeaient comme lorsqu’il exprimait son inquiétude pour l’avenir du pays après l’indépendance. « Il écrivait, en recevant un exemplaire d’El Moudjahid, que si c’est là la crème du FLN, je ne me fais pas d’illusions, ils tireront les marrons du feu pour quelques gros bourgeois, quelques gros politiciens tapis mystérieusement dans leur courageux mutisme et qui attendent l’heure de la curée ».
Il y a eu des instructions qui ont été données pour le discréditer en disant que Feraoun n’a pas fait la Révolution, et c’est Mustapha Lacheraf — qui avait déjà attaqué Mouloud Mammeri — qui a encore commencé à attaquer Feraoun”, a expliqué Ali Feraoun soulignant qu’heureusement il y a eu les vrais moudjahidine qui l’ont toujours respecté puis encore une nouvelle génération de jeunes chercheurs qui réfléchissent.

Pour l’écrivain, Youcef Merahi, il n’y a également pas l’ombre d’un doute concernant les objectifs des attaques contre Feraoun. “La critique qui a touché Feraoun, plus particulièrement celle qui vient des siens, a eu des visées politiques et idéologiques. Il n’y a même pas eu d’approche d’ordre esthétique ils l’ont attaqué comme ils l’ont fait avec Mammeri, Dib et tous les auteurs francophones de la première génération des écrivains de guerre qui n’ont pas été épargnés par une certaine pensée nationalo-nationaliste” (2).

Selon Fazia Feraoun, fille de l’écrivain,  il aura fallu attendre les années 2000 pour que son père fasse l’objet d’une vraie lecture littéraire et scientifique. “Depuis l’indépendance jusqu’aux années 2000, il y a eu plusieurs lectures de Mouloud Feraoun mais en 2001 il y a eu un livre très important qui fait la charnière et qui a été écrit par Martine Mathieu Job et Robert Elbaz qui disent que toutes les lectures qui ont été faites de Feraoun depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui sont des lectures idéologiques, c’est-à-dire commandées et qui avaient un but politique (3).

Ce n’est donc qu’à partir de cette période qu’on a commencé à avoir une lecture scientifique et littéraire”, a-t-elle détaillé précisant que ces lectures scientifiques ont commencé à l’étranger, entre autres, aux USA ensuite au Japon par des personnes qui ne sont pas concernées, notamment avec le travail de James Lesueur qui a traduit en anglais Le journal de Mouloud Feraoun, paru au début des années 2000, en ajoutant 60 pages pour expliquer ce qu’était la guerre d’Algérie, puis la traduction de la version originale du Fils du pauvre, parue vers 2006, puis La terre et le sang par Lucy Mac Naïr qui qualifie ce livre d’œuvre révolutionnaire majeure. Feraoun a été, également, traduit au Japon, en Russie, en Allemagne et dans la plupart des pays de l’Europe de l’Est.

Synthèse Samia Naït Iqbal

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