27 avril 2024
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Le grand remplacement dites-vous ?

REGARD

Le grand remplacement dites-vous ?

De l’anecdote du pain au chocolat de l’ex-président de l’UMP Jean-François Copé à celle du grand remplacement d’Eric Zemmour, il n’y a pas matière à se fâcher.

Si les histoires varient en Hexagone, le rituel étant le même : le dénigrement de l’autre sur fond de racisme primaire. Cet autre n’est autre que l’étranger et qui dit étranger dit Maghrébin, Algérien, Marocain, Tunisien, etc.

Puis, vient maintenant l’interview de Allaoua, le fameux interprète analphabète de son copain paumé qui l’appelle au secours, pour comprendre un peu le charabia d’un journaliste d’une chaîne privée. Cherchant ses mots, le gars complètement perdu, ne savait rien sur ce Zemmour-là ni d’ailleurs sur les élections présidentielles en France.

Sa seule préoccupation, c’est de régulariser sa situation, avoir ses « papiers », décrocher un travail et vivre dignement. Devant le journaliste qui les aurait  interrogés et pris, paraît-il, comme porte-parole de la communauté algérienne en France, les deux amis tentent de se débrouiller comme ils peuvent pour former une phrase simple, avec une langue cassée, en jetant leur fiel sur les responsables algériens qu’ils traitent de tous les noms d’oiseaux. La misère humaine, dans toute sa laideur, est mise au goût du jour par la propagande médiatique, banalisée par les réseaux sociaux.

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Or, ces deux jeunes clandestins, comme bien des milliers d’autres, coincés dans l’engrenage de l’hypocrisie occidentale, ne sont  ni délinquants ni voleurs. Ils ne sont là que par la force des choses, c’est-à-dire la mauvaise gouvernance. Ils vendent des cigarettes au quartier de Barbès pour survivre, Oui, pour survivre.

Rejetés de part et d’autre, ils sont victimes de l’indifférence officielle. Un simple déchet  humain pour l’Algérie et un chiffre pour la France, en ébullition électorale. L’exil n’est qu’un pis-aller, en fin de compte, pour ces milliers de harraga qui prennent la mer en barques pour rejoindre, au péril de leur vie, l’autre rive de la Méditerranée, laquelle tourne en dérision leur malheur. Mais l’eldorado tant rêvé en est-il vraiment un ? Question mille fois posée, mais à laquelle aucune réponse n’est apportée. 

Je conserve toujours dans ma tête le souvenir d’un jeune de banlieue parisienne, de petite taille, au sourire d’enfant et au débit de voix généreux qui me racontait avec un  luxe de détails pourquoi il était devenu, malgré lui, un ouvrier du bâtiment, alors qu’il avait toutes les capacités d’être ingénieur ou médecin. « Il n’y a pas mieux que  chez soi » me dit-il souriant. J’étais très fort en maths mais la vie en a voulu autrement. J’étais à la fois studieux et curieux. J’avais une grande soif d’apprendre. Je me rappelle qu’enfant déjà,  j’avais lu Jules Verne, Victor Hugo, les aventures de Tartarin de Tarascon et beaucoup de classiques de la littérature. J’aimais aussi Azouz Beggag. Ô mon Dieu, « le Gone du Chaâba », je l’avais lu d’une seule traite. J’adorais les récits de ce Beur qui a réussi, je m’y retrouvais.

Même si Lyon n’est pas Paris, les circonstances étaient presque les mêmes pour les « zmigris ». Tu sais, c’est quoi le plus grand drame de ma vie » « Non! » « Eh bien, mes parents analphabètes. Les chibanis étaient drôles! Ils ne savaient pratiquement rien de ce que devait être cette fameuse intégration dont on nous cassait la tête. Leur seul souci, c’était d’envoyer des sous au bled. Ils ne faisaient que construire des maisons, où nichaient des pigeons et des hirondelles. Ils croyaient qu’on vivait provisoirement en France, qu’on allait retourner définitivement  un jour, là-bas au bled, y travailler la terre  comme autrefois et finir notre vie des fidèles à la mosquée. Quel malheur! Aux  grandes vacances d’été, de retour à la campagne au bled, les enfants là-bas m’appelaient aussi « migri  » et j’avais mal à contenir mes larmes. J’étais un émigré partout. J’étais un enfant égaré, sans patrie, sans pays, sans maison ». « Donc, je comprends bien que le retour chez soi est impossible pour un immigré! ». « Mais, bien sûr. Seulement moi, je ne suis pas un émigré, je suis Français, j’ai une éducation française et je ne peux être autrement.

Dans ma banlieue à Nanterre, j’avais partagé ma vie avec beaucoup d’amis français : nos mères échangeaient les plats, on jouait ensemble, on rigolait, on s’aimait. Il n’y avait ni Juifs ni Chrétiens ni Musulmans, on était tous frères, quoique j’aie ressenti  à l’époque une certaine discrimination dans les regards, et surtout à l’école. Mon prénom, c’est Mohamed et l’on m’appelait Momo. J’avais subi ça comme une offense à ma propre personne, à mon identité, mais je me disais, c’est pas méchant, puisque Stéphane, on l’appelait aussi Steph et Pierre, Pierrot. J’aimais la France, terre de ma naissance, bien mieux que la Tunisie, terre de mes parents et de mes ancêtres. C’était normal pour moi, une chose naturelle, innée somme toute. Mais, bordel, avec le temps, c’était devenu honteux d’aimer son propre pays! Je me sentais tel un renégat dans ma communauté. Les miens me regardaient avec méfiance.

On me pointait du doigt et l’on disait derrière mon dos « voici le gawri qui mangeait le halouf ».  Et pourtant, à l’époque, il n’y avait ni  shop-hallal ni burqa ni salafiste ni rien du tout. Non plus toute cette haine, tous ces ressentiments, tout ce racisme zemmouriste. Chaque dimanche, mon père, un fidèle pratiquant, achetait de la viande chez les Juifs du quartier.

Mon père est originaire de Djerba. Pour lui, les Juifs étaient mieux que les Françaouis, ils sont plus chaleureux, plus généreux et moins radins. Mais sa faute à lui est qu’il était trop près de ses sous, il amassait de l’argent, trop d’argent qu’il envoyait par paquets au bled pour construire des appartements qu’il n’a jamais habités. Il n’accordait aucun crédit au savoir ni à la culture. Il ne regardait que l’argent, c’est sa seule ceinture de sécurité, son ascenseur social. Il y en avait beaucoup dans son cas dans ma banlieue » « Mais en quoi cela t’a-t-il dérangé? » « Eh bien mon ami, je te confie une chose, quand j’étais petit, je partais à l’école sans mon goûter. Ma mère, toute naïve qu’elle était, me mettait un peu de sauce tomate sur un morceau de pain, et c’était tout.

Quand j’arrive en classe, au moment du goûter, je devenais rouge de honte. Les autres gamins prenaient leurs sacs et en retiraient des tartines aux chocolats, des croissants et des petits pains, soigneusement empaquetés, et moi, rien. Je rongeais ma faim de loup dans un coin. » « Et du coup, comment tu fais? » « Système D : j’ai appris à voler à l’école républicaine. Oui, j’étais devenu un vrai voleur de petits pains, avant de me tourner, une fois adolescent, à la délinquance.

Aucun suivi ni à l’école ni par mes parents. Dieu merci, j’ai appris le métier de maçon qui m’a sauvé aujourd’hui. Quand j’ai entendu la blague de Copé en 2013, j’ai pensé tout de suite à ça, mais dans le sens inverse, et j’ai bien rigolé…l’intégration à la française, un vrai poisson d’avril »  

Auteur
Kamal Guerroua

 




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