29 mars 2024
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Le Matin d’Algérie : 15 ans de luttes pour la liberté d’expression !

Par un savoureux «Et un 5 octobre Coucou ! Revoilà Le Matin ! », manchette de son édition n° zéro, en date du 5 octobre 2007, et après en avoir été chassé par ses propres petites portes, le journal Le Matin renaissait de ses cendres pour réapparaître dans cette lucarne du web, encore plus grandiose et magique que celle des kiosques habituels. Le tout par la grâce et le combat d’un homme que le pouvoir avait cru mettre à genou pour de bon, en le jetant, quelques années auparavant, tel un vulgaire délinquant, en prison !

C’était leur façon à eux, les Bouteflika, Zerhouni et tutti quanti, de lui apprendre, du moins le croyaient-ils, à faire preuve d’obédience à des maitres indus, vils et primitifs ! De loin, nous, les damnés de cette terre jamais en paix, avions suivi les étapes et le tissage du tapis de vilénies sur lequel Mohamed Benchicou devait apprendre à s’agenouiller pour vénérer ces imposteurs bonimenteurs qui s’acharnent à puiser une gloire factice d’infinies luxures emballées dans de perfides facéties !

C’est, je crois, en ces moments de Hogra extrême qu’est né, en la plupart d’entre nous, algériens exilés aux quatre coins du monde, le sentiment d’impuissance face aux dérives d’un pouvoir maléfique pour lequel compétence ne rime plus qu’avec barbarie et malfaisance, et une justice aux ordres, instrumentalisée pour être au service exclusif de l’association de malfaiteurs qui fait du drapeau, de la gloire à nos morts, et de l’épopée 1954-1962, un fonds de commerce diabolique et corrompu qui consiste à brader les richesses du pays pour leurs propres intérêts et ceux de cette foule de valets empressés pour acquiescer toutes sortes de félonies, faisant fi des nombreux préjudices physiques et moraux que leurs comportements indignes font subir à la société !

Par la condamnation de Mohamed Benchicou, le pouvoir en place signifiait à tous les algériens lucides que désormais les opinions et les idées des autres, particulièrement celles d’une intelligentsia combative sur le terrain, n’avaient plus leurs places dans l’Algérie de la « 3izza wa elkarama » des crapules qui l’ont confisquée, ne donnant guère d’autre choix aux têtes dures et autres récalcitrants que celui de la valise ou d’une place au cimetière à ciel ouvert qu’est devenu le pays, par la grâce d’une soldatesque de comploteurs insatiables, acquis corps et âmes à une cause injuste et odieuse !

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Que de chemin parcouru par notre journal en 15 ans de vie ! Que de débats, que de joutes verbales ! Que de colères, que de coups de gueule ! Que d’indignations, que de ressentiments ! Mais aussi que de gaieté et de moments d’allégresse partagés avec des lecteurs éparpillés çà et là sur les cinq continents !

Le Matin d’Algérie, c’est tout cela ! Un mélange d’emballement et d’abattement quasi-consubstantielles, inhérents à toute dynamique d’interaction ! Le barycentre dont nous avions tous besoin pour garder un lien quasi vital avec nos racines !

La foi et la ligne de conduite « moustaquima » de ce journal peuvent se résumer à travers quelques rappels et prémices, sans les cloisonner dans des dates précises, de ce qui a fait la raison d’être du matin : libérer la parole et laisser s’affronter les idées et les débats, en toute démocratie, avec comme leitmotiv, celui d’une règle unique qui consiste à user d’un vocabulaire décent, approprié et respectueux ! En somme, une règle spontanément appliquée par toute personne qui se veut civilisée !

Les premières chroniques libres qui me viennent à l’esprit sont celles de sommités politiques, comme feu Abdelhak Brerhi ! Ce dernier, en porte-parole du fameux CCDR, avait vu en Le Matin une tribune à sens unique entre le savant qu’il était et les ignorants que nous sommes, pour nous vendre « une Algérie des valeurs républicaines, des libertés, ouverte sur la modernité et l’universalité de justice sociale, fondée sur la souveraineté du peuple… » et blablabla et blablabli. A. Brerhi en appelait, déjà en 2009, à une Algérie de résistance et de refus, pour contrecarrer le 3ème mandat de Bouteflika. Mais notre ministre avait vite fait de déchanter en découvrant son impopularité, décontenancé par la verve et les objections que ses interventions provoquaient parmi un lectorat bien remonté et au fait des arcanes qui se trament au sommet.

Monsieur le ministre croyait avoir affaire à une assemblée acquise, au même titre que l’imam du coin subjugue, de son minbar, une assemblée de croyants qui acquiescent et approuvent, de hochements de tête soutenus et contemplatifs, toutes sortes de discours diffus et confus !

Il avait suffi que quelques lecteurs lui rappellent qu’il était le premier fossoyeur de l’Université algérienne, coupable d’avoir cherché à arabiser jusqu’aux Sciences Exactes, coupable d’avoir accommodé des règles d’admission et de sélection ultra favorables aux cancres islamistes, pour que monsieur Brerhi batte en retraite et s’avise d’en rajouter ! Pour rappel, dès le milieu des années 1980, un étudiant en possession d’un bac, insidieusement dénommé Bac Sciences islamiques, était admissible à toutes les filières académiques ouvertes au pays, filières scientifiques, biologie, littérature, linguistique, Sciences économiques, Sciences sociales etc. !

Toutes les portes leurs étaient grandes ouvertes, du simple fait de savoir reciter quelques sourates et versets ! Si ce n’est pas de la « tmesskhirologie » au sens absolu, faudra bien nous en démontrer les enjeux et les visées, mises à part celles d’abrutir le pays, et par-delà, l’humanité !

En ces années où le débat n’en était qu’à ses balbutiements, nous avions même eu droit à un échange vif et virulent entre Abdelkader Dehbi, le penseur islamiste, pour lequel tout a déjà été pensé par « elladina men kablihoum », et Arezki Aït Larbi, le journaliste fougueux, à la verve déchainée ! Ces prises de bec (à lire !) traduisent, à elles seules, le fossé profond qui sépare les deux composantes irréconciliables et antithétiques du pays. Car comment espérer réconcilier, ceux qui opèrent, éructent et jacassent avec le ton agressif et les préceptes erronés de l’an 622 et ceux qui s’acharnent à vouloir tracter le pays pour l’arrimer au 21ème siècle et le faire vibrer et frémir aux rythmes de son temps ?

Que d’hommes politiques, d’Ahmed Benbitour au Genéral Yala, De Brerhi à Benflis sont venus passer leur examen de tribuns sur ces colonnes indomptables pour s’en retourner bredouilles, contrecarrés par des commentateurs formatés et aguerris par la verve et la colère cumulées par des décennies de désillusions provoquées par moult entourloupes au sommet !

À cet égard, les 15 années de rubriques du Matin constituent une manne de références à transmettre aux générations futures, comme autant de témoignages sur lesquels devrait s’appuyer toute étude sérieuse du combat mené, avec pour seules armes le verbe et la plume, par les Hommes contre des Dieux autoproclamés !

Pour nous avoir ouvert ces colonnes, sans chichis ni salamalecs superflus ; pour toutes ces années d’analyses, de critiques, d’apprentissage et de leçons de vie ; pour nous avoir appris à débattre sans ressentiment ni quelconque animosité ; merci à toute l’équipe du Matin !

Puissions-nous tous, lecteurs et chroniqueurs fidèles, vivre d’autres années aussi palpitantes que les précédentes !

Longue vie et toujours plus de punch pour la petite famille de lecteurs, de commentateurs, d’analystes et de chroniqueurs !

Kacem Madani

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