28 mars 2024
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Le pétrole au plus haut : doit-on pour autant se réjouir du massacre des Houthis ?

Moyen-Orient

Le pétrole au plus haut : doit-on pour autant se réjouir du massacre des Houthis ?

Dans sa lutte contre l’Iran, l’Arabie saoudite joue la déstabilisation du Yémen.

L’ensemble de la presse saoudienne dans les deux langues (anglaise et arabe) s’est réveillée, mardi matin, euphorique en annonçant  l’assassinat du chef politique de ce qu’elle qualifie de rebelles au Yémen par une frappe de la coalition que leur pays mène contre ce pays.

Le plus important, ce n’est pas  la réussite belliqueuse de l’offensive mais ce que s’est passé à Londres car le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin a terminé à 74,71 dollars sur l’Intercontinental Exchange (ICE), en hausse de 65 cents par rapport à la clôture de vendredi. En terme simple, c’est le plus haut niveau depuis sa chute vertigineuse en 2014. Cette situation n’est pas spécifique dans cette ville mais dans toutes les places mondiales.

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En effet,  sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de « light sweet crude » (WTIWTI Le West Texas Intermediate (WTI), aussi appelé Texas Light Sweet, est une variation de pétrole brut faisant office de standard dans la fixation du cours du brut et comme matière première pour les contrats à terme du pétrole auprès du Nymex (New York Mercantile Exchange), la bourse spécialisée dans l’énergie) pour la même échéance, dont c’est le premier jour d’utilisation comme contrat de référence, a gagné 24 cents à 68,64 dollars.

Les analystes du monde entier  y compris les nôtres dont le plus controversé Chakib Khelil, se sont focalisés en perspective sur les prix de l’énergie sans le moindre regret sur ce conflit que se livre par procuration que sous l’égide du Royaume d’Arabie Saoudite, leader de la coalition arabo-sunnite, et l’Iran chiite semble enfoncer progressivement la petite république yéménite dans une guerre qu’on dit « confessionnelle ». D’ailleurs, tout ce qui touche les sunnites est d’ordre confessionnel alors que dans le fond rien ne les rapproche.

En effet, une division politique durable aux conséquences humanitaires désastreuses perdure au vu et au su du monde entier. Pourtant, initialement le résultat d’une contestation interne entre les partisans du gouvernement légitime du président Hadi, chef du parti yéménite des Frères musulmans Al-Islah, et les soutiens de l’ancien président du Yémen unifié, Ali Abdallah Saleh, les deux forces régionales que sont l’Iran et l’Arabie Saoudite savent très bien que leurs influences sont  en constante rivalité. Depuis le printemps arabe de 2012 et la chute de Saleh, les Zaïdistes, composant une branche chiite de l’islam, sont regroupés sous l’autorité d’Abdel Malek Al-Houthi – d’où l’appellation de «Houthistes » – et se sont fermement opposés au nouveau gouvernement des frères musulmans et au projet de découpage fédéral qu’ils jugent biaisé. Longtemps réprimés, ils se réorganisent à la manière d’un Hezbollah libanais.

Les Houthistes marchent fin 2014 sur la capitale Sanaa marquant ainsi le départ d’un conflit issu de quatre ans de tensions politiques latentes. Les savantes analyses diplomatiques se concentrant sur les aspects confessionnels, militaires et diplomatiques ne manquent pas. Toutefois, force est de constater que la dynamique belligérante reposant sur les «forces profondes » est sous-exploitée par les médias. Notamment Sawt Al Arab manipule cet exercice afin de compléter la grille de lecture du conflit yéménite : une guerre froide idéologique entre deux forces régionales, certes,  mais qui s’inscrit dans indéniable pragmatisme géostratégique. L’annonce par les Saoudiens de la nouvelle phase “restaurer l’espoir” dans cette offensive médiatique ne signe en rien l’arrêt des offensives anti-rebelles. L’issue diplomatique semble d’autant plus infime que le conflit cristallise de puissantes tensions stratégiques.

Avec la visite du président français aux Etats Unis, l’Iran pourrait également de nouveau être empêché d’exporter son pétrole si les Etats-Unis sortaient de l’accord sur le nucléaire iranien, comme Donald Trump envisage de le faire. Il est clair que ce nouveau pic de tensions impliquant à la fois le Yémen, l’Arabie saoudite et l’Iran a fait grimper les prix car cela ravive le conflit entre d’importants pays producteurs de brut.

Parallèlement, la production vénézuélienne reste toujours aussi perturbée, et il demeure un risque de sanction américaine après les élections du 20 mai dernier. C’est autant de possibilités de voir l’offre de brut sur le marché mondial diminuer. Le rôle de l’OPEP est limité car l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et dix partenaires se sont à cet égard réunis vendredi pour discuter de leur accord de limitation de la production destiné à faire remonter les prix du brut. Cet accord, en place depuis 2017, doit pour l’instant s’achever fin 2018, mais les marchés attendent de voir s’il sera à nouveau renouvelé lors de la prochaine réunion officielle de ses participants, en juin à Vienne. Il semblerait cependant que la position des deux poids lourds de l’accord, l’Arabie saoudite et la Russie, commence à diverger, avec le premier défendant un prix du baril plus élevé que son partenaire.

De son côté, le ministre iranien du Pétrole, Bijan Zangeneh, a ainsi affirmé lundi que si les prix continuaient d’augmenter, prolonger, l’accord ne paraîtrait pas nécessaire. Dans cette configuration purement géostratégique, Trump accuse l’Arabie saoudite de pousser le prix du baril vers le haut artificiellement et Bill Clinton l’a qualifié bien avant lui « d’économie stupide » alors ! A qui profite l’embrasement du Moyen-Orient ?

 

Auteur
Rabah Reghis

 




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