19 avril 2024
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Le Raspoutine de Poutine !

Alexandre Douguine,

Par erreur ou non (le saura-t-on jamais ?), la fille d’un charismatique ultra-nationaliste, Alexandre Douguine, idéologue du pouvoir russe, a été la cible d’un attentat qui lui a coûté la vie. « Douguine, le Raspoutine de Poutine » fut le titre de nombreux médias dans le monde. Comment pouvait-il en être autrement par un rapprochement si évident des personnalités, des doctrines et des objectifs ?

Ce 20 août, la jeune Daria Douguina fut victime d’une explosion à la bombe, posée dans sa voiture. Sans aucune hésitation, le soupçon s’est porté sur l’objectif d’assassinat du père qui, ce jour-là, avait laissé sa voiture à sa fille.

Daria Douguina est, sans aucun doute possible, la parfaite reproduction idéologique de son père. Elle a adhéré à ses convictions nationalistes et a répété de nombreuses fois à son père comme dans les médias, la rengaine des ultras, « je mourrai pour la patrie russe, pour la valeureuse race slave et sa religion, éternelles valeurs du glorieux empire » (propos résumés).

En fin de compte, une famille Le Pen, mais considérablement plus endoctrinée et dangereuse. Il ne s’agit donc pas de la fille mais de son père sur lequel il faut revenir. Un cas emblématique des grands mystiques qui ont toujours eu porte et oreilles ouvertes des plus hauts impérators, particulièrement dans le cas de Raspoutine.

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L’évènement nous donne ainsi l’occasion de revisiter le personnage trouble de Raspoutine. Cela permet de mieux situer le fantasque Alexandre Douguine, théoricien du Kremlin et pâle copie de Raspoutine.

Raspoutine, la référence

Pour fabriquer un mystique qui murmurera aux oreilles de la très puissante famille des Romanov, il faut tout d’abord un passé opaque qui alimente la légende et la crainte. Un gourou mystique dont on connaîtrait tout du passé ne peut jouer ce rôle.

Grigori Efimovitch Raspoutine est né en 1869 en Sibérie. C’est la seule certitude que nous ayons car pour le reste, les biographes hésitent entre un parcours de délinquant, voleur et coureur de femmes, et celui d’un exégète de la Bible fréquentant et prêchant dans des monastères. Dans sa bourgade, Grigori était jugé parfois comme un idiot, un simple d’esprit, parfois comme un voyant.

Puis il faut une légende bien solide pour arriver si haut. Les mystiques en ont souvent une, être un guérisseur doué d’une capacité surnaturelle. Cette légende commence avec une histoire, tout autant contestable que n’est l’histoire de l’homme. On raconta qu’enfant il tomba dans l’eau glacée d’une rivière et échappa à la mort après une pneumonie sévère. Mais le mythe prend de la consistance lorsque le très jeune Grigori sauva également de la mort son frère aîné, Andreï qui était tombé avec lui et victime également d’une pneumonie. Et voilà la première racine de la légende.

Comme Grigori ne fut pas du tout gêné par l’abandon de sa femme et de son fils, il quitta la Sibérie et le voilà, par des chemins troubles et tortueux, au Palais impérial. Petit à petit, ce grand voyageur qui aurait fait tous les pèlerinages, des monastères grecs jusqu’aux confins de la Russie, commença à capitaliser une certaine notoriété. Les membres de la cour et de tous les rangs de la noblesse lui rendirent visite et écoutèrent ses analyses, ses prédictions et ses conseils.

On lui attribua alors plusieurs guérisons spectaculaires. Comment ne pas atterrir auprès du centre de tout, les Romanov, et du plus haut d’entre eux, le tsar. L’oreille des Romanov lui étant acquise et voilà la fabuleuse légende qui prend son envol jusqu’à nos jours.

L’homme était autant vénéré que craint comme tous ceux qui avaient l’oreille du tsar et de sa famille. Mais lui, il aurait des dons surnaturels. Sa barbe et son regard paralysant ont fini par contribuer à cette légendaire description.

Réputé pour sauver de la mort ceux qui étaient atteints d’une maladie incurable, les guérisons qu’on lui attribua furent nombreuses. Celle qui va définitivement le faire entrer dans la cour des grands est d’avoir supposément guéri l’unique héritier du trône, victime d’un accident de chasse. Raspoutine invoqua les puissances divines qui étaient entre ses mains.

Raspoutine comprit depuis son adolescence que ce filon serait l’assurance de sa gloire et de sa richesse. Il savait, plus que tout autre, puisque la supercherie l’accompagnait depuis son enfance, que celui qui contrôle les esprits des crédules contrôlait le pouvoir. Et, dans sa folie supposée, comme tous les mystiques, il n’avait pas oublié les femmes de la haute noblesse, un filon qu’il ne s’est pas lassé d’exploiter.

Puisque surtout d’essence religieuse et spirituelle, l’homme commença à avoir un contrôle, par délégation des Romanov, sur les nominations de la hiérarchie religieuse et même militaire. Il finit par posséder un pouvoir politique considérable.

Mais il trébucha lors de la Première Guerre mondiale, lorsque le tsar Nicolas II partit au front en laissant le gouvernement s’occuper des affaires intérieures. Raspoutine eut l’opportunité de faire nommer, par l’intermédiaire de la tsarine, ses fidèles à de hauts postes.

Alexandra, la tsarine, alla jusqu’à conseiller le tsar sur les stratégies de guerre à entreprendre (des conseils soufflés par l’homme de l’ombre), ce fut un désastre militaire. Raspoutine et la tsarine, d’origine allemande, seront accusés d’intelligence avec l’ennemi par la Douma.

Ce qui devait arriver arriva, son assassinat, car les jalousies gonflèrent à l’égard de cet homme qui avait les faveurs de la famille impériale et tenait d’elle une puissance qui heurtait les familles concurrentes et mettait l’empire en danger.

Mais le trouble et la légende du personnage mystique ne pouvaient laisser ternir sa réputation posthume par un vulgaire assassinat. Il fallait que le mystère de l’assassinat entoure sa propre mort pour construire la pérennité de la légende.

L’une des hypothèses est que la famille concurrente, les Ioussoupov, l’ait assassiné. Rien n’est moins sûr mais ce qui est certain est que Raspoutine accompagna le déclin de la famille impériale et du régime du tsar jusqu’aux abîmes. Il n’est pas le coupable direct mais il sera à jamais associé à cette chute.

Alexandre Douguine, la violente caricature

Ce personnage sulfureux et mystique fut souvent en marge de la politique russe, son influence s’est accrue récemment en faveur de la guerre en Ukraine. On le dit proche de Poutine, pas vraiment de certitude malgré ses affirmations péremptoires.

Ce qui est certain est qu’il est proche du pouvoir et que Poutine reprend un certain nombre de positions idéologiques du gourou. Et même sa « phraséologie », ce qu’il n’est pas difficile à prouver tant elle est récurrente et similaire, presque mot pour mot. Il revendique même sa proximité avec des proches du nouveau « tsar » russe.

Il dit haïr « l’Occident dégénéré », selon l’une de ses expressions, à un point ultime de délire psychanalytique.

Son retour est fracassant dans les médias, il est partout, son discours est relayé en boucle. L’amitié avec le pouvoir, concurremment avec l’actualité, fait souvent resurgir des personnages qui étaient, malgré la position doctrinaire générale des citoyens, considérés comme fantasques et peu crédibles aux yeux de beaucoup d’intellectuels.

Toutes les grandes figures de l’extrême droite européenne ont approché le maître à penser de leur idéologie. Il est l’ami du français, très « national-socialiste », Alain Soral (c’est dire les fréquentations !).

Sur les plateaux des télévisions russes, il tient des propos ultra-nationalistes, guerriers à outrance. Se disant protecteur des valeurs ancestrales de la grande Russie, Alexandre Douguine veut non seulement mettre à genoux les Ukrainiens, il veut tout simplement les éliminer et récupérer l’immense territoire de la Russie impériale.

Sa barbe de croyant mystique et tous les arguments les plus fumeux finissent par passer, flattant le terrible sentiment d’humiliation et de déclassement de la population moyenne russe.

Ses facéties, souvent clownesques, galvanisent cette partie nombreuse de la population dont on ne saura jamais la part statistique. Allez faire confiance aux sondages locaux dans les conditions actuelles où le simple fait de prononcer le mot « guerre » est passible d’une sanction pénale de 20 ans d’emprisonnement. Une réalité terrifiante inscrite par la loi voulue par Poutine.

Les photocopies dans l’histoire existent et cette classification des personnages mystiques et sulfureux qui approchent le pouvoir est connue depuis l’Antiquité.

Mais les photocopies finissent par ternir et l’encre se défraîchir. Alexandre Douguine n’est qu’une très pâle copie de Raspoutine. Ils n’ont qu’un point commun, ils sont dangereux lorsqu’ils sont en face de crédules.

Et la crédulité est en ce monde, elle est humaine !

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant

 

1 COMMENTAIRE

  1. C’est lui (Douguine) qui aurait dû s’appeler Raspoutine, car il est Ras-Poutine, la tête, l’esprit de Poutine. Ras (la tête de) Poutine…à moins que ce soit des algériens établis au Canada qui lui aient donné ce nom de « tête de poutine », la poutine étant un plat populaire québécois fait de frites, de fromage et de sauce.

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