8 novembre 2024
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Le retour des vieux chevaux ne peut ‘’séduire’’ un peuple jusque-là délaissé

REGARD

Le retour des vieux chevaux ne peut ‘’séduire’’ un peuple jusque-là délaissé

L’expression ‘’retour des vieux chevaux’’ est une expression politique et populaire nullement méprisante contrairement aux innombrables notions qui fourmillent dans beaucoup de textes.

Le temps s’écoule, l’histoire sous nos yeux bouscule des habitudes et pourtant des gens s’accrochent à de vieilles lunes. Ainsi, assistons-nous à de petites opérations de basse manipulation dans un mauvais emballage publicitaire. Alors que le peuple réclame le départ des têtes de la Issaba pour mieux se frayer un chemin vers un horizon où scintilleraient des étoiles, on lui propose de vieux chevaux de retour surgissant d’un certain et lointain passé. Des ‘’sages’’ nous dit-on et dont on connaît l’identité politique.

Que nous dit par exemple l’image de cette troïka composé d’un Ahmed Taleb Ibrahimi, Ali Yahia et Rachid Benyelles ? Quelle sotte idée de proposer de tels personnages, certes honorables mais qui appartiennent cependant à un passé qui n’est pas tout à fait étranger aux difficultés actuelles et du pays et de la société.

Comme si le peuple avait la mémoire courte, on nous vend des formules ‘’magiques’’ qui seraient mises en musique par des personnalités d’un passé lointain ou récent. Des personnalités engoncées dans des costumes de la morale alors qu’en temps de tempête, seuls des femmes et des hommes qui gardent pour eux leurs convictions personnelles, mais habités par l’amour du pays et du peuple, unique source de la souveraineté, peuvent tenir le gouvernail du navire en péril. Ainsi, on ne peut berner le peuple avec la seule image de personnes dont l’âge serait forcément un gage de sagesse et d’honnêteté.

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Or la vie nous apprend que ces qualités ne sont pas l’apanage des seules personnes âgées. De toute manière, la politique exige avant tout d’être outillé d’une vision du monde, d’une philosophie politique et de la capacité à convaincre le peuple qui demande à être écouté, ses demandes prises en compte et l’avenir qui nous nourrit ses aspirations.

Dans l’exemple de la troïka déjà citée, on remarque qu’elle ne comporte ni femme, ni un homme jeune, des figures pourtant présentes en masse dans le Hirak. En revanche la troïka fait penser au paysage politique traditionnel connu et imposé par le système encore en place : l’islamiste modéré, l’avocat des droits de l’homme et le militaire serviteur discipliné de l’Etat.

Même ‘’l’équilibre’’ régional n’a pas été oublié : l’est du pays est représenté par Taleb Ibrahimi, le centre par Ali Yahia et l’ouest par Benyelles. Faute de goût et erreur politique dans une conjoncture où la rue résonne de l’agréable mélodie du mot d’ordre : Chaouis, Kabyles, Arabes, il y a, il y aura un seul peuple dans une Algérie libre et démocratique.

Un observateur averti de l’histoire et de la politique du pays depuis l’indépendance, peut remarquer facilement que les propositions de personnalités ou de feuilles de route sont imbibées des carcans idéologiques dans lesquels a baigné la société algérienne. Carcans labourés et aggravés par la désertification de Bouteflika qui avait vendu sa ‘‘réconciliation nationale’’ en offrant aux islamistes le droit de répandre le charlatanisme moral et pseudo religieux.

Ainsi le Hirak est ‘’victime’’ d’un double écueil ou ‘’malédiction’’. Souvenons-nous, le premier écueil fut le ‘’respect’’ du calendrier constitutionnel. On avait assisté à des échafaudages juridiques sans tenir compte des réalités concrètes. Elaborer un projet à l’Algérie en se référant à des Constitutions de pays qui ont une ‘’vraie’’ constitution d’un vrai Etat servi par une société civile et politique qui ne dépend pas pour sa pitance d’une main généreuse d’un zaïm intouchable. Maintenant que le calendrier constitutionnel est à moitié enseveli, on est à la recherche pour surmonter le deuxième écueil, à savoir des interlocuteurs ‘’valables’’ aux yeux du mouvement de dissidence et du pouvoir de fait. Et si ça ne marche pas, une femme constitutionnaliste souvent consultée, nous apprend que l’élection à la présidence avec un seul candidat serait néanmoins validée. Elle précise que le cas de l’absence de candidats n’est pas prévu mais ladite absence, elle l’interprète au profit du système. Elle lui donne en quelque sorte le quitus pour trouver un gugusse qui accepterait de faire l’affaire en se présentant à pareille mascarade.

Ainsi, on essaie de résoudre la quadrature du cercle alors qu’une société a un pied dans l’histoire et l’autre dans le présent. L’histoire avec ses côtés sombres et lumineux est un acteur non négligeable. Quant au présent qui est aujourd’hui traversé par un séisme avec de nombreuses répliques, il faut être aveugle et sourd pour ne pas sentir son poids. On a vu que les propositions qui se fondent sur de vieux chevaux ou sur un ‘’légalisme’’ constitutionnel foireux, le peuple leur tourne le dos.

D’autres propositions faites par des personnes dont on devine qu’elles n’ont jamais été complice du système peuvent servir de point de départ pour une architecture qui aurait besoin d’un peu de temps. Hélas c’est précisément ce rapport au temps qui fait défaut chez nous. Et ce temps est d’autant plus précieux qu’il est une denrée doublement rare. Il subit la pression politique de toutes les catégories sociales (1) (et non des ‘’segments de la société’’ car les classes sociales n’obéissent pas à la géométrie) mais aussi la dépendance de l’environnement économique internationale.

Au bout de trois mois de Mouvement de dissidence populaire où l’Histoire a été convoquée, le système disséqué par la ‘’Rue’’ et l’intelligence collective, la face hideuse des forces qui se sont sucrées sur le dos du peuple révélée, nous avons là des éléments qui nous indiquent le pourquoi de la descente aux enfers de la société. Pour ne pas rater un rendez-vous avec nous-mêmes, détruisons les murs de la méfiance et abattons les frontières de la peur, de toutes les peurs car comme dit le poète ‘’Le mot frontière est un mot borgne. L’homme a deux yeux pour voir le monde » (Paul Eluard).

Ali Akika

Note

(1) Les catégories sociales ont été suffisamment étudiés. Elles sont traversées par de multiples variables, l’origine social, le statut socio-professionnel, le mode de vie et les visions idéologiques qui labourent une société. Se satisfaire du mot de segment de la société fait partie de la lutte désespérée d’une idéologie qui veut nier la sève qui coule dans le corps social. Cette vision des choses préfère les notions teintées de morale comme sagesse, honnêteté, propreté. Des élections ‘’propres’’, ça rappelle une promesse d’un premier ministre.

Auteur
Ali Akika, cinéaste

 




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