Vendredi 31 mai 2019
Les cartes du système sont-elles toutes grillées ?
Les Algériens regardent l’actualité avec un mélange d’apathie, de curiosité et de farouche hostilité. Que se passe-t-il en haut lieu pour qu’on les néglige et les méprise comme cela, eux qui ne cessent de dénoncer cet état de fait ?
L’approche du gouvernement pour sortir de la crise semble être floue, voire de plus en plus illogique. Ce dernier risque même de radicaliser la position de la société, en rendant toute démarche qui vient d’en haut, indigne de confiance et surtout sans aucune crédibilité. La vérité a du mal à sortir de la bouche d’un système complètement hors service et déconnecté de la réalité du monde qui l’entoure.
Comment réparer les choses, si tant est que l’on puisse réparer l’irréparable, alors que le dialogue n’est pas encore engagé avec le mouvement populaire ? Puis, si ce dernier reste sans têtes ni délégués, après plus de deux mois de contestation, c’est qu’il a sans doute peur d’être manipulé ou détourné de sa trajectoire initiale par un exécutif illégitime.
Les expériences des dialogues ratés avec le gouvernement, en particulier celle du mouvement citoyen des Aârouchs en 2001, récupéré in extremis et de façon subtile par le système, ont convaincu plus d’un de l’inefficacité de prendre langue avec les officiels, sans véritable garantie de transparence en contrepartie. Enfin, l’échéance présidentielle qui, au terme de la clôture du dépôt des dossiers n’a réuni que deux candidatures, est maintenue contre vents et marées, malgré la grogne de la rue, n’encourage pas à l’optimisme quant aux intentions réelles de la nomenklatura. Tous les efforts de celle-ci sont, à vrai dire, des coups d’épée dans l’eau, tant que la tâche du désamorçage effectif de la crise n’est pas entamée.
Les Algériens semblent déçus du traitement superficiel de la crise de la part de ceux qu’ils ont déjà discrédités dans les pancartes et les slogans hostiles brandis dans toutes les villes du pays. Mais ce pouvoir est-il vraiment capable d’accompagner le peuple dans son élan vers la liberté et la démocratie? En a-t-il seulement le temps ?
En a-t-il le cœur ? Loin d’aigrir la situation par ces tristes constats, il semble que l’autisme de cette « gouvernance en faillite » n’est que le résultat d’un manque cruel de vision et de stratégie. A
bout de solutions, le chef de l’Etat et le chef d’état-major veulent, en quelque sorte, solder à bas prix le mouvement populaire, en évitant autant que possible, la rupture radicale avec l’ancien système dont ils sont issus. Jouant aux saltimbanques, ils jettent tantôt par intermittence des feux légers à la population, en guise de mises en garde, tantôt ils lâchent des colombes blanches par un tour de passe-passe de prestidigitateur.
Or, le résultat est toujours le même : il n’y a aucun résultat positif, exactement comme le serpent qui cherche sa queue dans un buisson.