23 avril 2024
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Les enjeux de la visite de Macron en Algérie

Macron Tebboune

Question mémorielle, guerre en Ukraine et gaz algérien, visas, sécurité au Sahel… et sortir des brouilles du premier quinquennat: la visite d’Emmanuel Macron en Algérie est lourde d’enjeux. Cependant selon quelques informations rendues publiques nombre de ces dossiers particulièrement sensibles ne seront pas abordés cette fois-ci.

L’équation mémorielle

En dépit des déclarations très polémiques de l’automne dernier, Emmanuel Macron, premier président français né après la guerre d’Algérie (1954-1962), n’a eu de cesse, depuis son élection en 2017, de tenter de normaliser les relations entre les deux peuples.

Encore candidat, il avait frappé les esprits en qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité », et a multiplié depuis les gestes mémoriels.

Après des mois de tensions, Emmanuel Macron a reproché au pouvoir algérien d’exploiter la « rente mémorielle » de la guerre d’indépendance pour entretenir sa légitimité. Il évoquait lors d’une rencontre avec des jeunes un « système politico-militaire » algérien qui se serait construit sur une « rente mémorielle » et une « haine de la France ». Il s’est même interrogé sur l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation. Une grave déclaration qui a irrité non seulement le régime mais aussi le peuple algérien qui s’est senti blessé dans sa chair. Alger rappelle son ambassadeur. Depuis, il a rétropédalé beaucoup. Depuis sa réélection, de nombreux indices indiquent une détente.

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La question mémorielle pèse lourd aussi en politique intérieure des deux côtés de la Méditerranée. En Algérie, elle a longtemps servi de légitimité au régime issu du FLN.

En France, la question n’est pas moins sensible, notamment au sein de la droite et l’extrême droite qui puise son électorat des anciens pieds-noirs, leurs descendants et la communauté harkis.

« Parmi ses conseillers, parmi les forces politiques sur lesquelles (Emmanuel Macron) s’appuie ou dont il espère un soutien plus ou moins tacite, il y a des points de vue différents », relevait dimanche sur France Info l’historien Gilles Manceron, pointant une « forte nostalgie coloniale » à l’extrême droite mais aussi « dans une partie de la droite française ».

La question du gaz

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Algérie – un des dix premiers producteurs mondiaux de gaz – est devenu un interlocuteur très convoité par des Européens soucieux de réduire leur dépendance au gaz russe.

« Le président français va certainement demander à l’Algérie de faire un effort pour essayer d’accroître ses productions de gaz », anticipe l’économiste algérien Abderahmane Mebtoul.

Mais « si les Français en veulent plus, il faut qu’ils investissent » dans l’industrie gazière et les énergies renouvelables en Algérie, selon lui.

L’Algérie est devenue ces derniers mois le premier fournisseur en gaz de l’Italie, via le gazoduc Transmed qui passe par la Tunisie.

Des relations économiques au point mort

Toutes les tentatives d’impulser une véritable dynamique économique ont échoué. La France est à la peine en Algérie où, avec environ 10% des parts de marché, elle est désormais supplantée par la Chine (16%), premier fournisseur du pays.

Suez a perdu la gestion des eaux d’Alger, la RATP celle du métro et Aéroports de Paris celle de l’aéroport de la capitale. L’usine du groupe automobile Renault est aussi entravée par des quotas étatiques de pièces importées.

« Il y a beaucoup de possibilités mais il faut que la France change de logiciel. La France a beaucoup perdu en Afrique », note Abderahmane Mebtoul. En la matière, l’Algérie ne veut plus se contenter d’être un marché. Elle a besoin d’investissements créateur de richesses, de savoir-faire…

Les visas, le nerf de la guerre

C’est un levier de pression pour la France. Alger en est sensible. Paris a réduit de 50% le nombre de visas accordés à l’Algérie – comme au Maroc – pour mettre la pression sur des gouvernements jugés trop peu coopératifs dans la réadmission de leurs ressortissants expulsés de France.

« La réduction du nombre de visas a des effets importants en Algérie. Cela crée une pression sur le pouvoir algérien », souligne Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie.

Les deux capitales veulent « avancer » sur ce sujet, relève toutefois l’Élysée, en soulignant que depuis mars 2022, les autorités algériennes ont délivré « 300 laissez-passer (pour des retours), contre 17 sur la même période en 2021 et 91 en 2020 ».

Le Maroc et la question du Sahara Occidental

La visite du président Macron en Algérie pendant 3 jours sera très suivi par le Makhzen. Elle risque même de susciter des crispations, sinon des critiques au Maroc, surtout que ce dernier est en froid depuis plusieurs mois avec la France.

« Il y a toujours une compétition entre l’Algérie et le Maroc.(Avec cette visite), l’Algérie veut marquer des points », estime Xavier Driencourt.

À l’inverse, Rabat attend de la France qu’elle manifeste plus « clairement » son soutien au plan d’autonomie marocain pour régler le conflit du Sahara occidental. Jusqu’à présent, la France tente de se tenir en équilibre entre les deux pays voisins.

Violations des droits de l’homme

Les ONG dénoncent le tour de vis du régime, qui a étouffé le mouvement de contestation populaire du Hirak/Tanekra à l’origine de la chute du président Abdelaziz Bouteflika en 2019.

Une douzaine d’organisations de la diaspora algérienne ont exhorté Emmanuel Macron à « ne pas occulter » le sujet des droits et libertés lors de sa visite.

Il reste encore quelque 250 personnes encore détenues dans des prisons algériennes pour des délits d’opinion, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). La police procède chaque semaine à des interpellations de citoyens pour des opinions exprimées sur les réseaux sociaux et les juges continuent de condamner à la prison des citoyens pour leurs opinions. Un climat répressif anxiogène est instauré par le régime depuis 2019.

Toutes ces questions seront-elles réellement abordées au cours de cette visite. Certaines oui, de par leur urgence, comme le gaz. Mais il est peu probable que la colonisation le soit cette fois-ci. En revanche, certaines sources évoquent surtout le dossier malien où un journaliste français est pris en otage depuis plusieurs mois.

L.M./AFP

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