24 novembre 2024
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Les islamistes et le jeu démocratique

TRIBUNE

Les islamistes et le jeu démocratique

Des voix nombreuses, par calcul ou par naïveté, tendent à croire et à faire croire que les islamistes de n’importe quel parti qui accepteraient le jeu démocratique sont autant démocrates que n’importe qui d’autre et de ce fait ont le droit d’avoir tous les droits légaux et constitutionnels d’agir sur la scène politique nationale.

 Les islamistes aussi “modérés” soient-ils, en multipliant sur tous les tons leurs “bonnes volontés” n’accepteront jamais de faire le moindre geste politique qui ne serait pas justifier par une référence théologique puisée dans les Textes sacrés sur lesquels ils jettent une fetwa taillée sur mesure pour un geste précis mais qui ne demeure pas moins basé sur un fait religieux précis et vérifiable.

Il est théologiquement impensable pour tout islamiste qui « se respecte » de jouer le jeu de la démocratie en mettant en concurrence la “parole de Dieu” qu’il prétend défendre pour ne pas dire avoir mis en équation politique avec d’autres programmes. Comment pourrait-on imaginer qu’une personne raisonnable pourrait faire “mesurer” un programme inspiré du “divin” à un laïc, ou pire un “occidentalisé”, impie, athée et autre ? Impensable

Les islamistes qui adoptent le jeu démocratique ne le font pas par adhésion aux principes de la démocratie mais par référence à une fetwa qui les y autorisent.

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Historiquement  la stratégie de la participation au jeu de la démocratie remonte aux années 1980 au Moyen Orient, en Egypte et en Jordanie. Après l’écrasement impitoyable de l’insurrection des Frères musulmans syrien dans la ville de Hama, en 1982, appliquant en réalité le mot d’ordre de leur organisation mondiale à propos de la guerre ouverte contre les “régimes”.

Tirant les leçons de cette mihna (malheur) historique, l’un des plus grands théoriciens et idéologues de la mouvance frériste, Saïd Hawa, a prôné le “participationisme” qui s’est traduit par le mot d’ordre d’établir des “passerelles” avec ces mêmes “régimes”. En fait, c’est exactement en 1978, année du cinquantenaire de la Jama’ât des Frères musulmans (JFM). A cette occasion, l’organisation a été totalement restructurée autant sur le plan organisationnel que stratégique.

L’année suivante qui a coïncidé avec la victoire du Khomeynisme, ce même Saïd Hawa a résumé la nouvelle stratégie de la JFM dans son livre “Medkhal ila da’âwat el ikhwane el mouslimine” (introduction à la da’âwa des Frères musulmans), précisant que c’est justement à l’occasion du cinquantième anniversaire. Cette nouvelle da’âwa est entièrement axée sur la violence, carrément “structurée” dans les rouages de l’organisation, avançant les voies et les moyens pour préparer les militant au combat et à la mort. 

Après, la mihna subie en Syrie, l’organisation change de stratégie et opte pour “l’entrisme”. Saïd Hawa toujours, reprend sa plume et tente d’expliquer cette nouvelle orientation dite des “passerelles avec les régimes” dont la JFM fait son mot d’ordre porté par son organe central “El Moujtama’ê” (la société) domicilié au Koweit.

Il lui consacre en partie son livre “Doross fi el ‘âmel el islami” ( litt. Cours sur l’action islamique).S’il devient (et avec lui tous les Frères musulmans), subitement le chantre de l’action pacifique  y compris précise-t-il au sein d’un “Etat non islamique et injuste”, ce n’est pas parce qu’il fini par reconnaître le bien fondé et les bienfait mais parce qu’il a découvert une référence religieuse qui l’autorise.

Pour lui la participation à un gouvernement (El moucharakat fi el wizarat) ne s’explique pas par la nécessité incontournable d’accepter d’œuvrer dans et pour un pluralisme démocratique pur permettre à tous les courants du même nom de s’exprimer et d’avoir la possibilité d’être représentés. Ce serait trop beau. La moucharaka n’a de raison d’être et ne s’autorise que parce que à un certain moment de l’histoire de l’humanité il y a eu le prophète Youcef (Joseph) qui a été ministre du pharaon d’Egypte. 

Pour la petite histoire, il n’est pas superflu de rappeler que c’est garce au poste,qu’il occupait à côté de “l’ émir d’Egypte” pour reprendre le mot de Saïd Hawa, et à sa protection que les,Hébreux ont pu entrer et s’établir dans le pays.

Ainsi, avec ou sans barbe, les islamistes considéreront toujours leurs adversaires comme des “pharaons” au sens coranique du terme, c’est à dire de simple mortels qui ont,voulu se faire des Dieux. Et puisque la participation est théologiquement possible, tous les moyens d’y parvenir -élections, parlementarisme, fonctionnariat (wadhaïf el ‘âmat), souligne Hawa- deviennent,presque “licites”, à condition précise-t-il que ce soit sur décision de la Jama’ât. Car malgré tout,apparemment pas très convaincu par ces moyens qui ne sont ni totalement justes (sawab motlaq), ni totalement faux (khata motlaq),il les lient à la situation et les conditions en place. Mais puisqu’il y a le, précèdent de Youcef, il faut y aller car note-t-il, “nous avons besoin de connaître l’exercice du pouvoir et ses instruments, de tout connaître de l’intérieur, de connaître comment les choses fonctionnent et ce qui nous attend”.

Pour trouver des islamistes gagnés par la démocratie, ce n’est visiblement pas demain la veille…

Auteur
Taoufik Rouabhi

 




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