25 avril 2024
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Les recettes c’est «moi », les dépenses c’est «vous» ?

Sonatrach

L’entreprise publique algérienne constitue une réalité omniprésente dans l’expérience de développement et dans l’édification d’une économie se voulant indépendante menées par le pays depuis cinq décennies.

Elle se situe au point de rencontre des principaux problèmes du monde contemporain, notamment dans un pays en pleine mutation, qu’il s’agisse du fondement et de l’exercice du pouvoir, de ses réactions face aux pressions internes et/ou aux contraintes extérieures.

Forts de cette légitimité historique, les dirigeants algériens vont faire du secteur des hydrocarbures la source exclusive des revenus du pays rendant le recours aux importations incontournable à la satisfaction des besoins du marché local. Le pétrole est présent dans l’Etat, dans la tête qui pense l’Etat. Il est au cœur du pouvoir en Algérie.

Il fonctionne comme une pompe double. Il aspire et refoule des pétrodollars. Il commande la fréquence des battements. Il accélère les battements quand il a peur (baisse des recettes) et les ralentit quand il est détendu (hausse des dépenses).

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Pour se protéger contre toute attaque cardiaque, des ponctions sont opérées à l’entrée et à la sortie (à l’exportation et à l’importation), chemin faisant, il forme des caillots qui empêchent le sang (les pétrodollars) de circuler dans l’organisme (production destinée à un marché local en priorité) et de s’oxygéner (transformation de la rente en capital). Quand le cœur et les vaisseaux ne fonctionnent pas correctement, les conséquences peuvent être graves et entrainer la mort instantanée.

C’est donc de la santé du cœur que dépend la qualité de la vie en société. Lorsque le cœur est sain, le corps tout entier est sain, et lorsqu’il est corrompu, tout le corps social est corrompu.

Les revenus des hydrocarbures jouent un rôle considérable dans le financement des ménages et des entreprises. Ils ont non seulement façonné l’économie nationale mais également la mentalité de la société algérienne. En procédant à leur redistribution à des fins de légitimation, l’Etat naissant « dépolitise » la société en « l’infantilisant ». Infantiliser la société, cela consiste à agir envers la société comme si elle était un enfant. L’enfant est celui qui n’a pas la capacité de parler ou d’agir, il doit obéir. L’infantilisation s’est développée avec l’Etat providence à la faveur d’une manne pétrolière et gazière.

L’Etat est là pour le protéger, le surprotéger, veiller sur son sommeil et assurer sa nourriture. Elle s’est accompagnée d’une féminisation de la société et un effondrement des valeurs morales traditionnelles. A-t-elle point qu’il est devenu une honte de gagner de l’argent en dehors de l’Etat c’est à dire à partir de son travail ou de sa production.

Tous sont sommés de tendre la main à l’Etat qui dispose des revenus pétroliers et gaziers. C’est dire que les élites au pouvoir ne renonceront jamais de leur propre gré à la distribution de la rente pétrolière et gazière et n’accepteront jamais d’en rendre compte à moins d’y être contraints. Le pétrole est devenu le dieu du monde moderne et les dirigeants de la planète ses serviteurs. C’est un faiseur de miracles.

A l’image du corps humain, les organes nobles et vitaux se trouvent au-dessus de la ceinture (les usines et les laboratoires) et les organes vils et tertiaires non moins importants en dessous (l’énergie et les matières premières). Les deux étant solidaires et interdépendants.

Un Etat qui repose sur une rente et non sur une production.  Vivant exclusivement de la rente, l’Etat peut se permettre de ne pas développer une production propre en dehors des hydrocarbures et rien ne l’empêche d’établir des relations clientélistes avec les acteurs économiques et sociaux qui se sont multipliés au fil du temps et des sommes amassées. Partant du principe sacro-saint que tout problème politique, économique ou social a une solution budgétaire.

Politiquement, le pétrole n’est pas neutre. Il attire les grandes puissances, perpétue des régimes politiques, corrompt les sociétés, enflamme les foules, et détourne le regard des démocraties occidentales. Il est responsable des profondes modifications des structures économiques, politiques, sociales et mentales. Il finance le déficit des entreprises économiques et le fonctionnement des institutions politiques virtuelles. Il masque l’autoritarisme de l’Etat et la paresse congénitale des populations. Il abolit la propriété privée des moyens de production au profit de la propriété « publique » rendant invisibles et infaillibles les actionnaires « politiques » en socialisant les pertes (par répression aveugle) et en privatisant les profits (par la corruption de masse).

Cela conduit évidemment à la disparition de la bourgeoisie productive autochtone transparente et à l’interdiction d’entreprendre quoique ce soit de laborieux en Algérie en dehors du contrôle de l’Etat c’est-à-dire des tenants du pouvoir. Il sera à l’origine de la constitution d’une classe sociale formée d’une bourgeoisie d’Etat parasitaire et  d’une oligarchie hégémonique, disposant d’un appareil sécuritaire puissant et de l’argent du pétrole et du gaz pour se pérenniser.

Il a empêché quasiment le renouvellement du personnel politique atteint par la limite d’âge, la diversification de l’économie et la renaissance d’une culture ancestrale qu’elle soit ethnique ou religieuse.. Il est établi que prix du brut est un baromètre de la santé de l’économie mondiale et un facteur de stabilisation des régimes politiques domestiqués comme les monarchies arabes et les dictatures militaires.

Pour assurer sa domination sur le reste  du monde, il navigue entre deux eaux, un prix planché au-dessous duquel il ne peut descendre sous peine de perturber les marchés entraînant une récession mondiale préjudiciable à la pérennité de la civilisation moderne et un prix plafond correspondant aux coûts de production  des énergies de substitution. Toute flambée ou effondrement des prix qui s’inscrit sur la durée menace la civilisation occidentale dans ses fondements où la matière domine l’esprit, où l’individu prime sur le groupe, où l’homme est une équation à somme nulle et où Dieu est absent du cœur des hommes.

Sur le plan sociologique, le pétrole agit sur le corps social comme un somnifère le plongeant dans un sommeil profond par la distribution de revenus factices sans contrepartie productive et la satisfaction des besoins primaires et secondaires des ménages, des entreprises et des administrations exclusivement par des importations  condamnant le pays à l’immobilisme et à l’inculture. L’Algérie importe tout y compris la main d’’œuvre qualifiée pour le bâtiment et l’agriculture.

L’Algérie importe également les idées religieuses et les pratiques de consommation des monarchies du golfe. Les dictatures militaires et des monarchies arabes déroulent le tapis vert aux puissances étrangères pour piller les ressources minières de leurs pays condamnant leurs propres populations à une pauvreté certaine.

Si le pétrole constitue « l’eau bénite » des économies occidentales florissantes, il n’en demeure pas moins qu’il est le « purgatoire » des sociétés musulmanes décadentes faisant des arabes d’aujourd’hui des fantômes cherchant une place parmi les vivants.

« La politique est à l’administration ce que l’âme est au corps. Et les pétrodollars sont à l’administration ce que le sang est au corps. De même que la religion n’admet pas de corps sans âme, la vie sur terre n’admet pas d’âme sans corps »

Dr A. Boumezrag

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