28 mars 2024
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Les tartufferies de la démocratie bourgeoise

OPINION

Les tartufferies de la démocratie bourgeoise

« Le suffrage universel ne me fait pas peur, les gens voteront comme on leur dira », avait écrit lucidement le royaliste Alexis de Tocqueville.

Selon les spécialistes, la démocratie serait le meilleur régime pour maigrir, à force de se nourrir d’espoirs déçus. En Algérie, soumis depuis l’indépendance à un régime dictatorialophage, un régime se nourrissant charnellement de la répression perverse de sa population, le pouvoir ne semble pas résolu à alléger son poids oppressif tant il craint voir se fondre son obèse mafieuse richesse et devoir placer son lourd corps institutionnel scélérat sur la Balance de Thémis.

Selon d’autres, la démocratie serait le meilleur sport pour muscler sa patience, patience jamais fatiguée d’attendre le miracle politique et économique se réaliser. En Algérie, l’impatience du peuple d’en finir avec le système despotique a musclé depuis longtemps sa détermination à instaurer son propre pouvoir démocratique direct horizontal accompagné de la transformation révolutionnaire économique et sociale.

Selon d’autres, ce serait la plus belle conversion à cette religion des temps modernes : c’est la seule qui promet le paradis sur terre. En Algérie, où l’enfer a élu domicile depuis 1962, le peuple ne risque pas de se convertir à cette chimérique religion paradisiaque électoraliste mercantile. Lucidement abstentionniste, il préfère conserver sa foi en son authentique culte de la démocratie populaire, sociale et égalitaire, vivement établi sur sa terre édénique.

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Selon d’autres, la démocratie ce serait le meilleur système mortuaire du vivant de l’homme : l’homme s’entraîne à enterrer régulièrement sa vie sociale dans l’urne funèbre électorale. En Algérie, où le peuple a été enseveli, dès le lendemain de l’indépendance, dans le cimetière de la tyrannie, le système funeste se prépare depuis le 22 février 2019 à ses fatidiques funérailles. Quoique abattu provisoirement par la chape de plomb étatique, le peuple algérien renaîtra bientôt de ses cendres politiques pour embraser les derniers vestiges du système, inhumer dans l’urne funèbre le régime moribond, avec comme programme la réactivation du projet émancipateur de 1954, la construction d’une Algérie fondée sur une authentique démocratie sociale, une économie réellement productive.

Selon d’autres, la démocratie ce serait le plus sincère et loyal mariage de l’existence : l’infidélité est inscrite dans le programme politique. En Algérie, l’infidélité ou plutôt la trahison avait débuté avant les noces de l’indépendance, aggravée par le viol politique du peuple algérien commis par les vandales planqués des frontières. Aujourd’hui, immunisé contre l’infidélité, le peuple algérien s’apprête à contracter un authentique mariage politique avec ses représentants légaux et loyaux.

Selon d’autres, ce serait le plus bel et aveugle amour passionné témoigné à un inconnu : on offre son cœur à un politicien sans l’avoir jamais rencontré auparavant, ni le côtoyer après les épousailles électorales. En Algérie, le peuple est depuis l’indépendance marié de force à un occulte pouvoir casqué illégitime qu’il lui témoigne une aveugle haine et une passionnante répression, en guise de témoignage d’amour de la nation souillée par ailleurs par le vol répété de ses richesses et le viol récurrent de sa culture et sa dignité.

Selon les plus fins escrocs, la démocratie des riches serait la plus ingénieuse des escroqueries : c’est la seule « transaction » où l’on vous vend une marchandise (politique) sans garantie de résultats. À l’exception de l’Algérie où l’on est tellement garanti des résultats du scrutin que le pouvoir ne recourt ni à une telle « transaction » électorale ni à une période de « transition » démocratique pour escroquer le peuple.

La démocratie caporalisée algérienne se fonde sur la cooptation politique, s’érige par la corporation militaire, contre la volonté du peuple privé de sa dignité politique et sociale.

Selon la légende, la démocratie « est un mode de gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». L’auteur de la citation devait être en état d’ébriété ce jour-là, expliquant l’enchevêtrement des prépositions lors de la transcription. La citation exacte est : la démocratie est un mode de gouvernement sans le peuple, au-dessus du peuple et contre le peuple.

Selon l’étymologie, le terme démocratie vient de la contraction des deux mots grecs Démos (peuple) et Krâtos (pouvoir, autorité) : apparemment, dès l’origine, les gouvernants n’ont retenu que le second terme comme principe de gouvernement, oubliant au passage le peuple.

On s’obstine à soutenir que la démocratie est un régime politique dans lequel la souveraineté appartient à l’ensemble des citoyens. Il serait plus exact de dire : la démocratie est un régime politique dans lequel l’ensemble des citoyens appartient à la souveraineté d’une classe – caste, oligarchie, monarchie, militarocratie – (comme le prouve, à la faveur de la crise sanitaire du Covid-19 politiquement instrumentalisée, la gouvernance autocritique instaurée subrepticement par le régime bonapartiste de Macron (au vrai la majorité des États) qui dirige les citoyens français comme s’ils étaient ses Sujets, gouverne la France comme si elle était sa propriété privée. Cet exemple de privatisation du pouvoir, cette forme de néo-patrimonialisme marquée par l’extrême personnalisation du pouvoir se répand dans de nombreux pays en proie au prurit totalitaire, caricaturalement illustré par la gouvernance narcissique du président américain Trump qui, après avoir dirigé « Son » pays à coups de tweets personnels, avait refusé de quitter la Maison Blanche, devenue à ses yeux sa propriété et les Américains, ses sujets).

La démocratie serait la souveraineté citoyenne du plus grand nombre, mais exercée en vrai par l’Unique divin capital tapi dans l’ombre.

La démocratie apparemment s’exerce en notre nom, mais on attend toujours qu’elle nous communique son prénom, pour nous permettre enfin de réellement la fréquenter, établir ensemble un véritable lien d’amitié et de fraternité. En Algérie, jusqu’à présent, de la démocratie caporalisée le peuple ne côtoie fréquemment que sa sympathique police persécutante, réputée pour sa force répressive percutante, sans oublier ses prisons bienveillantes, chaleureusement accueillantes.

On nous martèle qu’on fait partie d’un peuple souverain, pourtant le souverain pouvoir ne fait pas partie du peuple. S’agirait-il d’une difformité politique ou d’une politique de la conformité ?

On prétend que, grâce à la démocratie, le citoyen obtient sa libération, pourtant il attend toujours pour participer réellement aux délibérations.

La démocratie, prétend-on, est l’émanation de la volonté générale, mais exercée en vrai par l’unique volonté particulière d’un seul président, volontairement adossé à un Général qui, devant l’éruption menaçante du peuple, n’hésite pas, pour blinder sa démocratie caporalisée, à imposer son président garrotté, sa présidence bottée.

La démocratie serait un contrat politique établi par le peuple avec le pouvoir pour gouverner la société, mais dans les seuls palais du pouvoir privatisés au profit de la classe dominante.

La démocratie est la forme politique de gouvernement la plus accomplie de tous les régimes, prétend-on, mais une politique accomplie par le seul gouvernement imposant un régime sec à toute la société.

En démocratie, à chaque scrutin, on brigue notre bulletin, pour permettre à des requins de faire main basse sur notre national butin.

La démocratie permet aux politiciens de briguer régulièrement le suffrage des citoyens par l’obtention de leurs voix, mais à quoi sert la démocratie si elle ne permet jamais à ces mêmes citoyens de changer le cours de leur vie ?

La démocratie s’exercerait, selon ses laudateurs, en toute transparence mais la réalité nous prouve qu’elle use que d’apparence, étant entendu que les véritables décideurs ce sont l’occulte finance, ou l’institution militaire embusquée dans les coulisses de son opaque gouvernance.

En démocratie, dit-on, l’élu remplit un mandat : aussitôt élu, il s’empresse d’aller encaisser le mandat dans toutes les caisses de l’État pour remplir royalement sa maison, oh pardon sa mission.

En démocratie l’élu, dit-on, doit avoir politiquement beaucoup d’exigence mais, surtout, énormément d’allégeances.

En démocratie, la vie de l’élu est une sinécure affaire de missions, commissions, soumissions, compromissions, de prévarication, de bassesse, d’indélicatesse, de scélératesse, de félonie, d’infamie, de perfidie.

En démocratie, l’élu, dit-on, loyalement rend des comptes au peuple mais, surtout, peuple ses comptes royalement.

Paradoxalement, dans la démocratie, on ne nous implique jamais dans la construction des projets postélectoraux. On nous fait juste voter pour des candidats qui, une fois élus, s’empressent d’enterrer leurs promesses, en se fondant sur la maxime du grand philosophe démocrate Charles Pasqua : « Les promesses des hommes politiques n’engagent que ceux qui les reçoivent ».

On se gausse des peuples primitifs qui remettent leur destin entre les mains des esprits seuls aptes à les aider à gérer leur vie. Les estropiés citoyens agissent-ils autrement en déléguant leur pouvoir politique à des mandataires dénués d’esprit ?

En démocratie, la logique de la délégation du pouvoir s’apparente à une forme de castration sexuelle infligée à soi-même : cela revient à se marier à la mairie puis à léguer « son épouse » (époux) définitivement au maire pour qu’il tire seul bénéficie des charmes inhérents au bonheur conjugal.

Le suffrage universel est un tranquillisant destiné, comme chez Staline, moins hypocrite en matière de gouvernance, à enfermer la contestation dans une camisole chimique électoraliste.

L’État a toujours ses raisons de prendre un arrêt instaurant la démocratie, mais la démocratie capitaliste s’arrête où commence la raison d’État. En Algérie la démocratie débute par la maison d’arrêt et se clôt par l’arrêt de la raison. Il n’est pas étonnant qu’elle favorise toujours les partis religieux, ces décérébrés de la politique, et les partis dépourvus d’intellectuels, ces organisations réactionnaires mafieuses. Ne dit-on pas que la religion est une prison de l’esprit. C’est pourquoi le pouvoir algérien cultive l’esprit de prison contre ses adversaires démocrates mais une ouverture d’esprit pour ses acolytes religieux. Ne leur avait-il pas bâti des milliers de mosquées, ces antichambres de bureaux de vote, où les islamistes sont cinq fois par jour en campagne électorale pour rabattre les brebis islamistes égarées vers les urnes des partis étatiques et religieux extatiques.

En démocratie, si on ne vote pas convenablement, on nous refait voter (comme au Danemark à propos de Maastricht) ou on annule l’élection au nom de la défense de la démocratie (comme en Algérie en 1992), voire on dissout le peuple, comme le régime illégitime algérien s’était activé à dissoudre le peuple dans une élection présidentielle imposée par la force armée.

« Le capitalisme, c’est la loi du plus salaud », que peuvent donc la démocratie et le suffrage universel contre lui ?

Si voter pouvait changer quelque chose, ce serait interdit

La démocratie marchande a tellement perdu sa crédibilité que la bourgeoisie est disposée à s’endetter pour payer les électeurs afin d’acheter leurs suffrages aux fins de perpétuer la mystification électoraliste. Même l’État-major de l’armée algérien (à l’instar des institutions militaires de la plupart des pays régis par des systèmes de compradores), réputé pour sa séculaire idolâtrie de la dictature, s’est converti pieusement à la religion de la démocratie, depuis qu’il a découvert le fabuleux pouvoir de subjugation des mascarades électorales, renommées pour leur inefficience politique, leur impuissance économique, leur force de dévoiement de la conscience de classe, leur pouvoir d’inhibition des revendications sociales, leurs vertus en matière d’érosion de la combativité, leur efficacité au plan de la neutralisation du peuple en révolte.

C’est comme pour le travail, la classe dominante nous serine que travailler c’est bon pour la santé. C’est pourquoi elle s’est toujours ingéniée à l’abandonner aux seuls prolétaires, pour mieux profiter démocratiquement de son oisiveté lucrative, de sa paresse prédatrice, de son inactivité prospère.

En démocratie, les patrons, paradoxalement, sont les seuls dirigeants à ne jamais être élus par les citoyens. Pourtant, l’établissement professionnel est le lieu au sein duquel s’écoule et s’écroule presque un demi-siècle de notre vie laborieuse à produire des richesses curieusement accaparées par d’autres (la classe possédante).

La démocratie s’est installée dans tous les lieux honorifiques de la société, mais jamais dans ces honorables lieux de la production de la vie : l’économie, cette instance de création de richesses privatisées au seul profit de la classe régnante.

La bourgeoisie préfère la lutte électorale à la lutte des classes ; la bataille soporifique des scrutins au salvateur combat mutin.

Avec la démocratie, l’exercice électoral se limite à donner dans l’anonymat sa voix. Quand, enfin, déciderons-nous à reprendre de la voix et prendre nous-mêmes la parole afin d’exercer publiquement notre pouvoir décisionnel pour imposer notre voie au sein de nos propres institutions politiques novatrices bâties par nos luttes libératrices, au sein de nos collectives instances économiques et sociales égalitaires érigées par nos combats émancipateurs ?

La démocratie bourgeoise est affligée d’une stérilité congénitale. Même les choix électoraux les plus audacieux (Podemos, Syriza) se révèlent impuissants à engendrer la moindre réforme avantageuse pour les électeurs prolétaires pourtant révolutionnairement courtisés par un programme supposément subversif mais en vérité corseté par le capital ou garrotté par l’armée.

En réalité, dans notre société démocratique formelle, le suffrage universel est partout, mais la réelle démocratie sociale nulle part.

Un homme digne ne s’avilit pas à choisir ses maîtres, mais se dresse pour les destituer

L’Histoire retiendra plus tard que la société démocratique capitaliste aura été la seule structure sociale où ses citoyens auront cultivé la servitude volontaire jusqu’au délire d’élire eux-mêmes intrépidement leurs propres maîtres.

Il est plus facile de ramper vers une urne électorale que de se lever comme le « Che » pour ensevelir les cendres de l’ordre existant dans l’urne mortuaire.

Le vote, c’est ce que concède le capital (l’armée) au vaincu pour qu’il accepte sa défaite sociale (politique) mais, bien sûr, dans la dignité démocratique et marchande.

Jamais une transformation sociale n’a jailli des urnes « démocratiques ». Les urnes électorales bourgeoises représentent les réceptacles mortuaires des vivantes luttes sociales. Les luttes sociales s’enterrent quand les urnes électorales lui servent de programme politique, programme qui a le goût macabre des cendres politiques révolutionnaires immolés sur l’autel de la démocratie capitaliste.

« Les enfants croient au Père Noël, les adultes votent », Pierre Desproges.

Auteur
Khider Mesloub

 




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