28 mars 2024
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L’option Ali Ghediri – Aït Larbi est-elle envisageable pour gouverner l’Algérie

TRIBUNE

L’option Ali Ghediri – Aït Larbi est-elle envisageable pour gouverner l’Algérie

L’Algérie à la croisée des chemins à la veille des élections présidentielles ? Voilà une question qui taraude les esprits de militants sincères qui ne rêvent que de démocratie et d’émancipation pour leur pays.

Pourtant, au vue de la tournure que semble prendre le prochain scrutin, la réponse à cette question lancinante semble de plus en plus incertaine tant les cartes semblent brouillées car on ignore qui les détient réellement et qui les distribue. Comme une porte sans clé, chacun semble y voir ce que bon lui semble à travers les jointures. À quelque 70 jours du fameux scrutin, l’horizon semble opaque et impossible à déchiffrer.

En Kabylie, la situation est encore plus corsée qu’ailleurs en Algérie. Les deux partis implantés dans cette région ont déclaré leur intention de boycotter ce scrutin si vital pour le futur immédiat du pays qu’ils sont supposés servir ou diriger. La raison d’être d’un parti politique national n’est-elle pas la prise du pouvoir pour appliquer son programme ?

Le RCD a donc, par le biais de son conseil national, fait savoir qu’il se dirige vers le rejet des présidentielles suivant dans son sillage le FFS. Par conséquent aucun candidat kabyle sérieux ne sera présent à ces élections. La raison principale invoquée quant à la prise de cette position par les deux partis est que cette consultation présidentielle est jouée d’avance. Comprendre par là, que le candidat du système (en l’occurrence Abdelaziz Bouteflika) en sortira vainqueur quoi que puisse faire l’opposition. Cette position du RCD et du FFS participe au fatalisme ambiant qui veut qu’aucune force politique ne peut vaincre le candidat du système dans un scrutin ouvert ou fermé.

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Abdication ? Tout l’indique. Certains observateurs se posent la question quant à l’utilité du boycott et surtout sur son efficacité, en étant actif ou pas, à freiner le rouleau compresseur de la machine du système que le couple FFS/ RCD semblent redouter. Quoi qu’il en soit la partie (l’élection présidentielle) va donc se jouer sans ces deux formations.

Cette position place l’élite politique kabyle dans un rôle de figuration. Elle n’est invitée ou ne s’invite qu’à jouer les seconds rôles. D’un côté on a les inconditionnels soutiens de Bouteflika et de la continuité à l’image d’Ouyahia, Amara Benyounes, Ali Haddad et Madjid Sidi Said. Tout le monde sait que ces personnalités ne jouissent d’aucune popularité en Kabylie. Cela nous amène à nous poser cette autre question : comment vont opérer ces derniers (l’alliance présidentielle) pour faire passer cette pilule du cinquième mandat devant la communauté internationale si l’on suppose qu’ils s’en soucient peu ou prou.

La question, même si, pour d’aucuns, peut sembler naïve, mérite cependant une petite halte, car elle peut nous renseigner sur la capacité de mystification que recèle cette alliance. Aussi ne doutons pas que ce beau monde saura trouver la bonne argumentation pour faire passer leur projet quoi que l’on pense ou croyons savoir.

Reste le cas du conseil constitutionnel, dont le président vient de rendre âme, chaque algérien sait à quoi s’attendre quant à la validation de la candidature de Bouteflika. La fFraude commence déjà à ce niveau ? Tout l’indique.

Mais revenons à cette élite kabyle qui semble désorientée. En face des courtisans de Bouteflika, nous avons des Kabyles qui jouissent de l’estime de leurs citoyens comme Maître Mokrane Ait Larbi, l’homme d’affaire Issad Rebrab, le spécialiste en économie Ferhat Ait Ali et l’universitaire Hacene Hireche qui apportent leur soutien au candidat de la Rupture le général à la retraite Ali Ghediri.

Avec son annonce de soutenir ce dernier Maître Mokrane Ait Larbi a étonné plus d’un. Plusieurs voix se sont élevées pour reprocher à l’avocat kabyle de rouler pour d’autres alors qu‘il pouvait lui-même postuler à la magistrature suprême, tant l’homme est connu pour sa probité et intégrité intellectuelle et militante. Il est une personnalité imposante et qui impose. On se souvient tous de sa démission du sénat au tout début du soulèvement populaire du printemps noir de 2001 et qui a vu 128 jeunes Kabyles assassinés par le corps de la gendarmerie.

On peut alors se demander à juste titre pourquoi certaines personnalités politiques kabyles se trouvent réduites à cette posture ; celle d’apporter soutien à des candidats qu’elles surpassent largement de par leurs engagements et surtout leur capacité à gérer les affaires de la cité algérienne sans être obligées de jouer les seconds rôles? Tout un syndrome.

Tentons une réponse un peu hasardeuse mais qui risque d’être juste. Depuis le déclenchement de la guerre de libération et même avant depuis le mouvement national initié par Imache Amar en 1926 et cédé sur un plateau d’argent au fondateur de l’anti-kabylisme Messali Hadj, l’élite kabyle a toujours cherché le bien pour l’Algérie, quitte à jouer les seconds rôles.

Un bref parcours de l’histoire récente du pays peut le prouver amplement. Cette élite s’est mise au service de la partie même si souvent elle fut mal comprise par la société kabyle qui l’avait généré. Ainsi par exemple en juin 1992 beaucoup de militants du RCD ont espéré voir le président Mohamed Boudiaf nommer comme premier ministre Said Sadi. C’était d’ailleurs l’information qui a circulé et confirmé plus tard par Dr. Said Sadi lui-même dans son livre Algérie : Heure de vérité (Flammarion, Paris, 1996). Le même espoir fut caressé en 1995 avec l’arrivée à la présidence de Liamine Zeroual. En 1999 beaucoup ont fantasmé sur le couple Hamrouche et Hocine Ait Ahmed. Le même scenario s’est répété en 2000 où la rumeur faisait entendre que le président Bouteflika allait nommer Sadi au poste de premier ministre. En 2004 tout le monde spéculait sur une éventuelle victoire d’Ali Benflis qui fera jonction avec le président du RCD de l’époque.

On peut alors se demander qui faisait ventiler sur l’électorat kabyle de telles rumeurs ? Pour nombre d’observateurs la source de ces fausses-vraies informations est le pouvoir lui-même qui en usait à souhait pour drainer la population de Kabylie vers une participation massive aux présidentielles.

Notons au passage que Dr. Said Sadi fut l’homme politique kabyle le plus cité dans ces tractations souterraines. Cela nous permet aussi d’avancer une hypothèse : Dr. Said Sadi a tout tenté avec le système pour le changer de l’intérieur quitte pour cela à accepter de jouer les seconds rôles. Ces tentatives, hélas, ne furent pas auréolées de succès ! Bien au contraire à la longue ces démarches ont été la cause de l’effritement dont jouissait le personnage en Kabylie. Qu’en est-il dès lors pour Maître Mokrane Ait Larbi? Vise t-il la même démarche que Sadi (rénover le système de l’intérieur)? Et si telle est la stratégie comment y parvenir?

Ali Ghediri qui vient de bénéficier du soutien de Madame Zoubida Assoul, membre fondateur du mouvement Mouwatana, malgré tous ses diplômes reste cependant un inconnu pour les citoyens. On peut même dire qu’il est loin de posséder la verve de Maître Mokrane Ait Larbi rompu aux joutes oratoires et au fait des subtilités de la communication. L’homme à fait ses preuves par le passé et bénéficie d’une aura et d’un charisme incontestable conséquence direct de son combat pour l’amazighité, la démocratie et les droits de l’homme dans les années 80/90 aux côtés d’autres illustres militants kabyles comme Maitre Ali Yahia Abdenour, Ferhat Mehenni et Dr. Said Sadi.

Une raison de plus pourquoi c’est Ali Ghediri qui aurait pu être dans le staff électoral du candidat Maître Mokrane Ait Larbi. Ce dernier possède en sus de l’arabe, la maîtrise de tamazight, un atout majeur dans un pays qui se dit officiellement bilingue.

Au Canada par exemple on ne peut devenir premier ministre si on ne parle pas les deux langues officielles du pays.

L’ex-premier ministre canadien Stephen Harper, un anglophone d’Alberta, avait consacré plusieurs semaines d’étude intensive de français après sa dégradation parce qu’il avait des visées politiques pour devenir un jour premier ministre du Canada. Ce qui est fait.

Dans le curriculum vitae du général Ali Ghediri il est mentionné qu’il est un parfait quadrilingue (arabe, russe, français et anglais). Il lui manque l’essentiel. Sa langue ancestrale, de surcroît la 2ème langue officielle du pays qu’il sera appelé à gérer. Prendra-t-il, comme Stephen Harper, des cours intensives en tamazight pour montrer sa bonne foi quant à la vraie rupture qu’il compte appliquer une fois président ? En tous les cas, Ali Ghediri vient d’émettre son premier communiqué en tamazight rédigé en caractères latins, source de l’antagonisme idéologique entre le système algérien, d’essence arabo-islamique et les Kabyles. Est-ce un autre signe de rupture ?

Pour revenir au vif du sujet, quelle est la finalité du soutien d’hommes kabyles d’envergures au candidat Général Ali Ghediri poserons-nous comme interrogation ?

Pour beaucoup, ce soutien répond au besoin urgent de barrer le chemin à Bouteflika pour un éventuel cinquième mandat. En effet selon beaucoup d’analystes, le Général en question va enclencher la dynamique du changement tant attendu au sein du système politique algérien, très complexe. Dès lors les questions qui méritent d’être posées sont les suivantes :

Au sein de ce même système il y a bel et bien des Généraux kabyles en retraite, Pourquoi, ce système n’a pas poussé l’un d’eux au-devant de la scène comme Ali Ghediri? Pourquoi cette méfiance envers le kabyle et jusqu’à quand?

Si par miracle, le 19 avril 2019, ou deux semaines plus tard en cas de l’improbable 2ème tour, le général Ali Ghediri serait élu président de la République, serait-il capable d’amorcer les changements draconiens qu’il a promis. Plus précisément les huit ruptures qui constituent l’essentiel de son programme, que sont :

  • Rupture avec le système rentier et clientéliste en bâtissant un État de droit reposant sur les libertés individuelles et les valeurs communes nationales.
  • Rupture avec la dictature en édifiant des institutions nationales démocratiques, élues au suffrage universel où la séparation des pouvoirs entre exécutif, législatif et judiciaire serait une réalité tangible.
  • Rupture avec les inégalités sociales.
  • Rupture avec le discours démagogique et les pratiques populistes.
  • Rupture avec l’économie de rente et la dépendance des hydrocarbures.
  • Rupture avec l’instrumentalisation des déterminants fondamentaux de l’identité nationale (Islam, histoire, la langue arabe et la langue amazighe).
  • Rupture avec le régionalisme en consolidant l’unité et la cohésion nationale dans le respect de la diversité et des libertés individuelles.
  • Rupture avec le centralisme stérile.

Force est de constater que ce programme est trop sommaire, simpliste et par moments reprenant une certaine terminologie chère au système actuel comme la triptyque Islamité, Arabité et Amazighité. Les kabyles pas dupes demandent plus de développements et d’explications, notamment sur le dernier point de la décentralisation parachutée très brièvement. Ils auront certainement, et dans leur grande majorité, accepté un tel programme si une réforme profonde de l’État serait à l’ordre du jour. Laquelle mission serait préférablement confiée, pour d’évidentes raisons, à l’hypothétique « premier ministre » Mokrane Ait Larbi. Ce dernier pourrait désengorger (décentraliser) le système en accordant une très large autonomie pour la Kabylie, en tant que société distincte, avec entre autres, un parlement, un gouvernement et un système éducatif qui lui seront propres. Il en sera de même des autres territoires du pays (Chawis, Mzab, Oranais, Imucaghs, …).

Ce dernier schéma pourrait être salutaire au pays pour entamer le passage de la république (0) vers la république (I), et non pas (II) comme le répète Ali Ghediri. Lequel passage forcera l’armée dirigée par l’octogénaire chef d’État-Majeur Ahmed Gaid Salah à quitter définitivement la scène politique en la cantonnant dans les lieux qui sont les siens, à savoir les casernes et les frontières à surveiller.

Le deuxième scénario qui consisterait à voir cette armée soutenir encore une fois un mandat de trop pour Bouteflika malgré sa maladie gênante, serait fatal pour le plus grand pays d’Afrique en superficie. La Kabylie comme souffre-douleur d’une gestion archaïque qui en découlerait, en paierait encore le prix fort. Elle continuerait à voir ses enfants vivre mal leur identité, et bon nombres d’entre eux continueraient à subir la répression suite à leur engagement derrière les formations qui réclament l’indépendance de la Kabylie comme le MAK de M. Ferhat Mehenni, ou l’URK de M. Bouaziz Ait Chebib. Pour rappel, les militants de ces deux formations sont tout le temps traqués par les services, et privés de leurs passeports pour les plus actifs d’entre eux.

Nous évoquons volontairement la question indépendantiste kabyle, un véritable casse-tête pour le système tant elle est récurrente dans beaucoup d’esprit de jeunes kabyles qui voient en cette option le grand Salut. Autrement dit c’est une donnée réelle dans le paysage politique de la Kabylie et l’occulter ne résout point le problème.

L’unité nationale comme ligne rouge à ne pas transgresser comme ne cesse de le répéter le général Ahmed Gaid Salah dans ses discours provocateurs à l’encontre des indépendantistes kabyles, pourrait avoir une chance d’être préservée si l’armée:

  • Cessera d’apporter de l’eau au moulin aux tenants du 5ème mandat. Sachant que le bilan de la gestion de Bouteflika se résume en déchirement du tissu social, corruption généralisée, et démantèlement de toutes les libertés démocratiques. Bref Horizon bouché et incertain.
  • Assurera une élection ouverte sans fraude donnant une chance au couple Ali Ghediri – Mokrane Ait Larbi pour devenir hypothétiquement président-premier ministre, et ainsi tracer les contours de cette nouvelle république (I) tant attendue.

Une telle option serait avantageuse aussi bien pour l’Algérie que pour la Kabylie puisqu’elle amorcerait un début de dialogue salvateur qui conduirait, nous l’espérons fortement, à un meilleur compromis en termes de cohabitation et du vivre-ensemble, une fois :

  • Tous les courants politiques kabyles autonomistes, indépendantistes, et ceux œuvrant sur la scène politique algérienne seraient invités pour trouver une meilleure forme de cohabitation algéro-kabyle.
  • La Kabylie (de même pour les autres territoires spécifiques comme ceux des Mzab, des chawis, …) jouirait d’une pleine autonomie ayant son propre gouvernement, système judiciaire et parlement locales. Ceux-ci seraient gérés par les élites locales élues démocratiquement et non pas imposés d’Alger comme de nos jours et ce depuis 1962.
  • L’État algérien reformé au sens fédéral comme durant la guerre de libération avec les 6 wilayas qui seraient devenues comme les provinces canadiennes, les cantons suisses ou les Länder d’Allemagne, avec plein de prérogatives.
  • La laïcité, garante de la liberté de culte et de la séparation de la religion de l’état, appliquée.
  • Le volet identitaire de la constitution serait corrigé en se conformant aux nouvelles donnes de l’État fédéral algérien, puisque les kabyles, mozabites, chawis, imucaghs, … ne voudront pas voir leur pays se définir comme terre arabe.
  • La géopolitique serait à revoir dans le sens où l’Algérie serait appelée à se retirer de la ligue arabe. Une exigence historique qui fait suite à l’éveil amazigh partout dans le pays comme le montre, entre autres les fêtes de Yennayer de ces dernières années.
  • L’éveil identitaire, de plus en plus fort en Afrique du nord, comme l’a prouvé académiquement le sociologue Dr. Salah Djabi dans son dernier livre, serait considéré pour faire de l’Algérie un acteur majeur dans la création avec ses voisins (Maroc, Tunisie, Libye) de l’Amazighphonie. Exactement comme les grands regroupements politiques mondiaux tels que la Francophonie, le Commonwealth (Anglophonie) ou la Ligue Arabe qui serait entre temps réduite uniquement aux pays arabes de l’Asie.

Telles nous semblent être les grandes lignes à même de renforcer la cohésion nationale, à éradiquer l’arbitraire, à atténuer les peurs et les appréhensions quant à l’avenir de ce pays. Celui-ci ne peut être prospère qu’une fois le déni identitaire réparé. Les autres aspects de la vie tels que le politique (et ses élections), l’économique, l’environnement, la santé, le spirituel, l’éducation, l’université, … seront réglés de facto. La Kabylie est toujours là pour rappeler ce péché original, non seulement en Algérie mais partout en Afrique du nord. Elle le fera autant de fois qu’il est nécessaire et quel que soit le prix.

En conclusion, on ne le dira jamais assez que si depuis 2001 des formations ont vu le jour et qui réclament l’indépendance de la Kabylie, cela n’est que la conséquence directe de cet entêtement à ne pas vouloir régler ce problème identitaire et ne pas laisser la Kabylie s’émanciper seule avec ses propres valeurs, sa propre langue, hors contrôle d’Alger.

C’est pourquoi il nous semble que l’élection du 18 avril 2019 est la dernière chance pour sauver la cohabitation dans ’harmonie du couple Algérie-Kabylie. Sinon l’indépendance de la Kabylie trouvera toute sa raison d’être pour ceux qui doutent encore. A rappeler que cette date coïncidera avec le 18ème anniversaire du printemps noir kabyle et avec 39ème anniversaire du printemps amazigh de Kabylie. Un double rappel très significatif.

 

Auteur
Racid At Ali uQasi/ Hamid Ait Slimane

 




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