Samedi 29 septembre 2018
Madjid Yesli : « La communauté ne doit pas être une abstraction intellectuelle »
Le Congrès des Kabyles du Canada (CKC) a participé avec une équipe de marathoniens au Marathon international Oasis de Montréal, ce grand événement sportif et festif. Des milliers de personnes de toutes les tranches d’âge y prennent part pour le plaisir ou pour défendre une cause qui leur tient à cœur.
Cette année, les membres de la communauté kabyle du Canada font partie de cette marée humaine qui a envahi le Quartier des spectacles du centre-ville de Montréal. Ils ont porté fièrement les couleurs du CKC et avec la fierté d’arborer leur appartenance à la communauté kabyle du Canada. Le vice-président du CKC, M. Madjid Yesli, présent sur les lieux se livre dans cet entretien.
Le Matin d’Algérie : M. Madjid Yesli, vous avez été, récemment, nommé vice-président du Congrès des Kabyles du Canada.
En effet, j’ai accepté la responsabilité et la charge de vice-président du CKC et je suis très honoré par la confiance placée en moi par le président du CKC en en la personne de M. Hocine Toulait. Bien entendu, je suis fier de faire partie du CA élu lors des assises du 13 mai 2108 au Palais des congrès de Montréal. Notre communauté a bien reçu la vision et comprend bien les enjeux auxquels nous devons faire face dans un monde de plus en plus complexe. Vivre dans un grand pays comme la Canada, qui lui, est composé de plusieurs centaines communautés, exige de nous une approche différente et novatrice afin de tirer notre épingle du jeu. J’ai eu la chance de participer aux consultations comme membre du Comité de préparation des assises du 13 mai 2018. Les kabyles que nous avons rencontrés ont démontré un désir ardent de construire une communauté de destin forte et influente. Le CKC a su les écouter et saura par, conséquent, traduire leurs recommandations en un projet fédérateur, rassembleur, mu exclusivement par l’intérêt général de notre communauté.
La démarche du CKC suscite beaucoup d’espoirs, ici au Canada d’abord, mais également ailleurs dans le monde au sein de nos diasporas. Nous sommes à la bonne place pour rêver. Nous sommes dans un pays qui nous permet de côtoyer une multitude de communautés dans un esprit de cohésion, de paix et de solidarité. Notre contribution est essentielle. Nos valeurs nous permettent une adaptation sans heurts. Mais comme le monde n’est pas figé, les changements sont rapides dans une planète hyper connectée où même les États postmodernes ont des difficultés à maintenir tous leurs acquis.
La participation citoyenne à la vie de la Cité devient alors incontournable. Celle-ci s’exprime à travers des organisations à vocations diverses (éducation, économie, lutte contre la pauvreté, promotion culturelle et identitaire, environnement.). Face à la complexité, les États les plus avancés sont à l’ère de la gouvernance partagée. Ils misent sur trois éléments fondamentaux : la responsabilité individuelle et familiale, l’entraide et la solidarité et enfin la mobilisation des communautés. Nous avons, donc, besoin d’une organisation de dernière génération où chaque citoyen ait une parcelle de pouvoir d’action et de responsabilité. La réussite de notre communauté dépendra de sa capacité à fonctionner dans une logique de réseaux, de coopération et de partage.
Comment avez-vous vécu cette première sortie sur le terrain, la participation du CKC au Marathon international de Montréal?
La participation à cet événement de quelques membres de notre communauté est tout à fait louable à plus d’un titre. En plus du fait qu’il s’agisse d’un défi personnel pour chacun, ils ont choisi de porter les couleurs du CKC. Ceci nous honore et nous envoie un message fort à l’effet que nous devons travailler à nous assurer une bonne visibilité. Ce genre d’événement a le mérite également de rassembler des communautés diverses, des organisations, des fondations de toutes sortes…
Le fait que nos couleurs- celles du CKC- fassent partie de l’arc-en-ciel de ce célèbre marathon international de Montréal est certainement une fierté et une opportunité pour nous. L’image de Gaya et d’Anaïs, bien décidés sur la première ligne de départ, arborant le logo et la devise du Congrès des Kabyles du Canada sera gravée à jamais dans mon esprit.
Aussi banale qu’elle puisse paraître, cette image m’a renvoyé aux balbutiements de la naissance du Comité de préparation des consultations et des assises du CKC. Que le message du CKC palpite au même rythme que les battements de cœur de ces enfants kabyles m’apparaissent comme l’amorce d’un nouveau départ porteur d’espoir pour notre communauté.
Que représente pour vous cet événement sportif et comment les membres du CKC se sont préparés à cette course?
Tout d’abord, ce genre d’événement ne laisse personne indifférent. Le marathon international de Montréal est un événement qui draine plusieurs milliers de participants. Il s’agit d’un événement sportif, festif et même touristique. L’organisation est exceptionnelle. Une belle ambiance a bien agrémenté ce rendez-vous. Un groupe de membres de la communauté a pris l’initiative de participer à cet événement en arborant les couleurs du CKC et même amasser des fonds. Il est clair que c’est avec beaucoup de bonheur et de fierté que j’ai tenu à encourager les participants de notre communauté. Nos couleurs ont eu l’occasion et la chance de côtoyer celles d’autres organisations ayant à cœur une cause à défendre ou un défi à relever. Et notre communauté ne doit pas rester en marge de toute cette humanité.
Ce fut également une belle occasion de partager un beau moment avec les membres de la communauté. Tous et toutes animés par ce sentiment de fierté kabyle bien de chez nous. M Mabrouk Boudraa, ancien membre du Comité de préparation du CKC et coach de ce groupe n’a pas caché sa joie de voir tout le monde terminer la course. Ce fut un réel plaisir de le retrouver et je ne saurais assez le remercier au nom du CKC pour avoir consacré son temps à la préparation de ce rendez-vous. Bouaziz Ait Dris est à sa 2ème course au profit du CKC. L’idée de la participation lui appartient. Sa fille Ines me confie qu’elle était fière d’avoir atteint l’objectif qu’elle s’était assigné. Farid Chérifi, jovial et souriant comme d’habitude, a été très efficace dans la préparation des chandails du CKC. Avec une pointe d’humour, il réclame mon veston et m’habille en CKC comme tout le groupe.
Les enfants qui ont participé à cet événement sont heureux de leurs exploits respectifs. Gaya, Anaïs et Dany comme les milliers d’autres enfants de la communauté kabyle du Canada valent bien le pari lancé par le CKC. Le petit Dany laissera son papa Khaled Remila s’occuper du 42km. C’est la première fois que je rencontre Khaled, nous étions tous les deux en chandail du CKC. Il est fier de courir ses 42 km et porter haut l’idéal d’une communauté rassemblée et solidaire. Ses propos me font réaliser tout le poids de la responsabilité que nous avons acceptée d’assumer. Je ne puis m’empêcher de penser à toute l’éthique que cela exige de nous comme membres du CA du Congrès des Kabyles du Canada.
Je suis convaincu que les rencontres directes avec les membres de la communauté incluant les dirigeants des associations devraient être la source d’inspiration pour le projet du CKC. Nous pouvons être plusieurs sans être ensemble. Mais si à plusieurs nous pensons communauté nous serons ensemble comme un seul être collectif fort et influent. La communauté ne doit pas être une abstraction intellectuelle.
Que diriez-vous de l’importance de prendre part à de telles rencontres en termes d’impact sur l’image de notre communauté ?
En plus des aspects festifs, sportifs et sociaux, il me semble que ce genre d’événements nous permettra de faire du marketing pour notre communauté. Nous devons veiller à définir par nous-mêmes l’image que nous voulons renvoyer aux autres. Nous devons moderniser nos façons de faire. Le CKC ne ménagera aucun effort pour que nous puissions ensemble construire une communauté forte et influente. Pour y parvenir, ici ou ailleurs, nous devons miser sur le développement de toutes les potentialités de notre communauté. Chacun de nous peut individuellement rehausser l’image de la communauté, contribuer à promouvoir son identité et sa culture. Mais en le faisant ensemble, l’impact dépassera de loin nos actions en rangs dispersés. C’est encore une fois tout le sens de construire ensemble.
Le CKC croit en la communauté, toutes les rencontres organisées par nos associations ou groupes d’individus seront autant d’occasions pour créer cette logique de réseaux et de tirer profits de ces synergies. Le CKC croit également que l’éducation et l’intégration économique seront les principaux leviers du développement de la communauté des kabyles du Canada.
La force du pays et des communautés que nous côtoyons vient de ces deux leviers et de la culture de l’effort. Ce n’est pas tout : notre communauté doit promouvoir et préserver son âme profonde, son identité et sa culture à travers tout le territoire du Canada. L’image et la visibilité de la communauté se fera avec tous ces matériaux et en sera le fidèle reflet. C’est à cela qu’aspire chaque membre de notre communauté.