25 avril 2024
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Malek el Ma’out est aux arrêts à Abou Dhabi

TRIBUNE

Malek el Ma’out est aux arrêts à Abou Dhabi

Tout le monde bouge, tout s’agite, c’est que “la vague du changement” semble être là. Se pourrait-il qu’elle réalise de façon imminente son œuvre ? l’illusion est tellement vraisemblable que les plus avertis peuvent s’y laisser prendre.

Même aux plus circonspects, une cinquième mandature de Bouteflika paraît comme l’outrance de trop. Pourtant, ce n’est pas une mauvaise blague ; malgré le déferlement de colère et sauf dérapage majeur, le 19 avril, Bouteflika sera fêté par ses clientèles comme le monarque à vie qu’il a toujours rêvé d’être. Dès lors, les fossoyeurs auront l’ordre de creuser la tombe présidentielle et l’autre générationnelle.

Du militantisme, l’homme qui n’a connu  que le sombre côté que ses instructeurs, le sinistre Boussouf et le calculateur Boumediene lui ont fait découvrir. De la pratique politique, il n’a eu que la culture de la malice et la ruse qu’il a fourbue et aiguisée dans les arcanes diplomatiques. Planqué dans les salons algérois, il a rongé son frein en attendant son heure. En 1994, il savait le rapport de force encore défavorable à ses desseins.

À ce moment-là, en froide bête politique, il décline la proposition de nomination au poste de chef d’État. Sournoisement, il préfère continuer son travail souterrain jusqu’au jour où lui et ses amis étaient suffisamment fort pour renvoyer Zeroual à son patelin natal. Bouteflika arrive au pouvoir et, reconnaissons-le, la blague disait vrai : il met le clignotant à “démocratie” et il vire à “despotisme”.

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Pourtant, au moins partiellement, il a dévoilé son jeu. Publiquement, il a dit ses haines. Sa détestation des journalistes ; son désir d’en découdre avec les militaires et son refus de se soumettre à la “Constitution”. Il a révélé ses accointances avec les chefs du FIS, et a assumé sa caution aux nervis armés qui écumaient les maquis. Plus jeune, a-t-il affirmé, il aurait pris part au combat de “Monsieur Hattab” ! Si l’on dissipe les écrans de fumée dont il est friand, il est aisé de voir qu’il a tenu sa feuille de route. Et l’on mesure à quel point cette autre sentence populaire est pleine de bon sens : si la route ne lui avait pas été barrée en 1979, Bouteflika serait resté au pouvoir depuis cette date-là !

L’Homme est donc cohérent avec lui-même et fidèle à sa doxa de petit dictateur fourbe et sournois. Mais se pose la question des mécanismes de sa réussite et des forces qui portent ses succès. Sur quoi s’appuie-t-il pour imposer ainsi sa volonté ? D’aucuns avancent qu’il joue des clivages qui traversent la Régence. Bouteflika, en Horace d’exception, tuerait un à un les Curias de la Régence. Ainsi a-t-il isolé Mohamed Lamari, puis Mohammed Medienne, puis la clique des cinq, puis …. Et puis. Mais, cette explication ne permet pas de comprendre le pourquoi du cinquième mandat et du “Culte du Cadre”. Ces outrances de trop qui activent le courroux populaire et jettent la population dans la rue. Pourrait-on croire que les oligarques et les barons de la caste militaro-bureaucratique seraient à ce point fascinés par le Régent qu’ils mettraient en péril leur système nourricier ? L’histoire récente du pays nous montre à quel point ils peuvent être féroces en pareilles circonstances. Boudiaf l’un des historiques de novembre a eu droit à une rafale de mitraillette dans le dos. Or, Bouteflika, même important, paraît hors de portée d’une telle “solution”. Même un scénario à la générale Ben Ali, ne semble pas pointer son nez.

C’est donc que l’homme est protégé des Dieux. Et qui mieux que les potentats du Hidjaz pour se faire les interprètes des volontés divines ? Durant ses quelques années de bannissement, loin de la France, où Chadli avait de très bonnes relations avec les socialistes français, Bouteflika avait trouvé refuge dans la péninsule Arabique. À sa réintroduction dans le premier cercle du pouvoir, Abdelaziz a ramené dans ses bagages ses mécènes d’hier. Il est intéressant de voir aujourd’hui à quel point ceux-ci sont introduits y compris dans des domaines touchants à la sécurité du pays (Gestion des ports, fabrication militaire…).

Le pays étant sa chose, Abdelaziz a tenu à leur rendre au centuple ce qui lui avait été donné. Mais, il n’a pu le faire qu’en jouant de la fragilité d’un personnel politique corrompu jusqu’à la moelle.

Avec des biens et des avoirs dissimulés dans ces terres lointaines d’Orient, le patriotisme leur est devenu un luxe interdit ! Cela est une exagération ? Pas du tout. Regardez le rôle joué par ces boutefeux à nos frontières.

Est-il admissible que les Émirats deviennent les maîtres du jeu libyen et que l’Algérie se taise ? Est-il admissible que le Conglomérat des potentats du Golfe s’ingère dans notre profondeur sahélienne et que l’Algérie reste au garde-à-vous ? Jusqu’aux opérations françaises et américaines dans cette région qui doivent beaucoup aux pétrodollars arabes. Exagéré aussi ? Essayez d’expliquer les excuses officielles présentées pour le Tifo d’Ain Mlila ? Qu’est-ce qu’elles révèlent ? Qu’est-ce qu’elles disent des rapports qui lient Alger à Abou Dhabi et Riyad ? Ne montrent-elles pas que des rapports de vassalité se sont installés ?

Gaïd Salah qui passe pour être l’homme fort du régime visite continuellement ces contrées qui semblent avoir pris un sérieux ascendant sur notre sort et sur celui de notre Nation. Même pour la fabrication de véhicules Mercedes les chemins passent par la péninsule arabique.

Le régime subit donc le caprice de son enfant terrible. Il attendra que Malak El Ma’out daigne cueillir son âme. Mais, le régime réprimera le peuple parce qu’il a peur d’être lui-même réprimé par ses suzerains. Parce que les régents ont peur d’être dévoilés et jetés en pâture à une nouvelle opération “iskat ennidham”, parce qu’ils ont peur que les émirs ne leur confisquent leurs biens et leurs magots dérobés. En fin de compte, nos régents apprennent à leurs dépens que s’agissant de Bouteflika et de ses amis arabes, il ne faut les avoir ni en amis ni en ennemis.

Ce n’est pas parce qu’ils sont pris en étau que les régents pensent sérieusement à une démocratisation de l’État. Ils subiront Bouteflika jusqu’à son dernier souffle ; mais ils préparent déjà le ravalement de façade de la Régence. Ils nous annoncent une “Conférence nationale de l’Entente” dont, disent-ils, les recommandations seront exécutoires. Ils l’annoncent sans exclusive ; mais ils ne disent mot sur son mode de désignation. Parce qu’il ne semble pas qu’elle sera une instance élue. Il s’agira donc d’une grande kermesse où la classe politique, les associations, les clientèles, les syndicats d’intérêts vont décider de la prochaine configuration algérienne. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler une constituante. Voyons-le, c’est le dessein de reproduire l’usurpation post-octobre 1988.

Une constituante ne peut être qu’une assemblée souveraine, élue à la proportionnelle intégrale, sur des listes nationales, à l’issue d’une période où les vestiges de l’ancien régime sont liquidés. Or, la conférence de Bouteflika vise justement à pérenniser l’état de fait actuel avec ses rapports de forces tronqués, ses lobbies cachés et ses violentes confiscations. C’est donc tout le contraire d’une constituante que la Régence a programmé. Face à ce coup d’avance, les démocrates se laissent submerger par la vague du “non au 5e mandat !”. Alors que la véritable bataille est ailleurs. Qu’elle est dans la construction de leur convergence, dans l’affirmation de leurs valeurs et principes. Dans la cristallisation de leur projet comme alternative au despotisme et à la théocratie.

 

Auteur
Mohand Bakir

 




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