Au Mali, après les révélations de RFI la semaine dernière, après l’enquête de Human Rights Watch en début de semaine, c’est au tour de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et d’Amnesty International de rapporter l’exécution d’une vingtaine de civils par l’armée à Diafarabé, près de Tenenkou, dans la région de Mopti.
Le 12 mai 2025, entre 23 et 27 hommes ont été interpellés sur le marché par les militaires maliens avant d’être égorgés et jetés dans des fosses communes. C’est ce qu’ont rapporté, mercredi 21 mai, les deux organisations de défense des droits humains. RFI a joint Maître Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH.
Il dénonce la méthode, avec ces exécutions extrajudiciaires, il dénonce également le ciblage de l’ethnie peule : « Nous ne contestons pas que l’armée combatte les jihadistes, qui commettent des crimes affreux. Ce que nous dénonçons ici, c’est la manière de procéder. Des civils, des non-combattants, qui sont arrêtés, transportés et exécutés de façon sommaire. C’est-à-dire que des militaires maliens, en connaissance de cause, ont arrêté des personnes qui ne sont pas armées et les ont exécuté. C’est une manière de faire qui viole toutes les règles, même les règles de la guerre. Car n’oublions pas que nous parlons d’une armée régalienne, républicaine, d’une armée légale. Or là nous constatons que ce sont les civils qu’elle devait protéger qu’elle exécute. »
« Vengeance » contre la communauté peule
Les jihadistes de la katiba Macina du Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), liés à al-Qaïda, contrôlent de larges pans du territoire malien, notamment dans le centre du pays, et mènent régulièrement des attaques contre l’armée malienne. Fin mars, le Jnim avait revendiqué une embuscade contre une patrouille de l’armée malienne et de ses supplétifs chasseurs traditionnels dozos, entre Diafarabé et Nouh-Bozo, qui avait fait plusieurs dizaines de morts. La katiba Macina recrute largement parmi la communauté peule – mais pas uniquement – jouant notamment sur les rivalités inter et infra-communautaires.
Comme au Burkina Faso voisin, la communauté peule est très souvent victime d’amalgame et ciblée lors des opérations militaires : « Les témoignages nous disent que ce ne sont que des Peuls qui sont concernés (par les exécutions de Diafarabé, ndlr), donc c’est comme une sorte de vengeance, de vendetta. Or on ne peut pas assimiler tous les Peuls à des jihadistes ! S’attaquer à ce groupe ethnique, c’est une manière pour les personnes qui ont commis ces actes de tenter de se venger contre les jihadistes. Hélas ce sont des civils qui ont été exécutés, malheureusement », conclut Maître Drissa Traoré.
Enquête
Après trois journées de protestation dans la localité de Diafarabé, des proches des victimes avaient finalement été autorisés le 15 mai à se rendre sur le lieu des exécutions. Accompagnés de chefs traditionnels et de conseillers communaux, ils avaient alors découvert les fosses et procédé à l’inhumation de leurs parents.
La semaine dernière, tout en annonçant l’ouverture d’une enquête, l’armée malienne a dénoncé des allégations « instrumentalisées à des fins subversives ». La « politisation des droits humains » est régulièrement invoquée par les autorités de transition pour contester les exactions attribuées aux forces armées et tenter de décrédibiliser les médias et ONG en faisant état.
Avec RFI