À leur regard féroce, il avait compris qu’il était démasqué. Pas de doute, c’était un voleur indigène qui venait de débarquer pour dépouiller le bon citoyen français. Il n’avait d’autre choix que de s’enfuir encore une fois.
Au petit bonheur la chance, il se dirige à travers les routes de France vers le nord, en passant par les grandes métropoles, Montélimar, Lyon, Dijon, Épinal, et enfin Strasbourg, avant de traverser la frontière et de se retrouver à Baden-Baden. Il trouve le nom si mignon qu’il s’y installe pendant longtemps.
Confronté à la langue qu’il trouva beaucoup plus virile que le français, il y apprit les rudiments essentiels pour comprendre et se faire comprendre par ces blonds aux carrures d’athlètes. Il mangeait à sa faim tous les jours. Du petit déjeuner au dîner, c’étaient de sacrés festins. Ses repas copieux n’avaient rien à voir avec la galette et les figues sèches du terroir.
Il s’est tellement intégré dans cet Eden de la pitance qu’il ne tarde pas à se confondre avec la masse environnante. Au bout de quelques mois, il avait pris tellement de poids qu’il fusionne avec tous les mâles de la cité. Mais sa perversité finit par le rattraper. Il se fait prendre encore une fois. Au contraire des policiers français, il n’est pas maltraité. Les officiers allemands se sont même pris de sympathie envers cet Algérien à l’accent rigolo et qui se déclare ennemi de la France aussi. Il n’en fallait pas plus pour que notre chapardeur kabyle se retrouve en uniforme sous la bannière SS.
On l’affecte rapidement dans une section de la jeunesse hitlérienne en Rhénanie. On lui apprit à se défendre dans des combats en corps à corps. On lui apprit à manier les armes. On lui apprit à défiler en rangs organisés. On lui apprit le salut national et la formule heil-Hitler, et, avant tout, on lui désigna un tuteur pour perfectionner son allemand. Que demander de plus pour un expert en rapine ?
Au bout de quelques mois, il devient l’exemple type du soldat fidèle au Führer, prêt à se sacrifier pour la cause nazie. Sur les terrains de combat, il se distingue si vite par ses exploits qu’il gravit les échelons en en brûlant bien des étapes.
De simple soldat, il se retrouve successivement « Leutnant », « Hauptmann », « Oberstleutnantavant », avant d’être carrément promu au grade d’officier de la Gestapo. Voilà donc notre chapardeur des collines de Kabylie côtoyant la crème de la « Geheime Staatspolizei », la police politique de l’État nazi, en quelques saluts hitlériens qui le propulsent aux premières lignes du combat aryen… (à suivre).
Kacem Madani