23 février 2025
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Marwan Barghouti pourrait-il sortir des geôles israéliennes ?

Marwan Barghouti, emblématique prisonnier palestinien, figure sur la liste des personnes libérables lors de la phase 2 du cessez-le-feu dans la bande de Gaza. La libération de celui qui est surnommé le « Mandela palestinien » pourrait-elle être effective et si tel était le cas, le rôle que pourrait jouer cette figure palestinienne dans le futur reste incertain.

 Le prisonnier politique Marwan Barghouti représente l’espoir d’un consensus de plusieurs factions de la résistance palestinienne. Voilà plus de vingt ans que Marwan Barghouti est derrière les barreaux en Israël et son aura ne faiblit pas, au contraire. Son visage souriant, ses poignets menottés levés au-dessus de la tête, l’index et le majeur faisant le V de la victoire, sont peints sur les murs des Territoires occupés et trônent sur les pancartes dans les manifestations pour la paix en Palestine aux quatre coins du monde voilà plus de quinze mois.  

Et depuis le 7-Octobre, son nom est de plus en plus souvent prononcé, en Palestine comme à l’étranger, pour reprendre le flambeau de potentielles négociations de paix, voire pour devenir le prochain président d’un État palestinien – État reconnu par 147 États sur les 193 États membres que compte l’ONU plus le Vatican. Une raison pour laquelle l’ex-ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir a exigé en février 2024 le durcissement des conditions de détention de cet homme de 65 ans : Marwan Barghouti est transféré de prison en prison, séparé de ses compagnons de cellule, il est victime de tabassage, de privation de nourriture, de sommeil etc., selon le chef de la Commission des affaires des prisonniers et ex-prisonniers de l’OLP. 

Il purge actuellement cinq peines de prison à perpétuité, après qu’Israël l’a reconnu coupable en 2003 d’avoir préparé des attaques durant la deuxième intifada au sein des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, la branche armée du Fatah. Mais le condamné a toujours refusé de reconnaître la justice israélienne sur les Palestiniens en Cisjordanie occupée. « Seules la paix et la fin de l’occupation apporteront la sécurité aux deux peuples. Le peuple israélien paie un prix très élevé pour la politique de son gouvernement », clame-t-il à son arrivée au tribunal en 2002 devant les journalistes.   

Une figure de l’unité palestinienne  

Marwan Barghouti, originaire de Kobar près de Ramallah, a à peine quinze ans au début des années 1980 lorsqu’il s’engage en politique en rejoignant le Fatah. Il est expulsé par Israël en Jordanie en 1987 et ne peut retrouver la Palestine qu’à l’issue des Accords d’Oslo en 1993. « Bien que le mouvement Fatah auquel j’appartiens et moi-même nous opposions fermement aux attaques et au ciblage des civils à l’intérieur d’Israël, notre futur voisin, je me réserve le droit de me protéger, de résister à l’occupation israélienne de mon pays et de me battre pour ma liberté », écrit Marwan Barghouti dans le Washington Post en 2002.  

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Si la gauche israélienne semble favorable à mettre fin à la détention de Marwan Barghouti, le gouvernement de Benyamin Netanyahu s’y oppose depuis toujours, non pas parce qu’il aurait du sang sur les mains mais parce qu’il fait l’unanimité auprès des Palestiniens. En 2011, afin que soit libéré le soldat Gilad Shalit, Israël avait accepté de libérer plus de mille prisonniers palestiniens dont le chef de la branche armée du Hamas Yahya Sinouar. « Il me semble que si nous voulons mener des négociations pratiques, nous avons besoin de personnes compétentes des deux côtés. Du côté israélien, je ne veux pas exprimer d’opinion, mais du côté palestinien, si nous libérons Marwan Barghouti aujourd’hui, ce sera vraiment quelque chose de très méritoire », rapporte Ephraïm Halevy, ancien chef du Mossad, repris par Middle East Monitor

Depuis le 7-Octobre, la question du jour d’après revient de manière lancinante. Pour le Premier ministre israélien, ni le Hamas ni le Fatah de Mahmoud Abbas ne sauraient figurer dans la prochaine gouvernance. Marwan Barghouti, qui s’est opposé au mouvement islamiste et qui a lutté contre l’incurie de son propre mouvement serait alors l’homme providentiel ?  

« Politiquement, il bénéficie d’un capital de crédibilité auprès de la population palestinienne car il paie de sa personne avec la multitude d’années passées en prison, analyse David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’IRIS, spécialisé du Moyen-Orient, rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques. C’est ce capital qui pose un problème au gouvernement Netanyahu. Il est en outre considéré comme intègre contrairement à d’autres cadres du mouvement national palestinien. Et il constitue d’autant plus un problème pour le gouvernement israélien qu’il pourrait potentiellement constituer une alternative au Hamas qu’il a d’ailleurs combattu. Son nom a de fait circulé à Washington sous l’administration Biden comme étant l’incarnation d’une alternative possible. C’est la raison pour laquelle il est probablement l’un des rares prisonniers que Netanyahu ne veut pas voir libéré même si Ahmed Barghouti, proche collaborateur de son frère aîné, l’a été lors de la sixième phase de libération d’otages contre des prisonniers palestiniens. » Et le chercheur d’expliquer que Marwan Barghouti, par ce qu’il représente, est paradoxalement peut-être plus dangereux politiquement parlant qu’un chef du Hamas.  

Un capital politique qui ne semble donc pas non plus satisfaire Mahmoud Abbas qui fait profil bas sur la libération du leader palestinien. Dans les sondages d’opinion réalisés auprès des Palestiniens par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, Marwan Barghouti dépasse largement Mahmoud Abbas au niveau de la popularité, depuis déjà une décennie, et une libération pourrait signifier la chute du chef actuel de l’Autorité palestinienne. Une Autorité totalement décrédibilisée et accusée de corruption que n’a jamais cessé de dénoncer Marwan Barghouti. « C’est un homme courageux sur le plan individuel par les sacrifices personnels qu’il a consentis pour la cause nationale qu’il défend comme sur le plan politique où il est conscient de la nécessité de parvenir à un compromis qui ne pourra être que difficile pour les deux parties : en 2002, après le début de la seconde intifada, il écrivait qu’il “cherche toujours la coexistence pacifique entre les pays égaux et indépendants d’Israël et de la Palestine”. Le problème, c’est que la configuration a beaucoup changé depuis avec un potentiel point de bascule qui s’est opéré avec le massacre du 7 octobre rendant aujourd’hui quasi-impossible pour la majorité des Israéliens toute idée d’État palestinien frontalier de l’État hébreu », poursuit David Rigoulet-Roze.  

Avec RFI

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