20 avril 2024
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Mes combats pour la survie à l’étranger (IV) : avec « Léma Gouilles », « l’EIST m’a tuer » ! (*)

Mémoires d’un émigré

Mes combats pour la survie à l’étranger (IV) : avec « Léma Gouilles », « l’EIST m’a tuer » ! (*)

Dernier acte de la mise en scène avant les auditions du jeudi 4 juin : mardi 2 ou mercredi 3, des bruits courent que Mr Moisson, un candidat proche de la direction de l’École, fait le tour des membres de la commission mixte pour une petite danse du ventre. Question de séduire le plus possible le jury.

Des bruits de couloir l’annoncent chez Mr Caroizon, directeur du département d’Électronique. Pour l’éviter, selon les mêmes bruits, Mme Lander s’enferme dans son bureau. En toute vraisemblance, Mr Moisson s’inquiète pour son salaire qui allait dégringoler de moitié. D’ingénieur CNET à professeur des universités, son traitement net basculerait ainsi de 30.000 Frs (environ 4.500 €) à 15.000 Frs (C’est bien connu, fusse-t-il dans le supérieur, l’enseignement n’est pas le plus court chemin pour faire fortune. Le métier d’enseignant est, avant tout, affaire de passion et de vocation, pour les uns, de sécurité de l’emploi, pour les autres, de congés à foison pour tous).

Mais, est-ce bien honnête et fair-play de chercher à contacter les membres d’une commission, surtout la veille de l’audition ? En tous cas, bien que nombreux ceux qui m’avaient suggéré de le faire, je ne l’ai pas fait. Un poste oui, mais perdre mon âme, ou me mettre à genoux, pour décrocher le mien, non ! non ! et non ! 

Pourtant, avec du recul, des indices, on ne peut plus explicites, auraient dû me mettre la puce à l’oreille. Un jour de mai, au moment où la course aux auditions battait son plein, Mme Lander me fit part de l’ouverture d’un poste de maître de conférences à Paris XIII. Elle prend le téléphone devant moi et appelle un pote pour lui faire part de la candidature éventuelle de K. Madani.

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À l’autre bout du fil, la personne en question semble bien réagir : -Ah oui, Madani, je le connais bien, il a fait bonne impression l’an dernier à l’Université de Rouen (c’est ce poste qu’avait décroché F. Saniez), et Mme Lander de renchérir : absolument, il est excellent !

Voilà qui est, on ne peut plus clair ! je serais donc excellent pour aller voir ailleurs mais pas assez bon pour mériter l’EITS (excusez la comparaison, mais cela renvoie à une réplique célèbre de J.M. Le-Pen : – « Les Arabes, je les aime bien… chez eux ! »).

Tout le monde sait que j’ai posé ma candidature ailleurs. Pendant mon audition, Mme Lander, nommée présidente de jury pour l’occasion, me pose la question suivante :  

– Si tu es à la fois tête de liste à l’EIST et Paris XIII, quel serait ton choix ? 

 – L’EIST, bien sûr ! j’y ai mes repères, en termes d’enseignement et de recherche ! répondis-je naïvement. J’ai participé à presque tous les modules d’enseignement et presque tous les sujets de recherches, rajoutais-je, croyant convaincre une présidente de jury acquise à ma cause alors que dans les coulisses tout était déjà plié…contre moi !

De même, lors de mon audition à Paris XIII, certains membres locaux du jury, dont le directeur de laboratoire pour lequel le poste était destiné, voulaient savoir si j’avais posé ma candidature ailleurs :

– Pourquoi telle question, demandais-je ?

– Tout simplement parce nous savons que vous êtes candidat local à l’EIST et nous ne voulons pas courir le risque de classer 1er quelqu’un qui ne prendrait pas le poste (dit autrement : on ne peut pas se permettre d’avoir le profil bas !). 

– Vous pensez bien qu’avec mes huit années de CDD, je ne peux que multiplier autant que possible mes chances de titularisation, répondis-je ! Une réponse qui m’avait été fatale. Comme quoi, je suis vraiment novice en politique ! Je ne le sus que par la suite, la bonne réponse eut été : je suis catégorique, je choisirai Paris XIII !

Quel sacré dilemme ! Pour avoir un poste scientifique, il faut exceller en politique, en art du mensonge et de la combine !

Bien sûr, je ne savais pas encore que l’EIST venait de rejeter ma candidature. Au moment où je rédige ces lignes, j’ignore si j’ai été classé à Paris XIII. Mais, au vu de la réplique ci-dessus, je ne me fais guère d’illusions (l’EIST me tue à l’EIST et m’assassine ailleurs).

Autre indice : Souvenez-vous de la fameuse formule « le laboratoire d’Optronique ne doit pas devenir le phare de l’EIST » lancée par Caroizon, il y a quelques années. Il fallait bien s’attendre à ce qu’on ébranle ce phare devenu trop visible pour le goût de certains. Et pourtant, mon projet se voulait fédérateur. Je me suis mis en tête des perspectives de coordination de toutes les compétences de l’École. Les collaborations entre les labos de l’EIST auraient été profitables, non seulement à la recherche mais aussi à l’enseignement. Je suis pour une véritable équipartition des activités. D’ailleurs, pendant mon dernier CDD sur le système multi-capteurs, j’étais à cheval entre les laboratoires d’Optronique et d’Électronique. J’étais donc bien placé pour mener à bien une coordination sérieuse.

Je n’ai pas tout dit mais je m’arrête là, parce que toute cette histoire m’a épuisé. Je voudrais néanmoins adresser un message aux étudiants, sous forme de mise en garde. Vos aînés ne vous donnent guère le bon exemple. Qui est supposé le faire sinon l’enseignant ? Je comprends que la majorité d’entre vous ne rêve que d’aller faire carrière à l’étranger. À mon avis, la France est entre les mains d’une génération qui a tout eu sans trop de peine. Certains se font un plaisir machiavélique à vouloir compromettre l’avenir des autres.

Mon histoire à l’EIST en est un exemple on ne peut plus clair. Je voudrais toutefois vous donner un conseil : la seule façon de tirer un profit maximum de votre présence ici est de vous constituer un bon capital AMITIÉ. Les vrais amis sont ceux que l’on se fait pendant les années universitaires. Dans le cadre professionnel, vous verrez, les gens qui vous approcheront le feront surtout, et avant tout, par intérêt. La preuve, ça fait 8 ans que je suis là, il ne s’est trouvé aucun homme ni aucune femme pour me tendre une main sincère. Je parle, bien sûr, de ceux qui ont un tant soit peu d’influence.

Mes sincères amitiés à tous. Même ceux qui sont impliqués et nommément visés par ce cri de détresse spontané.

Kenavo Breizh ! Kenavo Breizhiz !

Fait à Lamberneau, lundi 8 juin 1998.

Kacem Madani

PS1. Ce n’est pas tant le poste qui me turlupine le plus dans cette histoire de recrutement qui a mal tourné pour moi. La question qui me tourmente vraiment, c’est celle relative au rôle précis joué par Marie Lander dans cette affaire. Ah ! ce que j’aimerais qu’elle me dise : Madani tu te trompes sur toute la ligne, je n’ai joué qu’un rôle passif, l’intox ne vient pas de moi, j’étais sincère en te communiquant les échos que je récoltais çà et là. Bien que présidente, je n’avais pas les coudées franches pour aller à contre-courant des choix de la direction. Car, c’est bien de cela qu’il s’agit.

On dit souvent qu’entre un homme et une femme, il ne pouvait y avoir de relation d’amitié. Pour ma part, je considérais Marie comme une amie. Il m’est arrivé de prendre sa défense même contre G. Stallion. Car j’estime que quelles que soient les raisons de quelconque mésentente, on n’a pas le droit causer peu ou prou de tort à une femme. Ne dit-on pas :  ne frappe pas une femme même avec des fleurs ?

PS2. En principe, je dois me rendre à Chypre du 13 au 20 juin pour y présenter une communication sur nos résultats concernant une analyse spectrale des phases du sommeil. Bien sûr, le cœur n’y est pas. Peut-être que monsieur Caroizon peut y aller à ma place ? Son nom figure sur le papier. Auquel cas, les billets d’avion et de train sont à sa disposition, ainsi que les transparents (je les ai quand même préparés avant les auditions. J’aurais été incapable de les faire dans mon état). Si je décide de m’y rendre, ça sera uniquement par respect et pour mes engagements vis-à-vis de Michel Binion.

PS3. À Pierre Brillant : tu n’aurais jamais dû m’annoncer les résultats de l’audition dès vendredi soir. Dans quel état vais-je me rendre aux auditions de Lille et de Brest ? Surtout que dans les deux cas, il y a des candidats locaux qui ne seront certainement pas menés en bateau et trahis par leurs collègues.

PS4. Au futur professeur (Brillant, Mouthon ou Simenon, les trois têtes de liste) : sans rancune aucune ! De toute façon, la nature humaine est ainsi faite. Tout le monde veut aller de l’avant. Mais regardez quand même ou vous mettez les pieds ! Il se pourrait que, sans le savoir, en avançant, vous piétiniez quelque malheureux, abattu par le cours des événements. Tendez-lui la main pour l’aider à se relever, vous n’avancerez que plus vite par la suite.

PS5. J’aimerais que ce message parvienne à un maximum de personnes. Faites-le circuler SVP ! Mon cas empêchera peut-être que de telles manigances ne se reproduisent ailleurs. En tout cas, à travers ce qui vient de se produire à l’EIST, c’est toute la procédure de recrutement qui est mise en cause, et qu’il est temps de revoir sérieusement. Si on me le demande, j’ai des idées là-dessus : une procédure où l’éthique et la déontologie seraient de rigueur et qui ne laisse aucune place à Mlle « Léma Gouilles » (celle-là, en revanche, je lui en veux à mort).

PS6. Mon contrat arrive à terme le 14 août. Avec tout ce que je viens d’exposer, je doute que la direction soit favorable à une quelconque reconduction. Tant pis ! Je garderai quand même de belles images de l’EIST. Quand je parle de l’EIST, je pense aux bonjours remplis de tendresse de Christiane Le-Forestier, aux rires entraînants d’Isabelle, aux « de vas mat » quotidiens de Marcel, à la gentillesse de tout le personnel. À tous ceux qui font fonctionner l’EIST dans l’ombre, et à qui l’EIST ne doit rien.

Note finale. À la suite de ce coup de gueule, j’avais reçu de nombreux messages de soutien. Non seulement du personnel mais aussi des étudiants, anciens et nouveaux. L’un d’entre eux s’était fendu d’un coup de colère dans lequel il s’était emporté en ces termes : 

– « Nous avons besoin de gens comme vous pour donner un bon coup dans ce panier de crabes » !  Je lui répondis gentiment :

 – « Merci pour votre soutien ! Cependant, bien que je me sois révolté de façon impulsive, je ne me sens pas l’âme d’un révolutionnaire ! ». 

D’autres messages de sympathie d’étudiants déjà diplômés provenaient d’un peu partout, y compris d’Australie et des USA où quelques élèves de l’École terminaient leur stage de post graduation. Certains avaient tenté l’aventure outre-Atlantique par suite de mes encouragements, ne serait-ce que pour maîtriser la langue, les convainquais-je.

Pour le poste, c’est Simenon, un ami intime du directeur, qui l’a obtenu. Toutes mes tentatives de le convaincre que malgré tout je pouvais encore offrir mes services au laboratoire d’optronique s’avérèrent infructueuses et inutiles. Comme quoi, la rancune est parfois difficile à dissiper.

Ainsi se referme, sur cet épisode fâcheux, la page, ou plutôt le livret EIST. Mais on ne baisse pas les bras pour autant ! Un autre parcours du combattant, encore plus éprouvant, m’attend ! Mais comme dit Philippe Labro dans le titre de son livre « tomber sept fois, se relever huit ». Dans mon cas, c’est tomber 99 fois, se relever 101.

(*) La dernière formule du titre est un détournement de « Omar m’a tuer », cette phrase à la transcription incorrecte est liée à l’affaire Omar Raddad. Formule devenue célèbre dans le cadre de cette affaire judiciaire qui avait défrayé les chroniques et passionné le public dans les années 1990.

Pour rappel, le 24 juin 1991, le corps de Ghislaine Marchal est retrouvé ensanglanté dans la cave de sa villa. La scène du crime est digne d’un roman policier : la porte de la cave est barricadée de l’intérieur, et deux messages ont été tracés en lettres de sang : « OMAR M’A T » et « OMAR M’A TUER ». Le coupable était donc tout désigné en la personne de Omar, le jardinier de Ghislaine Marchal. Le seul mobile étant lié à sa passion pour le jeu, donc à un besoin d’argent récurrent. C’est bien léger comme mobile, d’autant qu’on n’a retrouvé aucune trace de cet argent pour lequel l’assassinat aurait été perpétré. Omar avaient tous les alibis du monde pour ne pas être sur la scène du crime ce 24 juin 1991.  Il avait été appréhendé chez lui, détendu et relax à la terrasse de son balcon.   

En 1994, Omar Raddad avait été condamné à une peine de 18 ans de réclusion criminelle avant de bénéficier, en 1996, d’une grâce partielle accordée par le président Jacques Chirac (à la suite de l’intervention du roi Hassan II, semble-t-il. Heureusement que Omar n’est pas Algérien. Le fut-il, Zeroual se serait-il mêlé de l’affaire ? Rien n’est moins sûr). 

Depuis sa remise en liberté, Omar Raddad continue de clamer son innocence et de se battre pour faire réviser son procès, remettant en cause sa condamnation et une enquête à charge qui ont fait couler beaucoup d’encre. Mais, la justice n’avouant jamais ses torts, le dossier semble clos pour de bon. Omar se sera battu jusqu’au bout pour sa réhabilitation. Même si ses efforts ininterrompus ont été vains, il est évident qu’une grande majorité du peuple français ne croit pas en sa culpabilité. Les enquêtes souffrent de toutes sortes d’insuffisances.  

L’affaire Omar Raddad restera sans doute dans les mémoires comme l’une de celles qui ont le plus entaché la machine judiciaire française, mettant à nu ses déficiences et autres légèretés procédurales.

Auteur
Kacem Madani

 




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