Mercredi 13 novembre 2019
Mohamed Arkab connaît-il le domaine minier que son ministère gère ?
Lors de sa visite dans la wilaya de Tizi Ouzou en compagnie de sa collègue de l’Industrie Djamila Tamazirt, le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab qui s’exprimait lors d’un point de presse(01) est revenu, plus rassurant, sur l’issue et l’objectif du projet de loi sur les hydrocarbures qui, selon lui, grâce au réaménagement de la fiscalité permettra à Sonatrach d’explorer les «150 champs de ressources conventionnelles».
Il a laissé entendre qu’avec le poids de la fiscalité contenue dans la loi actuelle 05-07 bien qu’amendée à trois reprises 2013, 2014 et 1015, la Sonatrach n’a pu attirer de partenaires pour partager le risque dans une aventure capitalistique encore une fois dans les gisements conventionnels. Pour lui le non conventionnel que le public connait sous le terme « gaz de schiste n’est pas une priorité immédiate ». C’est l’une des déclarations la plus sage que le public attendait depuis plusieurs années «l’Algérie compte suffisamment d’énergies conventionnelles qu’il faudra développer avant de penser à celles non conventionnelles ».
Là où cela cloche c’est quand il répète pour la deuxième fois consécutives et rapporté par le même organe de presse et pas des moindres l’Agence Presse Service (APS) que notre domaine minier s’étend sur 1,5 million de km2 « exploité, est développé » à 40% la première fois et 38% cette fois-ci. Il est connu dans l’évolution des étapes de recherche des ressources pétrolières et gazière que la phase d’exploitation et développement s’entame lorsqu’on aura déclaré la découverte commerciale et on consent les investissements de surface (Capex).
Or si on prend le rapport d’activité de l’année 2018, édité en août 2019, on constate que même si l’année 2018 n’a pas vu d’appel d’offre par Alnaft dans la recherche et l’exploitation, les associés sur place sous le statut de l’actuelle loi ont signé 7 contrats et avenants avec Sonatrach, logiquement « tout benef » : TFT Sud avec Total, TFT bloc 238 Total et Repsol, Rhourde El Khrouf avec Cepsa, Tinhert Nord et M’sari Akabli avec ENEL et Dragon Oil, Timissit avec Equinor, Ourhoud II, Sif Fatima et Zemlet El Arbi avec ENI.
Quant au domaine minier « onshore », il s’étale effectivement comme a dit le ministre sur 1 536 442 km2 dont 48 % sont « occupés » mais pas en exploitation /développement comme on n’arrête pas de le répéter mais 44% en prospection /recherche et uniquement 4 % en exploitation. Ce qui donnerait un domaine libre vierge, jamais touché que par peut être des levées géologiques de surface pour une observation des roches qui affleurent et qui avoisine les 52% soit 798 950 km2. En ce qui concerne l’offshore, la prospection couvre une surface de 77 748 km2 dont prés de 25 000 km2 occupé par des partenaires et le reste soit 68% est pris en charge par Sonatrach en effort propre. Rappelons que dans la moitié de cette surface sans même faire appel aux partenaires étrangers, l’Iran vient de découvrir un gisement de la taille de Hassi Messaoud sur une superficie de 2400 km2 dont l’extraction est à la portée de la main soit à 80 m seulement. Le 1/3 des champs qu’évoque le ministre sont situé dans le nord de l’Algérie où le pétrole se situe dans les calcaires fissurés, un peu l’équivalent iranien même si la profondeur n’est pas la même.
Ce cafouillage dans les chiffres n’est pas à sa première apparition mais le prédécesseur du ministre actuel Mustapha Guitouni qui lui aussi est venu de Sonelgaz avait déclaré dans une conférence de presse lors d’une visite à Bouira le 13 janvier 2019 quelques semaines avant son départ (03) que « l’AIE, l’Agence internationale de l’énergie, a affirmé que l’Algérie dispose de 24 000 milliards de m3 de gaz de schiste, 10 000 milliards m3 de gaz non-conventionnel et, enfin, 6 000 milliards de barils de pétrole………. »
On retient d’emblée le dernier chiffre de 6000 milliards de barils de pétrole, on ne sait pas s’il s’agit du conventionnel ou du non conventionnel mais quelque soit le cas de figure l’imprécision persiste car le chiffre de 6000 milliards est exagéré, il suppose dans les conditions les plus pessimistes de production de 1 million de barils par jour, une durée de vie totale des ressources de plus de 160 siècles ; ce qui est énorme et frôle l’impossible. On aurait pu prendre ce niveau pour une erreur de transcription du journaliste ou d’impression mais malheureusement il n’y a pas que le chiffre mais aussi la source et la ressource sont aussi fausses. Ce qui suppose que le rapporteur ne peut inventer tout cela de sa tête.
Rabah Reghis
Renvoi
(01)http://www.aps.dz/economie/97315-projet-de-loi-sur-les-hydrocarbures-sonatrach-continuera-a-developper-le-conventionnel (02)https://www.energy.gov.dz/Media/galerie/bilan_des_realisations_2018_edition_2019_5d9b452d319cc.pdf
(03)https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/les-prix-du-petrole-seront-stables-17315