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Monsieur le Président, on vous a compris

Liberté de la presse

Monsieur le Président, on vous a compris

D’abord commençons  par un rappel : dans le  classement de la liberté de la presse 2018 de l’ONG Reporters sans frontières (RSF) l’Algérie arrive à la  136 e place sur 180 pays retenus pour ce classement. Autant dire parmi les cancres de la classe (source MSF/2018).

Elle perd encore deux places par rapport à 2017. Ce qui démontre ainsi clairement les intentions du pouvoir algérien. Il ne fait rien pour l’améliorer.

Monsieur le président, en lisant votre message à l’occasion de la journée internationale de la presse, une étrange sensation m’envahit ; ce n’était pas de la colère, du mépris, non, rien de cela ; mais plutôt de la pitié pour vous. Oui vous nous faites pitié !

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Je me suis dit comment toute honte bue, on peut faire une chose et déclarer son contraire.

Monsieur le président : pour vous, la journée mondiale de la liberté de presse n’est qu’une simple date inscrite sur votre agenda vous rappelant que ce n’est qu’un geste protocolaire et il fallait donc faire semblant de la célébrer pour faire comme les autres. Et surtout pour ne pas s’attirer le courroux des organismes internationaux.

Vous vous êtes donc acquittés de cette tâche pour ne pas dire corvée !

Mais pour cela, et pour nous montrer votre attachement à cette chère liberté  vous avez préféré nous écrire, au lieu de nous parler ! Encore un geste qui trahit la pensée.

Au lieu de parler de Journée mondiale de la presse en Algérie, il faut plutôt dire journée de deuil de la presse en Algérie. Ou est cette liberté de la presse tant décriée ?

C’est en pareilles circonstances qu’on reconnait les défenseurs de la presse et des libertés.

Car si vraiment vous étiez un défenseur de la presse libre, vous  n’auriez pas agi de la sorte : un simple protocole et un message insidieux.

Et si vous aviez une once de respect pour cette liberté de presse  et aux hommes qui continuent à la défendre malgré tous les obstacles, et avec  l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes, qui risquent quotidiennement leurs vies « sous votre règne» contre l’intégrisme, vivent cachés, rasent les murs , subissent l’opprobre ,les brimades de vos barbouzes et le harcèlement de votre justice , vous vous seriez adressés à eux directement et non pas par courrier et personnes interposés. 

Monsieur le président,  la parole c’est la considération, l’apaisement, elle  met un baume sur le cœur, pour l’homme épris de liberté et de justice. Quant à l’écrit, chez nous, il signifie  la dérobade, l’anonymat, le mépris, le froid ! C’est dire le peu de considération que vous avez pour toutes les libertés.

Monsieur le Président, on ne vous croit plus, on n’accorde plus de crédit à vos « écrits » alors de grâce, on vous demande de nous respecter et de ne plus nous écrire. Nous avons changé d’adresse !  On ne vous fera aucun reproche. Au contraire ! Nous savons à quoi nous en tenir.

Depuis votre venue  toutes les libertés ont régressé, les journaux muselés, (pas ceux qui propagent la haine des autres, le racisme, l’intolérance et l’exclusion bien sûr !).

Car en agissant de la sorte, vous n’avez qu’une seule et unique intention : dans la conjoncture actuelle , faire le dos rond et faire croire que vous avez changé  pour gagner du temps et surtout pour qu’on baisse la garde afin que vous puissiez mieux «annihiler » tranquillement et définitivement toutes les libertés en Algérie au moment opportun , et achever  votre travail de sape en enterrant définitivement cette presse libre qui était à l’avant-garde du combat contre le terrorisme et qui a payé un lourd tribut. Mais vous ne pouviez pas le sentir, vous n’étiez pas ici.

Non ça ne marchera pas, Monsieur le Président ! Nous savons discerner les discours (écrits) démagogiques et creux destinés à l’opinion internationale. Nous sommes pour ainsi dire immunisés maintenant !

Dans votre message indigeste car rédigé dans le plus pure style stalinien, et d’un archaïsme politique d’une époque révolue, on sent une certaine inconsistance pour ne pas dire fumisterie.

Vous écrivez, que l’Algérie  dispose de quelque deux cents journaux et plusieurs chaînes de télévisions .Mais de quels journaux parlez-vous ? Ceux qui vous prêtent allégeance et pour qui tout va à merveille? Ou ceux qui distillent le venin de l’intégrisme et l’archaïsme ; et  veulent purifier et formater la société pour une pensée unique ?

De quelles chaines de télévisions  aussi? L’unique et ses clones ? Celles, à qui vous avez refusées tout agrément ? Celles  qui sont installées ailleurs  et qui émettent ici (comble de l’hypocrisie) ? Celles des hommes d’affaires ? Est-ce ça votre bilan de la liberté de la presse ?

Et les journaux et chaînes de télévision que vous avez liquidés directement ou indirectement parce qu’ils ont refusé de se soumettre, de vous prêter allégeance, ou disaient certains vérités trop dérangeantes ? Et les journalistes emprisonnés ? Dont le cas flagrant de Mohamed Benchicou contre lequel vous avez monté toute une cabale et condamné  pour «infraction régissant le contrôle des changes et les mouvements des capitaux ».

Mais  tout un chacun savait que ce n’était nullement ça ! La vrai cause  c’était la parution de son livre : Bouteflika une imposture algérienne.

Même les journalistes du monde entier se sont mobilisés pour demander sa libération, car son  emprisonnement était considéré comme une tentative de le faire taire. Mais rien n’y fit.

Pour vous ,c’était en faire un exemple. Depuis, cela a effectivement dissuadé tous  les autres journaux d’opposition et l’autocensure s’est installée.

Alors que certains pontes du pouvoir, qui ont placé des millions d’Euros dans des comptes à l’étranger et offshores  restent intouchables (documents Wikileaks et Panama Papers) .

Alors dire aussi que la liberté d’expression est consacrée en Algérie ,c’est un artifice qui se passe de tout commentaire.

Pour éluder le vrai problème, vous écrivez qu’en dépit des  critiques « injustes » émanant de voix tendancieuses à l’étranger, que la diversité du champ médiatique nous permet d’être à l’avant-garde de l’information et de la liberté de la presse !Tout en prenant le soin de baliser et de fixer les limites ( selon votre propre vision de la liberté ) en précisant bien : dans  notre environnement islamique ,arabe et africain !!!

Monsieur le président : la presse est libre ou pas, elle s’en passe de l’environnement ou elle se trouve. Sinon ce n’est plus une liberté.

Là, je m’arrête car le reste de la lettre n’est que galimatias incompréhensibles .

Au vu du message, vous nous confirmez, que vous ne pouvez jamais admettre une presse libre ! Car pour vous, et c’est très claire ,une bonne presse libre est une presse aux ordres ,et qui ne doit être qu’un simple moyen de propagande pour asseoir davantage votre pouvoir et pérenniser ce pouvoir. Elle ne doit écrire (ou pas) que sur  vos « réalisations », les banalités et les faits divers. Les choses qui fâchent ce n’est pas son domaine .Elle ne doit en aucun cas pas parler de la corruption, des atteintes quotidiennes des droits de l’homme, des libertés, des frasques de ceux qui vous entourent, votre mauvaise gouvernance, etc .Tout cela c’est « haram ».

Il suffit de lire certains journaux, et voir ces télévisions  publiques clonées ou privées qui sont à votre solde pour s’en rendre compte sur votre vraie conception de la liberté en générale et celle de la presse en particulier !

On vous a compris monsieur le président
 

Auteur
Rachid Ben.

 




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