– « Marchand d’tapis…Marchand d’tapis… » s’égosille Hocine dans les rues de Nancy, toute la matinée. Pas de clients en vue. Il faut dire que les piétons se font rares sur les trottoirs. Il commence déjà à douter de cette façon de faire. Il ne s’en rend pas compte, mais il s’est éloigné de la Brasserie de mon pays. Vers midi, il a faim. Il rebrousse chemin mais s’égare. Il se retrouve devant la Place Stanislas. Comme par hasard, un Kabyle qui l’avait vu la veille chez Uḥrich le reconnaît.
– Wa Hocine, tu vas où comme ça ?
– Comme tu vois, j’essaie de faire ma journée, mais c’est difficile.
– Awah, pour bien vendre et espérer quelque bénéfice, il faut sortir de la ville, prendre le bus et aller dans les bourgs autour de Nancy, les jours de marché. En ville, tout le monde est en voiture.
– C’est compliqué tout ça.
– Ah oui, mais tu n’as pas le choix. Tu as déjeuné ou pas encore ?
– Non, pas encore, et puis je n’ai pas faim.
– Mais si, mais si, voyons. Avec un bon verre de vin, l’appétit viendra. Je t’invite chez Dda Uḥrich.
– Toi aussi, tu habites chez lui ?
– Non mais j’aime bien son couscous. Il me rappelle celui du bled.
Quelques centaines de mètres le long de la rue Saint Nicolas, un tournant à droite, trente mètres de plus, et les voilà au chaud dans la Brasserie de mon pays. Hocine est gelé. Il grelotte de froid et de honte. Il revient bredouille. Chabane le rassure :
– Tu n’as pas à te soucier. Avec Dda Uḥrich, tu es nourri et logé jusqu’à ce que tu puisses rembourser tes dettes. Pour le déjeuner, c’est moi qui invite, le rassure Hamid, son nouveau compagnon.
Un bon couscous en compagnie de Dionysos, rien de tel pour repartir du bon pied.
Le repas servi, on ramène du vin bon marché à table. Hamid sert son invité et l’encourage à bien se désaltérer pour ne pas avoir froid dehors. Hocine se laisse influencer. Et, très vite, la griserie commence à s’installer. Mais, il ne doit pas faire l’erreur de la veille. Il arrête de boire et ressort une fois le couscous avalé. Hamid en avait profité pour lui donner quelques astuces du parfait « monzami » à la campagne… (à suivre)
Kacem Madani