4 mai 2024
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Nécessaire transition pour ne pas cacher la poussière sous le tapis

REGARD

Nécessaire transition pour ne pas cacher la poussière sous le tapis

« Cacher la poussière sous le tapis », je ne sais pas s’il y a chez nous l’équivalent de cette expression populaire de la langue française. En tout cas il existe une expression équivalente universelle ‘’mieux vaut prévenir que guérir’’. Ça signifie que l’homme est doué de raison pour faire l’économie d’une perte de temps et de souffrance en prévoyant les aléas et autres impondérables de la vie.

Ainsi le pays connaît une grave crise et le diagnostic de son état est connu et reconnu par tous. Le mouvement populaire, par son soulèvement l’a fait connaître au monde entier à travers ses mots d’ordre dans des images qui ont fait le tour du monde. Et cerise sur le gâteau, le défilé des ‘’intouchables’’ d’hier devant les tribunaux et leur nouveau domicile à El Harrach, prouvent que le mal est profond, la colère du peuple tout aussi profonde. Pareille situation nécessite un traitement de choc, politique et néanmoins intelligent, et non pas un badigeonnage de murs de la république pour cacher les fissures et les moisissures. Après le diagnostic déjà cité, la tombée des têtes visibles politiques et autres «entrepreneurs » économiques identifiés comme responsables de la ruine du pays, voici venu le temps de l’approfondissement du traitement politique.

Le train Algérie doit avancer sur des rails débarrassés des obstacles dus à l’amateurisme aggravé par l’incompétence de gouvernance. Le débat est rude quant à la nature des moyens politiques à mettre en oeuvre. Faut-il rester dans le cadre de la constitution et aller à l’élection présidentielle ? Nécessité de passer par une transition pour éviter le bricolage et la précipitation afin de donner des bases solides à la future et nouvelle république ? Et comme la philosophie du juste milieu chez nous est à la mode (appelée ailleurs la synthèse façon social-démocratie), il est des groupes qui veulent couper la poire en deux.

Pour ces groupes obnubilés par le consensus, stade suprême de la ‘’grande’’ politique, ils sont ‘’pour une sortie de la crise et une transition démocratique’’. Ce genre de formulation, qui sonne agréablement aux oreilles des partisans de l’élection ‘’vite fait bien fait’’, relève de la politique de gribouille. Quant aux partisans d’une vraie et nécessaire transition, leurs troupes semble faire corps avec le Hirak. Dans le fond et la forme, ’pour une sortie de la crise et une transition démocratique, cette formulation indique deux temporalités et entretient la confusion sur la nature de la dynamique à engager.

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Faut-il sortir de la crise pour entamer la transition ou bien est-ce ladite transition qui est le vecteur de sortie de la crise. Si on sort de la crise, plus besoin de transition alors que celle-ci a pour fonction précisément de résoudre les causes de la crise. Marché de dupes donc et chaque groupe pense rouler dans la farine en manœuvrant plus tard pour imposer sa tactique sur le terrain. Marché de dupes car on nage dans un univers de tromperie alors que la confiance dans une conjoncture délicate est un moteur qui actionne la machine à éclairer le chemin pour contourner les obstacles. Et la confiance s’acquiert et se propage dans la société quand les mots et les idées résonnent sans parasites dans les oreilles.

A l’évidence, les réticences exprimées par le mouvement populaire tous les vendredis, aussi bien vis-à-vis du pouvoir de fait que les feuilles de routes qui surgissent ici et là, mettent le doigt sur le manque de confiance en question, d’où la méfiance généralisée à l’encontre des Politiques.

Où trouver alors les mots pour nourrir la machine qui fabrique des idées donnant de la consistance à la notion de transition. Au temps ‘’béni’’ du parti unique, ce dernier avait sa propre machine idéologique et ses militants n’avaient qu’à puiser dans l’arsenal du prêt à porter des mots pour masquer la réalité. Mais aujourd’hui il faut une autre fabrique de mots et d’idées pour créer une dynamique et faire faire un saut qualitatif au mouvement populaire.

Il est vrai qu’en situation de séisme politique, la langue est à la recherche de nouveaux mots et ces derniers rêvent d’échouer sur les rives d’une langue aux mains d’artisans (politiques, intellectuels, artistes, poètes) qui rendent compte du lit où se déverse la fureur du torrent né un certain 22 février 2019. Oui une transition ne supporte pas le bricolage car c’est une notion complexe qui recouvre l’histoire, la culture, tant d’obstacles à surmonter. Elle fait appel à la notion du tempo et ‘’exige’’ l’utilisation d’outils politiques aiguisés aptes à transformant les réalités qui sont à l’origine de la stagnation du pays.

Comme c’est le peuple qui a fait sur le terrain le meilleur diagnostic de l’état du pays, il a aussi indiqué que la véritable transition est un acte hautement politique qu’il a symbolisé par le mot d’ordre : ‘’Klitou leblad ya sarrakine’’. Saisissant raccourcis qui dit l’origine et les responsables du désastre.  Pour l’heure, ni l’appel au dialogue du pouvoir, ni la rencontre du 15 juin de la société civile, syndicats et autres groupes, ne semblent avoir un impact sur le mouvement populaire. A l’évidence, le peuple qui a exposé dans ses marches ses mots d’ordre éminemment politiques tendra ses oreilles quand il sentira l’émergence d’un socle solide sur lequel va se construire l’architecture de la future république.

Le paysage politique est à présent connu de tous. Tout un chacun connait grosso modo l’objectif et les tactiques des acteurs pour ‘’sortir de la crise’’. Sortir de la crise, c’est bien, sauf que qu’un héritage calamiteux se dresse sur le chemin de ce vœu. Et sans la prise en compte de deux éléments qui relèvent à la fois de la culture et de la philosophie politique, le vœu en question ne risque pas de se transformer en vivante réalité.

1) L’élément de la confiance

Son absence est devenue une norme sociale. Cette ‘’maladie’’ est hélas le fruit de mensonges ‘’institutionnalisés’’ qui a rendu furieuse et méfiante la société. L’apparition de conduites dilettantes, celles de la ruse (Tab Jan’na), la carence des institutions publiques désertées par les responsables en ‘’réunite’’ 24h/24, 7 jours sur 7 et enfin le petit fonctionnaire qui n’a qu’un mot à la bouche ‘’revenez demain’’ en direction du public. Cette norme sociale s’est imposé grâce à la conjugaison du piston, la cupidité, la prédation qui s’épanouissent dans ‘’le confort’’ des valeurs féodales encore persistantes. Tout ce spectacle se déroule ‘’naturellement’’ sous le regard vide de gouvernants affairés à leurs petites combines.

2) Le facteur Temps, la variable insaisissable

En vérité, quand on sort des sentiers battus des analyses au jour le jour, on s’aperçoit que derrière la divergence sur le calendrier de ‘’sortie de crise’’, sommeillent bien sûr des intérêts politiques. Mais là où ça se complique dans une situation à caractère révolutionnaire, c’est quand les divergences politiques ont des liens avec le temps, un problème philosophique s’il en est. Le rapport au temps (1) conditionne en effet la nature des solutions proposées et donne une idée du rôle et du statut dévolus aux citoyens dans la construction politique. Ainsi, aller directement aux élections c’est non seulement faire fi des problèmes techniques et fait agir dans la précipitation pour favoriser ou fermer les yeux sur la fraude. Mais aussi pour ne pas associer le mouvement populaire à une échéance politique capitale pour le sort du pays. Elire dans pareille condition un président qui serait légitime en gouvernant avec une constitution dont on connait les limites criardes depuis la démission de l’ex-président, n’est pas une manière pour redonner confiance au peuple.  Il ne s’agit pas de douter de la bonne volonté des uns et des autres de vouloir sortir de la crise, ni de revendiquer pour soi un brevet de patriotisme. C’est simplement faire remarquer que les bons sentiments n’ont jamais été aptes à résoudre les problèmes de nature politique. D’autant que le champ de bataille est rudement compliqué et les adversaires nombreux. Pour toutes les raisons énumérées dans des contributions des citoyens, la transition apparait comme une nécessité. Durant cette période, surgissent à la surface de la société le lourd héritage de l’histoire et les facteurs inconnus des lendemains par essence imprévisibles.

Pour invisible et silencieux qu’il soit, le temps historique de chaque société impose ses lois et toute société qui a fait un saut qualitatif a dû s’adapter à son horloge. C’est pourquoi se donner du temps s’avère un passage obligé pour commencer à jeter les bases d’une réflexion sur des problèmes aigus qui agitent la société. Qu’on cesse donc de ‘’stocker’’ la poussière sous le tapis. On peut regretter que dans les rencontres de partis politiques et de groupes de la société civile, les questions de l’égalité hommes/femmes, celui de l’école à construire débarrassée du charlatanisme et des morales bigotes, de la culture, des langues, de la religion et de la liberté des croyances, toutes ces questions ne sont pas mentionnées ou bien seulement par des sous-entendus avec des mots de la bonne et vieille langue de bois.

Je terminerai par un thème absent, celui de l’économie. Le peu d’échos qui me sont parvenus font la part belle l’économie libérale. Ceux qui vivent dans le temple du capitalisme savent que ladite économie est vigoureusement mise en cause, parfois par des Prix Nobel de l’économie politique. Reconnaître la puissance de l’économie capitaliste mondialisée n’autorise pas à appliquer mécaniquement des dogmes comme celui de la rigueur budgétaire ou bien étaler des préjugés contre les classes populaires vivant de l’assistanat (2). Non, le désastre de l’économie du pays est le fruit empoisonné d’une politique globale et non de quelque déficit budgétaire ni du poids de l’assistanat. Il faut chercher ailleurs les responsables, celles des politiques et des familles voracement insatiables qui piochaient dans les caisses du trésor public.

Aux propos caducs de certains économistes et aux apprentis entrepreneurs, je préfère le cri ‘’Klitou labled ya sarakine. Il fait mieux comprendre le bruissement des entrailles de la société que la litanie des platitudes ‘’théories’’ économiques qui étalent leurs inaptitudes au moment où le chantre de l’économie libérale se barricader derrière sa forteresse et se voit donner des leçons de la liberté de commerce par la Chine communiste. Ô les paradoxes qui échappent aux limiers qui préfèrent s’acharner pour dépister les ‘’assistés’’ sans défense.

Ali Akika.

Notes

(1)  La réflexion et la place du temps, on les retrouve dans toutes les activités de production des richesses matérielles et dans toutes les œuvres de l’esprit, comme l’art de la guerre, de la musique, de la littérature, du cinéma etc….

(2) Les notions de déficit budgétaire et de l’assistanat ont été des entendues lors de la rencontre organisée par le journal  »Le Monde ».

Auteur
Ali Akika

 




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