25 avril 2024
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Ouverture d’agences bancaires publiques à l’étranger : pourquoi faire ?

DECRYPTAGE

Ouverture d’agences bancaires publiques à l’étranger : pourquoi faire ?

L’annonce faite par le ministre des Finances, de l’ouverture d’agences bancaires publiques à l’étranger et en particulier, en Afrique (1) est, à plus d’un titre, surprenante ! 

En effet, sur le principe même, ce n’est pas au Ministre des finances de prendre cette décision de gestion, même si ce dernier représente, pour le compte de l’état, l’actionnaire unique. 

Ce sont  les organes sociaux des banques publiques (Conseil d’administration et direction générale) qui sont les seuls à pouvoir prendre cette décision d’opportunité, après l’étude d’un business plan, qui en définit la rentabilité et la faisabilité.

En outre, l’ouverture d’une agence bancaire, en Algérie ou à l’étranger, ne se « décrète » pas, elle émane d’une étude de marché, sans complaisance, de facteurs économiques et financiers qui attestent de la rentabilité de l’opération, eu égard, aux données chiffrées et aux bénéfices escomptés, induits par cet investissement (2). Ce qui nous renvoie au volume d’affaires réel escompté, qui nécessiterait un tel investissement.

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Les statistiques disponibles de référence, au niveau de l’excellente Direction des études et de la prospective, à la Direction générale des douanes, sont très parlants, pour qui veut et peut les lire. Sur un volume de 21,5 milliards de US$ d’exportations et de 31,4 milliards de US$ d’importations, un déficit de 9,8 Milliards de US$ est enregistré en 2020.

La répartition géographique de ces volumes d’échanges, est on ne peut plus explicite, puisqu’elle se répartit ainsi :

Pour les importations :

  • Asie : 31,9 % ;

  • Europe : 28,0% ;

  • Amériques : 15,1% ;

  • Afrique septentrionale : 2,7%.

  • Océanie : 0,9% ;

  • Afrique subsaharienne : 0,5%.

Pour les exportations :

     – Europe : 56,2% ;

     – Asie : 28,0% ;

     – Afrique septentrionale : 7,6% ;

     – Amérique 6,6% ;

     – Afrique subsaharienne : 0,8% ;

     – Océanie : 0,7%.

Si on considère que l’Afrique subsaharienne se compose du Mali, du Niger, du Burkina Faso (3) et éventuellement du Sénégal, en tant que profondeur stratégique de l’Algérie (4), dans la zone sahélo-saharienne de l’Afrique de l’Ouest, alors l’ouverture d’agences bancaires publiques algériennes est supposée se trouver dans ces pays.

Le commerce avec ces pays représente en exportations 0,8 %, soit quelque 17,2 millions de US$ et en importations 0,5% soit quelque 15,7 millions de US$, en 2020 ! Dès lors, se pose la question de l’utilité de la création de ces agences, d’autant qu’il n’y a, dans ces pays, à ma connaissance, aucun commerce, hôtel, entreprise, bureaux de liaison, agences ou toutes autres structures appartenant à des Algériens privés ou publics.

L’ouverture de banques ou d’agences bancaires publiques dans les pays avec lesquels nous avons un gros volume d’affaires n’est pas nécessaire puisqu’elles existent déjà, une à Paris, (France) la BIA et l’autre à Zurich (Suisse), la BACE ! Qui du volume d’affaires ou de l’ouverture d’agences bancaires publiques algériennes, doit précéder l’autre ? 

Reste alors le marché informel, qui sévit depuis plusieurs années (5), essentiellement constitué de produits divers et variés, tous subventionnés par notre pays (produits alimentaires, carburants et huiles…), réseaux qui ont fini par se transformer, aujourd’hui, en trafic d’armements, de drogues, d’êtres humains et de véhicules volés, entièrement contrôlés par les narco-terroristes qui ont défrayé les chroniques médiatiques.

Ces agences bancaires vont-elles servir à consolider et à développer ces activités illicites ? Une autre activité économique ancestrale s’est développée, dans la région, à travers le troc, organisé en Assihars et dont la 27ème édition s’est ouverte, il y a quelques semaines.

Or, cette activité commerciale ne nécessite pas d’activité bancaire, par définition, puisque les marchandises s’échangent contre d’autres marchandises !

La présence de notre pays, dans cette région névralgique, doit donc être bien réfléchie, tout en évitant les fausses solutions et notamment celles spectaculaires, comme l’ouverture d’agences bancaires, qui ne devra se réaliser qu’après qu’un volume d’affaires conséquent ne l’exige.

Ces actions doivent être obligatoirement interministérielles (Défense nationale et sécurité, intérieur, transport, commerce, finances, agriculture, justice, solidarité…) sous la conduite du ministère des affaires étrangères et de l’agence nationale de coopération rétablie dernièrement.

Les institutions mezzo doivent également être mises à contribution, comme les chambres de commerce et de l’artisanat, les professionnels de l’exportation, les associations culturelles et religieuses (notamment les zaouïates), de manière à rattraper le retard pris dans ce dossier, par rapport à nos voisins immédiats.

C’est au prix d’une politique volontariste et de longue haleine que l’Algérie devra reconquérir sa place en Afrique, en général et dans cette région en particulier et non pas par des artifices de « miroir aux alouettes ».

C’est donc à une décision fondamentalement politique à laquelle doit obéir cette stratégie pour consolider et développer notre profondeur stratégique dans la région, laissée, pendant trop longtemps, entre les mains d’autres intérêts étrangers. 

M.G.            

Notes

(1) Il s’agit certainement des pays du Sahel comme le Mali, le Niger ou du Sénégal, pays dans lesquels un volume de flux commerciaux de divers produits de contrebande sévit, depuis toujours.

(2) Il s’agit bien d’un investissement lourd, puisqu’il faut acquérir, en toute propriété ou en location (bail) un siège, des moyens techniques (monétique) et des ressources humaines existantes ou à former.

(3) La Maurétanie, état pivot dans la région, étant membre de l’Union du Maghreb Arabe, doit faire l’objet d’un traitement spécifique.

(4) Lire mon article intitulé « la double profondeur stratégique au Sahel », paru sur El-Watan. 

(5) Pour avoir servi, comme officier de réserve à la 6ème RM, en 1975, je suis bien placé pour en parler. 

Auteur
Dr Mourad Goumiri, Professeur associé.

 




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