Le bateau de la compagnie GNV qui devait rejoindre Bejaia a été bloqué à Sète. Crédit photo : 34 infos.
L’immobilisation d’un navire de la compagnie italienne GNV au port de Sète, ayant laissé plusieurs centaines de passagers algériens bloqués durant de longues heures, remet une nouvelle fois en lumière les fragilités du transport maritime reliant la France à l’Algérie. Mais pourquoi ce ferry n’a-t-il pas pu prendre la mer ? Et qu’est-ce qui se cache derrière l’enquête qui a suivi ?
Samedi 13 décembre, environ 650 passagers, billets en main, se sont vu refuser l’embarquement. La traversée prévue à 6h du matin a été retardée de 16 heures, provoquant colère et incompréhension. Des familles avec enfants ont attendu dans le froid, sans aucune explication claire, tandis que des mouvements de protestation ont temporairement perturbé la circulation autour du port.
Derrière cette décision, une enquête judiciaire supervisée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a été ouverte. Les autorités françaises ont reçu des informations des services de renseignement italiens concernant la présence d’un logiciel malveillant dans le système informatique du navire, capable de prendre le contrôle de certaines fonctions critiques. Mais qui est responsable de cette attaque ? Et quels risques auraient pu courir les passagers ?
Deux marins ont été interpellés dans le cadre de l’enquête : un Letton, placé en détention provisoire pour « atteinte au système de traitement automatisé de données dans le cadre d’un groupe organisé et détention de logiciel malveillant, au profit probable d’une puissance étrangère », et un Bulgare relâché faute de preuves. Le ministre français de l’Intérieur, Laurent Nunez, a évoqué l’éventuelle implication d’un État étranger, sans le nommer, tandis que certains médias évoquent des liens avec la Russie.
La compagnie GNV a assuré que l’attaque avait été neutralisée et que les systèmes vitaux du ferry n’avaient subi aucun dommage. Cependant, le manque de communication et d’accompagnement a renforcé la frustration et l’inquiétude des passagers.
Alors que le navire a finalement pu prendre la mer après autorisation des autorités maritimes, plusieurs questions restent sans réponse : qui est derrière cette tentative de piratage ? Quels moyens ont été utilisés ? Et quelles mesures seront prises pour garantir la sécurité des futures traversées ?
Le Maroc a inscrit une nouvelle page glorieuse de son football : les Lions de l’Atlas ont remporté la Coupe arabe, ce jeudi 18 décembre à Doha, en s’imposant 3-2 face à une Jordanie coriace après prolongations. C’est le deuxième titre arabe pour le Maroc, douze ans après celui de 2012 en Arabie Saoudite.
Dès le coup d’envoi, les Marocains ont montré leur ambition : Oussama Tannane ouvrait le score dès la 3ᵉ minute, offrant un premier frisson aux supporters. La Jordanie répondait dans la seconde période avec deux buts d’Olwan (48ᵉ et 68ᵉ minutes), mais Abderrazak Hamdallah, entré en jeu, redonnait espoir aux Lions de l’Atlas en égalisant à la 87ᵉ minute. La délivrance venait en prolongations : Hamdallah inscrivait le but de la victoire à la 100ᵉ minute, scellant un succès historique.
Les demi-finales avaient déjà mis en lumière la force des deux finalistes : la Jordanie avait éliminé l’Arabie Saoudite (1-0), tandis que le Maroc balayait les Émirats arabes unis (3-0).
À la fin du match, le Roi Mohammed VI a félicité chaleureusement les joueurs et le staff, saluant leur performance et leur engagement. Partout au Maroc, de Rabat à Casablanca, de Fès à Tanger, en passant par Oujda, des milliers de supporters ont célébré cette victoire dans une liesse populaire, témoignant de la fierté collective d’un royaume tout entier derrière ses Lions.
Ce sacre couronne le travail acharné et le talent d’une génération de footballeurs qui, avec passion et détermination, ont offert aux Marocains un nouveau moment de gloire et de reconnaissance sur la scène arabe.
La Coupe Arabe 2025, organisée au Qatar, a été marquée jeudi 18 décembre par un événement inédit : le match pour la troisième place entre l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis a dû être interrompu en raison de pluies torrentielles s’abattant sur le stade Khalifa.
C’est la première fois dans l’histoire de la compétition qu’un match est stoppé pour cause météorologique.
Les joueurs des deux équipes ont rapidement fait part au corps arbitral de leur difficulté à se déplacer librement sur un terrain devenu extrêmement glissant et partiellement inondé. Après un test de course sur la pelouse, l’arbitre a pris la décision de suspendre temporairement la rencontre afin de permettre l’évacuation des eaux. Cet incident survient malgré le fait que le stade Khalifa soit équipé des technologies les plus modernes en matière de drainage et d’assèchement des terrains, rappelant que même les infrastructures les plus avancées ne sont pas totalement à l’abri des caprices du climat.
Selon la chaîne qatarie Al-Kass, le personnel du stade s’est aussitôt mobilisé pour drainer l’eau accumulée, alors que la ville de Doha célébrait la fête nationale du Qatar. La journée était marquée par des cérémonies officielles et des défilés populaires, rendant la situation d’autant plus remarquable et inhabituelle.
Cet arrêt restera gravé dans la mémoire des supporters et des acteurs de la compétition, ajoutant un épisode inédit à l’histoire de la Coupe Arabe. La forte présence du public dans les tribunes, malgré les conditions difficiles, témoigne de l’engouement et de la passion pour cette édition du tournoi.
Au-delà de l’anecdote, cet événement rappelle que le football reste soumis aux aléas de la nature. Il met en lumière la nécessité pour les organisateurs de prévoir des solutions d’urgence même dans des infrastructures de pointe et souligne la résilience des joueurs et des supporters face aux imprévus.
La rencontre entre l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis restera donc comme un moment historique, symbole d’un imprévu exceptionnel dans un tournoi déjà riche en émotions et en surprises, et montre que le sport, parfois, doit s’incliner devant les éléments.
Abdel Fattah al-Sissi et le général Abdel Fattah al-Burhan au Caire. Crédit photo : DR
L’Égypte a durci son discours à l’égard de la crise soudanaise, avertissant qu’elle ne tolérerait aucun dépassement de ses « lignes rouges » et laissant entendre qu’une intervention militaire pourrait être envisagée pour protéger ses intérêts.
Cette position égyptienne a été exprimée dans un communiqué officiel publié jeudi à l’issue de la rencontre au Caire entre le président Abdel Fattah al-Sissi et le général Abdel Fattah al-Burhan, président du Conseil de souveraineté soudanais.
Le communiqué souligne que la préservation des institutions étatiques soudanaises et l’intégrité territoriale du pays constituent des impératifs non négociables pour Le Caire. Toute tentative de fragmentation ou de création d’entités parallèles est considérée comme une menace directe pour la sécurité nationale égyptienne. Selon la présidence, l’Égypte se réserve le droit de recourir à toutes les mesures prévues par le droit international et par l’accord de défense commune liant les deux pays.
Dans ce contexte, l’Égypte réaffirme son refus catégorique de toute initiative visant à diviser le territoire soudanais ou à reconnaître des structures parallèles. Cette ligne de fermeté traduit l’inquiétude du Caire face aux risques d’implosion durable de l’État soudanais et de déstabilisation régionale.
Le communiqué exprime également une profonde inquiétude face aux violences et aux violations des droits humains au Soudan, notamment dans la ville d’El-Fasher, qui symbolise l’ampleur de la crise humanitaire. Dans ce cadre, l’Égypte plaide pour la mise en place d’une trêve humanitaire, incluant des couloirs et zones sécurisées pour les civils, en coordination avec les institutions officielles soudanaises.
Enfin, Le Caire réaffirme son soutien aux initiatives internationales visant à désamorcer le conflit et à favoriser un règlement politique, notamment dans le cadre de la « quadripartite internationale ». Derrière le ton ferme du communiqué, la position égyptienne révèle surtout l’ampleur des craintes du Caire face à un conflit soudanais devenu un enjeu central de sécurité régionale, dont les répercussions dépassent largement les frontières du pays.
Zineb Melizi sous le coup de poursuites judiciaires. Crédit photo : DR
L’écrivaine et éditrice Zineb Mellizi, connue également sous le prénom Salima dans le milieu culturel, voit son procès renvoyé au 29 janvier 2026 par le tribunal de Bir Mourad Raïs. Le report a été décidé en raison de l’absence de la partie plaignante, Ibtissam Hamlaoui, présidente du Croissant-Rouge algérien et de l’Observatoire national de la société civile.
Le 30 octobre 2025, la justice avait placé Zineb Mellizi en détention provisoire, à la suite d’un message publié sur Facebook contenant des critiques à l’encontre d’Ibtissam Hamlaoui. Moins de vingt-quatre heures plus tard, elle était remise en liberté, tout en restant poursuivie.
Cet épisode a ravivé le débat sur la judiciarisation de l’expression sur les réseaux sociaux et l’équilibre entre responsabilité juridique et liberté d’opinion.
Les chefs d’accusation retenus contre Zineb Mellizi incluent : outrage à fonctionnaire, menace envers un agent public dans l’exercice de ses fonctions et non-respect de convocations officielles.
Ces accusations reposent exclusivement sur le contenu d’une publication diffusée sur un réseau social, soulevant la question de la frontière entre critique légitime et atteinte aux institutions.
Le dossier dépasse le simple litige entre deux individus. La position d’Ibtissam Hamlaoui à la tête de deux institutions nationales majeures a conféré à l’affaire une forte visibilité. Des débats récents sur la gestion interne du Croissant-Rouge ont renforcé l’attention portée à ce dossier, déjà sensible dans l’opinion publique.
Absence de liberté d’expression
L’affaire Mellizi s’inscrit dans un contexte plus large où plusieurs journalistes et intellectuels ont été poursuivis pour leurs écrits ou leurs prises de position. Les réseaux sociaux, espace central du débat public, sont particulièrement surveillés.
Si les autorités invoquent la protection des institutions et de leurs représentants, certains observateurs estiment que ces poursuites reflètent un resserrement de l’espace d’expression, au détriment du pluralisme des opinions.
Une audience attendue fin janvier
La prochaine audience, prévue pour fin janvier 2026, est attendue comme un moment clé. Elle pourrait clarifier les contours juridiques de l’affaire et offrir une indication sur la manière dont la justice algérienne traite la critique publique dans l’espace numérique.
Au-delà du sort de Zineb Mellizi, c’est une fois de plus la liberté d’expression en Algérie qui est interrogée.
Le journaliste Nacef Salaheddine ciblé dans une campagne de menaces en ligne
La Ligue des journalistes soudanais a dénoncé une campagne de menaces visant le journaliste Nacef Salaheddine, qu’elle qualifie de « provocation et de stigmatisation dangereuses ». Cette campagne inclut des menaces de mort et lui attribue un compte surnommé « Ba’shoum ».
Dans son communiqué, la Ligue souligne que ces attaques constituent une « incitation directe à la violence » et violent gravement le droit à la vie, la sécurité personnelle et la liberté d’exercer le journalisme, protégés par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Nacef Salaheddine est reconnu pour son courage et son intégrité, qui lui permettent de dénoncer sans détour toute entité et de publier ses analyses avec une clarté sans équivoque. Ses écrits et son archive sont accessibles à tous, et parmi ses contributions les plus récentes figure une prise de position sur le chef d’état-major de l’armée et le président de l’état-major général.
Élevé dans le respect des valeurs et profondément attaché à son héritage, Nacef fait preuve de retenue lorsqu’il s’agit de questions liées à l’honneur ou à la réputation des individus : il ne s’aventure jamais dans ces terrains sensibles, préservant ainsi sa probité et sa dignité.
Malgré de nombreuses menaces passées, allant de la prison à l’élimination physique, les intimidations se sont aujourd’hui intensifiées et sont devenues publiques, incluant désormais la menace directe à l’encontre de sa famille.
La campagne sur les réseaux sociaux accuse Salaheddine d’être derrière le compte « Ba’shoum », qui critique certaines figures politiques et militaires. Le terme « Ba’shoum », qui signifie « le renard » en arabe soudanais, désigne une personne rusée ou astucieuse. Dans ce contexte, il fait référence à un compte attribué à Salaheddine, reconnu pour ses critiques stratégiques et incisives du pouvoir.
La Ligue des journalistes appelle à une enquête indépendante et à la protection immédiate de Salaheddine et de tous les journalistes ciblés, rappelant que continuer à intimider les professionnels des médias dans un contexte de guerre et de forte polarisation constitue un danger sérieux pour la liberté de la presse au Soudan.
Des soldats de l'ANP en opération dans le sud algérien.
Entre le 10 et le 16 décembre, l’armée nationale populaire a multiplié les opérations à travers le territoire national, avec un bilan qui illustre l’ampleur des défis sécuritaires auxquels le pays est confronté.
Selon le communiqué du ministère de la Défense nationale, dix individus impliqués dans le soutien aux groupes terroristes ont été arrêtés, tandis que 38 trafiquants de drogue ont été interpellés au cours d’opérations coordonnées avec différentes branches de la sécurité.
Si ces chiffres paraissent spectaculaires, ils traduisent surtout la persistance de réseaux organisés qui profitent de la porosité des frontières et de la demande interne en stupéfiants. La saisie de 4 quintaux et 92 kilogrammes de kif traité, accompagnée d’un million seize mille sept cent soixante-douze comprimés psychotropes, souligne l’ampleur du trafic de drogues et l’ingéniosité des trafiquants pour contourner les dispositifs de contrôle. La criminalité organisée ne se limite d’ailleurs pas à la drogue : 19 tonnes de denrées alimentaires et 48 quintaux de tabac destinés à la contrebande ont également été saisis, révélant l’existence de circuits parallèles alimentant des pratiques de spéculation et de marché noir.
Le bilan opérationnel montre par ailleurs la sophistication des pratiques illégales. L’armée et les forces de sécurité ont saisi des générateurs électriques, des marteaux-pilons, des détecteurs de métaux et des quantités de mélange brut d’or et de pierres, signe d’une exploitation artisanale mais organisée de ressources minières. Treize individus ont été arrêtés en possession d’armes à feu, allant de fusils d’assaut de type Kalachnikov à des pistolets automatiques et des fusils de chasse, ce qui souligne les risques sécuritaires liés à l’armement diffusé sur le territoire.
Le volet migratoire n’est pas en reste. Les gardes-côtes ont empêché des tentatives de migration irrégulière, secourant 246 personnes sur des embarcations de fortune. Parallèlement, 313 migrants illégaux de différentes nationalités ont été arrêtés sur le territoire national. Cette dimension rappelle que les enjeux sécuritaires ne se limitent pas aux menaces internes, mais s’inscrivent dans un contexte régional complexe, où les flux humains et matériels se croisent et alimentent parfois des réseaux criminels transfrontaliers.
Ce bilan hebdomadaire révèle une double réalité : d’une part, l’efficacité des opérations militaires et de sécurité qui permettent de démanteler des réseaux et de saisir des quantités importantes de drogues, de tabac et d’armes ; d’autre part, la persistance d’une criminalité organisée structurée, capable de contourner les contrôles et de maintenir son activité malgré la surveillance. Si les chiffres communiqués par le ministère témoignent d’une capacité de réponse, ils doivent aussi inciter à s’interroger sur les causes profondes de ces trafics et sur les politiques de prévention et de contrôle mises en œuvre dans le pays.
En définitive, cette semaine illustre à la fois la vigilance nécessaire des forces de sécurité et l’ampleur des défis que l’Algérie doit encore relever, entre terrorisme, criminalité organisée et pressions migratoires.
En Tunisie, l’affaire Shérifa Riahi dépasse largement le cadre d’un dossier judiciaire ordinaire. Elle s’inscrit dans une séquence politique où l’action humanitaire, autrefois reconnue comme un devoir civique et moral, est désormais traitée comme une menace potentielle pour l’État.
Présidente de l’association Tunisie Terre d’Asile, Shérifa Riahi est poursuivie dans un contexte lourd, marqué par une criminalisation croissante du travail associatif, en particulier lorsqu’il touche aux questions sensibles de la migration et de l’accueil des exilés africains. Les accusations portées contre elle – notamment liées au financement et à l’activité de son association – restent, à ce stade, des allégations. Pourtant, l’arsenal judiciaire déployé et la sévérité de la mesure de détention provisoire interrogent.
L’élément le plus troublant de cette affaire demeure son arrestation alors qu’elle se trouvait en congé de maternité, mère d’un nourrisson âgé de quelques semaines. Un fait que nul juridisme ne peut neutraliser. Car emprisonner une femme dans cette situation, ce n’est pas seulement priver une citoyenne de sa liberté avant jugement : c’est rompre un lien vital, suspendre la maternité au nom d’une logique de dissuasion qui dépasse la personne concernée.
Ce qui se joue ici n’est pas tant la culpabilité ou l’innocence d’une responsable associative – que seule une justice indépendante devrait établir – mais le message politique envoyé à l’ensemble du tissu civil tunisien. À travers Shérifa Riahi, ce sont les associations, les bénévoles, les militants humanitaires qui sont placés sous surveillance, sommés de se justifier, contraints de prouver qu’ils ne constituent pas un “État dans l’État”.
Depuis plusieurs mois, le discours officiel amalgame financement étranger, migration et complot contre la souveraineté nationale. Cette rhétorique, martelée au plus haut sommet de l’État, crée un climat où l’humanitaire devient suspect par nature, et où la solidarité est assimilée à une entreprise d’ingérence. Or, aucune société ne se renforce en transformant ses acteurs civiques en ennemis intérieurs.
Le recours quasi systématique à la détention préventive, devenu en Tunisie une forme de peine anticipée, achève de fragiliser la crédibilité du discours sur l’État de droit. La justice ne peut être perçue comme un instrument de régulation politique sans perdre son sens. Et lorsqu’elle oublie la proportionnalité, elle cesse d’être un rempart pour devenir un avertissement.
L’affaire Shérifa Riahi pose, au fond, une question simple et redoutable : que reste-t-il de l’idée même de justice quand l’intention humanitaire devient une circonstance aggravante ? En attendant une réponse claire, c’est toute une société qui observe, inquiète, le rétrécissement de l’espace civique et l’effacement progressif de l’humain derrière le sécuritaire.
Pour la Tunisie, ce dossier n’est pas anecdotique. Il est révélateur. Et il engage l’avenir.
Oran, ville des absents, mais aussi ville des souvenirs vivants et des racines à retrouver. Valérie Rodrigue y revient pour combler un vide laissé par l’exil, pour renouer avec une Algérie qu’elle n’a jamais vraiment connue mais qui coule dans ses veines. Elle a publié Oranaise sang pour sang.
Juive et française, née en 1963 dans le Doubs, elle raconte les silences de sa famille, les blessures de l’histoire et la force des rencontres contemporaines qui lui permettent de réinventer son rapport à la ville. À travers ce voyage, entre nostalgie et émerveillement, elle explore ce pays à la fois perdu et retrouvé, où chaque lieu porte une mémoire, chaque personne une histoire, et où l’Algérie, malgré ses absents, continue de parler à ceux qui reviennent.
Le Matin d’Algérie : Pourquoi était-il important pour vous de dire clairement : je suis juive algérienne, née d’Oran, même si vous avez grandi en France ?
Valérie Rodrigue : Quand j’étais enfant, certains de mes camarades de classe, qui étaient de souche étrangère, allaient l’été au Portugal ou en Algérie. Je savais que mes parents venaient d’Algérie, mais nous, nous n’y allions pas l’été. Nous n’avions plus de famille, les vieux sont morts les uns après les autres après le rapatriement. J’ai grandi avec un pays manquant, une case vide. Quel était donc ce pays où nous ne pouvions retourner/ aller ? Mon père m’avait raconté quelques souvenirs d’enfance, d’avant la guerre. Il aimait profondément ce pays. Aller à Oran, cela m’a permis de constater que l’Algérie n’est pas une entité vague, mais un pays à part entière. Nous venons de là. C’est toujours un peu chez nous. Donc chez moi. Je me plais à avoir moi aussi des racines.
Le Matin d’Algérie : Votre retour à Oran est hésitant, presque retenu. Aviez-vous peur de ce face-à-face avec la ville et l’histoire familiale ?
Valérie Rodrigue : Dans l’avion, j’étais folle de joie. Et pourtant, je voyage beaucoup. Mais ce vol Paris-Oran avait une saveur particulière, celle du retour que mon père n’a pas pu faire. Aurait-il approuvé ce voyage ? Je n’avais pas peur de ce que je pouvais y trouver, puisque lorsque je voyage, je n’ai pas d’idée préconçue et me renseigne en amont très peu sur la destination. Sur place, tout est émerveillement, en définitive. Je n’avais pas peur de repartir bredouille (les appartements familiaux, la tombe) puisque c’était le risque. Mais j’étais intimidée. Le souvenir de mon père était très présent. Je ne voulais pas décevoir sa mémoire.
Le Matin d’Algérie : Votre mère refuse toute idée de retour. Que dit ce silence de la blessure laissée par 1962 chez les Juifs d’Algérie ?
Valérie Rodrigue : D’après ce que ma mère et mes tantes m’ont raconté, il y a le souvenir des lois raciales. Les étoiles jaunes sont arrivées tardivement dans les mairies en Algérie, mais elles sont arrivées quand même ; mon père a été exclu de l’école, la sœur aînée de ma mère aussi. Ensuite, il y a eu dix ans de guerre. Ma mère en a été très marquée. Et puis le départ d’Algérie a coïncidé avec la mort accidentelle de son frère. Le deuil ne s’est jamais vraiment fait.
Le Matin d’Algérie : Les tantes suivent le voyage à distance, sans jamais revenir elles-mêmes. Est-ce une façon de voyager sans rouvrir la douleur ?
Valérie Rodrigue : Probablement. Ce voyage, elles ne l’auraient jamais fait. Moins elles l’auraient fait, plus elles étaient curieuses. Sur WhatsApp je partageais des photos, cela a ravivé des souvenirs heureux ou malheureux. Retrouver la tombe de Raoul, cela leur a permis, d’une part, de constater qu’elle n’a jamais été détruite contrairement à ce qu’elles pensaient et d’autre part, de finir leur deuil. Le fait que Ali, le gardien du cimetière, lise l’hébreu, cela les a beaucoup émues. J’ai fait une bonne action. J’ai réconcilié le judaïsme et l’Algérie, à mon échelle.
Le Matin d’Algérie : À Oran, ce sont Nassim et Aïcha qui vous accueillent. Qu’ont représenté ces rencontres pour vous ?
Valérie Rodrigue : Nassim est le guide touristique qui m’a accompagnée pendant ce voyage. Un homme jeune très moderne et cultivé. Il a été d’une très bonne compagnie pour moi, en dehors d’être un guide. Il a inscrit sa fille dans une école Montessori, comme le font certains bobos Parisiens. Aïcha, la dame qui m’a autorisée à visiter son appartement, m’a ouvert sa porte avec chaleur, bavarde et amicale, elle nous a offert le café. Lorsque je voyage, j’aime les rencontres spontanées, fortuites. Ils représentent l’Algérie contemporaine, celle que je voulais voir.
Le Matin d’Algérie : Vous montrez une Oran populaire, vivante, loin des clichés. Était-ce une manière de répondre aux peurs souvent entretenues en France ?
Valérie Rodrigue : Je n’avais pas d’idée derrière la tête. Étant reporter tourisme, je veux montrer un lieu tel qu’il m’est apparu, dans sa singularité. J’ai fait fi des recommandations et des appréhensions des autres. J’ai beaucoup voyagé seule et franchement, cela s’est toujours bien passé. J’ai fait du stop en Jordanie, je suis allée seule en boîte de nuit à Phnom Penh et à Tachkent. Jeune, j’ai fait Lyon-Paros en stop et en bateau. L’Oran que j’ai vu en journée, en soirée, est en effet vivante, intense et jeune. Avec un charme à l’espagnole. En boîte de nuit, je me suis crue à Madrid.
Le Matin d’Algérie : L’identité juive algérienne traverse tout le livre. Pourquoi reste-t-elle encore si peu visible dans le récit national français ?
Valérie Rodrigue : L’écrasante majorité des juifs français de ma génération se trouve des racines en Israël, pas en Algérie. C’est une idée qu’on leur met dans la tête dès le plus jeune âge. Or, nous venons d’Algérie, pas du Moyen-Orient. Rien dans mon histoire familiale ne va dans ce sens. Il est donc bien logique que l’histoire juive d’Algérie soit occultée, en France comme en Algérie.
Le Matin d’Algérie : Le parcours de votre père, devenu instituteur, est très fort. Comment relire aujourd’hui cette assimilation par l’école française ?
Valérie Rodrigue : Les enfants des petites gens qui allaient jusqu’au Bac devenaient souvent instituteurs. Le décret Crémieux avait donné aux juifs la citoyenneté française. La génération de mes parents porte des prénoms français. Promouvoir l’instruction à la française est une suite logique. Quelle ne fut leur déception lorsque, arrivés en France, on les a traités de sales Arabes ou de sales colons.
Le Matin d’Algérie : L’histoire de votre ancêtre Saül Bensoussan est saisissante. Aviez-vous le sentiment de réparer un oubli en la racontant ?
Valérie Rodrigue : Saül Bensoussan, le meurtrier qui a fini à Cayenne… Il y en a, des drôles, dans ma famille. J’ai mené des recherches sur ma famille. Mon cousin Éric m’a dit que Saül Bensoussan était un ancêtre. Relater ce fait divers, c’est un pied de nez aux membres de ma famille qui aiment s’inventer une généalogie plus glorieuse. Oui, mes grand-mères étaient illettrées, oui, mon grand-père paternel était un Turc marin devenu garçon de café. Mon grand-père maternel, un petit ébéniste. J’aime bien avoir pour ancêtre des marins, des tatoués, des repris de justice.
Le Matin d’Algérie : Vous écrivez que l’Algérie est “l’inconscient collectif de la France”. Pensez-vous que ce passé non réglé continue de peser sur les relations actuelles ?
Valérie Rodrigue : Oui, il y a toujours beaucoup de passion entre l’Algérie et la France. On l’a vu encore récemment. Et puis, cette longue guerre d’indépendance est restée en travers. Le fait que ce pays vive du pétrole et non du tourisme, cela lui donne un sacré poids. L’Algérie n’est pas le parent pauvre, mais l’inconscient collectif. J’aime redonner à ce pays africain sa grandeur.
Le Matin d’Algérie : Ce livre parle autant d’histoire que de manque affectif. Le voyage était-il aussi une manière de faire un deuil personnel ?
Valérie Rodrigue : Faire le deuil de mon père décédé, certainement. Faire le deuil de ma relation ratée avec ma mère, aussi. Enfin, tourner la page d’Ilyas, vieille histoire d’amour jamais vraiment digérée, une autre nécessité.
Le Matin d’Algérie : Qu’aimeriez-vous que le lecteur algérien retienne en priorité de ce livre ?
Valérie Rodrigue : C’est une déclaration d’amour à l’Algérie d’aujourd’hui. La nostalgie imprègne les discours et les livres. Chez les lepenistes et les zemmouristes, il y a la nostalgie de l’Algérie française. Or, on peut être une femme juive, française, éprise de l’Algérie contemporaine, même si l’Algérie tend à oublier sa part juive. La deuxième fois, on m’a refusé le visa. Quelle gifle. Je n’ai pas droit au retour ? Je devrais avoir droit au passeport vert. Non ?
Entretien réalisé par Djamal Guettala
BioExpress
Valérie Rodrigue est journaliste-reporter en tourisme. Elle a parcouru le monde pour la presse écrite et numérique. Engagée depuis longtemps dans le bénévolat, elle exerce aujourd’hui l’écoute active au sein d’une grande association. Passionnée par le voyage et la psychanalyse, elle vit et écrit à Paris, avec une écriture attentive aux liens entre ailleurs et psychologie de la vie quotidienne.
Les malfaiteurs dissimulaient du Viagra dans des compléments alimentaires.
Les services de la Gendarmerie nationale ont démantelé un atelier clandestin spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de compléments alimentaires frauduleux dans la wilaya de Tlemcen, a indiqué ce mercredi un communiqué officiel.
Selon la même source, l’opération a été menée par le Service central opérationnel de lutte contre le crime organisé, à travers sa brigade de sécurité alimentaire, après la découverte d’un produit commercialisé sous l’appellation « Khaltet El Soltane », présenté comme un aphrodisiaque « 100 % naturel ».
Les investigations ont révélé que ce produit, largement promu sur les réseaux sociaux, était fabriqué dans des conditions illégales et contenait des substances pharmaceutiques actives introduites clandestinement, en violation des réglementations en vigueur. Les analyses effectuées par des laboratoires spécialisés ont confirmé la présence de ces substances, normalement soumises à un contrôle strict et à une prescription médicale.
L’atelier démantelé produisait et conditionnait cette préparation en dehors de tout cadre sanitaire réglementaire, avant sa mise sur le marché en tant que complément alimentaire, ce qui constitue, selon la Gendarmerie nationale, une atteinte grave à la sécurité alimentaire et à la santé publique.
L’enquête a permis l’identification d’un individu activant dans la région de Maghnia, soupçonné d’être à l’origine de la fabrication et de la promotion du produit, notamment via des plateformes numériques.
L’opération s’est soldée par l’arrestation de trois personnes. Les suspects ont été présentés devant les autorités judiciaires compétentes pour des chefs d’inculpation liés à la fabrication et à la commercialisation de produits frauduleux, à l’atteinte à la sécurité alimentaire et à la mise en danger de la vie d’autrui, précise le communiqué.
Le président de la Fédération française de football (FFF) Philippe Diallo a répété jeudi 18 décembre son soutien au journaliste français Christophe Gleizes, « injustement...
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