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Décès du maître du malouf Ahmed Aouabdia : la scène artistique en deuil

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Ahmed Aouabdia
Le maître du malouf Ahmed Aouabdia. Crédit photo : DR

La scène artistique algérienne, et particulièrement le milieu du malouf constantinois, est en deuil. Le maître incontesté du malouf, le cheikh Ahmed Aouabdia, s’est éteint, laissant derrière lui un patrimoine musical immense et une empreinte indélébile dans l’histoire culturelle du pays.

Figure emblématique du chant andalou et héritier d’une tradition séculaire, Ahmed Aouabdia aura marqué des générations par sa voix chaleureuse, sa maîtrise du répertoire classique et son engagement constant pour la transmission du malouf. Artiste respecté, pédagogue attentif, il incarnait l’élégance musicale et le sens du devoir envers la mémoire culturelle algérienne.

L’annonce de son décès a provoqué une vive émotion à Constantine et dans tout le pays. Artistes, mélomanes, institutions culturelles et anonymes ont exprimé leur tristesse devant la perte d’un pilier du patrimoine musical national.

Nous présentons nos condoléances les plus attristées à sa famille, à ses proches et à toute la communauté artistique.

Djamal Guettala 

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Samir Toumi à Batna : une après-midi entre fiction et mémoire

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Sami Toumi à Batna.
Sami Toumi à Batna.

La librairie Guerfi de Batna invite le public à un voyage intime et politique au cœur de l’Algérie contemporaine, le 11 décembre 2025 à 14h00. À l’occasion de la sortie de son dernier roman, Amin. Une fiction algérienne (Barzakh), l’écrivain algérien Samir Toumi viendra partager ses mots, ses visions et ses silences.

Dans Amin, Toumi tisse les contradictions d’une société en mutation. Alger n’est pas seulement un décor : elle devient miroir des âmes, théâtre des forces qui façonnent les vies et les choix. Les figures du pouvoir – qu’elles soient familiales ou sociétales – vacillent, révélant la fragilité de nos certitudes et la complexité de l’humain.

Auteur également de Alger, le cri (2013) et de L’Effacement (2016, adapté au cinéma en 2024), Samir Toumi poursuit une œuvre qui mêle sensibilité, lucidité et engagement. Ses récits offrent des fenêtres sur des paysages intérieurs et collectifs, où le temps, la mémoire et les blessures s’entrelacent.

Une rencontre animée et ouverte à tous

L’après-midi sera animée par :

Dr. Tarek Benzeroual (Université Batna 2)

Dr. Lina Leyla Abdelaziz (Université Batna 2)

M. Redha Guerfi, éditeur et libraire

Les échanges se prolongeront par une séance de dédicace, et l’événement sera diffusé en direct sur les réseaux sociaux de la librairie pour toucher tous les lecteurs, proches ou lointains.

Un rendez-vous poétique à ne pas manquer

Le 11 décembre, la librairie Guerfi ouvrira ses portes à ceux qui souhaitent écouter l’écrivain, se laisser emporter par ses phrases, ses images et ses silences. Une après-midi où les mots deviennent passerelles entre l’histoire, l’intime et le rêve.

Djamal Guettala 

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Quand la loi humilie la dignité algérienne !

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MInistère de la justice

Il existe en Algérie un trio d’articles pénaux qui n’a rien à envier aux vieilles chaînes de l’esclavage : 148 bis 1, 196 bis, 333 bis 6. 

Certains datent d’hier, d’autres d’avant-hier, mais tous ont été polis, renforcés ou réactivés sous Tebboune pour lui aller comme un costume taillé sur mesure. On pourrait croire à un nouveau groupe de raï. Malheureusement, ce sont des lois.

Trois articles pour faire taire, mais aucun pour faire réfléchir. Trois articles pour punir l’opinion, mais aucun pour protéger la dignité. Trois articles pour fabriquer des suspects, mais jamais des citoyens.

148 bis 1, la diva du Code pénal, punit “l’outrage aux symboles de la Révolution”. Très bien. On aimerait juste savoir qui a décidé que les symboles révolutionnaires étaient si fragiles qu’un micro, une Web TV ou un paragraphe pouvait les faire fondre comme un morceau de beurre sur une poêle chaude. Si la Révolution tient debout, elle n’a pas besoin de béquilles juridiques. Si elle a besoin d’un article pour exister, alors ce n’est plus un symbole : c’est un bibelot.

196 bis, lui, est plus ambitieux. Créé en 2020, c’est l’enfant préféré du pouvoir actuel. Il réprime les “fausses informations”. Sauf que chez nous, la vérité n’est jamais établie par des archives, des commissions indépendantes, des débats contradictoires… Non. Elle est établie par déclaration. Un ministère dit : “Ceci est faux”. Et dès l’instant où il le dit, cela devient vrai. Une logique parfaite pour un univers médiéval où la Terre est plate jusqu’à ce que le vizir décide qu’elle est ronde.

333 bis 6, enfin, l’article boomerang. Lui aussi toiletté récemment pour l’ère numérique. Il s’attaque à ceux qui utilisent les réseaux, les Web TV, les téléphones – comme si l’Algérien qui poste un statut Facebook était plus dangereux qu’un voleur de milliards. Avec cet article, même un soupir numérique devient un crime audiovisuel.

Et les victimes ? Elles sont là.

Les journalistes, les youtubeurs, les chroniqueurs, les internautes, les humoristes, ceux qui écrivent trop, ceux qui parlent trop, ceux qui pensent trop. Les Drareni, les Zeghileche, les administrateurs de pages, les blogueurs, les anonymes, ceux qui se demandent encore comment une phrase est devenue une balle.

Et maintenant, c’est Bouakba.

Bouakba n’est pas un cas isolé : c’est la vitrine. La preuve encore chaude que ces articles ne servent pas à protéger la Révolution, mais à protéger une version de la Révolution. Ils ne servent pas à punir le mensonge, mais à punir la question.

La question qui dérange. La question qui gratte.

La question qui dit : “Où est passé le trésor du FLN ?” Une question vieille de soixante ans, toujours sans réponse, toujours dangereuse. Assez dangereuse pour fermer une Web TV. Assez dangereuse pour mettre un homme devant un tribunal. Assez dangereuse pour faire trembler ceux qui, pourtant, assurent n’avoir rien à cacher.

Quand une République a peur d’une question, ce n’est pas la question qui est malade. C’est la République.

Ce que révèle cette affaire ?

Nous avons aboli l’esclavage. Nous avons aboli le code de l’indigénat. Nous avons arraché l’indépendance. Mais il reste une chaîne, la dernière et la plus insidieuse : celle qui lie les Algériens à la peur de parler.

Un peuple qui ne peut pas interroger son histoire est un peuple sous tutelle.

Un peuple qui ne peut pas critiquer ses symboles est un peuple infantilisant.

Un peuple qui peut aller en prison pour une opinion n’est pas un peuple libre.

Il s’agit de la dignité de l’Algérien, pas d’un débat juridique entre experts.

Ces articles ne protègent personne. Ils humilient tout le monde. Ils transforment la justice en douane de la pensée. Ils transforment le citoyen en mine piégée : il suffit qu’il parle pour qu’il explose.

Il faut abolir ces articles.

Pas seulement les 148 bis 1196 bis et 333 bis 6, mais tout le cortège qui les accompagne : 87 bis144144 bis 24695 bis… toute cette machinerie obscure qui transforme la Constitution en décor et l’Algérien en coupable en attente.

Il est temps de jeter ces articles dans la même fosse où l’humanité a déjà jeté l’esclavage, l’indigénat et les humiliations d’un autre âge.

Parce que le combat n’est pas Bouakba. Le combat, c’est le droit d’exister debout, de parler sans calculer, de penser sans demander pardon.

Tant que ces articles survivront, la vérité avancera étranglée, la liberté marchera sous surveillance, et le mensonge roulera en véhicule administratif, gyrophares allumés, carte grise offerte par l’État.

Et surtout, une question demeurera, la plus explosive de toutes : Comment un homme du pouvoir pourrait-il répondre de ses actes, quand la justice n’a qu’une seule direction, vers le peuple, jamais vers le sommet. Et quand même Hamlaoui, récemment éclaboussé, n’a pas eu à en répondre ?

Abolir ces lois n’est pas un luxe. C’est la seule condition pour qu’un jour, enfin, un Algérien – qu’il soit puissant ou invisible – puisse être jugé à armes égales, et que la justice cesse de choisir ses coupables avant même de connaître ses faits.

Zaim Gharnati

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Bejaïa : réunion de coordination sur le projet d’exploitation de la mine de zinc-plomb de Tala Hamza-Oued Amizour

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Bejaïa : réunion de coordination sur le projet d’exploitation de la mine de zinc-plomb de Tala Hamza-Oued Amizour. Crédit APS

Une réunion de coordination consacrée au projet d’exploitation de la mine de zinc-plomb de Tala Hamza-Oued Amizour s’est tenue jeudi à Bejaïa, dans le cadre des derniers préparatifs en vue du lancement effectif du gisement, a indiqué un communiqué des services de la wilaya. 

La rencontre a été présidée par le wali, Kamel-Eddine Kerbouche, en présence du nouveau président-directeur général du groupe Sonarem, Reda Belhadj, de la directrice de la société mixte algéro-australienne, ainsi que d’élus locaux et de propriétaires terriens concernés par les procédures d’expropriation liées à la réalisation du projet, selon la même source.

Le wali a réaffirmé, à cette occasion, son engagement permanent à garantir les droits des citoyens concernés par les opérations d’expropriation et d’indemnisation, conformément à la législation en vigueur. Il a également instruit les services concernés d’accueillir les propriétaires de terrains concernés afin de les « accompagner et de leur fournir toutes les explications relatives au déroulement de la procédure ».

M. Kerbouche a rappelé l’importance économique du gisement, notamment en matière de création d’emplois locaux, d’opportunités de formation, ainsi que son rôle dans le développement de l’industrie minière de transformation et le transfert de savoir-faire et de la technologie, est-il souligné dans le communiqué.

Il a, aussi, insisté sur la nécessité de renforcer la coordination entre les différents intervenants et d’accélérer le versement des indemnisations, tout en soulignant l’importance d’un dialogue continu avec les citoyens concernés.

Selon le communiqué, la réunion a permis au PDG de Sonarem, d’écouter attentivement les préoccupations des habitants du village Aït Bouzid. M. Belhadj a exprimé sa « totale disponibilité » à mettre en œuvre les engagements pris par les pouvoirs publics et par le groupe Sonarem lors des précédentes rencontres avec les citoyens concernés par ce projet.

APS

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Burkina Faso : la junte du capitaine Ibrahim Traoré va rétablir la peine de mort

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Lors du conseil des ministres qui s’est déroulé ce jeudi 4 décembre, le gouvernement burkinabè a décidé d’adopter un nouveau code pénal qui rétablit notamment la peine capitale pour certaines infractions graves comme la « haute trahison », le « terrorisme » et les « actes d’espionnage ».

C’est l’une des grandes décisions prises lors du conseil des ministres qui s’est tenu ce jeudi 4 décembre au palais présidentiel, à Ouagadougou : le gouvernement burkinabè a décidé d’adopter un nouveau code pénal rétablissant la peine de mort. Abolie depuis 2018, la sentence sera appliquée à certaines infractions comme la « haute trahison », le « terrorisme » et les « actes d’espionnage ».

Considérée comme une « innovation majeure » par le ministre burkinabè de la Justice, Édasso Rodrigue Bayala, cette mesure s’inscrit dans la dynamique des réformes pour une justice destinée à répondre « aux aspirations profondes du peuple », estime également ce dernier.

Le garde des Sceaux affirme en outre que la suppression de la peine capitale, il y a sept ans, a été utilisée comme un argument pour « faire des recrutements, surtout au niveau de la frange jeune », par ceux qui attaquent le Burkina Faso, ces derniers brandissant les conventions internationales pour se protéger en cas d’arrestation. « Ça devient un terreau fertile car il n’y a pas de sanctions », a encore déploré Édasso Rodrigue Bayala, sous-entendant que la peine de mort était la seule sanction valable ou dissuasive contre les groupes armés.

La « promotion des pratiques homosexuelles » sanctionnée

Ce dernier a par ailleurs précisé qu’en ce qui concerne les crimes économiques comme les « détournements » de fonds et les « actes de corruption », les sanctions pourraient désormais aller jusqu’à l’« emprisonnement à vie » lorsque le montant détourné ou l’objet de l’infraction est supérieur ou égal à 5 milliards de francs CFA.

Ce nouveau code pénal préconise enfin d’infliger en priorité des peines de travaux d’intérêt général, « sanctionne la promotion des pratiques homosexuelles et assimilées » et accroît le montant des amendes infligées pour certaines infractions comme les accidents de la circulation. 

RFI

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L’art en évocation : le beau ou l’utile ?

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Street art
Image par Thomas G. de Pixabay

Si nous nous en référons à notre définition et à nos sensations contemporaines, à peu près unifiées dans une grande partie du monde, la question serait  saugrenue car il faudrait non pas opposer le beau et l’utile comme on le fait habituellement  mais les prendre comme formant un tout. La bonne formulation serait donc, « le beau et l’utile ».

On peut affirmer que toutes les sociétés séculaires, depuis l’Antiquité à nos jours, n’ont pas douté du rapprochement du beau avec l’utile dans l’exécution des créations humaines. Ce n’est donc pas la question du lien qui est en débat mais celle de sa nature. Sur ce point, le lien entre le beau et l’utile est toujours resté l’une des plus vivaces interrogations philosophiques. 

Pour nous lancer sur ce chemin réflexion, comment ne pas commencer au préalable par définir le champ de chacun des domaines identifiés par les deux adjectifs, le beau et l’utile

Que nous dit la sémantique contemporaine ?

Le point d’entrée est toujours la définition du dictionnaire pour démarrer avec une bonne racine de recherche qui mènera vers l’analyse plus approfondie. Le Petit Robert nous dit que le beau fait éprouver une émotion esthétique, qui plaît à l’œil. Ses proches manifestations sont les adjectifs, joli, magnifique, ravissant, splendide, superbe. Il s’oppose au laid.

Quant au mot utile ce même dictionnaire nous propose sa définition, il s’agit d’un usage qui  satisfait un besoin et qui est ou peut être avantageux. Le sens est proche (pas forcément synonyme selon le contexte) avec les adjectifs, bon, profitable, salutaire, indispensable, nécessaire. Il s’oppose à l’inutile.

Mais l’affaire est plus complexe, il faut aller plus loin car l’objectif n’est pas seulement de définir les deux notions mais, nous l’avons déjà précisé, en rechercher la nature du lien.

Que nous dit la pensée philosophique ?

Convoquons nos cours de philosophie de terminale et abordons cette relation d’une manière très simplifiée et pédagogique. Si nous voulons entrer dans le territoire de l’Antiquité, il nous faut le passeport à présenter aux deux gardiens du temple, Platon et Socrate (si on accepte de les dissocier comme deux philosophes).

Platon estime que le beau et l’utile convergent ensemble vers l’idée suprême qui représente chez lui la recherche du Bien. Le beau de l’art n’a d’autre utilité métaphysique et morale que ce qui est profitable à la pureté de l’âme.

Le beau n’est que la source de la beauté qui est celle des idées. Toutes les beautés y parviennent, comme celle du corps ou de la recherche des connaissances. 

Socrate estime que le beau n’existe que s’il est lié à l’utile mais dans le sens de la finalité fonctionnelle. Son exemple célèbre est celui du panier à fumier. Pour lui sa beauté est plus élevée qu’un bouclier en or car celui-ci ne protège pas entièrement de la mort. 

De ce fait le plus important pour Socrate est que le beau de l’art soit une copie de la nature par la perfection de ses proportions, son harmonie des lignes et sa parfaite cohérence.

Si nous généralisons à toutes les époques, la beauté d’une pyramide n’est validée que si elle permet la fonction de préparer le voyage du Pharaon vers l’éternité du ciel. L’aqueduc des romains n’est beau que s’il permet un acheminement de l’eau et ainsi de suite.

Au Moyen Âge, le beau est toujours subordonné à une finalité religieuse aussi bien que  fonctionnelle pour y arriver. Cependant cette dernière qualité diffère de l’idée de Socrate car la fonctionnalité est exclusivement celle qui mène vers la spiritualité de l’adoration.

Lui également, Saint Augustin voit le beau comme une expression de la vérité divine et rejoint l’idée de Platon selon laquelle le beau est au service d’une vérité du bien. Saint Thomas d’Aquin estime de la même manière que le beau est un plaisir qui n’a de sens que s’il sert la perfection de l’être, une idée plus proche de la définition platonicienne. 

Pendant la Renaissance nous retrouvons un peu de toutes les finalités précédentes mais avec une dimension supplémentaire, le statut. L’art du beau renforce le prestige d’un édifice, d’un mécène ou d’un artiste. 

En résumé personnel je dirais que l’histoire de la pensée qui théorise le beau et l’utile nous persuade que les deux notions sont très liées lorsque que l’esthétique de l’art provoque une élévation de l’être humain, excluant la sensation de plaisir telle que l’a défini Le Petit Robert dans son sens contemporain. 

Nous aurions pu énoncer beaucoup d’autres positions philosophiques mais la quantité n’est pas importante pour juger de ce lien toujours présent dans la pensée philosophique et des époques. 

La naissance de l’autonomie de l’esthétique

Au début du XIX ème siècle la rupture est consacrée par deux mouvements qui vont se sont succéder au cours de deux siècles, tous les deux étant en résistance et en rejet des traditions classiques de l’art.

Pourtant, les deux mouvements contestataires de la pensée classique seront inverses dans leur approche du lien entre le beau et l’utile. Le premier, dès ce début du XIXème siècle déclare  l’autonomie de l’art en refusant que l’utile soit de l’art. Il n’y aurait plus besoin d’une utilité spirituelle ou fonctionnelle pour susciter un plaisir et une émotion chez l’être humain.

Le mouvement de « l’Art pour l’Art » apparu à cette époque porte bien son nom. C’est surtout l’expression littéraire qui va porter une affirmation tranchée. Pour Oscar Wilde « l’art ne doit servir à rien d’autre qu’à manifester la beauté ». Théophile Gautier va beaucoup plus loin car s’il partage cette position d’autonomie de la beauté, il se risque à une position beaucoup plus brutale en affirmant que « tout ce qui est utile est laid ». 

L’un des exemples les plus commentés pour illustrer cette position est celui qui se déroulera en 1887 avec la construction de la Tour Eiffel. Son concepteur voulait sacraliser le temps de la révolution industrielle et démontrer la puissance des innovations et des nouveaux matériaux comme l’acier. La Tour Eiffel se voulait être en même temps la marque de son époque.

Devenu l’un des monuments les plus visités au monde, on oublie souvent qu’il avait fait l’objet lors de sa conception et sa réalisation d’une résistance farouche. Une partie de la population parisienne trouvait que le projet insultait la beauté de Paris par ses prestigieux monuments hérités de l’histoire. Elle y voyait une laideur qui ne pouvait représenter le Beau qui venait d’être consacré comme autonome de l’utilité.

En rédigeant cet article m’est venu un sourire difficile à contenir en m’imaginant la stupéfaction de Platon ou Socrate devant une toile peinte complètement en noir de Pierre Soulages ou des sculptures et peintures de Fernando Botero. 

Et je ne peux même pas visualiser l’apoplexie qui les foudroierait à la vue des œuvres de Pablo Picasso ou des objets inattendus, parfois incongrus, dans les expositions d’art contemporain.  C’était prévisible que ce soient les populations conservatrices et les régimes totalitaires qui qualifient cet art de civilisation dégénérée qu’il faut combattre, voire éliminer par la force. 

La fusion définitive des beaux-arts et des arts appliqués 

Ainsi est arrivée au XXème siècle la certitude que les beaux-arts et les arts appliqués forment un tout indissociable. L’une des manifestations les plus visibles de cette évolution  est celle du design. Anciennement nommé en français la stylique le mot anglais s’est imposé comme cela est courant.

La question centrale, comment l’objet moderne peut-il répondre à un besoin précis ? Optimiser l’utilisation et l’efficacité peuvent-ils se confondre avec l’utilité ?

L’ergonomie d’une chaise, la fonctionnalité d’un édifice ou la conception d’une fourchette, l’utile convoquent le beau pour former un ensemble.

Cette nouvelle approche a trouvé un juge de paix inattendu dans le droit. Dans tous les codes de protection intellectuelle des pays à droit similaire, la protection juridique est consacrée par la formule « Est protégé toute œuvre de l’esprit ». C’est cette globalisation qui insère définitivement les beaux-arts et les arts appliqués dans une même unité de traitement juridique.

Quant à moi, ancien enseignant dans une école supérieure d’arts appliqués (pas en art mais en droit), je n’aurais même pas pu franchir les grilles de l’établissement si j’avais posé ma candidature en tant qu’étudiant.

Mes œuvres depuis ma jeunesse ne sont classés ni dans le beau, ni dans le classique, ni dans le fonctionnel. Un jour, déjà dans l’au-delà, le triomphe définitif du mouvement artistique liant le laid à l’inutile, comme certains le jugent pour l’art moderne, me rendra hommage. 

Boumediene Sid Lakhdar 

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Le journaliste Saad Bouakba condamné

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Saad Bouakba
Saad Bouakba. Crédit photo : El Hiwar.

Le tribunal de Bir Mourad Raïs (Alger) a rendu son verdict, jeudi en fin de journée, dans l’affaire opposant le journaliste Saad Bouakba à la famille de l’ancien président Ahmed Ben Bella. 

Le chroniqueur a été condamné à trois ans de prison avec sursis, assortis d’une amende d’un million de dinars. Cette décision permet à Saad Bouakba de quitter la prison où il était détenu depuis la semaine dernière.

Le co-accusé, Abdelhalim Herraoui, gestionnaire de la plateforme numérique Vision  TV, a pour sa part écopé d’un an de prison avec sursis et d’une amende de 500 000 dinars. Le tribunal a également ordonné le fermeture définitive de la plateforme ainsi que la saisie de son matériel, une mesure lourde de conséquences pour un média numérique émergent.

L’affaire trouve son origine dans des déclarations publiques de Saad Bouakba concernant la gestion du trésor de guerre du  fonds du Front de libération nationale (FLN) durant la période post-indépendance. Ces propos ont été jugés offensants par la fille d’Ahmed Ben Bella, qui a déposé plainte pour « atteinte aux symboles de la Révolution ».Le ministère des Moudjahidines et des ayants droits s’est constitué partie civile. 

Pas moins dune trentaine d’avocats se sont mobilisés pour défendre Saad Bouakba et son coaccusé. 

Le parquet avait engagé la procédure en comparution immédiate la semaine dernière, mais l’audience avait été reportée à ce jeudi pour permettre l’examen du dossier. 

La rédaction

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« Dans l’atelier de Charles Baudelaire » d’Andrea Schellino : dévoilement d’une création patiente et tourmentée

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Andrea Schillino.
Andrea Schellino. Crédit photo : DR

Plongeant au cœur des manuscrits, des ratures et des fragments, cette exploration révèle un Baudelaire inattendu : non plus l’inspiré fulgurant que la légende a figé, mais l’artisan infatigable qui travaille son œuvre avec une persévérance presque douloureuse.

Derrière chaque poème s’esquisse un labeur méticuleux, fait de reprises minutieuses, de repentirs, de tentatives abandonnées puis relancées, comme si chaque vers devait naître d’une lutte silencieuse. Loin de l’image romantique du génie porté par l’enthousiasme, apparaît un écrivain patient et tourmenté, obsédé par la quête d’une forme juste, d’un rythme précis, d’une musique intérieure. C’est à travers ce mouvement constant, écrire, défaire, reconstruire, que s’invente son univers poétique. Cette immersion fait surgir une vérité rarement accessible : celle de l’atelier intime où se fabrique l’un des monuments les plus saisissants de la littérature française, non dans l’éclair du moment, mais dans la longue respiration du travail.

Dans l’atelier de Charles Baudelaire d’Andrea Schellino, publié chez Hermann, est un livre qui invite le lecteur à franchir le seuil invisible du travail poétique. Il ne s’agit pas simplement d’un essai critique, mais d’une véritable traversée des coulisses de la création baudelairienne, un espace mental et matériel où s’élabore une œuvre qui, derrière son éclat maîtrisé, fut le fruit d’un combat quotidien avec la langue.

Andrea Schellino est l’un des meilleurs connaisseurs de Baudelaire aujourd’hui. Philologue, critique et éditeur, il a codirigé avec André Guyaux la monumentale édition des Œuvres complètes dans la Bibliothèque de la Pléiade, accomplissement qui témoigne de son autorité. Chercheur associé à l’ITEM, il travaille depuis des années sur les manuscrits, les dossiers génétiques et les épreuves corrigées, permettant de suivre le geste créateur dans son mouvement le plus intime.

Dans cet ouvrage, il met en œuvre une double compétence rare : une érudition rigoureuse, attentive à la moindre variante, et une sensibilité très fine à la poétique baudelairienne. Cela lui permet de restituer non seulement la mécanique de l’écriture, mais surtout son souffle, ses hésitations, ses élans et ses revirements. Le lecteur découvre un Baudelaire en pleine création, un écrivain pour qui la poésie n’est jamais donnée d’avance mais toujours conquise, et c’est cette conquête patiente, parfois douloureuse, que Schellino parvient à rendre sensible, presque palpable.

Le livre dresse le portrait d’un Baudelaire artisan, bien éloigné des représentations traditionnelles du poète inspiré, emporté par la fulgurance. Schellino montre au contraire un écrivain qui revient sans cesse à son texte, qui le façonne, l’use, l’éprouve comme une matière résistante. Chaque poème apparaît comme le résultat d’un patient travail de transformation : des vers déplacés, des rythmes réagencés, des images abandonnées puis reprises sous une autre forme. Les manuscrits témoignent d’une activité continue et presque inquiète, où le geste de raturer n’est jamais destructeur, mais un mode essentiel de la pensée poétique.

L’idée d’« atelier », que Baudelaire aimait masquer ou nier dans ses écrits théoriques, devient ici le cœur même de sa création. Il affirmait ne pas vouloir dévoiler ses secrets de fabrication, jugeant les coulisses indignes du regard du public ; pourtant, ses pages annotées, saturées de corrections, révèlent une toute autre vérité. Loin de détester la rature comme il le prétendait, il en fait son instrument privilégié, l’outil à travers lequel se construit la précision de sa langue. Schellino s’attarde sur ce paradoxe fascinant : le poète qui condamne la réécriture est précisément celui qui, dans l’ombre, n’a cessé de recommencer.

Ce contraste nourrit une lecture délicate et captivante de la poétique baudelairienne. Schellino met en lumière un créateur comparable à un orfèvre, patient et sévère, qui cisèle son œuvre avec une exigence presque ascétique. Chaque variante, chaque infime retouche participe d’un mouvement général vers l’expression la plus juste, la plus dense, la plus musicale. C’est cette tension entre le mythe de l’inspiration et la réalité d’un labeur acharné qui confère au livre son intérêt majeur : en révélant l’atelier que Baudelaire voulait dissimuler, il rend visible la beauté obstinée d’une création en perpétuel devenir.

L’ouvrage de Schellino offre un éclairage précieux sur la genèse des Fleurs du Mal et du Spleen de Paris, en dévoilant les coulisses de la création de ces chefs-d’œuvre à travers des manuscrits rares, des brouillons et des versions inédites. En examinant des fragments qui ont circulé dans des albums privés ou au sein du cercle intime de Baudelaire, le livre permet au lecteur de pénétrer dans l’intimité de l’écrivain, là où ses poèmes se sont forgés dans l’ombre des réécritures successives. Ces documents, souvent inédits, ne sont pas seulement des traces matérielles, mais des témoins directs de la lutte intérieure de Baudelaire pour façonner son art.

Les premiers vers de jeunesse, souvent ignorés ou négligés par les lecteurs, sont d’une importance capitale pour comprendre l’évolution de sa pensée poétique. Ces vers, qui témoignent d’un esprit déjà en éveil, sont imprégnés d’un romantisme encore vibrant, mais ils révèlent aussi une soif de rupture. Baudelaire, alors sous l’influence de géants littéraires comme Hugo, Lamartine ou Gautier, cherche à trouver sa propre voix. Il se distingue déjà par son écriture, où la mélancolie et l’ironie se mêlent de manière singulière, formant une esthétique unique, entre exaltation et désenchantement. À travers cette période de formation, il fait lentement émerger les bases de la poésie moderne, marquée par un goût de la transgression et une quête de beauté dans la souffrance.

Schellino s’attarde également sur la dimension matérielle et physique de son écriture. Le livre souligne le soin maniaque qu’il portait à ses épreuves et aux corrections successives. Baudelaire n’était pas un auteur qui se contentait de livrer ses poèmes tels quels ; il les modifiait sans cesse, accumulant les repentirs pour atteindre une perfection impossible. Cette obsession de la réécriture se manifeste aussi par la disparition de certains manuscrits, des brouillons égarés qui compliquent la reconstitution du processus créatif, mais qui ajoutent à la fascination de ce travail. Car ces fragments et versions successives permettent de saisir la lente élaboration de son univers poétique, un univers qui ne surgit pas dans un éclair de génie, mais dans l’effort soutenu et répétitif de l’écriture.

Un exemple frappant de cette méthode est celui des Bribes, ces fragments recopiés vers 1859, qui témoignent d’une technique de construction littéraire souterraine. Contrairement à l’image du poème qui jaillit tout armé, Baudelaire assemble, remploie, réécrit des matériaux déjà anciens, transformant et recomposant sans cesse ses textes. Ce travail d’assemblage, d’abord perçu comme désordonné ou éparse, s’avère être une pratique essentielle de la poétique baudelairienne. Il démontre l’effort considérable déployé pour parvenir à l’harmonie du poème final, loin du mythe de la spontanéité. Chaque fragment, réécriture, suppression ou transformation est une étape nécessaire dans le processus de purification, dans cette quête incessante de la perfection.

Au-delà de l’aspect purement littéraire, ce travail souterrain a des répercussions sur la perception même de Baudelaire. Il n’est pas un poète isolé, mais un artisan de la poésie, un créateur qui ne cesse de tâtonner, de recommencer, d’ajuster ses vers et son langage. Les épreuves successives sont non seulement une quête formelle mais aussi une aventure intérieure, un dialogue constant avec soi-même. C’est ce combat quotidien entre l’idée et la forme, entre le projet et la réalisation, que Schellino parvient à rendre palpable et presque tangible dans son ouvrage. En définitive, le travail de Baudelaire sur ses poèmes ne se résume pas à un simple acte de création, mais devient une exploration complexe et déchirante de soi-même. Loin d’être hanté par des inspirations soudaines, Baudelaire apparaît ici comme un écrivain acharné, déterminé à maîtriser son art, à affiner chaque détail. Ce processus long et douloureux réconcilie le poète avec sa propre humanité, tout en nous offrant un aperçu sans précédent de l’intimité de son travail.

Le travail de Schellino sur Baudelaire va au-delà de l’analyse purement littéraire des Fleurs du Mal et du Spleen de Paris. Il nous invite à pénétrer l’univers personnel et intellectuel du poète, en retraçant son cheminement créatif et en le replaçant dans son milieu social, culturel et artistique. Cette démarche permet de saisir Baudelaire non seulement comme un auteur isolé, mais aussi comme un être profondément influencé par son époque, ses rencontres et ses désillusions.

L’un des points essentiels de cette mise en contexte réside dans l’examen de ses relations avec ses amis et ses contemporains. Le poète est en interaction constante avec les écrivains, les critiques et les artistes de son temps. Pourtant, sa vision est souvent marquée par une forme de distance et de désenchantement. Un des reproches récurrents qu’il adresse à la poésie de son époque est son « prosaïsme », cette tendance à sacrifier la forme au profit du fond. À travers ce regard critique, Baudelaire se positionne comme un observateur lucide et un contestataire. Il est à la fois influencé et révolté par la poésie de son temps, se voyant comme un défenseur d’une esthétique pure et intransigeante. Cette tension entre l’influence et la révolte est essentielle pour comprendre l’originalité de sa démarche.

Schellino révèle également la place fondamentale que les lectures occupent dans sa formation. Le jeune poète est un lecteur vorace, nourri de modèles et de contre-modèles. Cette capacité à s’immerger est à la fois un moteur et une contrainte. S’il s’inspire largement de ses prédécesseurs, il ressent aussi une profonde insatisfaction. Bien que ses modèles fassent naître en lui des éclairs d’inspiration, Baudelaire demeure constamment insatisfait. Il semble en quête de quelque chose d’indéfini, d’une vérité poétique encore à découvrir, et c’est cette quête perpétuelle qui nourrit son travail. Ses lectures ne sont donc pas seulement une source d’enrichissement ; elles sont également un terrain de lutte où il cherche, sans cesse, à se forger une voix propre.

Cette tension entre l’influence et la quête d’une singularité poétique se manifeste dans l’idée d’une « rhétorique profonde » que Schellino met en avant. Loin d’être une simple question de style, cette rhétorique s’inscrit dans une recherche de vérité intime et spirituelle. Baudelaire, en réinventant la poésie de son époque, développe un langage capable d’exprimer des vérités plus profondes, des émotions et des expériences souvent inaccessibles. Cette « rhétorique profonde » repose sur une fusion entre la pensée et l’émotion, un processus où la forme poétique devient le vecteur d’une vérité intérieure qui dépasse la simple description du monde. En s’ancrant dans l’histoire littéraire et culturelle, Baudelaire développe une poésie nouvelle, qui n’est pas une rupture radicale avec le passé mais une réinterprétation de celui-ci. Il intègre l’héritage romantique, symboliste et classique dans une vision qui lui est propre. Loin d’être une poésie datée, cette démarche se veut d’une modernité absolue.

Enfin, à travers l’évocation de ses « projets abandonnés » et de ses « ambitions contrariées », Schellino nous montre que Baudelaire, loin d’être ce génie isolé, est un homme qui porte le fardeau de ses échecs. Ses projets inachevés témoignent de l’homme qu’il a été : un poète en quête constante de reconnaissance, mais qui se heurte à une société souvent réfractaire à sa vision. Ce combat entre ses aspirations littéraires et les réalités sociales fait de lui un personnage profondément humain. En retraçant ce parcours complexe, Schellino parvient à faire émerger la figure d’un poète inclassable, à la fois produit de son temps et en même temps réfractaire à celui-ci. Baudelaire, selon Schellino, est un créateur qui, sans cesse, cherche à repousser les limites de la poésie. C’est cette quête du « beau idéal » qui fonde sa grandeur et lui permet d’atteindre une place centrale dans la littérature mondiale.

L’apport du livre d’Andrea Schellino est indéniablement profond et renouvelé. En offrant une lecture plus intime et plus nuancée de Baudelaire, il réévalue l’idée que l’on se fait de l’auteur des Fleurs du Mal. L’image traditionnelle du poète maudit, ce créateur hanté par l’inspiration, est ici mise à distance. À travers cette étude minutieuse des manuscrits, Schellino nous invite à revoir l’idée reçue de Baudelaire comme un génie qui accoucherait de ses poèmes dans un élan mystique. Le poème n’est pas une chute divine, un éclair soudain, mais un artefact façonné et transformé au fil du temps. Ce livre nous rappelle que Les Fleurs du Mal ne sont pas seulement le sommet d’une inspiration fulgurante, mais aussi le résultat d’un travail rigoureux et d’une quête incessante de la forme juste. Cette approche redéfinit notre compréhension de Baudelaire, loin de l’image mythologique, pour nous dévoiler un poète laborieux, méthodique, qui se livre à un véritable combat intérieur avec son œuvre.

Ce processus de création, loin de se réduire à un acte spontané, est un va-et-vient constant entre construction et déconstruction. Le travail de Baudelaire apparaît ici comme une série de destructions nécessaires et de réinventions permanentes. Chaque texte est un champ de bataille où le poète efface, recommence, corrige, modifie sans cesse. Ses poèmes ne sont jamais figés mais en perpétuelle évolution, car le doute, l’incertitude et l’angoisse de l’impuissance nourrissent la rigueur de son travail. Ce n’est pas un poète impassible, mais un homme tiraillé entre la crainte de ne pas atteindre la perfection et l’impératif de donner forme à ce qui lui brûle intérieurement. C’est dans ce contraste que se forge l’essence même de son œuvre.

Schellino parvient à dévoiler ce côté plus humain de Baudelaire, un créateur qui se débat avec les failles de son art. L’image du poète maudit, tragique et désespéré, laisse ainsi place à celle d’un écrivain qui, malgré ses tourments, s’engage avec obstination dans un travail incessant de révision et de perfectionnement. C’est cette démarche obstinée, ce désir d’atteindre une forme idéale, qui confère à ses poèmes leur puissance inaltérable.

Le livre de Schellino ne se contente pas de déconstruire un mythe, il offre une nouvelle lecture du processus de création baudelairien, qui est un espace où le poème est en perpétuelle gestation. En nous introduisant dans cet atelier secret, l’auteur parvient à montrer que derrière la beauté sculptée des Fleurs du Mal se cache un labeur complexe et torturé. Loin de la vision romantique, Baudelaire se révèle comme un artisan de la poésie, un créateur qui met tout en œuvre pour parfaire son œuvre jusqu’au moindre détail. Dans cet espace clos, les mots se transforment, se modifient, se réarrangent jusqu’à ce que le poème prenne sa forme définitive.

L’impact de ce livre réside dans la manière dont il renverse les attentes du lecteur. En lisant Dans l’atelier de Charles Baudelaire, le lecteur pénètre dans un espace d’incertitude créatrice. C’est là que tout vacille : la confiance, la précision, la beauté. Dans cet atelier, la poésie, loin de surgir d’un coup, est le fruit de mille tâtonnements. Ce n’est pas un éclat divin qui jaillit, mais une lente élaboration, une construction toujours vivante. Cette vérité, que Schellino saisit avec une grande subtilité, déconstruit l’image héroïque du poète inspiré pour nous dévoiler la réalité humaine du travail poétique. En refermant ce livre, on a l’impression d’avoir pénétré dans un univers où l’art s’épanouit dans la patience et la persévérance. 

La grandeur de Baudelaire, telle que Schellino la rend accessible, réside dans cette capacité à créer, jour après jour, à travers une discipline implacable et une recherche infatigable. Il n’y a pas de moment d’illumination soudaine, mais un travail long et soutenu, où chaque vers est mis à l’épreuve pour atteindre une forme parfaite.

Ainsi, cette approche humanise Baudelaire, le montrant non plus comme une figure mythologique, mais comme un homme dont la grandeur réside dans cette tension constante entre l’idéal et la réalité de l’écriture. Le mythe du poète inspiré s’effondre pour faire place à la figure d’un écrivain persévérant, qui se bat chaque jour pour donner vie à ses idées. C’est cette vérité, intime et bouleversante, que Schellino parvient à saisir avec une grande justesse.

Brahim Saci

Andrea Schellino, Dans l’atelier de Charles Baudelaire, Édition, Hermann, 2025

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Ahmed Néjib Chebbi : « La faiblesse du pouvoir tunisien nourrit une nouvelle dynamique politique »

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Ahmed Néjib Chebbi
Ahmed Néjib Chebbi

Au moment où les arrestations de figures de l’opposition tunisienne se multiplient, le président du Front de salut national, Ahmed Néjib Chebbi, a affirmé qu’il entrera en prison « le cœur serein » et « avec la conviction que le pouvoir s’enfonce dans sa propre impasse ».

Il s’est exprimé dans un entretien accordé au média Ultra Tunisie, peu après que son domicile a été encerclé par les forces de sécurité chargées d’exécuter la peine de 12 ans d’emprisonnement prononcée dans l’affaire dite de « la conspiration ».

« Je connais la prison, elle ne m’a pas fait peur dans ma jeunesse, elle ne me fera pas peur aujourd’hui »

Fidèle à son ton combatif, l’opposant de 81 ans dit assumer pleinement la sanction qui le vise : « J’ai exercé mes droits politiques de manière pacifique et légale. C’est pour cela que le pouvoir a choisi de me punir en fin de vie. Mais j’y vais sans renoncer à ma dignité. »

Pour Chebbi, cette arrestation n’est qu’un signe supplémentaire du « trouble profond » qui frappe les autorités tunisiennes. Il cite notamment l’arrestation de Chayma Issa, El Ayachi Hammami, et son propre cas, qu’il considère comme des « réactions paniquées » d’un pouvoir en perte de contrôle.

Une opposition recomposée et une « nouvelle familiarité » dans la rue

Malgré cette situation, Chebbi dit ressentir un véritable optimisme. Il évoque une dynamique politique qu’il juge inédite depuis des années : « J’ai participé aux manifestations du 22 et du 29 novembre. J’y ai vu une énergie nouvelle, une proximité entre toutes les composantes politiques, de Rached Ghannouchi à Abir Moussi. »

Cette « alchimie » nouvelle, explique-t-il, s’est aussi manifestée parmi les groupes de gauche et les collectifs féministes qui, selon lui, lui ont réservé un accueil inattendu malgré les divergences passées.

Une crise sociale qui amplifie la contestation

Pour Chebbi, l’autoritarisme actuel se conjugue avec un échec flagrant de la gestion sociale : crise écologique à Gabès, montée du chômage, tensions au sein de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), colère des médecins et des jeunes diplômés.

Ces signaux révèlent selon lui un pouvoir dépassé, incapable de répondre aux urgences économiques et sociales.

« Je ne sais pas combien de temps je passerai en prison… mais je sais que j’en sortirai bientôt »

L’opposant estime que le rapport de force évolue au détriment du pouvoir, persuadé que les arrestations — la sienne, celle de Chayma Issa et celle d’El Ayachi Hammami — « renforceront l’unité de toutes les forces démocratiques » face à la dérive autoritaire.

Il considère même que ces détentions pourraient devenir un point de bascule pour relancer un mouvement uni en faveur du retour à la démocratie.

Un climat de répression dénoncé par de nombreuses organisations

L’affaire de la « conspiration 1 », qui comprend 37 accusés, continue de provoquer indignation et inquiétudes dans les milieux politiques et juridiques. Les peines prononcées en appel — de 5 à 45 ans de prison — sont jugées « excessives et arbitraires » par plusieurs organisations nationales et internationales.

Les arrestations successives de Chayma Issa (29 novembre) et d’El Ayachi Hammami (2 décembre) ont accentué la colère d’une partie de l’opinion publique tunisienne, qui dénonce une stratégie d’intimidation visant à museler l’opposition.

Mourad Benyahia 

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L’Algérie : l’inquiétude est forte, le danger grand

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Hirak
Un peuple en lutte pour son émancipation. Crédit photo : DR

Comment s’adresser à deux frères sur le point de se faire du mal ? Lors de mon passage à Alger en août 2024, il m’était impossible de ne pas sentir l’accumulation de tensions nombreuses et de diverses natures.

De celles capables de perforer les valeurs sociales et morales les plus solides et indissociables d’une réussite collective. Les sentiments d’injustice, de désespérance, d’absence totale de perspectives pour soi et ses enfants qui prennent le large tant ils sont nourris de fatalité. La grinçante tension sociale, à l’échelle des familles, des individus en concurrence les uns avec les autres à l’image de la jeunesse maltraitée par un pouvoir susceptible et n’œuvrant que pour sa propre gloire.

Les uns parlent de régime autoritaire, d’autres de totalitaire, certains de dictature, quand la population se fout des étiquettes et la couleur des partis. À l’heure où la seule préoccupation est à l’immédiat et au souci du lendemain pour ses enfants par manque de force et de disponibilité, il y a de quoi être inquiet.

L’effondrement économique va à grande vitesse sans présenter aucune chance d’éviter le crash total, emportant avec lui des pans entiers de la population à la mer. Nombreux seront celles et ceux qui ne verront pas l’autre rive, où nous sommes, et où d’autres tendent déjà les talons pour repousser l’étranger.

L’un des drames qui accompagnent ce constat est que je n’ai besoin de le nourrir d’aucune opinion pour le construire. Ce constat n’est pas le mien, c’est le leur. Je ne me permettrai pas ce qui ressemble à une ingérence, dont il ne manque pas de têtes peu pensantes pour la qualifier de dénigrante, si ce n’était pour autre chose que de la géopolitique que je laisse volontiers aux experts qui ne manquent pas non plus.

L’impasse en humanité est un concept artificiel, la fatalité une construction des puissants pris par la peur de n’être plus rien demain, de se voir déposséder par un autre qui vantera à son tour une bataille juste. Ces batailles si justes qu’elles produisent à échelle industrielle toujours les mêmes victimes pour lesquelles ont dit œuvrer. C’est là une des têtes d’allumettes qui se penchera sur le tonneau de poudre algérien, incontestablement. Non la juste révolte, mais la douteuse révolution qui ne peut fonctionner qu’en ajoutant se peine fière au désordre nécessaire à sa cause.

Comment ne pas être inquiet pour les amis, les gens simples qui ne donnent pas dans la politique dans ce qu’elle a de plus dangereux, à l’aube de la proclamation d’une division d’un pays.

Peu importe si la raison y est ou non, si la légitimité joue ou pas. La politique est ce train en retard dont on parle quand elle s’adonne à ce qu’elle sait pratiquer comme personne : l’art du mauvais moment.

À Alger j’ai découvert les Kabylophones, futés, sensibles, drôles et profonds. Et les Arabophones, tenez-vous bien, futés, sensibles, drôles et profonds. Les premiers disaient des autres qu’ils avaient saboté le Hirak. Ils disaient, me disaient, que partout où ils le pouvaient ils bossaient à un nouveau mouvement, sans les Arabophones. Bien entendu, personne ne s’est présenté à moi avec un autocollant du MAK sur le front, mais avec le recul, le ton, et ce regard déterminé, y étaient.

Encore une fois, ce ne sont pas mes oignons. Mais soucieux des uns et des autres, qui ont également mon amitié, je ne peux taire mon inquiétude de les voir à terme se jeter l’un sur l’autre.

Je ne vois pas quel argument pourra plaider pour une issue non violente à ce genre de manip.

Quand on sait le climat de défiance, quand on considère que la taule guette pour un post en ligne qui dirait que Tebboune est l’oncle vilain dont aucune famille ne veut à table. Que, par ailleurs, à tort ou à raison, un groupement qualifié de terroriste décrète unilatéralement l’indépendance d’une région avec pour frontière la plus proche à quelques ridicules kilomètres d’Alger, c’est la catastrophe assurée.

Bon, me voici mieux.

Faire part d’une inquiétude la dilue un peu, mais embarque un autre que soi dont on attend, après nous avoir écoutés avec bienveillance comme vous venez de le faire, de nous rassurer.

Si vous êtes en possession de ce pouvoir formidable, usez-en d’une main.

De l’autre, retenez les frères.

Marcus Hönig

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