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Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères de Jean-Yves Clément

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Jean-Yves Clément, Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères
Jean-Yves Clément, Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères. Crédit photo : DR

Figure singulière et longtemps marginalisée dans l’histoire de la musique, Alexandre Scriabine incarne une modernité visionnaire où la création sonore se confond avec une quête métaphysique.

Dans Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères, Jean-Yves Clément propose une approche à la fois analytique et poétique, attentive autant au langage musical qu’aux fondements spirituels et philosophiques de l’œuvre. En restituant Scriabine dans toute la cohérence de son projet artistique, le livre invite à dépasser les clichés d’un compositeur jugé obscur ou excessif pour révéler un créateur majeur, dont la musique ouvre un espace inédit entre extase, pensée et transformation de l’art.

L’ouvrage Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères de Jean-Yves Clément se déploie ainsi dans une forme volontairement hybride, qui conjugue l’exigence de l’essai musicologique, la profondeur de la réflexion philosophique et la sensibilité d’un véritable portrait poétique. Cette pluralité d’approches répond à la nature même de son sujet : Scriabine ne saurait être saisi par une seule grille de lecture, tant son œuvre excède les catégories traditionnelles de l’histoire de la musique. En refusant de réduire le compositeur à une figure marginale ou à une curiosité de la fin du romantisme, Clément s’attache à restituer la singularité et l’ampleur d’un créateur encore trop souvent relégué aux marges du canon occidental, malgré l’audace et l’influence déterminantes de son langage.

L’analyse proposée ne s’enferme jamais dans une lecture strictement technique ou formaliste des œuvres. Sans négliger la précision musicologique, Clément choisit d’accompagner le mouvement interne de la pensée scriabinienne, comme s’il s’agissait d’en suivre le flux plutôt que d’en disséquer les mécanismes. Cette démarche permet de rendre perceptible ce qui constitue le cœur de l’esthétique de Scriabine : un élan mystique indissociable d’une ivresse créatrice, une tension permanente vers l’absolu qui se traduit autant par l’exaltation que par la destruction progressive des cadres établis. L’écriture cherche ainsi à faire sentir la radicalité d’une musique qui ne se contente pas d’innover, mais qui met en jeu sa propre possibilité, jusqu’à frôler sa disparition.

Clément présente Scriabine comme un musicien charnière, situé à un point de bascule décisif entre le romantisme finissant et la modernité naissante. Héritier de Chopin et de Liszt, Scriabine en prolonge l’intensité expressive tout en la poussant vers un seuil critique où les catégories héritées cessent de fonctionner. 

Son œuvre apparaît dès lors comme un processus de dépassement continu : dépassement de la tonalité, progressivement dissoute au profit de nouvelles polarités harmoniques ; dépassement des formes traditionnelles, réduites à l’état de fragments d’une densité extrême ; dépassement enfin du langage musical lui-même, appelé à se transformer en expérience intérieure plus qu’en discours organisé. À travers cette dynamique, c’est la conception même de l’art qui est remise en question, l’œuvre cessant d’être un objet autonome pour devenir un acte, une opération spirituelle.

Dans cette perspective, la musique de Scriabine est conçue comme une expérience totale, engageant à la fois le corps, l’esprit et la perception. Elle relève d’une forme d’ascèse, au sens d’un exercice intérieur visant la transformation de l’être, mais aussi d’une transfiguration, où le sonore tend à se fondre dans une dimension qui le dépasse. L’extase vers laquelle elle se dirige n’est pas un simple paroxysme émotionnel : elle est un point limite où la musique excède l’audible, où le son semble se dissoudre dans une lumière intérieure et frôler le silence. En mettant en évidence cette tension fondamentale, Jean-Yves Clément parvient à rendre intelligible et sensible la cohérence profonde d’une œuvre qui fait de la musique le lieu d’une expérience métaphysique radicale.

Jean-Yves Clément, écrivain, musicologue et essayiste, occupe une place singulière dans le paysage de la critique musicale contemporaine. Son travail, consacré aux grandes figures du romantisme et du postromantisme, Chopin, Liszt, Scriabine notamment, se caractérise par une volonté constante de dépasser l’analyse strictement historique ou technique pour accéder à ce qui constitue le noyau spirituel et esthétique des œuvres. Chez lui, la musicologie n’est jamais dissociée de la littérature ni de la philosophie : elle s’en nourrit, les convoque et les prolonge afin de rendre compte de la profondeur existentielle de la création musicale. Son écriture, dense et travaillée, assume pleinement une subjectivité éclairée, refusant la neutralité académique au profit d’une interprétation engagée, consciente de ses choix et de ses partis pris.

Clément ne se positionne pas en historien distant, mais en lecteur passionné et attentif, presque en compagnon de route des compositeurs qu’il étudie. Cette proximité revendiquée avec les œuvres lui permet d’en saisir les résonances symboliques, spirituelles et parfois métaphysiques, sans jamais les réduire à un simple commentaire extramusical. La musique est envisagée comme une pensée en acte, porteuse de visions du monde, de tensions intérieures et de projets esthétiques globaux. Dans cette perspective, Scriabine n’apparaît pas comme un objet figé de l’histoire de la musique, mais comme une présence vivante, animée par une quête et une nécessité intérieure que l’écriture de Clément s’efforce de rendre perceptibles. Le compositeur russe y est présenté comme un véritable penseur de la musique, pour qui l’œuvre ne peut être séparée d’une conception globale de l’art, de l’homme et du cosmos.

La publication de l’ouvrage en 2015 dans la collection « Classica », coéditée par Actes Sud et le magazine Classica, renforce cette ambition intellectuelle et esthétique. Cette collection, dirigée par Bertrand Dermoncourt, se distingue par son exigence et par son refus des formats purement didactiques. Elle encourage des approches transversales, où l’analyse musicale dialogue avec la réflexion esthétique, l’histoire des idées et une écriture sensible capable de toucher un lectorat élargi sans renoncer à la profondeur. Le cadre éditorial offre ainsi à Clément un espace propice pour déployer une pensée libre, rigoureuse et personnelle.

L’édition, préparée avec soin, répond également à une nécessité critique : celle de combler un manque évident dans la bibliographie francophone consacrée à Scriabine. Longtemps, le compositeur n’a été abordé qu’à travers des études anciennes, rares ou très spécialisées, peu accessibles au lecteur non expert. L’ouvrage de Clément s’inscrit dans une volonté de transmission et de clarification, sans simplification abusive, et assume pleinement un rôle de médiation. Il permet à un public cultivé, curieux mais parfois intimidé par la complexité de l’œuvre scriabinienne, d’en saisir les enjeux essentiels, tout en offrant aux lecteurs avertis une interprétation forte et stimulante. En ce sens, le livre contribue à renouveler durablement la réception de Scriabine en langue française.

L’apport principal du livre réside ainsi dans une relecture profonde et courageuse de la place de Scriabine au sein du canon musical, que Jean-Yves Clément s’emploie à dégager des jugements réducteurs et des hiérarchies figées. En affirmant Scriabine comme un compositeur de premier plan, comparable à Schönberg, Stravinski ou Bartók, il ne s’agit pas d’un simple geste polémique, mais d’une démonstration étayée par l’analyse du langage musical lui-même. Clément montre que Scriabine affronte très tôt les questions décisives du XXᵉ siècle : la crise de la tonalité, la saturation du discours romantique, la nécessité d’inventer des formes nouvelles capables de condenser l’expression sans l’appauvrir. L’invention de l’accord mystique, véritable pivot harmonique affranchi des fonctions traditionnelles, n’est pas présentée comme une curiosité théorique, mais comme le symptôme d’une pensée musicale qui cherche à redéfinir les forces internes du son. De même, la remise en cause de la hiérarchie entre harmonie et mélodie, leur interpénétration progressive, ainsi que le recours à des formes brèves d’une densité extrême, inscrivent Scriabine dans une modernité radicale, où chaque fragment musical agit comme un concentré d’énergie expressive. Clément insiste sur cette esthétique de l’aphorisme, qui fait de Scriabine l’un des plus grands miniaturistes de l’histoire de la musique, capable de dire l’essentiel en quelques mesures, là où d’autres s’abandonnent à la prolixité formelle.

Par ailleurs, l’un des mérites majeurs du livre est de dissiper le malentendu persistant qui assimile Scriabine à un compositeur avant tout mystique, voire ésotérique, dont la musique serait subordonnée à des doctrines philosophiques ou spirituelles préexistantes. Clément renverse cette perspective en montrant que, chez Scriabine, la pensée ne précède jamais l’œuvre : elle en découle. Les spéculations métaphysiques, les références à la théosophie ou à l’analogie universelle apparaissent comme des tentatives a posteriori pour formuler conceptuellement une expérience musicale première, irréductible à tout discours. L’extramusical n’est donc ni un programme ni un moteur de la création, mais une résonance, une ombre portée de la musique elle-même. En ce sens, Clément restitue Scriabine à sa vérité profonde : non pas un prophète égaré dans des visions abstraites, mais un créateur pour qui la musique constitue le lieu originaire de toute pensée, la source même à partir de laquelle se déploient le mythe, la philosophie et l’utopie.

L’impact de ce livre se déploie à deux niveaux étroitement liés, intellectuel et artistique, qui se renforcent mutuellement. Sur le plan intellectuel, Jean-Yves Clément opère un déplacement décisif du regard porté sur Scriabine, en rompant avec une tradition critique qui l’a longtemps enfermé dans des catégories commodes mais appauvrissantes : compositeur obscur, mystique excessif, marginal excentrique aux confins de la tonalité.

En le replaçant au cœur des mutations esthétiques de la fin du XIXᵉ et du début du XXᵉ siècle, Clément montre que Scriabine n’est ni un épigone romantique ni un prophète isolé, mais l’un des acteurs majeurs du basculement vers la modernité musicale. Son œuvre apparaît alors comme un laboratoire où s’élaborent, avant beaucoup d’autres, des réponses radicales à la crise du langage tonal et à l’épuisement des formes héritées, ce qui oblige à repenser les continuités et les ruptures de l’histoire musicale européenne.

Sur le plan artistique, le livre agit comme une invitation pressante à l’écoute, mais à une écoute transformée, débarrassée des préjugés qui pèsent sur l’œuvre de Scriabine. Clément incite le lecteur et l’auditeur à considérer l’ensemble de la production comme un parcours cohérent, dont les sonates constituent l’axe central et dont les pièces brèves pour piano forment le tissu le plus dense et le plus révélateur. Il montre que la concision extrême de ces œuvres n’est ni un manque d’ampleur ni une limitation formelle, mais au contraire le signe d’une intensité maximale, d’une volonté de concentration qui confère à chaque page la valeur d’une expérience musicale totale. Cette perspective renouvelle profondément la réception de Scriabine, en invitant interprètes et auditeurs à aborder sa musique non comme une succession de curiosités isolées, mais comme une montée continue vers l’extase et la transfiguration.

Ainsi, l’ouvrage fonctionne véritablement comme un manifeste pour une reconnaissance pleine et entière de Scriabine. Il plaide pour qu’on le considère non seulement comme un compositeur majeur, mais comme un penseur de la musique et, au-delà, de l’art lui-même, pour qui la création sonore est indissociable d’une vision du monde. En redonnant à son œuvre sa cohérence, sa radicalité et sa portée historique, Jean-Yves Clément contribue durablement à réinscrire Scriabine dans le paysage des grandes figures fondatrices de la modernité.

Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères dépasse largement le cadre d’une biographie savante ou d’une étude musicologique au sens strict. Le livre se présente comme une véritable immersion dans l’univers d’un créateur pour qui la musique n’est ni un métier ni un simple art, mais une nécessité existentielle et une voie de dépassement. Jean-Yves Clément ne cherche pas à épuiser son sujet par l’accumulation de faits ou par une analyse systématique : il adopte au contraire une écriture engagée, dense et parfois incantatoire, qui épouse le mouvement même de la pensée et de la musique de Scriabine. Cette forme d’écriture, loin d’être un effet de style gratuit, se révèle profondément adéquate à une œuvre conçue comme une ascension continue vers l’extase, puis vers une forme d’effacement où la musique tend à se dissoudre dans le silence.

En restituant la cohérence profonde du parcours créateur de Scriabine, Clément montre comment chaque étape, chaque œuvre, chaque mutation du langage musical participe d’un même élan vers l’absolu. La vie, relativement pauvre en événements, s’efface derrière l’œuvre, qui devient le véritable lieu de l’existence et de la pensée.

Cette lecture permet de comprendre Scriabine non comme un compositeur fragmenté ou contradictoire, mais comme un artiste animé par une nécessité intérieure implacable, prêt à consumer formes, systèmes et certitudes pour atteindre un au-delà de la musique elle-même. L’ouvrage éclaire ainsi le sens ultime de cette quête, où la création devient à la fois affirmation extrême de la subjectivité et désir de disparition dans une totalité cosmique.

Par sa profondeur et son ambition, le livre s’impose dès lors comme une référence essentielle pour appréhender Scriabine dans toute sa complexité et sa radicalité. Mais sa portée dépasse le seul cas du compositeur russe : il invite plus largement à réfléchir au pouvoir de la musique lorsqu’elle cesse d’être un simple objet esthétique pour devenir une force de transformation, capable d’agir sur la conscience, de modifier le rapport au monde et d’ouvrir un espace de transfiguration. En ce sens, l’essai de Jean-Yves Clément interroge la fonction même de l’art et rappelle que la musique, portée à son degré le plus extrême, peut encore prétendre à être une expérience fondatrice de l’humain.

Brahim Saci

Jean-Yves Clément, Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères, ACTES SUD/CLASSICA 

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XXIᵉ siècle : ce que nous avons appris et ce qui s’annonce

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Image par Marco Cocciatelli de Pixabay
Image par Marco Cocciatelli de Pixabay

À quelques jours de la fin du premier quart du XXIᵉ siècle, l’humanité se découvre à un moment rare, celui où le temps des promesses s’achève avant que celui des certitudes n’ait commencé.

Ce quart de siècle n’a pas seulement accumulé des crises — il a opéré un tri impitoyable entre les récits auxquels nous voulions croire et les réalités que nous avons refusé de regarder. Valeurs universelles, démocratie, mondialisation heureuse, émergence économique, progrès moral continu : autant de piliers intellectuels qui, sans s’effondrer totalement, se sont fissurés au contact du réel.

Cet article ne cherche ni à condamner, ni à absoudre. Il propose un examen de ce que ces vingt-cinq années nous ont réellement appris — sur nos valeurs lorsqu’elles deviennent coûteuses, sur nos modèles économiques lorsqu’ils atteignent leurs limites, sur nos ambitions de justice dans un monde désormais contraint — afin de comprendre non pas ce que le monde devrait être, mais ce qu’il est devenu, et ce qu’il est encore possible d’y reconstruire.

La grande désillusion morale 

Au cours des quatre-vingt dernières années, le monde s’est raconté une histoire confortable, celle d’un progrès moral cumulatif, d’une humanité convergeant lentement mais sûrement vers des normes communes — droits humains, primauté du droit, démocratie, dignité universelle. Cette histoire avait ses temples – à New York, Paris, la Haye ou Genève – ses textes sacrés, ses gardiens. Elle avait surtout ses sermons.

Puis est venu le réel. Gaza, l’Ukraine, la Libye, l’Irak, le Yémen … — autant de lieux où le langage des valeurs s’est fracassé contre la hiérarchie des intérêts. Le choc n’a pas seulement été géopolitique. Il a été moral. Le Sud global a compris par observation que les valeurs proclamées ne sont pas toujours les valeurs appliquées, et que l’universalité cesse souvent là où commencent les coûts stratégiques.

Ce que nous avons appris est terrible par sa simplicité, les valeurs, lorsqu’elles ne sont pas coûteuses pour ceux qui les défendent, se transforment en principes ; lorsqu’elles deviennent coûteuses, elles sont négociables. Ce n’est pas la morale qui a disparu, c’est sa prétention à l’universalité qui a été démasquée.

La démocratie elle-même, longtemps présentée comme une fin en soi, est défendue avec ferveur chez certains, relativisée chez d’autres, suspendue ailleurs au nom de la sécurité, de la stabilité, ou de l’équilibre régional. 

La fracture interne du Nord

Cette perte de crédibilité des valeurs n’est pas uniquement une perception du Sud. Elle trouve aussi sa source au cœur même des sociétés développées. Le premier quart du XXIᵉ siècle a vu se fissurer la promesse interne du progrès avec une stagnation des classes moyennes, un déclassement éducatif et une insécurité économique diffuse.
Dans ce contexte, la solidarité internationale, le climat, l’aide au développement cessent d’apparaître comme des impératifs moraux pour devenir, aux yeux de millions de citoyens du Nord, des luxes abstraits. Le repli n’est pas seulement géopolitique ; il est social. Un monde anxieux finance difficilement un avenir qu’il ne croit plus pouvoir habiter dignement.

La responsabilité des élites

La désillusion est aussi le résultat d’une faillite des élites politiques, économiques et intellectuelles qui ont longtemps bénéficié de la mondialisation sans en assumer les coûts sociaux et moraux. Globalisées dans leur mode de vie, rarement exposées aux conséquences sociales ou environnementales de leurs décisions, elles ont pu transformer des choix profondément politiques en nécessités techniques.

Ce siècle n’a pas seulement révélé l’égoïsme des États ; il a exposé l’écart grandissant entre ceux qui décident et ceux qui paient. Or aucune architecture morale ne survit durablement à une telle asymétrie de responsabilité.

De la bipolarité à la Multipolarité

Le monde qui se recompose n’est plus réductible aux catégories familières du bipolarisme ou de l’hégémonie. Nous entrons dans une multipolarité hybride, où les alliances émergentes — BRICS élargis, Organisation de coopération de Shanghai — ne se contentent pas de contester l’ordre occidental, mais expérimentent des formes inédites de gouvernance mêlant souveraineté régionale et échanges Sud-Sud … profondément asymétriques. Cette multipolarité fragmente les normes, les chaînes de valeur et les standards technologiques. 

Pour le Sud global, l’enjeu n’est plus de choisir un camp, mais de naviguer entre des dépendances croisées — occidentales et chinoises — sans se laisser enfermer dans une subalternité. Dans cette configuration instable, la multipolarité n’est ni une promesse automatique de justice, ni une fatalité de fragmentation ; elle devient une opportunité d’innovation diplomatique, à condition de penser les alliances non comme des loyautés idéologiques, mais comme des instruments stratégiques réversibles dans un monde de conflits hybrides.

L’économie : de l’illusion de l’émergence à la révolution cognitive

Sur le plan économique, le premier quart du siècle aura également clos une époque d’émergence « mécanique », fondée sur des recettes désormais épuisées : industrialisation extensive, main-d’œuvre bon marché, insertion linéaire dans les chaînes de valeur mondiales, rattrapage technologique par imitation.

Le miracle asiatique a été un moment historique non reproductible à l’identique. Il reposait sur une mondialisation fluide, une énergie abondante, une finance permissive et un monde sans contraintes climatiques sérieuses. Aucun de ces piliers n’existe plus.

La nouvelle frontière ou rupture est la révolution cognitive. La richesse ne se mesure plus seulement en tonnes produites mais en capacité de production de biens et services  complexes donc rares. 

A titre d’exemple, un iPhone 17 – qui est un concentré de technologies – vendu aujourd’hui en Europe environ 1 450 euros, soit l’équivalent de près de 27 barils de pétrole aux prix actuels, ne contient pourtant qu’environ 200 grammes de matériaux et du plastique dont la valeur brute dépasse à peine un euro. Ce paradoxe dit tout, ce qui est rémunéré aujourd’hui n’est plus la matière, mais l’idée ; non plus le gisement minier, mais le gisement cognitif. À tel point que les ventes annuelles d’iPhone pèsent désormais davantage que l’ensemble des exportations pétrolières de l’Arabie saoudite. 

Le centre de gravité de la richesse mondiale s’est déplacé irréversiblement de l’extraction vers la conception, du sous-sol vers le cerveau. Et pendant que le Nord maîtrisait cette révolution de la connaissance, une grande partie du Sud, encore prisonnière de ses matières premières, n’a pas vu venir ce renversement historique.

L’automatisation, l’IA générative, les infrastructures de données, les modèles d’apprentissage déplacent la valeur de la production vers la conception, de la matière vers l’intelligence. Il y a ceux qui creusent le sous-sol pour survivre, et ceux qui creusent le savoir pour dominer l’économie-monde. 

En un mot, l’économie des dernières décennies récompensait l’usine; celle de 2026 rémunère l’esprit. 

Ainsi, la duplication des modèles asiatiques de réussite est devenue une impasse conceptuelle. Parce que ces modèles reposaient sur un monde stable, hiérarchisé, carbone-intensif, faiblement numérisé et abondant en emplois intermédiaires. Le monde de 2026, lui, est décarboné, cognitif, instable, ultra-technologique — un monde où concevoir vaut infiniment plus que produire.

Face à cette nouvelle réalité, une évidence s’impose, l’émergence des pays du Sud ne peut plus être une réplique ; elle doit devenir une invention. L’ambition du Sud global n’est plus de rattraper, mais de se reconfigurer. Non pas copier le passé des autres, mais inventer son propre futur.

Nous entrons dans un âge où la croissance peut subsister sans transformation, où le progrès peut se diffuser sans enrichissement, où l’innovation peut coexister avec le déclassement.
La question centrale de notre époque n’est donc plus comment croître, mais comment se transformer.

La mutation du capitalisme

Cette révolution cognitive ne transforme pas seulement la nature de la croissance ; elle modifie la structure même du capitalisme. La valeur ne se concentre plus dans la production, mais dans la capture des rentes intellectuelles, des données, des standards technologiques.

Nous sommes entrés dans un capitalisme où l’innovation peut coexister avec une concentration extrême des gains, où la connaissance devient un actif privatisé, et où l’avantage compétitif tend à s’auto-reproduire. Dans un tel système, l’injustice n’est plus une anomalie, elle devient un risque structurel. 

L’éducation — longtemps traitée comme un secteur social parmi d’autres — est redevenue le cœur battant de la puissance économique.

Mais pas n’importe quelle éducation, une éducation qui forme à penser, pas seulement à exécuter ; à apprendre, pas seulement à reproduire ; à naviguer dans l’incertitude, pas à réciter des certitudes mortes. La révolution de l’intelligence artificielle (IA) ne remplace pas l’humain, elle sanctionne les systèmes éducatifs qui ont cessé de le cultiver.

L’Intelligence Artificielle, un enjeu civilisationnel

L’intelligence artificielle pose une question civilisationnelle. Qui contrôle les architectures cognitives ? Qui possède les modèles, les données, les capacités de calcul ?

Dans un monde où l’intelligence devient industrialisable, la dépendance n’est plus seulement énergétique ou financière, elle devient cognitive.

Une société qui renonce à former ses esprits ne se contente pas de perdre en compétitivité, elle abdique une part de sa souveraineté intellectuelle. L’éducation redevient ainsi non seulement un levier de croissance, mais une condition de liberté.

La rareté des financements pour le développement

Le monde qui s’ouvre n’est pas seulement plus conflictuel ; il est plus contraint. L’endettement généralisé des États, après une longue période de politiques monétaires accommodantes, referme la parenthèse de l’abondance financière. Les marges budgétaires se réduisent au moment même où les besoins explosent.

Les investissements massifs dans l’intelligence artificielle – uniquement aux USA, entre 5000 et 8000 milliards de dollars dans les quatre prochaines années –  les budgets annuels de défense 5% du PIB européen et plus de 1000 milliards de dollars aux USA, la souveraineté technologique et énergétique (les besoins en énergies de l’IA représentent aux USA 25% de la consommation actuelle – Data centers) absorbent une part croissante de l’épargne mondiale. Le capital devient sélectif. Les financements concessionnels se raréfient. Les priorités s’arbitrent désormais entre urgences — et non plus entre projets vertueux.

La transition climatiquedont les besoins annuels de financement sont estimés entre 6 000 et 7 500 milliards de dollars, incluant 2 400 à 3 300 milliards destinés aux pays en développement hors Chine —, longtemps érigée en grand chantier consensuel du XXIᵉ siècle, entre désormais dans une zone de tension critique. Elle se trouve en concurrence frontale avec d’autres priorités désormais perçues comme existentielles comme la sécurité géopolitique, la souveraineté technologique, la stabilité financière.

Le danger est que la justice climatique devienne la variable d’ajustement d’un monde à la fois surendetté, fragmenté et inquiet, où l’urgence immédiate l’emporte sur la responsabilité de long terme.

À cette équation déjà contrainte s’ajoute les besoins annuels globaux d’investissement de l’économie mondiale, toutes finalités confondues, atteignant environ 18 000 milliards de dollars, en sus des montants requis pour le climat, la sécurité et l’IA. Ce chiffre donne la mesure de l’étroitesse réelle des marges de manœuvre budgétaires des États et du poids croissant transféré vers le secteur privé — dont la soutenabilité globale, financière comme politique, demeure à ce stade largement inexplorée.

Cependant il y a un paradoxe moral vertigineux, les pays en développement (hors Chine)  historiquement les moins responsables du réchauffement de la planète et qui ont le moins profité du carbone se voient sommés d’en assumer une part croissante du coût. C’est la logique la plus cruelle de ce siècle. 

Quel avenir pour un monde plus « juste » ?

La question centrale n’est donc plus que faut-il faire ? — nous le savons. Elle est devenue qu’est-ce qui est encore politiquement, financièrement et moralement possible ?

Un monde plus juste ne naîtra pas de sermons moraux renouvelés. Il ne naîtra pas non plus d’un retour nostalgique à des universalismes abstraits. Il naîtra, s’il doit naître, d’un réalisme éthique – la capacité à reconstruire des valeurs non pas contre les intérêts de certains, mais en les reconfigurant.

Cela suppose trois ruptures majeures.

La première est intellectuelle : accepter que la justice mondiale ne sera pas uniforme, mais graduelle, négociée, imparfaite — et pourtant préférable au cynisme intégral.

La deuxième est institutionnelle : inventer des mécanismes de financement hybrides, mêlant capital privé, garanties publiques, innovation financière et discipline budgétaire, plutôt que d’attendre le retour d’un multilatéralisme généreux qui ne reviendra pas sous sa forme passée.

La troisième est éducative et civilisationnelle : réhabiliter l’idée que la puissance véritable d’une société réside dans la qualité de ses esprits, pas seulement dans la taille de son PIB ou de son arsenal militaire.

Parallèles historiques 

Le moment de désillusion susmentionnée n’est pas sans précédent dans l’histoire des civilisations. Rome, à la fin de sa puissance, découvrit que ses valeurs proclamées ne suffisaient plus à contenir ses contradictions internes ; l’Europe des Lumières, après avoir cru à la raison comme horizon auto-suffisant, dut affronter ses propres ombres au XIXᵉ siècle.

Chaque cycle de maturation historique connaît ce point de bascule où les récits s’épuisent avant que les principes ne soient réinventés. 

Enfin, le premier quart du XXIᵉ siècle ne nous lègue ni une morale clé en main ni un horizon rassurant ; il nous lègue une responsabilité. Celle de renoncer aux illusions confortables sans céder au cynisme, d’abandonner les universalismes incantatoires sans renoncer à l’exigence de justice. Le monde qui s’ouvre sera plus fragmenté, plus contraint, plus conflictuel — mais il peut aussi devenir plus honnête.

À condition d’accepter que les valeurs ne précèdent plus le réel, mais qu’elles s’y éprouvent ; que la justice ne soit plus proclamée, mais construite ; et que la lucidité, loin d’être un aveu d’impuissance, devienne la vertu cardinale d’un siècle qui n’a plus le luxe de l’innocence. Ce n’est qu’à ce prix — et à ce prix seulement — que l’humanité pourra transformer la fin des certitudes en commencement d’une éthique pragmatique.

Ould Amar Yahya

économiste, banquier et financier

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Casbah d’Alger : enquête après l’effondrement partiel d’une mosquée du XVe siècle

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Mosquée effondrée à la Casbah

La wilaya d’Alger a annoncé l’ouverture d’une enquête technique approfondie à la suite de l’effondrement partiel du minaret de l’édifice religieux historique datant du XVe siècle, survenu lundi en début de soirée au cœur du quartier de la Casbah.

L’incident a touché une mosquée située dans le tissu ancien de la médina, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Selon les autorités, l’investigation vise à identifier précisément les causes structurelles de cet effondrement, intervenu sur un bâtiment ancien soumis à une forte contrainte du temps et de l’environnement urbain.

Aucune victime n’a été enregistrée. Les services compétents ont procédé à la sécurisation immédiate du site, tandis que les premières hypothèses évoquent une fragilisation progressive de la structure.

Cet épisode relance le débat sur l’état de conservation des édifices historiques de la Casbah d’Alger et sur l’urgence d’interventions techniques durables pour préserver ce patrimoine pluriséculaire. Ce monument historique à ciel ouvert au cœur d’Alger est laissé à l’abandon depuis des décennies.

Tous les plans de réhabilitation se sont avérés de lamentables flopes, voire des gouffres financiers sans réelle efficacité. Doit-on s’attendre à quelque plan sérieux pour sauver ce qui reste ? Peu sûr quand on sait l’improvisation permanente qui règne en haut lieu.

La rédaction

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CAN 2025 : débuts prudents, favoris déjà sous pression

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CAN

La Coupe d’Afrique des nations 2025 a livré ses premiers enseignements dès la première journée. Entre victoire arrachée, nul frustrant et succès laborieux, les grandes nations ont dû s’employer pour éviter le faux départ, confirmant une entame de tournoi disputée.

Dans le groupe B, l’Afrique du Sud a parfaitement lancé sa compétition en s’imposant face à l’Angola (2-1). Les Bafana Bafana ont rapidement pris l’avantage grâce à Oswin Appollis, récompensant une entame sérieuse. Mais l’Angola, loin d’être résigné, est revenu dans la partie par Show, relançant totalement le match. En seconde période, les Sud-Africains ont su faire parler leur expérience. Lyle Foster a inscrit le but décisif, offrant trois points précieux à une équipe sud-africaine qui prend la tête du groupe tout en affichant certaines failles défensives.

Dans le groupe A, le Mali a vécu une entrée en matière frustrante face à la Zambie. Favoris sur le papier, les Aigles n’ont pas su tenir leur avantage et ont été rejoints en toute fin de rencontre (1-1). Ce nul laisse un goût amer aux deux sélections. Le Mali, irrégulier mais ambitieux, manque une occasion importante de se positionner avant le choc attendu face au Maroc. La Zambie, disciplinée et combative, repart avec un point mérité mais peut nourrir des regrets au vu de certaines opportunités.

Enfin, l’Égypte a frôlé la désillusion face au Zimbabwe avant de s’imposer sur le fil (2-1). Longtemps accrochés, les Pharaons ont dû attendre les derniers instants pour faire la différence. Omar Marmoush a d’abord permis à l’Égypte de rester dans le match, avant que Mohamed Salah, une nouvelle fois décisif, ne délivre les siens sur le gong. Une victoire précieuse, mais révélatrice d’une sélection égyptienne encore perfectible dans le jeu.

Ces trois rencontres inaugurales donnent le ton d’une CAN 2025 où les écarts semblent réduits. Les favoris sont là, mais aucun ne s’est imposé sans souffrir. La suite de la phase de groupes s’annonce déjà tendue et riche en enseignements.

Djamal Guettala 

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Arris : le lycée Mohamed Yekken El-Ghassiri accueille le double de sa capacité

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Arris
Arris.

À Arris, dans la wilaya de Batna, la situation du lycée Mohamed Yekken El-Ghassiri illustre de manière concrète la crise de la surfréquentation scolaire dans les zones de montagne. Conçu initialement pour une capacité d’environ 400 élèves, l’établissement accueille aujourd’hui, selon des estimations concordantes de parents d’élèves et d’enseignants, entre 900 et 1 000 lycéens.

Seul établissement secondaire de la commune, le lycée reçoit des élèves du centre d’Arris mais aussi de plusieurs localités environnantes, notamment Mezata, Dechra El Baïda et Inerkeb. Cette concentration a conduit à une explosion des effectifs par classe, qui atteindraient 45 à 50 élèves, parfois davantage, selon les mêmes sources.

Cette surcharge a des conséquences directes sur les conditions d’enseignement. Les salles de classe, prévues pour des effectifs nettement inférieurs, ne permettent plus un suivi pédagogique normal. « Le professeur ne peut plus travailler correctement avec près de cinquante élèves par classe », témoigne un parent, évoquant une dégradation continue de la qualité de l’enseignement.

À cela s’ajoute la question de l’accès. De nombreux lycéens parcourent de 2 à 4 kilomètres à pied chaque jour, faute de transport scolaire suffisant, notamment pour les zones rurales et montagneuses. Une contrainte qui pèse lourdement sur des élèves souvent issus de familles modestes et qui favorise fatigue, absentéisme et décrochage.

Face à cette situation, la revendication principale des habitants est connue : la réalisation d’un nouveau lycée à Arris. Un projet de lycée de type 800 à 1 000 places figure bien dans les programmes d’équipement de la wilaya de Batna. Les études techniques seraient achevées et les procédures administratives engagées, selon des annonces officielles antérieures, mais aucun calendrier précis de réalisation n’a encore été rendu public.

En attendant, le lycée Mohamed Yekken El-Ghassiri continue de fonctionner bien au-delà de ses capacités. Pour les parents et les enseignants, la question n’est plus seulement celle du confort, mais celle de l’égalité des chances et du droit à une éducation décente dans une région longtemps marginalisée.

À Arris, les chiffres parlent d’eux-mêmes : un établissement prévu pour 400 élèves contraint d’en accueillir plus du double, dans un contexte où les solutions tardent à se concrétiser.

Djamel Guettala

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Célébration du 10e anniversaire du décès d’Aït Ahmed : la prière incomprise

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Hocine Aït Ahmed
Hocine Aït Ahmed

« La docilité inconditionnelle remplace la rigueur morale, la fermeté idéologique et la compétence. » (1)

Introduction : le bijou fané

« Dans l’histoire, c’est l’action politique, au sens le plus large, qu’Arendt sélectionne comme l’activité la plus humaine parce que la plus libre. » (2)

Quelle est, reprise comme posture d’existence ordinaire, cette valeur qui, malgré les rigidités des temps et les pesanteurs harcelantes du contexte socio-historique, fait de l’Instant un lieu de théorie   par laquelle les autoritaires se défont sereinement ? Gramsci aurait-il produit dans ses carnets de prison de la théorie révolutionnaire ? Rien ne peut remettre en cause les dictateurs qu’un positionnement qui fait de la contre-histoire un ordre qui déconstruit les mythes ambiants pour donner lieu à une idéologie soustraite aux lexiques bourgeois et à un ordre fait de ce que Bourdieu appelle l’intellectuel collectif : nous avons besoin d’une démocratie à laquelle adhèrent tous les Algériens et qui, nonobstant tous les drames connus par le peuple algérien, profite à notre sujet collectif. Une démocratie collective, ni laxiste, ni rigoriste. Une démocratie rigoureuse. Avant d’être policier, musulman ou chrétien, nous sommes Algériens : que les cercles bourgeois dont le décor est loin d’égaler les salons où les Co-Freud ont élaboré leur doctrine, comprennent que l’instant existentiel fragmenté par la dialectique ne résiste pas à la pensée dite pourtant mineure. 

1° Les peurs narguées

A l’action politique à laquelle Ait Ahmed donne lieu, s’opposent les clubs et sectes politiques qui n’assument pas publiquement leurs prétendus engagements. « L’analyste des politiques publiques n’est donc pas un ingénieur de l’appareil bureaucratique, de ses procédures et instruments, qu’il est possiblement censé améliorer, mais un sociologue politique de l’action publique analysant les discours, attitudes et comportements des acteurs concernés, publics et privés, engagés dans des luttes de pouvoir et de cadrage des objectifs et contenus des politiques publiques. » (3)

D’abord, Hocine Ait Ahmed nous explique ce que les Algériens attendaient de l’indépendance. Face au procureur, il explique ce que l’Acte politique doit à la révolution populaire. C’est-à-dire qu’au nom du politique que les abstractionnismes les plus vils ont été évacués de l’agora.  Le stalinisme a orienté le débat vers encore pire qu’une tension, l’autoritarisme qui se cherchait des espaces où la dualité a pris une place de choix en chassant la dialectique. Hocine Ait Ahmed a compris le poids de la fascination ressentie par les masses face l’organisation bureaucratico-policière générée par une modernité où le képi et la vapeur annonçaient l’arrivée des journées où enthousiasme révolutionnaire et mode existentielle se rejoignent pour donner à l’humain la possibilité d’effacer la scène de la horde originaire. Et ceux qui voyaient la violence étoffer les rangs étaient, étranges militants, trop peu nombreux.

La guerre mondiale crache sur les figures des lumières et dément la rationalité. En Algérie, Hocine Ait Ahmed était le seul à nous avertir de la guerre civile. La violence met à nu la fausse sécularisation menée par une gauche vulgairement mondaine et perversement morale, donnant aux salons le droit de dicter aux institutions ce que ces dernières devraient soumettre à la délibération. Le prédicat a blasphémé sans que le code d’honneur soit outré. 

2° Le politique : plus de névrosés !

Ensuite, Ait Ahmed attaque la bourgeoisie à l’ombre de laquelle les vices des sectes politiques ont vu le jour et ont évolué. En pleine recomposition historique, l’Algérie n’a pas pu être pensée par des philosophes et des penseurs qui ont déserté les espaces qui leur ont été accordés. Nous remarquons que le vocabulaire politique a rompu avec l’ordre révolutionnaire qui a été dans ses rangs des parties politiques (organisations, partis et forums, etc.) sans filiation historique.

La notion d’Etat n’est pensée par aucun parti à la lumière de tous les travaux réalisés par les philosophes. Et les groupes de pression, les sectes de séides et les lobbies ont trouvé dans le vide politique institué par le pouvoir le moyen d’élaborer la maquette politique pour générer les faux conflits idéologiques (les tensions) sans penser la société algérienne : les officines de la police politique ont fabriqué des clivages où c’est l’ontique qui le prend à l’historique. D’où une organisation politique qui a donné lieu à une guerre qui devrait s’inscrire dans la mémoire universelle. Des hordes sont nées du rétropédalage des sectes politiques jusqu’à la résurgence de la scène primitive doublée d’un génie pervers auquel nos ainés ont refusé d’adhérer. « Avant d’être destructrice, la haine est donc séparatrice, elle fait apparaître l’autre et l’autre en soi dans une altérité à venir. » (4)  

3° Le génie contre le réflexe

En dernier lieu, c’est la figure de l’intellectuel qui nous intéresse. La bourgeoisie aussi. « Althusser signale un danger : si le parti perd son autonomie, il servira des intérêts tout autres que ceux des masses populaires. Il indique également une solution possible : la politique a pour enjeu l’État, mais elle ne se définit pas en fonction de celui-ci ; le parti participe au gouvernement, mais ne peut jamais être un parti de gouvernement. » (5)  L’Etat sécuritaire que fut la République algérienne avait fait des lettrés une classe politicophobe (pour ne pas dire apolitique). Les écrits littéraires restent muets sur les graves dérapages commis par le pouvoir. Bien que pris par des rêves magiques, les romanciers ont préféré la métaphore à la thèse, le récit au discours.

Or, il se trouve que le rôle de l’intellectuel est échu à des militants politiques qui n’ont jamais affiché des marqueurs bourgeois comparativement aux écrivains qui vivaient tranquillement dans leur pays. Ait Ahmed est acculé à transiger avec ses militants pour esquisser un récit national : la réflexion devient très difficile et très risquée. On a même vu des journalistes l’accuser, à tort, de zaïmisme. Lui, qui consultait tous ceux qu’il considérait comme personnes qui se positionnaient contre l’idéologie officielle et qui avaient une vision libre, était pris pour cible par les organes de presse (étatique et privée) avec une rage et un acharnement horribles. Ait Ahmed produit de la pensée et vit en autarcie par rapport à ses adversaires actionnés par les droites, toutes espèces confondues. Il a su contourner le sort réservé aux écrivains, classés dans la bourgeoisie « apolitique ».

Les hommes de lettres ont été isolés de l’Action politique, laquelle serait, pour la doxa officielle, la propriété de la bourgeoisie. Ait Ahmed reprend son bâton de pèlerin pour semer l’espoir et donner généreusement de la culture populaire aux masses pour les sauver du vide politique qui la mettait dans une perspective suicidaire. Le vide politique prépare les névrosés de la lutte à l’échafaud, eux qui ont la hantise de la disparition du moment politico-révolutionnaire. L’Existence mettra tous ceux qui croient pouvoir lui opposer des refus dans la case des endettés envers la collectivité, car elle ne fait qu’user les militants en les poussant à se défaire de toute œuvre politique et de tout idéal révolutionnaire. 

Conclusion : la vie virée 

Ait Ahmed a tenté de conjuguer son intimité à l’essence collective du peuple algérien : rêver avec ses congénères d’une agora où toutes et tous ont droit à la parole est loin d’être une posture bourgeoise. Ait Ahmed dresse un rempart contre l’hégémonie de l’Existence, le militantisme. Si militer signifie quelque chose, c’est le fait de défier Dieu dans son empire, à savoir le dressage de la langue et l’élargissement de la ligne. Cela n’est pas étranger à feu Ait Ahmed qui a tordu le cou à la contingence pour la rendre inopérante et sans impact sur la vie qu’il trainait, contre vents et marrées, pour donner sens à tout ce qui se réalisait en faveur de la dignité humaine. Il écrit, dans un article consacré à un hommage à Frantz Fanon : « Les héros ne sont pas morts pour qu’un cauchemar succède à un autre cauchemar ; ils croyaient que leur sacrifice serait plus fécond que leur présence. » (5)   

Abane Madi

  1. Hocine Ait-Ahmed, Cour de sûreté d’État 1964. Le texte est consultable au lien suivant : https://www.oocities.org/hocine_ait_ahmed/1964.htm 
  2.   Mewes, H. (2016). L’action politique selon Hannah Arendt. Cités, 67(3), 79-92. https://doi.org/10.3917/cite.067.0079
  3.  Le Galès, P. et Surel, Y. (2021). Sociologie politique de l’action publique Le moment du référentiel. Revue française de science politique, . 71(5), 809-826. https://doi.org/10.3917/rfsp.715.0809
  4. Stephanatos, G. (2013). De la haine nécessaire à la clôture totalitaire du sens. Topique, 122(1), 29-44. https://doi.org/10.3917/top.122.0029
  5. Nicola Badaloni, “Notes politiques sur les intellectuels et l’État”, Cahiers du GRM [Online], 23 | 2025, Online since 23 September 2025, connection on 21 December 2025. URL: http://journals.openedition.org/grm/4811; DOI: https://doi.org/10.4000/14rnh
  6. Article de Hocine Aït Ahmed paru dans Genève-Afrique, Vol. XXV, n° 2, 1987, p. 123-128

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Intempéries : plusieurs axes routiers entre Bouira et Tizi-Ouzou fermés à la circulation

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Neige : routes coupées en Kabylie
Neige : routes coupées en Kabylie

Les chutes de neige enregistrées ces derniers jours sur les reliefs de la Kabylie ont fortement perturbé le réseau routier reliant les wilayas de Bouira et de Tizi-Ouzou.

Plusieurs axes stratégiques de montagne demeurent fermés à la circulation, selon les services de la Gendarmerie nationale, qui appellent les usagers à la prudence et au respect strict des consignes de sécurité.

Des cols de haute altitude impraticables

L’épisode neigeux touche principalement les zones situées au-delà de 1 000 mètres d’altitude, où l’accumulation de neige et les risques de verglas rendent la circulation dangereuse, voire impossible. Les cols assurant la liaison entre le versant sud de la Kabylie (Bouira) et le versant nord (Tizi-Ouzou) figurent parmi les plus affectés. Ces axes constituent pourtant des corridors essentiels pour les déplacements inter-wilayas, notamment en période hivernale.

Axes concernés par les fermetures

Les coupures recensées concernent plusieurs routes nationales traversant des communes montagneuses :

RN 30, au niveau du col de Tizi N’Kouilal, reliant les communes de Saharidj (Bouira) et Iboudraren (Tizi-Ouzou) ;

RN 33, dans la zone d’Asoul, sur le territoire de la commune d’Aït Boumahdi (Tizi-Ouzou) ; RN 15, au col de Tirourda, dans la commune d’Iferhounène (Tizi-Ouzou).

Ces axes resteront fermés jusqu’à amélioration des conditions météorologiques et à l’achèvement des opérations de déneigement.

Une situation évolutive sous surveillance

Si le reste du réseau routier demeure globalement fonctionnel, la réouverture de ces passages reste conditionnée à l’évolution du temps. Les services concernés poursuivent les opérations de déblaiement, mobilisant des engins spécialisés afin de sécuriser la chaussée et prévenir tout accident lié au verglas ou aux chutes de neige résiduelles.

Les autorités recommandent aux automobilistes d’éviter strictement ces itinéraires, de privilégier les axes de plaine lorsque cela est possible et de s’informer régulièrement via les canaux officiels, notamment la plateforme « Tariki » de la Gendarmerie nationale. Une vigilance accrue est également préconisée, en particulier durant les heures nocturnes, en raison de la baisse de visibilité et du risque de gel.

La rédaction

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​Trump met fin aux fonctions de l’ambassadrice américaine à Alger

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Elizabeth Moore Aubin
L'ambassadrice des USA à Alger, Elizabeth Moore Aubin, rappelée par Donald Trump

​Par une directive sans précédent par son ampleur et sa rapidité, l’Administration Trump a notifié à près de trente diplomates de haut rang la fin immédiate de leur mission pour janvier 2026. Parmi eux, Elizabeth Moore Aubin, en poste à Alger, illustre la volonté de Washington de rompre avec l’héritage diplomatique de l’ère Biden.

Selon des informations confirmées par l’agence Associated Press, l’administration du président Donald Trump a ordonné le rappel de 29 chefs de mission diplomatique à travers le monde. Si le remplacement des ambassadeurs « politiques » est une tradition lors de chaque alternance à la Maison-Blanche, cette mesure frappe ici des diplomates de carrière, professionnels chevronnés de la politique étrangère, marquant une rupture nette avec les usages diplomatiques établis.

​Une diplomatie sous le signe de la rupture

​Cette décision s’inscrit dans la mise en œuvre accélérée de la doctrine « America First ». En ciblant des diplomates de carrière nommés sous la précédente administration, l’exécutif américain signale sa volonté de s’assurer une loyauté absolue et une exécution sans faille de sa nouvelle feuille de route internationale.

​Le continent africain est le plus durement touché par cette vague de rappels, avec 13 chancelleries concernées. Ce mouvement suggère une réévaluation profonde des relations des États-Unis avec les nations émergentes, où Washington entend désormais privilégier des accords bilatéraux transactionnels plutôt que des cadres de coopération multilatérale.

​Le cas d’Alger : un signal fort pour l’Afrique du Nord

​Le rappel d’Elizabeth Moore Aubin, ambassadrice des États-Unis en Algérie depuis février 2022, constitue l’un des points d’orgue de cette annonce. Diplomate de carrière respectée, Mme Aubin a œuvré au renforcement de la coopération sécuritaire et énergétique entre Alger et Washington.

​Son départ forcé en janvier prochain pose plusieurs questions sur la direction que compte prendre l’administration Trump dans la région :

​En matière de gestion des équilibres régionaux, l’Algérie occupe une place centrale dans la stabilité du Sahel et du marché gazier méditerranéen.

​Aussi Washington pourrait, par pragmatisme économique, chercher à nommer un profil plus orienté vers les investissements directs et la compétition avec les intérêts russes et chinois dans la zone.

​Vers une vacance de pouvoir diplomatique ?

​L’inquiétude des analystes porte désormais sur les délais de remplacement. Le processus de nomination et de confirmation par le Sénat peut s’avérer long, laissant potentiellement des ambassades stratégiques sous la direction de simples chargés d’affaires pendant plusieurs mois.

​En agissant ainsi, Donald Trump affirme sa prérogative présidentielle : l’ambassadeur n’est pas seulement le représentant de l’État, mais le représentant personnel du Président. Dans cette nouvelle ère, la neutralité technique du corps diplomatique semble s’effacer devant l’impératif d’alignement politique.

​Outre l’Algérie, des pays comme le Nigeria, l’Égypte, le Sénégal et la Côte d’Ivoire voient également leurs chefs de mission rappelés, confirmant un pivot majeur de la présence américaine sur l’axe Afrique-Moyen-Orient.

Départ d’Elizabeth Moore Aubin : vers une inflexion de la politique américaine à l’égard d’Alger ?

L’impact du rappel d’Elizabeth Moore Aubin sur l’axe Alger-Washington s’analyse sous deux angles majeurs : la fin d’un cycle de stabilité diplomatique et l’incertitude quant aux futurs arbitrages stratégiques.

​D’une part, le départ forcé d’Elizabeth Moore Aubin brise une dynamique de proximité inédite. Depuis 2022, la diplomate avait réussi à approfondir les liens sécuritaires (lutte antiterroriste au Sahel) et économiques, marqués notamment par le retour en force des géants pétroliers comme Chevron et ExxonMobil. Son départ crée un vide opérationnel immédiat : alors qu’elle incarnait une diplomatie de dialogue et de « respect mutuel », son remplacement par un profil potentiellement plus transactionnel ou politique pourrait refroidir cette atmosphère de confiance, laissant les dossiers en cours — comme l’ouverture d’une ligne aérienne directe Alger-New York — en suspens.

​D’autre part, cette décision signale un durcissement probable de la posture américaine sur les dossiers sensibles de la région. Avec l’administration Trump, Washington pourrait exercer une pression accrue sur Alger concernant ses partenariats militaires avec Moscou ou ses positions sur le Sahara Occidental. Le rappel de l’ambassadrice n’est donc pas une simple formalité administrative, mais le prélude à une diplomatie plus « musclée », où le soutien à la vision américaine deviendra le préalable indispensable à toute coopération, risquant de heurter la doctrine d’indépendance nationale chère à l’Algérie.

Samia Naït Iqbal

Les 29 pays concernés par région

​Afrique (13) : Algérie, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gabon, Madagascar, Niger, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Somalie, Ouganda.

​Asie & Pacifique (6) : Fidji, Laos, Îles Marshall, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Vietnam.

​Europe (4) : Arménie, Macédoine du Nord, Monténégro, Slovaquie.

​Moyen-Orient (1) : Égypte.

​Autres (5) : Népal, Sri Lanka, Guatemala, Suriname, Maurice.

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Barres d’armature en acier : les États-Unis accusent l’Algérie de dumping à grande échelle

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Rond à béton

Les exportations algériennes de barres d’armature en acier pour béton vers les États-Unis se retrouvent dans le viseur de Washington.

Le département du Commerce américain a annoncé, le 17 décembre 2025, des conclusions préliminaires positives dans le cadre de son enquête antidumping visant ce produit stratégique de la sidérurgie algérienne, selon une publication officielle de l’Administration du commerce international (ITA).

Les autorités américaines estiment que les barres d’armature en provenance d’Algérie ont été commercialisées sur le marché américain à des prix inférieurs à leur valeur normale, constituant ainsi une pratique de dumping au regard du droit commercial américain.

Une sanction préliminaire d’une ampleur exceptionnelle

Dans ses conclusions, le département du Commerce retient une marge de dumping moyenne pondérée de 127,32 % à l’encontre de Tosyali Iron Steel Industry Algeria SPA, principal producteur-exportateur concerné. Ce taux, identique pour la catégorie « tous les autres exportateurs algériens », repose sur la méthode dite des « faits disponibles avec conclusions défavorables », généralement appliquée lorsque les autorités jugent la coopération de l’entreprise insuffisante ou les données transmises incomplètes.

Une telle marge, particulièrement élevée, équivaut de facto à une barrière quasi prohibitive à l’entrée du marché américain.

Un marché désormais fortement compromis

Les données officielles américaines montrent que les États-Unis ont constitué, ces dernières années, un débouché significatif pour les barres d’armature algériennes. En 2022 et 2023, les volumes exportés ont dépassé les 360 puis 440 millions de kilogrammes, pour une valeur avoisinant les 270 millions de dollars par an. En 2024, ces exportations ont déjà connu une chute marquée, signe possible de tensions commerciales croissantes.

Si les conclusions préliminaires sont confirmées en mars 2026, l’entreprise exportatrice algérienne s’exposerait à l’imposition de droits antidumping équivalents à plus du double de la valeur du produit, rendant toute exportation vers les États-Unis économiquement non viable.

Des implications lourdes pour Tosyali Algérie

Sur le plan commercial, cette procédure comporte plusieurs conséquences directes pour Tosyali Iron Steel Industry Algeria SPA :

Perte probable du marché américain, l’un des rares débouchés à forte valeur ajoutée hors Méditerranée ; désorganisation de la stratégie d’exportation, avec la nécessité de redéployer les volumes vers des marchés plus concurrentiels ou moins rémunérateurs ; risque de précédent, d’autres pays pouvant s’appuyer sur la décision américaine pour engager des procédures similaires et pression sur les marges et les capacités de production, dans un contexte international marqué par la surcapacité sidérurgique et la montée du protectionnisme.

À cela s’ajoute un impact réputationnel non négligeable, les accusations de dumping pouvant fragiliser la crédibilité commerciale du groupe sur certains marchés.

Une procédure encore en cours

L’enquête est loin d’être achevée. La décision finale du département du Commerce est attendue aux alentours du 3 mars 2026. En parallèle, la Commission du commerce international des États-Unis (ITC) devra déterminer si les importations algériennes ont causé ou menacent de causer un préjudice matériel à l’industrie sidérurgique américaine, condition indispensable à l’application définitive des droits.

La plainte à l’origine de la procédure a été déposée par la Rebar Trade Action Coalition, un lobby regroupant plusieurs géants américains de l’acier, dont Nucor, Gerdau Ameristeel et Steel Dynamics.

Un signal de plus du durcissement commercial américain

Cette affaire illustre une nouvelle fois le durcissement de la politique commerciale américaine, où les instruments antidumping sont de plus en plus utilisés pour protéger l’industrie nationale face à la concurrence étrangère. Pour l’Algérie, elle pose la question plus large de la vulnérabilité de ses exportations industrielles face aux mécanismes du commerce international et de la nécessité d’une stratégie d’anticipation juridique et commerciale plus offensive.

La rédaction

Comment fonctionne le mécanisme antidumping ?

Le mécanisme antidumping est un instrument juridique du commerce international permettant à un État d’imposer des droits supplémentaires sur des produits importés lorsqu’il est établi que ceux-ci sont vendus à un prix inférieur à leur « valeur normale », généralement le prix pratiqué sur le marché intérieur du pays exportateur ou un coût de production de référence. L’objectif affiché est de neutraliser un avantage de prix jugé artificiel et de protéger l’industrie nationale contre une concurrence considérée comme déloyale, conformément aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Aux États-Unis, la procédure repose sur un double examen : le département du Commerce évalue l’existence et l’ampleur du dumping, tandis que la Commission du commerce international (ITC) détermine si les importations concernées causent ou menacent de causer un préjudice matériel à l’industrie américaine. Ce n’est qu’en cas de conclusions positives des deux instances que des droits antidumping définitifs sont imposés, souvent pour plusieurs années, avec des effets dissuasifs majeurs sur les exportations visées.

Source : Administration du commerce international (ITA), département du Commerce des États-Unis – trade.gov.

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Béjaïa : une tentative d’émigration clandestine impliquant une famille mise en échec

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Une famille arrêtée pour tentative d'immigration clandestine.
Une famille arrêtée à Bejaia pour tentative d'immigration clandestine. Crédit photo : APS

Les services de la sûreté de wilaya de Béjaïa ont déjoué une tentative d’émigration clandestine sur le littoral est de la wilaya, impliquant un couple et ses deux enfants mineurs. L’intervention s’inscrit dans le cadre du dispositif de surveillance mis en place pour lutter contre les traversées illégales vers l’autre rive de la Méditerranée.

Selon un communiqué de la police, le groupe a été intercepté au moment des préparatifs de l’embarquement. La présence de mineurs au sein des candidats à la traversée confirme une évolution du phénomène migratoire clandestin, désormais marqué par l’implication de cellules familiales, et non plus seulement de jeunes hommes agissant seuls.

L’opération a permis la saisie d’une embarcation équipée d’un moteur de forte puissance, de huit barils de carburant, ainsi que d’un camion utilitaire de marque Kia utilisé pour le transport du matériel et des personnes vers le point de départ. Des gilets de sauvetage et des effets personnels ont également été récupérés.

Ces éléments traduisent un niveau de préparation avancé et mettent en évidence l’adaptation des réseaux de facilitation, qui recourent à des moyens logistiques plus discrets pour contourner la surveillance renforcée des plages.

Un indicateur social préoccupant

Pour les observateurs, l’implication de familles entières dans les tentatives de migration irrégulière constitue un indicateur social préoccupant. Elle renvoie à des situations de précarité durable et à un sentiment d’absence de perspectives, qui conduisent des parents à envisager des traversées à haut risque, y compris avec des enfants mineurs.

Bien entendu, l’affaire a donné lieu à des suites judiciaires.

Conformément aux procédures en vigueur, l’ensemble du matériel saisi a été placé sous scellés et une enquête judiciaire a été ouverte afin d’identifier les organisateurs et éventuels complices de cette tentative. Les personnes interpellées ont été soumises aux procédures administratives et judiciaires prévues par la loi.

Cette affaire illustre une nouvelle fois les limites d’une approche exclusivement sécuritaire face à un phénomène aux causes essentiellement économiques et sociales.

Samia Naït Iqbal

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