La Tunisie pleure l’un de ses artistes les plus aimés. Ce dimanche 23 novembre 2025, Noureddine Ben Ayed, acteur prolifique et icône de la télévision et du théâtre tunisiens, s’est éteint à l’âge de 73 ans. Sa disparition marque la fin d’une ère pour le paysage artistique national, où son talent, son humour et sa sensibilité avaient su toucher plusieurs générations.
Né en 1952, Noureddine Ben Ayed se destinait très tôt à la scène. Très vite, il s’impose par sa présence charismatique et son jeu naturel, capable de passer avec aisance du comique au drame. Sa carrière s’étend sur plus de quatre décennies, avec des rôles inoubliables dans des séries cultes comme Ghada, L’Assifa wa El Hasad, Khattini, Hassouna yehèb yestahsan, Sahn Tounsi, ou encore Familia Si Taïeb. Parallèlement, il marque la scène théâtrale avec des pièces telles que Kateb Oumoumi et Darjah Darjah Ya Dorjiha, démontrant une maîtrise de l’art dramatique et une sensibilité à la fois populaire et profonde.
Artiste complet, il brilla aussi dans les sketches et comédies, où son humour spontané et ses personnages ancrés dans la réalité sociale faisaient l’unanimité. Il a su traverser les époques sans jamais perdre ce lien rare avec le public, devenant un véritable symbole de la comédie tunisienne et une référence incontournable pour les nouvelles générations d’acteurs.
Le ministère des Affaires culturelles tunisien et de nombreux professionnels du théâtre et de la télévision ont salué sa mémoire et son apport exceptionnel à la culture nationale. Lassâad Othman, réalisateur et ami de longue date, a rendu hommage à « un artiste proche des gens, capable de faire rire tout en faisant réfléchir ».
Noureddine Ben Ayed laisse derrière lui un héritage artistique inestimable, fait de rires, d’émotions et de personnages mémorables. La Tunisie perd un de ses géants, mais son œuvre continuera de résonner dans les cœurs et sur les écrans.
Libéré après un an de détention arbitraire en Algérie, Boualem Sansal, écrivain et citoyen algérien naturalisé français en 2024, livre, dans un entretien exclusif diffusé, dans la matinée de ce lundi, sur la Radio publique française France Inter, son témoignage sur la prison, sa libération, et dénonce les enjeux politiques et idéologiques qui menacent la liberté d’expression dans son pays natal.
Connu pour ses critiques acerbes du pouvoir algérien et sa lucidité sur les enjeux régionaux, l’auteur de Le serment des barbares revient sur cette période, sa libération et la situation politique de son pays natal.
Il raconte son arrestation, liée à ses propos sur les frontières et l’histoire algérienne, et la justification officielle de sa détention : « Sur le plan formel, il faut un grief bien identifié. C’était l’atteinte à la frontière… » Malgré les pressions, il insiste sur la précision de ses critiques : « Moi, dans mes écrits, c’est toujours très précis. Je dénonce tel responsable pour telle politique. »
Une année en détention
Dans son récit, Sansal décrit la rigueur de la prison : fouilles fréquentes, isolement, restrictions de communication et hospitalisations imprévues. À la prison de Koléa, il a su transformer la contrainte en activité : cours pour les détenus préparant le Bac et le Brevet et séances sportives. Ces initiatives lui ont permis de maintenir une certaine normalité et de tirer des moments de solitude une réflexion personnelle : « On est seul, mais cela m’a permis de rester actif et de continuer à enseigner. J’ai remercié cette prison pour ça », a-t-il commenté avec une pointe d’ironie.
Il observe la stratégie du pouvoir algérien, qui instrumentalise la question du Sahara occidental et de la Palestine pour asseoir son autorité : « Le gouvernement algérien a deux hauts faits politiques et idéologiques : le Sahara occidental et la Palestine. »
Prisonniers d’opinion et le cas de Christophe Gleizes
Sansal se prononce sur la situation des prisonniers d’opinion, dont le journaliste Christophe Gleizes, dont le procès était prévu début décembre : “Il y a des dizaines de prisonniers politiques, franco-algériens, français, allemands, italiens… J’espère qu’il sera libéré, mais tout reste incertain.”
Un pessimisme qui tient, selon lui, à un signal politique inquiétant : le refus de dernière minute du chef de l’État algérien de se rendre au Sommet du G20 de Johannesburg, où un entretien avec Emmanuel Macron était pourtant prévu — un geste qu’il qualifie d’“insulte, une humiliation”, et qui, à ses yeux, pourrait compromettre la libération de Christophe Gleizes.
Une libération orchestrée
La sortie de Sansal a nécessité un transit par l’Allemagne, contournant le refus direct des autorités algériennes d’intervenir via la France : « Tout ce qui venait de France aurait été rejeté. Il fallait un biais, et l’Allemagne a été ce biais. »
Il évoque aussi les visites nocturnes à l’hôpital, où des personnalités venues le voir confirmaient indirectement l’imminence de sa libération : « Ils venaient me dire ‘faites attention à ce que vous dites’, mais c’était aussi un signe que ma libération était imminente. »
Vie personnelle et santé
Le retour auprès de sa femme après un an de séparation a été un moment fort : « Quand ma femme m’a rejoint à Berlin, à l’hôpital… c’était formidable. Je ne l’avais pas vue depuis une année. »
Il précise être totalement guéri d’un cancer après une radiothérapie de 38 séances : « Le cancer, ça y est, c’est fini. »
Regard critique sur la France et l’islamisme
Sansal observe la menace de l’islamisme en France, qui dépasse selon lui le cadre politique pour s’ancrer dans les foyers : « Tant que ça reste un phénomène politique, ce n’est pas grave. Mais quand ça pousse dans les familles et les quartiers, c’est terrible. »
Il réfute les accusations de proximité avec l’extrême droite, affirmant son indépendance et sa liberté de pensée. Il revient notamment sur une analyse économique qui lui tient de longue date : l’endettement peut être un moteur de performance. Il raconte qu’à l’époque où il était directeur central au ministère de l’Industrie, il avait cité l’exemple israélien comme modèle de réussite malgré un fort niveau de dette — une référence que le ministre islamiste Hachemi Djaâboub avait refusé d’assumer, allant jusqu’à chercher à le limoger. « Israël est très endetté… mais c’est ça qui le maintient. Il est intégré dans le monde », rappelle Sansal, qui, à la suite de cet épisode, avait été poussé à quitter son poste de directeur central au ministère de l’Industrie. »
Projets et engagement
Malgré son année de détention, Sansal reste déterminé à reprendre l’écriture et à défendre la liberté d’expression et les valeurs démocratiques : « J’aime bien me battre. J’ai toujours été comme ça. »
Il annonce un nouveau livre, qu’il souhaite inscrire dans une perspective universelle : « La légende, c’est retrouver mes amis, je vais aller retrouver beaucoup de gens… Nous vivons tous sur des légendes», lance-t-il, mêlant mémoire, expérience et réflexion sur les sociétés algérienne et française.
Boualem Sansal incarne ainsi un témoignage rare : celui d’un écrivain confronté aux arbitraires politiques, à la diplomatie internationale et à l’enjeu de la liberté d’expression, tout en affirmant sa détermination à poursuivre son combat intellectuel et humaniste.
Un incident d’intoxication au monoxyde de carbone a été enregistré, dans la nuit de dimanche à lundi, dans la wilaya de Sétif, faisant huit victimes d’une même famille, indique un communiqué de la Protection civile.
Les personnes touchées, âgées de 11 à 63 ans, ont souffert de difficultés respiratoires après avoir inhalé le gaz toxique. Selon les premiers éléments, l’intoxication serait due à des émanations de monoxyde de carbone provenant d’un appareil de chauffage utilisé à l’intérieur du domicile.
Alertées à 00h55, les équipes de la Protection civile sont rapidement intervenues au quartier Mekkaoui, dans la commune d’El Eulma. Les secouristes ont procédé à la prise en charge immédiate des victimes, leur prodiguant les premiers soins avant de les transporter vers l’hôpital local pour une prise en charge médicale complète.
La Protection civile rappelle l’importance d’aérer régulièrement les habitations et de contrôler les appareils de chauffage afin de prévenir ce type d’accidents, particulièrement fréquent en période hivernale.
Les accidents de la route font des dizaines de morts chaque semaine en Algérie. Crédit photo : DR
Dix personnes ont trouvé la mort et 412 autres ont été blessées dans des accidents de la route survenus ces dernières 48 heures dans plusieurs wilayas, indique, ce samedi, un bilan de la Protection civile.
Les secours de la Protection civile ont enregistré 340 interventions, suite à plusieurs accidents de la circulation à travers plusieurs wilayas, causant 10 décès et 412 blessés.
Le bilan le plus lourd a été enregistré dans la wilaya de Biskra avec 3 morts et 4 blessés, suite à une collision entre deux véhicules sur la route nationale 46, dans la commune de Foughala.
Boualem Sansal, une des nombreuses victimes de l'arbitraire en Algérie est désormais libre. Crédit photo : DR
L’écrivain franco-algérien, qui a été gracié par Abdelmadjid Tebboune, suite à une intervention du président allemand. Boualem Sansal a été au cœur d’une crise diplomatique entre les deux pays. Il a accordé dimanche soir à France 2 sa première interview télévisée depuis sa libération.
Sa première prise de parole était très attendue. L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, qui a été gracié le 12 novembre(Nouvelle fenêtre) par le président algérien après un an de prison, s’est exprimé pour la première fois depuis sa libération, dimanche 23 novembre, dans le journal de 20 heures de France 2. « Je vais bien », a confié l’écrivain, qui est rentré en France mardi après avoir d’abord été transféré à Berlin pour des soins médicaux. « Après dix mois, on retrouve la vie », a aussi dit l’écrivain, qui assure toutefois avoir « du mal à parler » après cette année passée en détention.
Boualem Sansal, apparu les cheveux courts, est revenu sur son arrestation, une « sidération », et ses conditions de détention. « En sortant de l’aéroport, ils m’ont passé une cagoule sur la tête, pendant six jours je n’ai pas su où j’étais ni à qui j’avais affaire », a détaillé l’écrivain, qui avait été arrêté le 16 novembre 2024 en Algérie, avant d’être condamné en première instance, puis en appel, à cinq ans de prison ferme(Nouvelle fenêtre), notamment pour « atteinte à l’unité nationale » par la justice algérienne. S’il a été arrêté, c’est selon lui parce qu’« entre la France et l’Algérie, une guerre a été déclenchée ». après les déclarations d’Emmanuel Macron(Nouvelle fenêtre) à propos de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
« La vie est dure dans une prison, le temps est long, on se fatigue, on s’épuise très vite, on se sent mourir. Au bout d’un mois, de trois mois, on ne se reconnaît plus », a aussi expliqué Boualem Sansal, qui était « coupé du monde ». Lors de cette détention, il raconte avoir lu mais n’a pas écrit. « Je ne pouvais pas psychologiquement », a confié le Franco-Algérien, qui a pensé « aux livres [qu’il écrirait] plus tard ».
« J’ai peur pour ma famille si je retourne en Algérie
L’écrivain a aussi raconté sa libération : le transfert dans une autre prison, « horrible », puis le passage dans un hôpital. Il raconte avoir alors échangé avec un homme « très important », peut-être le « patron des services secrets », à qui il dit avoir déclaré : « Je n’ai jamais critiqué l’Algérie, je critique un régime, des gens, une dictature. »
« Je contrôle chacun de mes mots », a aussi admis Boualem Sansal, conscient du lourd contexte diplomatique entre Alger et Paris. « J’ai peur pour ma famille si je retourne en Algérie avec mon épouse, et j’ai peur que cette fois on arrête aussi mon épouse pour me contraindre davantage. Je pense à mes compagnons de cellule qui, je pense, vont être arrêtés et questionnés. » L’écrivain a aussi adressé une pensée à Christophe Gleizes, le journaliste sportif français condamné en première instance à sept ans de prison ferme en Algérie pour « apologie du terrorisme » et dont le procès en appel aura lieu le 3 décembre(Nouvelle fenêtre).
Boualem Sansal, qui a été reçu par Emmanuel Macron(Nouvelle fenêtre) dès son retour, a évoqué le contexte diplomatique, estimant que les propos de l’ex-ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau à l’encontre du régime algérien avaient pu constituer un obstacle à sa libération. « Je veux que la France et l’Algérie soient de grands amis », a plaidé Boualem Sansal, qui appelle à une « réconciliation » entre les deux pays et souhaite retourner dans son pays natal « le plus vite possible si on le [lui] permet ». « Je ne peux pas vivre sans écrire, c’est ma façon de vivre », a conclu l’écrivain.
Ali Tabatabaï tué par une frappe israélienne au Liban. Photo : DR
L’armée israélienne a mené ce dimanche 23 novembre une frappe sur la banlieue sud de Beyrouth. L’attaque visait, selon le cabinet du Premier ministre Benyamin Netanyahu le « chef d’état-major du Hezbollah », Ali Tabatabaï, accusé par Israël d’avoir « dirigé le renforcement et l’armement » du parti chiite.
Dans un « bilan définitif », le ministère libanais de la Santé a fait état de cinq morts et de 28 blessés dans l’attaque israélienne. L’armée israélienne avait affirmé avoir éliminé Ali Tabatabaï. Le Hezbollah a confirmé dimanche soir la mort de son chef militaire.
Inconnu du public au Liban, Haïtham Tabatabaï, qualifié par Israël de « chef d’état-major » de la formation pro-iranienne, est le plus haut commandant militaire du Hezbollah à être tué depuis le cessez-le-feu, conclu il y a près d’un an, rapporte le correspondant de Rfi à Beyrouth, Paul Khalifeh. Âgé de 58 ans, ce Libanais de père iranien a pris les rênes de l’appareil militaire du parti chiite après l’élimination par Israël de la plupart de ses hauts commandants lors de la guerre de l’année dernière.
Signe de l’importance du personnage, le secrétaire général du Conseil de sécurité iranien, Ali Larijani, a présenté ses condoléances aux dirigeants du Hezbollah. La première réaction du parti est venu du vice-président de son Conseil politique, Mahmoud Comati, qui a accusé Israël d’avoir « franchi la ligne rouge ». Cet ancien ministre a laissé entendre que le Hezbollah pourrait riposter à l’assassinat de son chef militaire. Cependant, le communiqué confirmant la mort de Haïtham Tabatabaï publié en soirée du 23 novembre se contente de brosser le portrait du chef militaire et ne contient aucune menace de vengeance.
Le Hezbollah accuse Israël d’avoir « franchi une ligne rouge »
Si l’État hébreu est accusé d’avoir franchi « une ligne rouge », l’armée israélienne avait affirmé plus tôt ce dimanche avoir tué Ali Tabatabaï lors de la frappe le visant, menée contre un immeuble résidentiel de la banlieue sud de Beyrouth. L’armée « a frappé dans la région de Beyrouth et éliminé le terroriste Haitham Ali Tabatabaï, chef d’état-major du Hezbollah », a-t-elle déclaré dans un communiqué, qualifiant l’homme « d’agent clé et vétéran » du mouvement pro-iranien.
Pour la première fois depuis le 5 juin dernier, des appareils israéliens ont tiré trois missiles guidés sur un appartement situé dans un immeuble du quartier de Haret Hreik, au cœur de la banlieue sud de Beyrouth.
Dans un premier temps, le Hezbollah n’avait pas confirmé sa mort. Le vice-président du Conseil politique du parti chiite, a déclaré à la presse que le Hezbollah voulait d’abord s’assurer « de la personne visée » avant une éventuelle riposte et a évoqué une « coordination avec les autorités libanaises ». Mahmoud Comati a accusé Israël d’avoir « franchi une ligne rouge », ajoutant que « toutes les options sont sur la table ».
Saddam Haftar, fils de l'autoproclamé maréchal Haftar en visite en Turquie. Crédit. photo : @Saddam Haftar.
Le rapprochement se consolide entre la Turquie et le camp de l’Est libyen dirigé par le maréchal Khalifa Haftar. Un rapprochement déjà bien entamé depuis le début de cette année 2025, mais cela s’accélère. Les visites entre les deux parties sont incessantes.
Il y a deux jours, Saddam Haftar, vice-commandant général de l’Armée nationale libyenne (ANL) et qui effectue désormais tous les déplacements à l’étranger à la place de son père, était reçu à Ankara, par le ministre des Affaires étrangères et par celui de la Défense.
Au-delà du caractère politique et économique de cette visite – la troisième de Saddam Haftar en Turquie en 2025 – elle acquiert une valeur géostratégique pour la Turquie.
Ankara cherche à rééquilibrer les rapports avec les parties libyennes pour mieux défendre ses intérêts, dans ce pays, et pour en demeurer l’acteur majeur et le plus influent dans ce dossier.
Consciente de la nécessité de traiter avec la partie la plus forte en Libye – représentée par l’ANL – Ankara double la mise sans laisser tomber l’ouest libyen avec qui la relation est constante et plus ancienne.
Ce rapprochement qui ne fait que se confirmer avec l’Est libyen inaugure une nouvelle période de coopération, afin de redessiner la carte d’influence de la Turquie non seulement en Libye, mais aussi en Méditerranée et en Afrique centrale. Historiquement, la Libye constitue la porte d’entrée pour cette région d’Afrique.
Selon un communiqué de l’ANL, les deux parties ont discuté de la stabilité et de « la coopération militaire entre les deux pays face aux défis sécuritaires » dans la région. Ce nouveau partenariat pourrait également être bénéfique pour les deux protagonistes. Ankara voudrait passer par le port de Benghazi pour exporter sa marchandise vers les pays d’Afrique centrale.
Durant les derniers mois, les accords économiques entre les deux parties se sont multipliés, et Ankara a toujours l’œil rivé sur le gaz en Méditerranée, concentré en face de l’Est libyen. Elle compte devenir le plus grand investisseur de ce secteur et le camp de l’est ne semble plus opposé, comme dans le passé, à accepter ce rôle turc, à partir du moment où l’intérêt est partagé.
Manifestations à Tunis contre Kaïs Saied. Capture d'écran.
Le samedi 22 novembre 2025, la capitale tunisienne a été le théâtre d’une importante mobilisation citoyenne sous le slogan « Contre l’injustice ». Organisée par le Comité de soutien à l’avocat et ex-juge Ahmed Souab, la manifestation a rassemblé des milliers de participants – citoyens, militants, partis politiques et associations – pour dénoncer ce qu’ils qualifient de dérive autoritaire et de restrictions croissantes des libertés publiques.
Le cortège a débuté à la place des Droits de l’Homme pour rejoindre l’avenue Mohamed V, cœur administratif de la ville. Les organisateurs avaient demandé aux participants de porter du noir, d’éviter tout symbole partisan et de respecter un moment de silence avant les slogans, afin de préserver le caractère citoyen de l’événement. Les manifestants ont scandé des messages forts, tels que : « Un président qui ne maîtrise que la menace et l’injustice » et « Libertés… Libertés… l’État policier est terminé », exprimant leur colère face aux arrestations, aux poursuites jugées arbitraires et à l’usage répressif des institutions de l’État.
La marche a également pris une dimension environnementale. Les participants se sont arrêtés devant le siège du Groupe chimique pour dénoncer la pollution industrielle, appelant à la fermeture et au démantèlement des unités polluantes. L’usage de fumée dense visait à symboliser l’impact toxique des activités chimiques sur la santé et l’environnement, intégrant ainsi la défense de l’écologie au cœur de la mobilisation citoyenne.
Plusieurs partis et collectifs politiques ont pris part à la marche, notamment le Courant démocrate, le Parti républicain, le Front El-Takattol et le Collectif Soumoud, soulignant que cette action représentait un moment clé pour la défense des libertés, de la dignité citoyenne et de l’espace public. Selon le comité organisateur, la manifestation du 22 novembre n’est que « le début » d’une série d’initiatives destinées à défendre les droits fondamentaux face à ce qu’ils considèrent comme un recul démocratique.
Cette mobilisation intervient dans un contexte de tensions sociales et politiques en Tunisie. Deux jours auparavant, les journalistes tunisiens avaient organisé des rassemblements dans plusieurs villes pour dénoncer la détérioration de la liberté de la presse, les poursuites judiciaires ciblées et les arrestations de confrères, réclamant l’application stricte du décret 115 encadrant le journalisme.
La marche du 22 novembre témoigne d’une prise de parole collective et déterminée de la société civile tunisienne, décidée à affirmer ses droits et à maintenir la pression sur les autorités pour que liberté et justice restent au cœur de la vie publique du pays.
Publié le 2 septembre 2025 aux Éditions Hors d’Atteinte, Avec ma tête d’Arabe est le premier roman dans lequel Aïda Amara remonte le fil de sa lignée pour affronter un traumatisme longtemps enfoui : celui des attentats du 13 novembre 2015.
Aïda Amaraa accepté de revenir, pour Le Matin d’Algérie, sur cette plongée intime où se croisent la mémoire de son père né en Kabylie pendant la guerre d’indépendance, les silences de sa mère originaire d’Annaba et la trajectoire des siens au cœur de la colonisation, de l’exil et des violences politiques.
Journaliste et réalisatrice, Aïda Amara délaisse ici la distance professionnelle pour explorer, sans détour, la part la plus sensible d’une histoire familiale marquée par le racisme, les assignations identitaires, mais aussi par une transmission vivante, une dignité inébranlable et une résilience forgée par les mots et la mémoire. Elle a accepté cet entretien spécialement pour Le Matin d’Algérie.
Le Matin d’Algérie : Votre livre s’ouvre sur le traumatisme des attentats du 13 novembre 2015. Qu’est-ce qui vous a poussé à raconter cette expérience si personnelle sous la forme d’un roman ?
Aïda Amara :Le traumatisme du 13 novembre est arrivé plus tard dans mon processus d’écriture. J’ai commencé par m’interresser à mon histoire familiale, mon père est né et a grandit en Kabylie pendant la guerre d’indépendance, ma mère vient quant à elle, d’Annaba. C’est en fouillant dans leurs histoires que mon propre traumatisme a refait surface. Je ne pouvais pas raconter mon histoire, sans en parler.
Le Matin d’Algérie : Vous parlez de l’arabité comme d’un fragment de votre identité qui vous a été imposé après le traumatisme. Comment définiriez-vous ce que signifie être une femme arabe en France aujourd’hui ?
Aïda Amara : Je fais la distinction entre les identités qui me traversent (Française, Algérienne, Parisienne) et les assignations venant de l’extérieur, qui, qu’on le veuille ou non, rythment encore aujourd’hui le quotidien des enfants d’immigrés algériens en France. Je me garde bien de définir « la femme arabe en France » parce qu’elle n’existe pas pour moi. Il y a autant d’expériences d’« arabité » qu’il y a de femmes. Ce que nous partageons, en revanche, ce sont le racisme, les assignations, les clichés encore tenaces qui structurent notre expérience « d’Arabe en France », l’idée que nous serions encore un « autre », l’altérité au « nous » national.
Le soir des attentats, quand je témoigne auprès d’un policier, il me dit : «Ce n’est pas de votre faute », comme si je devais me sentir responsable des actes d’un « autre Arabe ». Les jours qui suivront seront du même registre : déchéance de nationalité pour les binationaux, injonction pour les « Arabes » à se désolidariser. Le climat est devenu étouffant.
Le Matin d’Algérie : La mémoire familiale et l’histoire de vos parents occupent une place centrale dans votre récit. Comment vos racines algériennes vous ont-elles aidée à surmonter vos traumatismes ?
Aïda Amara : Après la déflagration traumatique qu’ont été les attentats, j’ai eu besoin de me raccrocher à quelque chose de fort, de tangible. Comme un arbre chahuté par la tempête, je me suis raccrochée à mes racines, mes parents, et à travers eux, l’Algérie. J’ai récolté les récits familiaux que j’avais peur de voir disparaître, parce que, comme le répète souvent mon père, il est un homme de tradition orale. Je me suis intéressée à son enfance passée dans un camp de regroupement pendant la guerre d’indépendance, mais aussi à la vie de ma grand-mère Taous.
En me plongeant dans cette histoire, j’y ai trouvé des modèles de résilience, de dignité, qui m’ont donné la force d’affronter le racisme en France. J’ai aussi pris conscience que je n’étais pas la seule de ma famille à avoir subi la violence armée : ils l’ont vécue avant moi, à travers la guerre et la colonisation. Malgré cela, ils n’ont pas perdu leur capacité à aimer, à transmettre et à résister par les mots. Ma grand-mère Taous était connue pour sa répartie !
Le Matin d’Algérie : Vous êtes journaliste et réalisatrice avant d’être romancière. Comment ces expériences professionnelles ont-elles influencé votre écriture et votre regard sur les événements que vous racontez ?
Aïda Amara : Pour écrire ce roman, j’ai dû laisser la journaliste au placard. Je ne pouvais pas être dans une démarche détachée et analytique comme je le fais dans mes reportages. Je racontais mon histoire, celle de ma famille : c’était intime.
Cependant, je ne peux pas m’empêcher de toujours mettre en perspective ce que je vis. Quand je parle de mon expérience du racisme, ce n’est pas seulement pour me raconter, mais pour mettre un visage — parmi tant d’autres — sur une expérience partagée par des millions de Français.
Le Matin d’Algérie : Le roman explore la question des clichés et des préjugés liés à l’immigration et à l’arabité. Quel rôle espérez-vous que ce livre joue dans la discussion sur ces sujets en France ?
Aïda Amara : J’espère que ce livre pourra ajouter une goutte dans la mer des récits d’enfants issus de l’immigration algérienne en France. Montrer la diversité de nos vécus, ce qui nous rassemble aussi.
Le Matin d’Algérie : Vous racontez avec humour et acuité les micro-agressions du quotidien. Comment avez-vous appris à transformer ces expériences en force et en répartie ?
Aïda Amara : Cela me vient de mon père, qui le tient lui-même de sa mère, Taous. Elle disait en kabyle : « Soyez des agneaux à la maison mais des lions à l’extérieur ! »
Cette image, mon père me l’a transmise : on ne se laisse pas faire.
Face au racisme, on rend coup pour coup, avec les mots pour arme. Quand je lui rapporte une remarque raciste, il me demande toujours : « Qu’est-ce que t’as répondu ? » Enfant, en le voyant répondre aux micro-agressions, je n’avais aucun doute : l’ignorance venait d’en face. Je l’ai toujours vu moralement supérieur à ses agresseurs.
Le Matin d’Algérie : Violence et résilience sont des thèmes majeurs. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre réalité historique et narration romanesque ?
Aïda Amara : La partie sur l’Algérie coloniale est romancée, car je n’y étais pas. Chaque chapitre part d’un souvenir familial ; ensuite, j’ai dû créer, tout en faisant beaucoup de recherches. Quel était le quotidien d’un village kabyle pendant la guerre ? Qu’y mangeait-on ? Comment travaillait un forgeron dans les années 1940 ?
Pour les passages sur ma vie parisienne, chaque chapitre devait nourrir le récit. Avec le « je », je voulais éviter le journal intime. Je racontais une histoire de lignée, de transmission.
Le Matin d’Algérie : Votre histoire familiale traverse colonisation, guerre d’Algérie et décennie noire. Comment ces héritages influencent-ils votre perception de la France contemporaine ?
Aïda Amara : Tout ce que je sais de l’histoire entre la France et l’Algérie, je l’ai appris à la maison. À l’école, on en parle à peine.
Connaître cette histoire me permet de comprendre les restes coloniaux en France. Je suis moins chahutée par les clichés racistes : je sais d’où je viens.
A travers l’histoire de ma famille, je comprends mieux ce qui se joue aujourd’hui, notamment la nostalgie de « l’Algérie française » dans l’extrême droite.
Le Matin d’Algérie : Vous insistez sur la nuance et la multiplicité des identités. Comment souhaitez-vous que les lecteurs reçoivent ce message ?
Aïda Amara : Je suis binationale, donc multiple. Mon identité évolue sans cesse.
Comme une mosaïque, je suis faite de fragments : française, parisienne, avec une part d’Algérie, de Kabylie, d’Annaba.
Même dans ma famille, ma grand-mère kabylophone avait besoin d’un traducteur pour parler à ma mère arabophone. Elles étaient du même pays. Il est important de ne pas figer l’identité ni l’imposer aux autres. Accepter les identités plurielles nous enrichit.
Le Matin d’Algérie : Vous avez réalisé podcasts et documentaires sur la mémoire migratoire. En quoi prolongent-ils les thèmes du roman ?
Aïda Amara : Avec ma tête d’Arabe est un livre sur la lignée, avec ses silences. J’ai perdu ma mère jeune et avec elle sa parole.
J’étais déterminée à enregistrer l’histoire de mon père ; à travers lui, j’ai retrouvé celle de l’Algérie. Après mes podcasts, beaucoup d’enfants d’immigrés m’ont écrit pour dire qu’ils n’avaient jamais osé interroger leurs parents. Le silence est encore présent, par pudeur. La mémoire fait vivre le passé et nous ancre dans le présent.
Le Matin d’Algérie : Quels conseils donneriez-vous à ceux qui cherchent à comprendre ou préserver leur héritage familial ?
Aïda Amara : Écouter, enregistrer, écrire. La tradition orale est belle, mais fragile. Laisser des traces est essentiel pour les générations futures.
Le Matin d’Algérie : Quels projets littéraires ou médiatiques après ce roman ?
Aïda Amara : J’aimerais faire vivre ce livre en France et en Algérie, notamment à Annaba, la ville de ma mère. Puis me consacrer à d’autres récits mémoriels, en France et en Algérie.
Entretien réalisé par Djamal Guettala
Aïda Amara est journaliste et réalisatrice. Née de parents algériens, elle grandit à Ménilmontant, dans le XXᵉ arrondissement de Paris. Après plusieurs années en journalisme télé, notamment pour France TV et Canal +, elle réalise le podcast Transmissions, consacré au parcours migratoire de son père, ainsi que Revenir, un documentaire sur son retour en Algérie. Elle anime également des ateliers d’écriture et de podcast auprès de jeunes avec les médias Le Bondy Blog et la Zone d’expression prioritaire.
Après sa libération de la prison en Algérie et son retour en France, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal accordera sa première interview au journal de 20 heures, dimanche, et répondra aux questions de Laurent Delahousse.
Il a été gracié le 12 novembre par l’Algérie après un an de prison. L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal s’exprimera pour la première fois depuis sa libération, dimanche 23 novembre, dans le journal de 20 heures de France 2, a annoncé France Télévisions dans un communiqué. « Après sa libération et son retour en France [mardi], il accordera sa première interview à France Télévisions et répondra aux questions de Laurent Delahousse », a annoncé le groupe public.
Incarcéré en Algérie pendant un an pour certaines prises de position sur son pays natal, Boualem Sansal, 81 ans, a retrouvé la liberté le 12 novembre. Il a été gracié par le chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a répondu favorablement à une demande des autorités allemandes. L’écrivain, qui était au cœur d’une crise diplomatique entre Alger et Paris, est rentré en France mardi, après avoir d’abord été transféré à Berlin pour des soins médicaux. Il a été reçu par Emmanuel Macron dès son retour.
Boualem Sansal « est conscient qu’il arrive dans un contexte profondément marqué par la difficulté de la relation franco-algérienne et que ce contexte pèse vraisemblablement sur son expression publique », a déclaré à l’AFP Arnaud Benedetti, fondateur de son comité de soutien, qui lui a parlé au téléphone vendredi. Selon Arnaud Benedetti, après France 2, Boualem Sansal devrait prendre la parole lundi à la radio et dans un quotidien national.
Si Boualem Sansal a bénéficié de l’intervention du président allemand pour retrouver la liberté après une condamnation arbitraire à 5 ans de prison ferme, il reste encore dans les prisons algériennes près de 250 détenus d’opinion. Deux d’entre eux (Mohamed Tadjadit et Cherif Mellal) mènent depuis une semaine une grève de la faim. Le régime de la dyarchie Tebboune-Chanegriha a imposé un régime autoritaire, démantelant tous les leviers de l’Etat de droit.
Le marché parallèle des devises en Algérie vient de franchir un nouveau cap. L’euro s’échange désormais à plus de 280 dinars, atteignant environ 283...
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