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Tunisie : Sonia Dahmani sort de prison, pas de la tourmente judiciaire

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Sonia Dahmani à sa sortie de prison
Sonia Dahmani à sa sortie de prison. Crédit photo : DR

Libérée conditionnellement, l’avocate Sonia Dahmani reste sous la menace de lourdes poursuites qui incarnent la répression de la parole critique en Tunisie. Le couperet d’une énième condamnation est maintenu au-dessus de la tête de cette avocate, comme pour la faire taire.

Après un an et demi derrière les barreaux, l’avocate et chroniqueuse tunisienne Sonia Dahmani a quitté jeudi la prison pour femmes de la Manouba. Une libération conditionnelle accordée par le ministère de la justice, annoncée par ses avocats et confirmée par plusieurs sources judiciaires. Mais cette sortie, loin d’être synonyme d’apaisement, s’inscrit dans un climat politique où la répression de la parole critique demeure intacte. Car si Sonia Dahmani retrouve aujourd’hui la liberté, ses procès, eux, restent ouverts.

La juriste, connue pour ses prises de position tranchées sur les dérives du pouvoir et les discriminations en Tunisie, a été emprisonnée en mai 2024 dans un contexte de durcissement autoritaire. Depuis plusieurs mois, elle est devenue l’un des symboles de la résistance aux atteintes croissantes à la liberté d’expression sous la présidence de Kaïs Saïed. Son arrestation, effectuée en direct dans les locaux d’une télévision privée, avait choqué l’opinion publique et provoqué une vague de solidarité, en Tunisie comme à l’étranger.

Mais cette libération conditionnelle ne clôture en rien les multiples affaires dans lesquelles elle est impliquée. Sonia Dahmani fait face à au moins cinq procédures distinctes. Trois d’entre elles ont déjà donné lieu à des condamnations, notamment pour « diffusion de fausses informations » ou pour des propos jugés offensants envers les institutions. Deux autres dossiers demeurent pendants, dont l’un pourrait théoriquement lui valoir jusqu’à dix ans de prison. Les dates d’audience ont été régulièrement repoussées, maintenant la pression judiciaire et l’incertitude.

La décision de la libérer intervient le jour même où le Parlement européen adoptait une résolution sévère sur la situation en Tunisie, dénonçant « la détérioration rapide de l’état de droit et des libertés fondamentales ». Le texte met en cause les poursuites visant journalistes, avocats, syndicalistes et opposants, rappelant que les arrestations pour délit d’opinion sont devenues courantes depuis 2021. Le nom de Sonia Dahmani y figure en filigrane, comme l’un des exemples les plus flagrants d’une justice utilisée comme instrument politique.

Pour les défenseurs des droits humains, cette libération conditionnelle ne doit pas masquer la réalité : la pression judiciaire contre voix critiques demeure un outil central du pouvoir tunisien. L’affaire Dahmani s’inscrit dans une longue série de cas similaires visant des journalistes, des leaders syndicaux, des activistes ou même des humoristes, poursuivis pour des positions jugées trop frontales. La société civile tunisienne, largement affaiblie depuis trois ans, peine à mobiliser durablement face à ce climat de peur.

La sortie de prison de Sonia Dahmani est donc à la fois un soulagement et un avertissement. Soulagement, car elle met fin à des conditions de détention difficiles, régulièrement dénoncées par son entourage et par plusieurs ONG. Avertissement, car elle ne signifie pas que la machine judiciaire se désarme. L’avocate reste surveillée, menacée, et garde plusieurs procès en suspens au-dessus de la tête.

Dans un pays où les libertés publiques sont placées sous éteignoir par le président autocrate Kaïs Saïed, la libération de Sonia Dahmani apparaît comme une respiration — brève, fragile, précaire. La bataille, elle, est encore loin d’être terminée.

Mourad Benyahia 

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Le génocide des Palestinien·ne·s commis par Israël à Gaza se poursuit sans relâche malgré le cessez-le-feu, dénonce A.I.

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La bande de Gaza rasée par les bombardements israéliens.

Amnesty International (AI) a rendu public le communiqué ci-dessous sur les massacres qui ont lieu à Gaza. Elle parle d’un génocide en cours.

Plus d’un mois après l’annonce d’un cessez-le-feu et la libération de tous les otages israéliens en vie, les autorités israéliennes continuent de commettre un génocide contre les Palestinien·ne·s dans la bande de Gaza occupée en continuant de soumettre délibérément ces personnes à des conditions de vie destinées à provoquer leur anéantissement physique, sans montrer aucun signe de changement dans leurs intentions, a déclaré Amnesty International le 27 novembre.

Dans un document publié le 27 novembre, l’organisation présente une analyse juridique du génocide en cours, ainsi que les témoignages de personnes vivant sur place et de membres du personnel médical et humanitaire soulignant les conditions toujours désastreuses dans lesquelles vivent les Palestinien·ne·s à Gaza.

Le génocide perpétré par Israël n’a pas pris finAgnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

« Le cessez-le-feu risque de créer l’illusion dangereuse d’un retour à la normale pour les gens qui vivent à Gaza. Si les autorités et les forces israéliennes ont réduit l’ampleur de leurs attaques et autorisé l’entrée d’une aide humanitaire limitée à Gaza, le monde ne doit toutefois pas se laisser berner. Le génocide perpétré par Israël n’a pas pris fin », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

En décembre 2024, Amnesty International a publié une étude approfondie concluant qu’Israël commettait un génocide à Gaza, expliquant qu’Israël avait perpétré trois actes interdits par la Convention sur le génocide, avec l’intention spécifique de détruire les Palestinien·ne·s à Gaza, notamment en les tuant, en leur causant des dommages physiques et mentaux graves et en leur infligeant délibérément des conditions de vie calculées pour provoquer leur destruction physique.

Actuellement, malgré une réduction de l’ampleur des attaques et quelques améliorations limitées, on ne constate aucun changement significatif dans les conditions infligées par Israël aux Palestinien·ne·s à Gaza, et rien n’indique que les intentions d’Israël aient changé.

« Israël a infligé de terribles dommages aux Palestinien·ne·s à Gaza en se livrant à ce génocide, notamment avec deux années de bombardements incessants et de famine systématique délibérée. À ce jour, rien n’indique qu’Israël prenne des mesures sérieuses pour remédier aux conséquences mortelles de ses crimes, ni que ses intentions aient changé. En réalité, les autorités israéliennes poursuivent leur politique impitoyable, restreignant l’accès à l’aide humanitaire vitale et aux services essentiels, et imposant délibérément des conditions calculées pour détruire physiquement les Palestinien·ne·s à Gaza », a déclaré Agnès Callamard.

Au moins 327 personnes, dont 136 enfants, ont été tués depuis l’annonce du cessez-le-feu

Au moins 327 personnes, dont 136 enfants, ont été tués lors d’attaques israéliennes depuis l’annonce du cessez-le-feu, le 9 octobre. Israël continue de restreindre l’accès à l’aide et aux fournitures de secours essentielles, notamment aux fournitures médicales et aux équipements nécessaires à la réparation des infrastructures vitales, violant ainsi de multiples décisions rendues par la Cour internationale de justice (CIJ), dans l’affaire intentée par l’Afrique du Sud pour empêcher le génocide perpétré par Israël, demandant à Israël de veiller à ce que les Palestinien·ne·s aient accès à l’aide humanitaire. En janvier 2024, la CIJ a estimé que les droits des Palestinien·ne·s au regard de la Convention sur le génocide, en ce qui concerne leur survie, étaient vraisemblablement menacés.

La probabilité objective que les conditions actuelles conduisent à l’anéantissement des Palestinien·ne·s à Gaza persiste, compte tenu en particulier de la vulnérabilité accrue de la population aux problèmes de santé et à la propagation de maladies après des mois de famine causée par des années de blocus illégal et plusieurs mois de siège total au cours de l’année.  Cela a créé des conditions pouvant entraîner la mort lente des Palestinien·ne·s en raison du manque de nourriture, d’eau, de logement, de vêtements et d’installations sanitaires. 

Malgré quelques améliorations très limitées, Israël continue de restreindre sévèrement l’entrée des fournitures et le rétablissement des services essentiels pour la survie de la population civile, notamment en bloquant l’entrée des équipements et des matériaux nécessaires à la réparation des infrastructures vitales et à l’enlèvement des munitions non explosées, des décombres contaminés et des eaux usées, qui présentent tous des risques graves et potentiellement irréversibles pour la santé publique et l’environnement.  Israël restreint également la distribution de l’aide, notamment en n’autorisant pas certaines organisations à fournir des secours dans la bande de Gaza. Il ne suffit pas d’augmenter le nombre de camions entrant à Gaza. Selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires, si les ménages peuvent maintenant faire deux repas par jour (contre un seul en juillet), la diversité alimentaire reste faible, l’accès à des aliments nutritifs tels que les légumes, les fruits et les protéines étant toujours hors de portée pour de nombreuses familles, et des produits comme les œufs et la viande étant rares et inabordables.

Le déplacement systématique des Palestinien·ne·s hors des terres fertiles par Israël se poursuit sans relâche, l’armée israélienne étant actuellement déployée sur environ 54 à 58 % de la bande de Gaza.  Israël n’a pas cessé de limiter sévèrement l’accès des Palestinien·ne·s à la mer. Israël n’a pris aucune mesure pour remédier aux conséquences de la destruction massive des terres agricoles et du bétail au cours des deux dernières années. Cela signifie au total que les Palestinien·ne·s sont pratiquement privés de tout accès indépendant à des moyens de subsistance.

« Les Palestinien·ne·s restent confinés dans moins de la moitié du territoire de Gaza, dans les zones les moins propices à la subsistance, et l’aide humanitaire reste fortement restreinte. Aujourd’hui encore, malgré les avertissements répétés d’organismes internationaux, trois séries de décisions juridiquement contraignantes de la CIJ et deux avis consultatifs de la CIJ, et malgré les obligations qui incombent à Israël au titre du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains, à la fois en tant que puissance occupante et en tant que partie à un conflit armé, Israël continue délibérément de ne pas fournir à la population civile de Gaza les fournitures nécessaires ou d’empêcher que ces fournitures lui parviennent », a déclaré Agnès Callamard.

De plus, les autorités israéliennes n’ont pas mené d’enquêtes ni engagé de poursuites contre les personnes soupçonnées d’être responsables d’actes de génocide, ni amené les responsables qui ont tenu des propos génocidaires à rendre des comptes. Le cessez-le-feu résulte lui-même de pressions internationales, notamment de la part des États-Unis, et non d’un changement explicite de position de la part d’Israël.

Israël doit lever le blocus inhumain qu’il impose

« Israël doit lever le blocus inhumain qu’il impose et doit garantir un accès sans entrave à la nourriture, aux produits médicaux, au carburant, et aux matériaux de reconstruction et de réparation. Israël doit également déployer des efforts concertés pour réparer les infrastructures cruciales, rétablir les services essentiels, fournir des abris adéquats aux personnes déplacées et veiller à ce qu’elles puissent retourner chez elles », a déclaré Agnès Callamard.

Ces dernières semaines, certains signes ont indiqué que la communauté internationale relâchait la pression exercée sur Israël pour qu’il cesse de commettre des violations. La résolution récemment adoptée par l’ONU sur l’avenir de Gaza ne contient pas d’engagements clairs visant au respect des droits humains ou à la reddition de comptes pour les atrocités commises. Récemment, le gouvernement allemand a invoqué le cessez-le-feu pour annoncer la levée, à compter du 24 novembre, de la suspension de la délivrance de certaines licences d’exportation d’armes vers Israël. Un vote prévu sur la suspension de l’accord commercial entre l’Union européenne et Israël a également été stoppé.

« Ce n’est pas le moment d’alléger les pressions exercées sur les autorités israéliennes. Les dirigeant·e·s mondiaux doivent démontrer qu’ils sont véritablement déterminés à respecter leur devoir d’empêcher le génocide et de mettre fin à l’impunité qui alimente depuis des décennies les crimes perpétrés par Israël sur l’ensemble du territoire palestinien occupé. Ils doivent suspendre tous les transferts d’armes vers Israël jusqu’à ce que ce pays cesse de commettre des crimes de droit international.  Ils doivent faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles permettent aux observateurs·trices des droits humains et aux journalistes de se rendre à Gaza afin de garantir la transparence des informations sur les conséquences des actions d’Israël sur la situation dans la bande de Gaza », a déclaré Agnès Callamard.

« Les hauts responsables israéliens qui ont orchestré, supervisé et commis matériellement le génocide sont toujours au pouvoir.  Le fait de ne pas démontrer qu’eux-mêmes ou leur gouvernement devront rendre des comptes leur donne de fait toute latitude pour poursuivre le génocide et commettre d’autres violations des droits humains à Gaza et en Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est. »

 Le cessez-le-feu ne doit pas servir à masquer le génocide auquel Israël continue de se livrer.

« Le cessez-le-feu ne doit pas servir à masquer le génocide auquel Israël continue de se livrer. La ligne de conduite habituelle d’Israël à Gaza, notamment son refus délibéré et illégal d’apporter une aide vitale aux Palestinien·ne·s, dont beaucoup sont blessés, souffrent de malnutrition et risquent de contracter des maladies graves, continue de menacer leur survie. La communauté internationale ne peut pas se permettre la complaisance : les États doivent maintenir la pression sur Israël pour qu’il autorise un accès sans entrave à l’aide humanitaire, lève son blocus illégal et mette fin au génocide en cours. Les entreprises doivent immédiatement suspendre toute activité qui contribue ou qui est directement liée au génocide perpétré par Israël », a déclaré Agnès Callamard.

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Le littéraire et le politique

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Sansal
Boualem Sansal retrouve la liberté

« Comme tous les hommes de Babylone, j’ai été proconsul. Comme eux tous, esclave, j’ai connu comme eux tous l’omnipotence, l’opprobre, les prisons ». Frictions de Jorge Luis Borges.

Nous nous réjouissons de la libération de l’écrivain Boualem Sansal de la prison. Après sa libération pour des raisons humanitaires d’après les autorités algériennes, ses différentes déclarations d’ailleurs assez controversées sur l’Algérie posent au moins un problème différentiel entre la littérature et la politique.

Plus que toute chose, certaines de ses déclarations diffusées dans les réseaux sociaux marquent à tel point l’étrangeté de sa personnalité par ailleurs écartelée par les extrémités des personnages du proconsul et de l’esclave selon la fiction de Borges, mais des déboires d’une parole malheureuse. Certes, je n’ai pas lu tous ses romans pour juger de l’effet littéraire auquel est soumis tout lecteur, mais par contre, je retiens tout simplement la contradiction de ses propos.

Dans ses différents entretiens, on sent que l’écrivain Boualem Sansal est attiré d’une façon foudroyante par les mœurs de la société algérienne ou, pour ne pas dire, par la chaleur du peuple lorsqu’il raconte ses activités durant son séjour dans la prison de Koléa. On est loin des vindictes populaires contre des personnalités que l’État doit protéger lorsqu’il s’enthousiasme par ailleurs d’avoir été un éducateur sportif des jeunes et moins jeunes détenus islamistes, kabylistes, etc. Et, il s’est même vu octroyer le privilège, en tant que professeur de mathématiques et de physique, de préparer les candidats à l’examen du Bac algérien.

Dans cette longue litanie miséricordieuse, il reconnait avoir été très bien traité par les médecins algériens qui ont par ailleurs diagnostiqué un cancer de la prostate. Beaucoup mieux traité que beaucoup d’autres détenus qui rapportent autrement les conditions exécrables de leur détention, hélas !

L’écrivain se fourvoie dans des domaines qu’il ne maitrise pas du tout. Nous ne saurions lui faire la moindre ingratitude envers ses choix littéraires ou ses cercles d’amitié, mais toujours est-il qu’il est incompréhensible de parler de l’histoire algérienne en attribuant à la symbolique du Makhzen une grandeur injustifiée alors qu’il a de tout temps été soumis à la pression des tribus berbères.

Il faut bien rappeler que durant l’anarchie marocaine sous les Alaouites, l’État était réduit à un minuscule carré du bâti de Fès. Donc, il serait hasardeux de parler de frontières d’État ou de leur limite si on ne prend pas en compte la fluctuation des influences politiques et idéologiques.

Il serait même impardonnable de ne pas reconnaitre que les convoitises du Makhzen sur l’ouest algérien ont toujours provoqué l’hostilité des populations locales. On peut citer de multiples exemples des enchevêtrements tribaux qui ont pesé sur la destinée des régions nord-africaines et sahariennes.

Parmi ces exemples, on peut pour toujours rappeler l’imbroglio politico-parental de Bocchus et de Jugurtha dans l’Antiquité, les guerres incessantes entre Mérinides et Zianides, et même le grand Moulay Ismaïl a été défait en Oranie par le bey de Mascara Mustapha Bouchelagham. Et, d’est vers l’ouest et du nord au sud, il y a eu autant de secousses politiques et guerrières d’où il est impossible de fixer une centralité maghrébine.

Les aventures militaires de l’émir Abdelkader contre l’armée française, et en toute proportion gardée, ressemblent étrangement à celles de l’Antiquité numido-maure. Une fois rappelé cela, il convient de dire que la fiction littéraire qui nous fait rêver peut se saisir à la manière d’un Kafka, d’un Gabriel Marquez, etc., pour transposer la réalité cruelle du pouvoir absolu. Alors, lutter contre un régime autoritaire ne veut pas dire renoncer à sa patrie.

L’écrivain russe Soljenitsyne, qui a pourtant connu le goulag, est bien retourné vivre dans son pays natal après son exil américain. À la manière de Jack London dans « L’appel de la forêt », faute de l’exercice de la Raison pure (Le cabaret de la dernière chance), nous demandons aux autorités algériennes d’accorder un élargissement total à toute l’opposition algérienne et même d’ouvrir un dialogue avec les islamistes radicaux et les Makistes. Hélas! il en parle étrangement de la Kabylie et de la problématique berbère dont le grand punicologue, M’hamed Fanter s’est offusqué de l’exclusivité que se sont octroyée certains Berbéristes.

Sur ce plan, nous préférons l’encouragement adressé par Mouloud Mammeri au militant guanche Antonio Cubillo, un réfugié canarien non berbérophone.

Fatah Hamitouche

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« L’affaire Ben Barka » : un demi-siècle de mensonges mis à nu

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L'affaire Ben Barka

Dans L’Affaire Ben Barka : la fin des secrets, Stephen Smith et Ronen Bergman livrent une enquête monumentale qui retrace, archives inédites à l’appui, les coulisses d’un crime où se croisent espions, barbouzes et diplomaties parallèles. Une plongée saisissante dans la fabrique du mensonge d’État.

Soixante ans après la disparition de Mehdi Ben Barka, l’ancien leader de la Tricontinentale, ces deux écrivains lèvent le voile sur l’un des mystères les plus obscures de la politique franco-marocaine. Pas seulement, il met en lumière des interconnexions jamais révélées jusqu’à présent.

Secret-défense

« A 12h15, l’opposant marocain et l’étudiant Azemouri tournent au coin de la rue du Dragon et du boulevard Saint-Germain en direction de la brasserie Lipp. Lopez qui reconnaît Ben Barka malgré son accoutrement, le signale à Souchon. L’inspecteur s’avance pour aborder l’opposant marocain devant l’hôtel Taranne. Il exhibe sa carte de police et lui demande s’identifier à son tour – ce que Ben Barka fait- avant de l’inviter, d’un geste en direction du porche de l’hôtel, à sortir du flot des passants. Azemouri s’apprête à montrer également son passeport et à suivre le mouvement, mais l’inspecteur lui dit : « Non, pas vous. Voulez-vous nous laisser un instant ? »… C’était la dernière fois que l’étudiant allait voir Ben Barka.

En fait, Mehdi Ben Barka, figure charismatique de l’Istiqlal était attiré en ces lieux. On lui « vend » une participation centrale dans un film militant, intitulé Basta. Un piège en réalité. Deux policiers viennent à sa rencontre. Quelques minutes plus tard, il disparaît. Ben Barka espérait une monarchie constitutionnelle, voire renverser le roi Hassan II, mais celui-ci avait toujours un coup d’avance.

Depuis, l’affaire le secret-défense et la raison d’Etat ont prévalu depuis 60 ans. L’assassinat de Ben Barka aura été entouré toutes ces années de fantasmes d’espionnage, de silences officiels, de dénis politiques les plus cyniques et de mensonges. Chaque génération croit toucher au cœur du mystère… avant que les ombres ne se referment. Il nous apprend notamment que Ben Barka travaillait pour le StB, les services secrets de la Tchécoslovaquie. D’ailleurs l’exploitation des archives de ces services aura été capitale dans la découverte d’un pan entier du parcours du leader marocain.

Brillant, Mehdi Ben Barka était un électron libre. Il croyait à son étoile. Il volait de capitale en capitale dans cette époque des années 60 où les pays nouvellement indépendants entendaient s’organiser et s’affranchir des anciennes tutelles coloniales.

Raconter l’indicible

Avec L’Affaire Ben Barka : la fin des secrets, les deux journalistes Stephen Smith et Ronen Bergman relèvent un défi que d’autres ont jugé irréalisable : démêler soixante années d’intox, de manipulations et de secrets partagés entre Paris, Rabat, Tel-Aviv et… Prague. Leurs sources ? Des archives restées verrouillées des décennies, des témoignages confidentiels de première main, et des documents issus d’administrations qui, longtemps, n’avaient aucun intérêt à rouvrir le dossier. Ce livre est un travail de longue haleine. Ecrit à l’américaine, avec des histoires invraisemblables dans ce récit central haletant qu’est l’enlèvement puis l’assassinat de Ben Barka.

Le résultat ressemble à une fresque d’espionnage où chaque détail compte. Un récit où l’on voit apparaître, comme sur une carte secrète, les ramifications d’une opération bien plus structurée que ce que l’on imaginait jusqu’ici. L’Affaire Ben Barka : la fin des secrets, nous apprend beaucoup de choses sur les régimes qui se piquent d’être démocratiques, mais surtout qu’on ne fraye pas avec les services étrangers sans risquer d’en payer le prix le plus élevé.

Le rôle des services marocains… et l’ombre incoupçonnable du Mossad

Hassan II était prêt à tout pour faire taire son ancien enseignant de mathématiques. Il aurait même proposé à l’Algérie de l’échanger avec le colonel Sadek qui s’était réfugié au Maroc en 1964 pendant la guérilla que menait le FFS contre le régime de Ben Bella et Boumediene. Toutefois, si Ben Barka était soutenu sous Ben Bella ce ne sera plus le cas après le coup d’Etat du 19 juin, selon les auteurs de ce livre.

Si l’on savait que les services marocains étaient au cœur de l’affaire, Smith et Bergman mettent en lumière un acteur resté dans l’ombre : le Mossad, le service de renseignement israélien. Loin d’un simple rôle périphérique, l’agence israélienne aurait participé à la logistique de l’opération, offrant moyens, expertise et couverture. Une collaboration née d’intérêts géopolitiques précis, à une époque où le Maroc et Israël entretenaient déjà des liens secrets. En contrepartie de cette implication logistique du Mossad, selon les auteurs, le roi Hassan II a offert à Israël les enregistrements de la réunion de la Ligue arabe qui a eu lieu le 13 septembre 1965 à Casablanca.

Cette révélation dit toutes les compromissions de l’époque. Ce n’est plus seulement l’histoire d’une disparition orchestrée par un régime autoritaire, mais celle d’une alliance stratégique qui déplace les frontières du récit.

La France, collatérale ou complice ?

On s’en doutait. Le livre le démontre : la France ne pouvait pas ne rien savoir. Entre services intérieurs débordés, police embarrassée et sommets de l’État tétanisés par la situation, Smith et Bergman dessinent une France coincée entre prudence diplomatique et compromissions tacites. Le récit, précis, montre comment un enlèvement en plein Paris a pu être rendu possible par une accumulation de renoncements.

Au fil des pages, l’image de la Ve République se fissure. Le « mystère Ben Barka » cesse d’être un accident de l’histoire : il devient un révélateur brutal des zones grises du pouvoir gaullien. Le livre rappelle le parallèle avec l’enlèvement du colonel Argoud, un des chefs de la sinistre OAS, en Allemagne vers la France.

Un livre qui bouscule la mémoire

Plus qu’une enquête, L’Affaire Ben Barka : la fin des secrets agit comme un électrochoc mémoriel. Il rétablit le rôle d’acteurs longtemps relégués au second plan — comme les généraux Ahmed Dlimi, Oufkir ou Chtouki (pseudonyme) — et propose une relecture de l’affaire qui oblige à dépasser les récits officiels. On y découvre un réseau d’intérêt qui, jusqu’à aujourd’hui, a réussi à masquer ses responsabilités. Il nous rappelle les basses œuvres de Hassan II. Le roi était prêt à tout pour garder son royaume : tirer sur les manifestants comme à Casablanca, ouvrir les pires centres de tortures, comme Tazmamart…

Le livre de plus de 500 pages publié chez Grasset ressuscite des parties ignorées de Mehdi Ben Barka : un intellectuel brillant, un stratège politique redouté, un homme dont l’aura révolutionnaire dépassait largement les frontières du Maroc.

Un polar bien réel

Ce qui frappe dans le travail de Smith et Bergman, c’est sa puissance narrative. Les deux auteurs passent au scalpel les moindres faits et détails. Toute la galaxie de personnages aussi interlopes les uns que les autres est présentée avec force détails. L’ouvrage se lit comme un roman noir international : faux papiers, voitures banalisées, rendez-vous clandestins, filatures, rivalités de services secrets… Mais ici, tout est vrai. Ou plutôt : tout est documenté, recoupé, vérifié. Comme pour ne pas laisser le moindre doute, les deux auteurs donnent leurs sources dans une partie « Note » particulièrement copieuse.

Ce livre est un vrai pavé dans la marre des pratiques sombres des services de renseignement. Faut-il s’en étonner ? Bob. Mais il nous oblige à regarder avec plus d’acuité les rapports qui régissent les régimes. Il brise, peut-être pour la première fois, un mur de silence qui survivait à tous les pouvoirs.

Et surtout, parce qu’il rappelle que Ben Barka n’a jamais été seulement une victime : il fut une voix qui dérangeait d’abord Hassan II mais aussi certaines capitales. Avec sa disparition, il y a eu celle de la Tricontinentale mais aussi une certaine idée de l’opposition marocain au règne du roi du Maroc. Maintenant qu’un important coin du voile est levé sur cet assassinat, quelle suite donner ?

Le Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka a été réactivé par Bachir Ben Barka, le fils du leader marocain afin de connaître toute la vérité. « Les éléments d’information existent. Au Maroc, où des témoins et des acteurs directs de cet assassinat sont encore en vie et refusent de parler. Aux Etats-Unis, où les dossiers de la CIA sur l’affaire sont volumineux. En France enfin, où le secret défense a toujours empêché la divulgation des documents permettant d’analyser le degré d’implication de l’Etat et des services secrets », avait-il déclaré au journal Le Monde

Yacine K.

L’Affaire Ben Barka : la fin des secrets, Stephen Smith et Ronen Bergman, Grasset éditions

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Tunisie : Kaïs Saïed convoque l’ambassadeur de l’UE et durcit le ton diplomatique

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Le président tunisien Kais Saïd a convoqué l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) à Tunis, Giuseppe Perrone
Le président tunisien Kais Saïd a convoqué l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) à Tunis, Giuseppe Perrone.

Le torchon brûle-t-il entre la Tunisie et l’Union européenne ? 25 novembre 2025, le président tunisien Kaïs Saïed a convoqué l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) à Tunis, Giuseppe Perrone, pour lui remettre une protestation sévère.

La présidence a dénoncé un non-respect des règles diplomatiques et des contacts menés hors des cadres officiels, en référence à la récente rencontre de l’ambassadeur avec Nour Eddine Taboubi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Cette centrale syndicale, forte d’un million de membres, est un acteur historique du dialogue social en Tunisie, ayant contribué au processus ayant valu à l’UGTT le prix Nobel de la Paix en 2015.

Le geste de Kaïs Saïed illustre une volonté claire de contrôler les interactions diplomatiques, de rappeler la primauté de la « souveraineté nationale », voire de couper tout contact entre les organisations tunisiennes avec l’étranger. Donc leur étouffement. Pour la présidence, toute initiative étrangère auprès d’acteurs civiques ou syndicaux sans autorisation constitue une ingérence inacceptable.

Cette décision s’inscrit dans un contexte de tensions internes et diplomatiques. Depuis son accession au pouvoir, Kais Saïd a concentré les pouvoirs exécutifs, dissous le Parlement et limogé des dizaines de juges, mesures qualifiées par ses détracteurs de « coup d’État complet ». Parallèlement, les autorités ont lancé une campagne de contrôle sur la société civile, accusant plusieurs ONG et associations d’avoir reçu des financements étrangers. Jusqu’ici, 14 organisations ont été suspendues, parmi elles “Femmes démocrates” et le “Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux”. Amnesty International a dénoncé des mesures jugées sévères, incluant arrestations arbitraires, gels d’avoirs et restrictions financières.

Malgré ce climat répressif et autoritaire, le peuple tunisien est sorti massivement dans la rue. Le 22 novembre, une marche a rassemblé plusieurs milliers de citoyens dénonçant la concentration des pouvoirs et la restriction des libertés. Les slogans portaient des messages clairs : « Libertés… libertés… l’État policier est terminé », « Asphyxiés ! », ou encore « Assez d’abus ! ». Selon les observateurs, la diversité des participants révèle une rare unité contre le président, malgré la crainte de répression.

La rencontre diplomatique reprochée entre l’ambassadeur de l’UE et l’UGTT illustre également un dilemme majeur pour l’Union européenne : maintenir son soutien à la société civile tunisienne tout en respectant la souveraineté proclamée par le pouvoir. Ce rappel marque un signal fort pour les relations UE–Tunisie, où les canaux traditionnels de dialogue et de coopération pourraient être remis en question ou fortement encadrés à l’avenir.

Pour les syndicats, les ONG et les acteurs civiques, l’incident souligne la fragilité de l’espace public tunisien : toute initiative externe ou interne jugée critique pourrait être perçue comme une ingérence, et les marges de manœuvre se réduisent face à une centralisation du pouvoir et à une répression croissante.

Cette affaire de crispation diplomatique met en lumière un double défi : pour le pouvoir tunisien, affirmer sa souveraineté et contrôler totalement le dialogue national ; pour la communauté internationale, notamment l’UE, préserver le soutien à la société civile sans provoquer de tensions diplomatiques majeures. Elle reflète également la crise politique, économique et sociale persistante en Tunisie, où les contestations populaires se multiplient malgré la pression exercée sur les institutions, les syndicats et les ONG.

Mourad Benyahia 

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Interpellation puis remise en liberté du journaliste Saad Bouakba 

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Saad Bouakba
Saad Bouakba. Crédit photo : El Hiwar.

Le journaliste Saad Bouakba, figure emblématique de la presse algérienne âgée de 79 ans, a été brièvement interpellé ce mercredi à son domicile, avant d’être relâché en fin de journée. L’information, d’abord annoncée par le journaliste Ali Boukhlef et relayée par l’universitaire et militant politique Fodil Boumala, a suscité de nombreuses réactions dans le milieu médiatique et sur les réseaux sociaux.

Selon les premiers éléments rapportés par Boumala, l’interpellation est survenue vers 17 h 45 au domicile de Bouakba, dans le quartier d’Ouled Fayet. La famille du journaliste a confirmé son arrestation sans fournir de détails supplémentaires dans l’immédiat.

La soirée a été marquée par de nouvelles clarifications. Abdelhak Lalegue,  responsable éditorial de Vision TV–chaîne privée auprès de laquelle Saad Bouakba a récemment accordé une série d’entretiens retraçant six décennies de carrière et de témoignages sur la vie politique algérien—a confirmé que Bouakba avait été convoqué dans la journée par la brigade de gendarmerie de Bir Mourad Raïs. Le journaliste s’est présenté aux enquêteurs, qui l’ont auditionné dans un cadre qualifié de « tout à fait normal ». Il se trouvait, au moment du dernier communiqué, chez lui entouré de ses proches. Lalegue a précisé que Bouakba devra néanmoins se présenter ce jeudi devant le procureur de la République près le tribunal de Bir Mourad Raïs.

Les raisons exactes de cette interpellation provisoire n’ont, pour l’heure, pas été rendues publiques. L’affaire intervient alors que les récentes interventions médiatiques de Saad Bouakba ont largement circulé, notamment ses propos revenant sur les coulisses de la scène politique et les pratiques du champ médiatique depuis les années 1960.

L’audition prévue demain devrait permettre de clarifier la nature de la procédure en cours. En attendant, la situation reste suivie de près par les milieux journalistiques et les observateurs de la liberté de la presse en Algérie.

Samia Naït Iqbal

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Le journaliste Saad Bouakba interpelé

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Saad Bouakba
Saad Bouakba embastillé. Crédit photo : DR

Le journaliste et écrivain Saad Bouakba a été interpellé chez lui aujourd’hui mercredi.

L’arbitraire et la répression ponctue le quotidien des Algériens qui s’expriment librement. Saad Bouakba (79 ans) accordé une série d’entretiens à Vision Tv où il a déroulé l’histoire du pays et les arrière-cours du pouvoir et de ses hommes depuis l’indépendance du pays. Dans un de ses enregistrement, le journaliste a dressé un portrait élogieux de Krim Belkacem, assassiné le 18 octobre à Francfort, en Allemagne, par des sicaires du pouvoir de Boumediene.

Le journaliste a été relâché en fin de journée et convoqué, demain, par la justice, rapporte Abdelhak Lalag, rédacteur en chef de la chaine VisionTV.

Il est utile de rappeler que l’Algérie vit sous une insupportable chape de plomb. Aucune expression libre n’est tolérée par le pouvoir d e la dyarchie Tebboune-Chanegriha. La presse a renoncé à son impertinence, préférant plier l’échine, voire louer le pouvoir au prix de quelques pages de publicité. La société civile est mise au pas. Près de 250 prisonniers d’opinion croupissent derrière les barreaux. L’un d’entre eux, Cherif Mellal, mène depuis 9 jours une grève de la faim contre l’arbitraire dont il est victime.

Sofiane Ayache

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Louisa Hanoune reçue par Tebboune : un dialogue révélateur des limites du système politique

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Tebboune et Hanoune
Abdelmadjid Tebboune reçevant Louisa Hanoune. Crédit photo : APS

La rencontre entre Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), et le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, s’est déroulée dans un climat que la dirigeante décrit comme « libre et sans barrières ». Cependant, derrière cette façade de dialogue ouvert, l’entretien souligne les contraintes structurelles et les limites réelles des partis politiques face aux défis du pays.

Diagnostic clair mais marge d’action limitée

La rencontre entre Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), et le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, s’est déroulée dans un climat que la dirigeante décrit comme « libre et sans barrières ». Priez de ne pas en rire ! Cependant, derrière cette façade de dialogue ouvert, l’entretien souligne les contraintes souterraines et structurelles, voire les limites réelles des partis politiques, réduits pour la plupart à composer avec un système totalitaire.

Diagnostic clair mais marge d’action limitée

Louisa Hanoune a présenté au chef de l’État les points faibles de l’économie et de la société algérienne, allant du chômage à la migration des jeunes, en passant par les dysfonctionnements institutionnels, si l’on en croit ses déclarations. Si le PT se positionne comme force de propositions, ses préconisations restent confrontées à une réalité où les décisions stratégiques — économiques, militaires et diplomatiques — demeurent strictement sous contrôle présidentiel.

Cette centralisation rappelle la difficulté pour les partis de traduire leurs analyses en réformes concrètes, malgré leur rôle consultatif. En la matière, on ne peut accuser le PT de quelconque opposition ferme au pouvoir et ce, depuis l’interminable présidence de Bouteflika où l’on a vu Louisa Hanoune venir au secours du locataire d’El Mouradia en de nombreuses reprises.

Le poids du contexte mondial et régional a été un thème récurrent. Louisa Hanoune a insisté sur les risques et les implications pour l’Algérie, y compris en matière de stabilité interne. Ce rappel du « cadre international contraignant » peut être perçu comme un double message : d’une part, la nécessité de vigilance et d’unité nationale ; – l’antienne de l’incontestable patronne du PT depuis 30 ans – d’autre part, une manière de mettre en garde contre  le statu quo face à des problèmes internes persistants.

Révision du Code électoral : promesse de transparence ou défi pratique ?

Le chantier électoral a été évoqué, notamment la gestion des 11 nouvelles wilayas. Hanoune a souligné les risques de confusion dans les listes électorales et la nécessité d’une organisation rigoureuse. Pourtant, le PT, comme l’ensemble des partis, reste dépendant de l’administration pour la mise en œuvre concrète de ses propositions en matière d’organisation et de transparence du scrutin, illustrant une fois de plus l’écart entre recommandations politiques et pouvoir effectif.

Pour la SG du PT, les élections à venir constituent néanmoins une « phase charnière ». Mais la rencontre laisse transparaître que la crédibilité du processus électoral dépendra autant de la volonté affichée que de la capacité réelle des institutions à garantir transparence et équité.

On ne sait en revanche si la question du 3e mandat de Tebboune est évoquée ! Car il ne faut pas se faire d’illusions, à 81 ans, l’homme n’est pas prêt de céder la présidence.

La rédaction

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L’adieu à Biyouna : un hommage à l’icône de la Liberté et de l’audace algérienne​

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Biyouna inhumée avec les hommages.
Hommage à l'immense Biyouna. Crédit : RD

L’Algérie a rendu son dernier hommage à Baya Bouzar, plus connue sous son nom de scène Biyouna, décédée la veille à l’âge de 73 ans des suites d’une longue maladie.

Les cérémonies, empreintes de sobriété et d’une profonde émotion, ont marqué le départ d’une figure singulière et audacieuse qui a profondément influencé la culture et le théâtre national.

La dernière scène au TNA

La matinée du mercredi 26 novembre a débuté par un recueillement public au Théâtre National Algérien (TNA) Mahieddine-Bachtarzi à Alger. Ce lieu symbolique, cœur battant de la création théâtrale, a servi de dernière scène à l’artiste, conformément aux vœux de ses proches.

Dès 11h00, une foule d’admirateurs, de personnalités du monde des arts, de la culture et de représentants officiels se sont succédé devant la dépouille. L’hommage au TNA a symbolisé la reconnaissance de la nation à celle qui avait fait rire et pleurer des générations de spectateurs, non seulement en Algérie mais aussi à l’étranger, grâce à une carrière prolifique qui l’a menée du cinéma algérien aux productions internationales.

Une vague d’hommages unanime

Les jours précédant l’inhumation ont été marqués par une vague d’hommages unanime, saluant la liberté de ton et l’esprit rebelle de Biyouna. De nombreux acteurs culturels et politiques ont souligné son rôle d’émancipatrice et de modèle.

Le président Abdelmadjid Tebboune a exprimé sa « profonde affliction » et rendu hommage à une « célébrité de la scène culturelle », soulignant sa contribution au cinéma, au théâtre et à la télévision. Son message de condoléances, largement relayé par les médias publics, a inscrit Biyouna dans le registre des icônes culturelles nationales, reconnaissant le « vide immense » laissé par son départ.

En France, la ministre de la Culture Rachida Dati a salué une artiste « de toutes les scènes et de tous les registres », rappelant son influence au-delà des frontières algériennes.

Des artistes ont insisté sur la sincérité et l’audace de l’actrice, souvent perçue comme une porte-voix des femmes et une critique sociale sous-jacente à ses rôles comiques.

​Son héritage a été défini par la dualité de son parcours : profondément enracinée dans la culture algérienne (avec des rôles cultes comme El Harik) tout en rayonnant sur la scène internationale (Le Flic de Belleville, La Source des femmes).

Le dernier repos à El-Alia

En début d’après-midi, le corps de Biyouna a été conduit au cimetière d’El-Alia, l’un des plus grands et des plus importants cimetières d’Alger, où reposent de nombreuses personnalités nationales.

Après la prière du Dohr, la cérémonie d’inhumation s’est déroulée dans une atmosphère de dignité et de recueillement. L’affluence témoigne de l’attachement profond et populaire à cette artiste qui, par sa présence scénique unique et son authenticité, est devenue un symbole de l’identité algérienne moderne

Le départ de Biyouna laisse un héritage culturel riche et complexe, celui d’une femme qui a toujours refusé les carcans, utilisant l’art pour exprimer une vérité souvent dérangeante mais toujours accueillie avec affection par son public.

Biyouna, symbole de résilience face à l’hostilité idéologique des islamistes 

La disparition de Biyouna (Baya Bouzar), l’artiste et la femme, a ravivé un clivage ancien entre reconnaissance populaire et institutionnelle, et hostilité idéologique. Figure majeure de la scène artistique maghrébine, elle a été saluée par les autorités algériennes et françaises, tandis qu’une partie des courants conservateurs a réactivé les critiques qui ont jalonné sa carrière.

Ces hommages unanimes contrastent avec les tensions qui ont marqué son parcours. Biyouna évoquait régulièrement le regard méfiant de certains milieux politiques ou intellectuels, qui la jugeaient « trop populaire, trop franche, trop algéroise ». Cette perception a façonné la réception parfois ambivalente de son œuvre.

Malgré l’hommage populaire qui a accompagné ses funérailles au Théâtre national algérien et son inhumation au cimetière d’El-Alia, des voix conservatrices ont profité de l’annonce de son décès pour relancer les attaques. Pour ces militants islamistes ou rigoristes, la comédienne incarnait un modèle de femme jugé incompatible avec leurs références morales : libre, directe, décomplexée.

Ses rôles dans les films de Nadir Moknèche — notamment Le Harem de Madame Osmane et Viva Laldjérie —, où elle incarnait des femmes modernes et transgressives, demeurent des cibles récurrentes des polémiques. Ses prises de position, sa sensualité assumée et son humour sans détour symbolisaient, pour certains, une remise en cause frontale des normes sociales et religieuses.

Pour une grande partie du public, au contraire, Biyouna reste l’incarnation d’une parole affranchie et d’une résistance artistique forgée pendant la « décennie noire », période durant laquelle plusieurs artistes avaient été menacés.

Sa mort, saluée par les institutions mais contestée par les franges conservatrices, révèle une fracture culturelle toujours active en Algérie : celle entre une culture populaire revendiquant liberté et irrévérence, et des courants idéologiques, se revendiquant de l’islam  rigoriste qui continuent d’en contester la légitimité.

Samia Naït Iqbal

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Décès de Nacer Boudiaf à Bruxelles : une disparition qui ravive les zones d’ombre du 29 juin 1992

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Nacer Boudiaf.
Nacer Boudiaf. Crédit photo : DR

Nacer Boudiaf, fils du président Mohamed Boudiaf assassiné en 1992, est décédé dans la nuit du 25 au 26 novembre à Bruxelles, des suites d’un cancer foudroyant. Il avait 62 ans. L’annonce de sa mort a été confirmée par son frère, Tayeb Boudiaf, et relayée par plusieurs médias.

Avec sa disparition s’éteint l’une des voix les plus insistantes dans la quête de vérité qui entoure l’attentat du 29 juin 1992, un épisode encore marqué par de profondes zones d’ombre dans l’histoire politique algérienne.

Depuis plus de trente ans, Nacer Boudiaf avait fait de cette quête un engagement personnel. Installé entre l’Algérie et l’Europe, il s’était imposé comme l’un des rares à défier frontalement la version officielle de l’assassinat de son père. Selon lui, l’explication d’un acte isolé commis par un garde du corps ne tenait pas. Il dénonçait des responsabilités occultées et une vérité d’État verrouillée depuis le lendemain du drame. À travers interventions médiatiques, conférences, courriers adressés aux autorités et prises de parole régulières, il rappelait inlassablement que « le dossier Boudiaf n’a jamais été véritablement ouvert » et que le pays avait besoin d’un éclaircissement pour se réconcilier avec son histoire récente.

La constance de son engagement lui avait valu autant de respect que d’isolement. Beaucoup saluaient sa ténacité, d’autres l’accusaient de remuer un passé dérangeant. Mais Nacer Boudiaf demeurait persuadé que le silence n’était pas une option. Pour lui, le combat pour la vérité dépassait la dimension personnelle : il s’agissait d’un devoir vis-à-vis de la mémoire collective, d’un impératif pour comprendre une période où l’Algérie a basculé dans une décennie de violences et d’incertitudes.

L’annonce de sa disparition a suscité de nombreuses réactions, en Algérie et dans la diaspora. Parmi elles, celle de l’artiste algérien Hamid Baroudi a particulièrement retenu l’attention. Depuis sa page officielle, le chanteur a exprimé sa peine dans un message où se mêlent condoléances et hommage fraternel :

« C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de notre ami et frère Nacer Boudiaf. Qu’Allah lui fasse miséricorde et l’accueille dans son vaste paradis. Allah yerhmek Akhi Nacer, we will miss you bro. » Publié sur sa page « Hamid Baroudi – Official Page », le message a été largement relayé, témoignage de l’impact humain que Nacer laissait auprès de ceux qui l’avaient côtoyé.

La mort de Nacer Boudiaf réactive un sentiment d’inachevé. Elle rappelle qu’au-delà des commémorations et des discours officiels, l’assassinat de Mohamed Boudiaf demeure l’un des dossiers les plus sensibles et les plus opaques de l’histoire contemporaine de l’Algérie. En disparaissant, Nacer laisse derrière lui un combat qu’il portait avec obstination : celui de briser le silence autour d’une tragédie nationale dont les responsables, selon lui, n’ont jamais été nommés.

Aucune information officielle n’a pour le moment été communiquée concernant l’organisation des funérailles. Mais pour beaucoup, sa disparition ne marque pas la fin de la quête de vérité. Elle en souligne, au contraire, l’urgence. L’héritage de Nacer Boudiaf réside précisément dans cette obstination à refuser l’oubli de l’assassinat de son père, Mohamed Boudiaf et à maintenir vivante une question que l’histoire n’a toujours pas tranchée.

Mourad Benyahia 

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