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​Régulation bancaire : la Banque d’Algérie durcit les contrôles sur les dépôts en espèces

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Banque d'Algérie
La Banque d'Algérie. Crédit image : APS

La Banque d’Algérie poursuit le renforcement de son dispositif de contrôle des flux financiers. Dans une note récemment adressée aux banques et établissements financiers, l’autorité monétaire appelle à une vigilance accrue, en particulier sur les dépôts d’espèces effectués par les entreprises.

À travers cette instruction, la Banque centrale entend limiter les risques liés à la circulation de liquidités d’origine incertaine et améliorer la transparence des opérations bancaires. La démarche s’inscrit dans le cadre des efforts engagés pour lutter contre le blanchiment d’argent et les circuits financiers illégaux.

Les versements en espèces désormais strictement encadrés

L’un des principaux changements concerne l’alimentation des comptes professionnels. La Banque d’Algérie demande aux banques de privilégier les moyens de paiement traçables, tels que les virements, les chèques ou les paiements électroniques.

Les dépôts en espèces ne sont plus considérés comme une pratique courante pour les entreprises. Ils ne pourront être acceptés que dans des situations exceptionnelles, à condition que l’origine des fonds soit clairement expliquée et documentée. L’objectif est double : réduire la place de l’économie informelle et renforcer la traçabilité des flux financiers.

Une réforme confrontée aux réalités de l’informel

L’application de ces nouvelles règles pose toutefois la question de l’adhésion des acteurs économiques qui opèrent en dehors des circuits bancaires traditionnels. Longtemps habitués aux transactions en liquide, certains opérateurs pourraient voir dans ce durcissement un frein à leurs activités.

Deux risques se dégagent. D’une part, la réticence à fournir des justificatifs sur l’origine des fonds, perçue comme une remise en cause de pratiques bien ancrées. D’autre part, la tentation pour certains détenteurs de capitaux de conserver leurs liquidités hors du système bancaire afin d’éviter les contrôles.

Trouver le juste équilibre

Consciente de ces enjeux, la Banque d’Algérie insiste sur la nécessité de ne pas pénaliser les clients présentant un faible niveau de risque. Le renforcement des contrôles ne doit pas se faire au détriment de l’inclusion financière, ni décourager les opérateurs économiques souhaitant intégrer le circuit formel.

Pour le secteur bancaire, le défi consistera à appliquer ces nouvelles exigences avec discernement, afin de renforcer la confiance dans le système financier tout en accompagnant progressivement la transition vers des pratiques plus transparentes.

La rédaction

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In memoriam : Ferhat Abbas

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Ferhat Abbas
Ferhat Abbas

Il y a quarante ans, nous quittait Ferhat Abbas (24 août 1899 Chahna –24 décembre 1985). Qu’il nous soit permis de rappeler quelques lignes de vie, autant de repères dans son long parcours politique et, par là même, rendre hommage à l’un des pères de la nation algérienne. 

Une pensée, une prière pour Le Jeune Algérien, fils de Taher qui débuta sa vie militante à 19 ans auprès de l’Émir Khaled. Étudiant en pharmacie, il devient leader syndicaliste, président de l’Association des Étudiants Musulmans d’Afrique du Nord (AEMNA). C’est durant ses années (1922-1929) à l’université qu’il s’initie, sous le pseudonyme de Kamel Abencérages, au journalisme contribuant aux journaux L’Ikdam, Le trait-d’Union, Ettakaddoum puis L’Entente du docteur Bendjelloul et enfin dans la revue estudiantine qu’il a créé : Ettelmidh. Ces écrits feront de lui, selon les mots de Jacques Berque, le « fondateur du journalisme politique musulman » en Algérie. 

Ce journalisme et le travail de presse étaient conçus comme une pièce essentielle du combat politique contre le système colonial, d’une part, et en faveur de la construction d’une identité collective nationale, d’autre part. Cette œuvre de conscientisation politique et de militantisme l’accompagnera toute sa vie durant. Il sera, ainsi, à l’origine de journaux nationalistes dont les titres résument son combat politique : L’Égalité, ElWatan et La République algérienne. Ces journaux ont grandement contribué à forger l’idée de Nation algérienne et de République démocratique, sociale, réformiste et émancipatrice. C’est un journalisme d’éducation populaire, entièrement consacrée à l’affirmation de l’idée de nation algérienne, à la reconquête de l’histoire du pays en réaction à l’entreprise d’acculturation et de déhistorisation de l’Algérie conduite par le système colonial. 

Deuxième ligne de vie, celle de l’incessante dénonciation de La nuit coloniale et du système d’oppression et d’exploitation mise en place 132 ans durant en Algérie. Du J’accuse l’Europe (1946) à Autopsie d’une guerre (1980), en passant par son Testament politique (1946, édité en 1994), il n’aura cessé de combattre le système et le meurtrier lobby colonial, de dénoncer les lâchetés de la France en Algérie, son double-jeu et son hypocrisie meurtrière. La condamnation historique, morale, politique, économique, culturelle et cultuelle du colonialisme en tout lieu et de tout temps, et au-delà de toute forme d’asservissement humain a été constante de sa trajectoire politique – qui a pourtant beaucoup évolué – et de son action partisane. 

On en vient donc à la troisième ligne de vie, celle de l’action politique. Une pensée, une prière pour le fondateur de l’Union Populaire algérienne. Mais surtout le rédacteur, au 1er étage de sa pharmacie de Sétif, du Manifeste du peuple algérien, l’acte de naissance de la nation algérienne. En l’intitulant L’Algérie devant le conflit mondial. Manifeste du peuple algérien, il annonçait, au monde et à la France coloniale, qu’une nouvelle nation en gestation entendait inscrire sa lutte d’émancipation dans le concert des nations et celui des peuples du monde ; un nationalisme universaliste. S’en suivra la création des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML), seul parti de masse, pluraliste, patriotique et républicain qu’aura connu l’Algérie et leader de l’Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA). Contrairement à la propagande officielle visant à disqualifier ce courant nationaliste, l’UDMA n’était pas un parti « petit bourgeois », « assimilationniste », « élitiste », « coupé du peuple ». Non. L’UDMA (1946-1956) a été un parti populaire, indépendantiste, présent sur le terrain, avec des sections réparties sur l’ensemble du territoire, œuvrant main dans la main à l’éducation des masses avec les Oulémās (1). 

Son action politique, les postes qu’il occupa en tant que conseiller municipal de Sétif, conseiller général du Constantinois, délégué à l’Assemblée algérienne et député de l’Assemblée nationale française, l’UDMA en tant qu’entreprise politique n’avaient qu’une seule et même finalité : l’émancipation du peuple algérien et « l’élévation de la masse algérienne ». L’émancipation sociale, politique, économique, culturelle, cultuelle du peuple algérien constitue l’essence même et la finalité de son projet combat politique (2).

Une pensée, une prière pour le premier Président du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) et de la première Assemblée constituante de l’Algérie indépendante, dont il démissionna en juillet 1963 pour dénoncer la dérive autoritariste des prédateurs. Sa lettre de démission, sous-titrée Le sang des Chouhadas trahi, était d’une grande lucidité sur l’évolution du pays. Il y dénonce « l’Algérie des lâches opportunistes (…) une république des courtisans (…) des profiteurs (…) [et] la dictature d’un pouvoir fractionnaire et sans contrôle ». Il annonçait la dérive dictatoriale et la corruption-dévalorisation de l’institution étatique sans laquelle il ne peut y avoir un développement socio-économique. Pour cela, il aura connu après les prisons de l’ordre colonial, celles des colonels de l’Algérie indépendante. Il aura été un opposant constant, permanent à la dictature du parti unique, victime de L’indépendance confisquée, suite à son Rappel au peuple algérien de 1976. 

Une pensée, une prière pour ce militant de l’unité maghrébine et d’une Algérie méditerranéenne. Le Rappel au peuple algérien de 1976 se terminait de la façon suivante : « (…) des hommes, militants de bonne volonté, (…) appellent les Algériens à lutter afin : 

  1. De faire élire par le peuple, librement consulté une Assemblée nationale constituante et souveraine.
  2. De mettre fin au système totalitaire actuel et d’élever des barrières légales contre toute velléité de ce genre.
  3. D’établir les libertés d’expression et de pensée pour lesquelles le peuple algérien a tant combattu.
  4. D’œuvrer pour un Maghreb arabe uni, islamique et fraternel. »

Cinquante ans après, ce plaidoyer politique demeure d’une brûlante actualité. 

De l’esquisse de ces lignes de vie, se dégage la vision d’une Algérie pluraliste, multiple dont l’identité ne se définit pas par l’exclusion, mais par l’intégration, une Algérie riche de ses diversités. S’il y a bien une seconde constante dans la trajectoire politique de Ferhat Abbas, dans ses écrits, dans les écrits de la presse qu’il dirigea et dans toute l’action politique de l’UDMA, c’est la défense de la multiplicité algérienne. Revendiquée et assumée – non dénuée de contradictions, il faut l’admettre, mais cela serait trop à expliquer – cette Algérie multilinguiste, multireligieuse et multiculturelle était la condition, la réalité sociologique et historique du patriotisme, de la citoyenneté et de la Nation à construire. C’est ce projet national qui a été défendu par Ferhat Abbas, l’UDMA et les udmistes. Il s’agit de se souvenir qu’un courant nationaliste algérien a porté cette conception de la Nation et de la République à venir. Il peut être un repère dans ces temps confus.

C’est pourquoi, les idées, les écrits de Ferhat Abbas sont là, un noble matériau pour la genèse possible d’une « République algérienne démocratique et sociale », selon les termes du projet de l’UDMA (1946). Un repère pour notre jeunesse en quête d’un idéal car Demain, se lèvera le jour

Taher El Qassentini

Notes

  1. Lire à ce propos l’ouvrage de Malika Rahal (2017), L’UDMA et les Udmistes. Contribution à l’histoire du nationalisme algérien, Barzakh, Alger.

 2) Nous avons développé cet aspect de la trajectoire de Ferhat Abbas dans une précédente contribution, « Ferhat Abbas ou la quête inachevée », Recherches Internationales, n° 105, 2015, pp. 137-150.

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UGTT : la démission de Taboubi, révélateur d’un syndicalisme tunisien sous contrainte

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Noureddine Taboubi
Noureddine Taboubi démissionne de la tête de l'UGTT. Crédit image : DR

L’annonce de la démission de Noureddine Taboubi de son poste de secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le 23 décembre 2025, marque un moment de rupture dans l’histoire récente de la principale organisation syndicale du pays.

Au-delà du geste personnel, cet acte met en lumière les tensions multiples qui traversent aujourd’hui la centrale syndicale, prise entre crise interne, pressions politiques et affaiblissement de son rôle historique.

Sur le plan statutaire, la procédure engagée ne conduit pas à un départ immédiat. Le règlement intérieur de l’UGTT prévoit un délai d’examen et de consultation des instances avant toute validation définitive. Mais sur le terrain politique et social, l’impact est immédiat : la figure centrale du syndicalisme tunisien annonce son retrait à un moment où l’organisation est engagée dans un rapport de force ouvert avec le pouvoir.

Depuis le congrès extraordinaire de Sousse en 2021, l’UGTT vit une crise latente. La décision d’autoriser un troisième mandat à sa tête a durablement fragilisé la cohésion interne de l’organisation. Ce choix a nourri des accusations de verrouillage des structures et de confiscation du débat démocratique, accentuant la fracture entre la direction et une partie de la base syndicale.

À cette crise de légitimité s’est ajoutée une difficulté croissante à organiser un congrès rassembleur, capable de trancher les désaccords et de redéfinir une ligne claire. La démission de Taboubi apparaît ainsi comme l’expression d’un épuisement politique autant que d’un blocage organisationnel.

Face-à-face avec le pouvoir

En parallèle, l’UGTT s’est retrouvée en confrontation directe avec les autorités tunisiennes. Rupture du dialogue social, arrêt des négociations collectives, restrictions du droit syndical : la centrale a multiplié les alertes et les dénonciations. L’annonce d’une grève générale pour le 21 janvier 2026 a constitué un point culminant de cette escalade.

La question qui se pose désormais est celle de la capacité de l’UGTT à maintenir cette dynamique dans un contexte de transition interne. La démission de son secrétaire général ouvre une zone d’incertitude : affaiblissement du rapport de force ou, au contraire, recomposition stratégique autour d’une ligne plus offensive.

Une institution à la croisée des chemins

Historiquement, l’UGTT a occupé une place singulière dans la vie politique tunisienne, oscillant entre acteur social, médiateur national et force de résistance. Depuis les événements du 25 juillet 2021, ce rôle s’est progressivement réduit, sous l’effet conjugué de la centralisation du pouvoir et des divisions internes.

La séquence actuelle pose des questions de fond : l’UGTT peut-elle se réorganiser sans se fragmenter ? Un changement de leadership est-il susceptible de redonner souffle à l’action syndicale ou d’accélérer son marginalisation ? La centrale est-elle encore en mesure de peser sur les grandes orientations économiques et sociales du pays ?

Plus qu’un débat autour d’un homme, la démission annoncée met en jeu l’avenir d’une institution clé. La manière dont l’UGTT gérera cette étape — confirmation ou retrait de la démission, clarification de la stratégie syndicale, ouverture d’un processus démocratique interne — sera déterminante.

Dans une Tunisie marquée par la crise sociale, la contraction des libertés et la défiance politique, l’issue de cette séquence dira si l’UGTT demeure un acteur central du rapport social ou si elle entre dans une phase de recul durable.

Mourad Benyahia 

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CAN 2025 : le Nigeria, le Sénégal, la RDC et la Tunisie confirment leur succès

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CAN 2025

Mardi 23 décembre 2025, la deuxième journée de la Coupe d’Afrique des Nations 2025, au Maroc, a offert quatre rencontres intenses qui ont permis à plusieurs favoris de confirmer leur statut après le match d’ouverture et les rencontres d’hier.

Le Nigeria prend le dessus sur la Tanzanie (2-1)

Les Super Eagles, menés par Victor Osimhen, ont signé une victoire importante face à la Tanzanie. Malgré une défense tanzanienne solide, les Nigérians ont su faire la différence grâce à leur efficacité offensive. Cette victoire leur permet de rester dans la course à la qualification pour la phase suivante et de consolider leur position dans le groupe.

Le Sénégal surclasse le Botswana (3-0)

Les Lions de la Téranga, champions en 2021, n’ont pas tremblé face à un Botswana encore tendre dans la compétition. Cherif Ndiaye a inscrit un doublé avant que le troisième but confirme la domination sénégalaise. Le Sénégal prend la tête du groupe D, en attendant le choc contre la RDC samedi.

La RDC s’impose de justesse contre le Bénin (1-0)

Pour son premier match dans cette deuxième journée, la RDC a décroché une victoire serrée 1-0 face au Bénin. Les Léopards ont montré patience et solidité, bénéficiant d’un coup de chance : le VAR a cessé de fonctionner lors d’une action litigieuse, privant le Bénin d’une égalisation potentielle. La RDC reste ainsi bien positionnée pour la suite du groupe D.

La Tunisie démarre fort contre l’Ouganda (3-1)

Enfin, la Tunisie a remporté une victoire nette 3-1 face à l’Ouganda, au Stade Olympique Annexe du Complexe Prince Abdullah à Rabat. Ilyes Skhiri a ouvert le score dès la 10e minute, suivi par Ilyes Laâchouri, qui a inscrit les deuxième et troisième buts à la 40e et 64e minutes. L’Ouganda a sauvé l’honneur avec un but de Denis Omeda en toute fin de rencontre, mais cela n’a pas remis en cause la supériorité tunisienne.

Bilan de la deuxième journée

Cette deuxième journée confirme que plusieurs favoris de la CAN 2025 sont bien lancés :

Le Sénégal et la RDC apparaissent comme de sérieux prétendants à la qualification dans le groupe D.

Le Nigéria confirme sa force collective et offensive.

La Tunisie montre un potentiel offensif solide dès le départ.

Le Botswana, Tanzanie et Ouganda devront se ressaisir rapidement pour rester dans la course.

Djamal Guettala 

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Le Maroc extrade un chef présumé d’un réseau de narcotrafic vers la France

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Le chef présumé d’un important réseau international de narcotrafic a été remis à la France par le Maroc. Arrêté en février dernier à Casablanca, il a été extradé vers l’Hexagone le 23 septembre, avant d’être inculpé puis placé en détention provisoire.

Il est poursuivi pour importation de stupéfiants en bande organisée, transport et détention de drogues, blanchiment aggravé et corruption active. Cette nouvelle extradition aboutie illustre le renforcement de la coopération judiciaire entre les deux pays dans la lutte contre les réseaux internationaux du narcotrafic. En particulier ces deux dernières années.

Cette affaire s’inscrit dans une série d’extraditions du Maroc vers la France, intervenues tout au long de l’année. Fin novembre dernier, Rabat a remis aux autorités françaises deux individus visés par un mandat d’arrêt européen depuis avril 2024. Ils sont soupçonnés de faire partie des dirigeants du réseau de trafic de stupéfiants dit des « Arai Farmers ». Un réseau qui opère depuis Barcelone, sous l’autorité de commanditaires installés au Maroc, avec des échanges organisés via la messagerie Telegram.

En janvier 2025, le Maroc avait déjà extradé vers la France une autre figure majeure du narcotrafic, Félix Bingui, surnommé « The Cat ». Présenté comme une figure centrale du gang marseillais du Yoda clan, il avait été arrêté à Casablanca en mars 2024 sur mandat de la justice française.

Au mois d’août dernier, Rabat avait également extradé deux complices impliqués dans l’évasion du narcotrafiquant Mohamed Amra en 2024. 

Une coopération judiciaire jugée efficace par Paris. Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’en est félicité à plusieurs reprises, évoquant une traque des narcocriminels menée, « partout, avec l’aide de nos partenaires ».

RFI

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Libye : le chef d’état-major de l’armée et 4 hauts officiers périssent dans un crash en Turquie

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Mohammed Ali Ahmed Al-Haddad et quatre autres personnes
Mohammed Ali Ahmed Al-Haddad et quatre autres officiers sont morts lors du crash. Crédit image : Anadolu.

Le chef d’état-major général des forces armées libyennes, le général Mohammed Ali Ahmed Al‑Haddad, est décédé mardi soir dans un accident d’avion survenu près d’Ankara, a confirmé le Premier ministre libyen, Abdelhamid Dbeibah. L’appareil, un jet privé Falcon 50, immatriculé 9H‑DFJ, transportait cinq personnes, dont le général Al‑Haddad, plusieurs hauts responsables militaires et un photographe attaché à l’état-major.

Selon les autorités turques, le contact avec l’avion a été perdu à 20 h 52, environ 40 minutes après le décollage de l’aéroport d’Ankara Esenboğa, alors que l’appareil se dirigeait vers Tripoli. Un signal d’atterrissage d’urgence avait été émis peu avant la perte de communication, mais les contrôleurs n’ont pas pu rétablir le contact. Les équipes de secours dépêchées sur place ont localisé l’épave dans le district de Haymana, à une soixantaine de kilomètres au sud d’Ankara, où tous les occupants ont été retrouvés morts.

Parmi les victimes figurent outre le général Al‑Haddad, le commandant des forces terrestres, le directeur de l’autorité de fabrication militaire, un conseiller du chef d’état-major et un photographe. Ces responsables étaient considérés comme des piliers de l’institution militaire libyenne et jouaient un rôle stratégique dans la structuration et la coordination des forces armées, dans un pays encore marqué par les divisions et les conflits internes.

Le Premier ministre Dbeibah a qualifié cette tragédie de « perte profonde pour la nation et l’institution militaire », soulignant que les victimes étaient des figures exemplaires de service et de dévouement à la Libye. Il a annoncé que plusieurs jours de deuil national seraient observés et que des cérémonies officielles rendraient hommage à ces hauts cadres militaires.

Le général Al‑Haddad se trouvait à Ankara dans le cadre d’une visite officielle, où il avait tenu des entretiens de haut niveau avec des responsables militaires turcs, incluant le ministre de la Défense et le chef d’état-major turc. Ces rencontres visaient à renforcer la coopération bilatérale et la coordination stratégique entre les forces armées des deux pays. La visite avait également un objectif technique et logistique, portant sur l’équipement et la formation des militaires libyens.

Les circonstances exactes du crash font l’objet d’une enquête approfondie menée par les autorités turques, avec la participation de procureurs et d’experts en aviation. L’analyse portera notamment sur les enregistreurs de vol et l’examen technique du Falcon 50, afin de déterminer si l’accident est dû à un problème mécanique, une erreur humaine ou d’autres facteurs extérieurs. Jusqu’à présent, aucun élément précis n’a été communiqué quant à la cause exacte de la tragédie.

Ce drame survient à un moment critique pour la Libye, où les efforts de réconciliation, de stabilisation militaire et de consolidation des institutions sont encore fragiles. La perte du chef d’état-major et de plusieurs cadres militaires expérimentés constitue un coup dur pour la coordination des forces armées et pourrait avoir des répercussions sur la sécurité et la stabilité dans les semaines à venir.

La communauté internationale suit de près l’évolution de la situation. Plusieurs gouvernements et organisations régionales ont exprimé leurs condoléances à la Libye, tout en soulignant l’importance de maintenir la coopération militaire et les efforts de stabilisation. En Libye, ce drame a provoqué une vive émotion au sein des forces armées et parmi la population, qui rend hommage à ces hauts responsables pour leur engagement et leur service au pays.

Les autorités libyennes et turques continuent de collaborer pour déterminer les causes exactes de l’accident et tirer les leçons de cette tragédie afin de prévenir de futurs incidents. Ce crash rappelle, une fois de plus, la vulnérabilité des infrastructures et des transports aériens dans une région où la sécurité reste fragile, et souligne l’importance de la rigueur technique et du suivi opérationnel dans les missions officielles à l’étranger.

Djamal Guettala avec Agences 

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La Banque Postale victime d’une cyberattaque, ses services en ligne perturbés

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hacker
La Banque postale hackée.

Depuis lundi matin, la Banque Postale, la Caisse d’épargne et la Banque populaire connaissent des interruptions de service en ligne, liées à une attaque par déni de service distribué.

lundi 22, plusieurs services en ligne de La Banque Postale et des banques du groupe BPCE sont inaccessibles, provoquant des perturbations pour de nombreux clients quelques jours avant Noël.

La Banque Postale, filiale bancaire du groupe La Poste, a été victime d’une attaque par déni de service distribué (DDoS) visant à saturer ses serveurs de requêtes. L’établissement a précisé que cette cyberattaque n’a eu aucun impact sur les données des clients, mais a affecté l’accès aux comptes et aux services bancaires en ligne, ainsi qu’au site de Colissimo (service de livraison de colis) et à Digiposte (plateforme de stockage et de gestion de documents en ligne).

Sur la plateforme sociale X, basée aux États-Unis, La Banque Postale a indiqué : « Depuis tôt ce matin, un incident affecte l’accès à votre banque en ligne et à l’app mobile. Il est actuellement en cours de résolution, nos équipes mettent tout en œuvre pour rétablir le service rapidement. Les paiements en ligne restent possibles avec une authentification par SMS. Les paiements par carte bancaire sur les TPE en magasins et les virements par Wero sont toujours accessibles. »

Ce nouvel incident survient moins de 48 heures après un problème technique similaire qui avait déjà empêché l’accès aux comptes sur l’application mobile et le web. La Banque Postale avait rétabli le service le jour-même et assuré une surveillance active des systèmes.

D’autres banques du groupe BPCE, comme la Caisse d’épargne et la Banque populaire (établissements bancaires français), sont également concernées. Des clients ont signalé des difficultés de connexion. Sur l’application mobile de la Caisse d’épargne, un message indique que « des perturbations peuvent être rencontrées lors de la validation des paiements sur internet via SecurPass » (système d’authentification pour les paiements en ligne).

Le service de livraison Colissimo a également été affecté, son site étant indisponible, mais la distribution des colis et courriers à domicile reste assurée.

A.A.

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Pierre-Paul Geoffroy, militant du FLQ, s’est éteint à 81 ans

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Pierre-Paul Geoffroy lors de son procès, en mars 1969.
Pierre-Paul Geoffroy lors de son procès, en mars 1969.

Pierre-Paul Geoffroy, l’une des figures les plus marquantes du Front de libération du Québec (FLQ), est mort samedi dernier à l’âge de 81 ans.

Son neveu, Nicolas Langelier, retrace dans Pierre-Paul Geoffroy, ou la tentation du feu, le parcours d’un homme qui, dans le Québec des années 1960, a choisi la violence pour défendre ses idées. Mais ce récit dépasse la simple chronique historique : il explore les tensions, les frustrations et les choix radicaux d’une jeunesse convaincue que le changement ne viendrait pas par les voies traditionnelles.

Né à Berthierville en 1944, Pierre-Paul Geoffroy grandit dans un Québec encore marqué par la pauvreté et l’influence économique des anglophones. Très jeune, il s’engage au Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), un parti qui combine nationalisme, socialisme et contestation intellectuelle. Rapidement, il se heurte à ce qu’il perçoit comme l’inefficacité du système parlementaire. Comme le souligne Langelier, « même si le contexte québécois n’était pas celui de l’Algérie colonisée, Geoffroy a trouvé chez Fanon une théorie de la libération par la rupture radicale ». Pour lui, la violence n’est pas un caprice : c’est un levier pour briser l’immobilisme et faire avancer la justice sociale.

L’influence de l’Algérie indépendante sur les militants québécois des années 1960 a été importante. Peu après 1962, plusieurs partisans de l’indépendance du Québec se sont rendus en Algérie, alors tout juste libérée de la colonisation française, pour observer, apprendre et s’inspirer de son expérience révolutionnaire.

Si Pierre-Paul Geoffroy n’a pas, à notre connaissance, voyagé lui-même en Algérie, son engagement et celui de ses camarades s’inscrivent dans un contexte où la lutte algérienne servait de référence idéologique pour justifier la rupture avec les voies traditionnelles et l’usage de moyens radicaux. L’Algérie, à l’époque, symbolisait pour beaucoup la possibilité de transformer la frustration et l’indignation en action concrète.

Le climat des années 1960 favorise ce basculement. La Révolution tranquille a ouvert les yeux des jeunes sur leur force collective, mais les inégalités persistent. La frustration grandit, et l’idée que des changements radicaux exigent des moyens radicaux s’impose à une partie de la jeunesse. Cuba, le Vietnam et les Black Panthers inspirent ceux qui veulent transformer le Québec rapidement et profondément.

Pierre-Paul Geoffroy tabassé par la police lors d’une manifestation en soutien aux travailleurs de Seven Up, en février 1968.

C’est dans ce contexte que naît le « réseau Geoffroy ». La première bombe, posée en mai 1968, intervient après une manifestation violente en soutien aux travailleurs de l’usine Seven Up. Geoffroy et ses camarades multiplient ensuite les attentats : des entreprises, des usines, la Bourse de Montréal. En février 1969, la Bourse est frappée par une « superbombe » qui blesse une vingtaine de personnes et cause près d’un million de dollars de dégâts. Langelier écrit : « Pour le réseau Geoffroy, une trentaine de bombes suivent en moins d’un an. La plupart sont posées en appui à des travailleurs en grève ou en lockout. » Ces actions spectaculaires marquent le Québec et alimentent un débat national sur la violence et la légitimité de la contestation.

Geoffroy est arrêté en mars 1969, après que la police découvre son appartement rempli de dynamite, de détonateurs et de bombes prêtes à l’emploi. Il plaide coupable et assume ses actes, refusant de dénoncer ses camarades. Sa peine cumulative atteint 124 peines de prison à perpétuité, une sentence hors norme qui contribue directement à la Crise d’octobre de 1970. Le FLQ, en réaction, organise des enlèvements et des pressions sur le gouvernement pour obtenir la libération de ses membres. Jacques Lanctôt, un des ravisseurs de James Cross, expliquera des années plus tard : « Le tribunal venait de condamner un de nos amis, Pierre-Paul Geoffroy, à 124 peines de prison à perpétuité. Cette sentence me révoltait. »

Geoffroy sort de prison en 1981, après 12 ans d’incarcération, mais ne cherchera jamais à réhabiliter son passé ni à publier ses mémoires. Il reste discret jusqu’à la fin, loin des projecteurs. Pour Langelier, son histoire est avant tout un témoignage : « Honorer la vie de Pierre-Paul Geoffroy, ce n’est pas réhabiliter la clandestinité armée, ni relativiser la violence. C’est reconnaître que l’histoire n’avance pas seulement par des récits héroïques ou consensuels. »

Le nom de Geoffroy évoque aujourd’hui surtout un écho historique, mais son parcours interroge encore. Il rappelle que derrière chaque mouvement social, il y a des individus avec des convictions fortes, parfois poussés à l’extrême par la frustration et l’urgence ressentie. Son engagement radical et sa fidélité à ses camarades offrent un aperçu unique du Québec en pleine mutation, à un moment où la violence était perçue par certains comme le seul moyen de faire bouger les lignes.

Comprendre Pierre-Paul Geoffroy, c’est accepter la complexité de l’histoire et la fragilité des choix humains face à l’injustice. Il n’était ni un héros flamboyant ni un intellectuel médiatique. C’était un homme méthodique, loyal et déterminé, qui a payé le prix fort pour ses idées. Mais son parcours continue de poser des questions : jusqu’où la fidélité à une cause peut-elle justifier de mettre sa vie et celle des autres en danger ? Et comment intégrer dans la mémoire collective un épisode où l’engagement politique a basculé dans la violence, sans qu’il y ait de victimes mortelles ?

Le Québec a changé depuis les années 1960. Si les inégalités persistent, la majorité francophone dispose désormais des moyens d’influencer sa destinée. Mais la trajectoire de Geoffroy rappelle que l’histoire n’est jamais linéaire et que les choix des individus, même extrêmes, façonnent la société. Elle met aussi en lumière l’urgente nécessité de comprendre les frustrations qui conduisent certains à penser que la violence est la seule issue.

Synthèse Djamal Guettala 

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En plein sommet de l’AES, l’imam Dicko lance un appel aux Maliens

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L'imam Dicko appelle les
L'imam Dicko appelle les Maliens à se soulever.

L’imam Mahmoud Dicko, dans une vidéo diffusée lundi 22 décembre dans la soirée sur les réseaux sociaux, a confirmé son implication dans la nouvelle Coalition des forces pour la République qui vise à faire chuter le régime de transition et appelé les Maliens à « se lever pour la paix ». Cet appel a été lancé en plein sommet des chefs d’État de l’Alliance des États du Sahel.

Après le général nigérien Abdourahamane Tiani, arrivé ce lundi, le capitaine burkinabè Ibrahim Traoré a enfin atterri à Bamako ce mardi 23 décembre. Il a été accueilli avec les honneurs par le général Assimi Goïta, président malien de transition et président en exercice de la Confédération de l’AES. Après le couac de ce lundi et le report toujours inexpliqué de l’arrivée d’Ibrahim Traoré, le programme de ce deuxième « collège des chefs d’État » a été resserré pour tenir sur une journée. 

La photo est enfin complète. Ibrahim Traoré a atterri à Bamako vers 7 heures 30 locales. Les trois chefs d’État, en treillis comme à leur habitude, ont immédiatement filé au siège de la future télévision AES pour la lancer officiellement. Lorsqu’elle commencera ses programmes, cette Télé AES devra propager le discours officiel de l’Alliance afin de « contrecarer la campagne de désinformation visant à terroriser nos populations et à déstabiliser nos États », selon les mots du président Assimi Goïta, lors d’un entretien diffusé ce lundi soir sur l’ORTM, la télévision d’État malienne. 

Puis direction la Banque confédérale pour l’investissement et le développement qui financera des projets d’infrastructures dans l’AES à partir de début 2026, toujours selon Assimi Goïta. Les trois dirigeants militaires ont poursuivi au pas de course. Ils devaient ensuite rejoindre le Centre international de conférences de Bamako pour la cérémonie d’ouverture de leurs travaux.

Ce lundi soir à la télévision malienne, le général Assimi Goïta a dressé un premier bilan des réalisations de l’AES : protection des ressources naturelles, diplomatie commune et surtout « avancées majeures en termes de sécurité » face aux groupes terroristes. « Aujourd’hui, nous sommes libres d’aller où nous voulons », a assuré le général Assimi Goïta. 

L’imam Dicko veut « mettre fin aux souffrances et aux meurtres »

C’est dans ce contexte que l’imam Mahmoud Dicko a choisi de sortir de son silence. Dans des messages vidéo en langues peule et bambara diffusés ce lundi soir sur les réseaux sociaux, l’ancien président du Haut Conseil islamique du Mali a confirmé son implication dans la Coalition des forces pour la République (CFR). « Des Maliens sont venus me voir » pour « mettre fin aux souffrances et aux meurtres en cours », explique l’imam Dicko, qui déclare s’être engagé à leurs côtés pour « mettre fin à cette situation et permettre le retour de la paix. »

La CFR se présente comme un mouvement de résistance pacifique. Appelant à la désobéissance civile, la CFR a été lancée au début du mois par l’universitaire Étienne Fakaba Sissoko, qui a dû fuir le Mali après avoir passé un an en prison. L’imam Dicko, « référent républicain » de la CFR, vit en exil en Algérie depuis décembre 2023. Dans son message, il rappelle que les autorités de transition l’empêchent de revenir au Mali et que certains de ses partisans sont actuellement en prison.

RFI

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Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères de Jean-Yves Clément

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Jean-Yves Clément, Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères
Jean-Yves Clément, Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères. Crédit photo : DR

Figure singulière et longtemps marginalisée dans l’histoire de la musique, Alexandre Scriabine incarne une modernité visionnaire où la création sonore se confond avec une quête métaphysique.

Dans Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères, Jean-Yves Clément propose une approche à la fois analytique et poétique, attentive autant au langage musical qu’aux fondements spirituels et philosophiques de l’œuvre. En restituant Scriabine dans toute la cohérence de son projet artistique, le livre invite à dépasser les clichés d’un compositeur jugé obscur ou excessif pour révéler un créateur majeur, dont la musique ouvre un espace inédit entre extase, pensée et transformation de l’art.

L’ouvrage Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères de Jean-Yves Clément se déploie ainsi dans une forme volontairement hybride, qui conjugue l’exigence de l’essai musicologique, la profondeur de la réflexion philosophique et la sensibilité d’un véritable portrait poétique. Cette pluralité d’approches répond à la nature même de son sujet : Scriabine ne saurait être saisi par une seule grille de lecture, tant son œuvre excède les catégories traditionnelles de l’histoire de la musique. En refusant de réduire le compositeur à une figure marginale ou à une curiosité de la fin du romantisme, Clément s’attache à restituer la singularité et l’ampleur d’un créateur encore trop souvent relégué aux marges du canon occidental, malgré l’audace et l’influence déterminantes de son langage.

L’analyse proposée ne s’enferme jamais dans une lecture strictement technique ou formaliste des œuvres. Sans négliger la précision musicologique, Clément choisit d’accompagner le mouvement interne de la pensée scriabinienne, comme s’il s’agissait d’en suivre le flux plutôt que d’en disséquer les mécanismes. Cette démarche permet de rendre perceptible ce qui constitue le cœur de l’esthétique de Scriabine : un élan mystique indissociable d’une ivresse créatrice, une tension permanente vers l’absolu qui se traduit autant par l’exaltation que par la destruction progressive des cadres établis. L’écriture cherche ainsi à faire sentir la radicalité d’une musique qui ne se contente pas d’innover, mais qui met en jeu sa propre possibilité, jusqu’à frôler sa disparition.

Clément présente Scriabine comme un musicien charnière, situé à un point de bascule décisif entre le romantisme finissant et la modernité naissante. Héritier de Chopin et de Liszt, Scriabine en prolonge l’intensité expressive tout en la poussant vers un seuil critique où les catégories héritées cessent de fonctionner. 

Son œuvre apparaît dès lors comme un processus de dépassement continu : dépassement de la tonalité, progressivement dissoute au profit de nouvelles polarités harmoniques ; dépassement des formes traditionnelles, réduites à l’état de fragments d’une densité extrême ; dépassement enfin du langage musical lui-même, appelé à se transformer en expérience intérieure plus qu’en discours organisé. À travers cette dynamique, c’est la conception même de l’art qui est remise en question, l’œuvre cessant d’être un objet autonome pour devenir un acte, une opération spirituelle.

Dans cette perspective, la musique de Scriabine est conçue comme une expérience totale, engageant à la fois le corps, l’esprit et la perception. Elle relève d’une forme d’ascèse, au sens d’un exercice intérieur visant la transformation de l’être, mais aussi d’une transfiguration, où le sonore tend à se fondre dans une dimension qui le dépasse. L’extase vers laquelle elle se dirige n’est pas un simple paroxysme émotionnel : elle est un point limite où la musique excède l’audible, où le son semble se dissoudre dans une lumière intérieure et frôler le silence. En mettant en évidence cette tension fondamentale, Jean-Yves Clément parvient à rendre intelligible et sensible la cohérence profonde d’une œuvre qui fait de la musique le lieu d’une expérience métaphysique radicale.

Jean-Yves Clément, écrivain, musicologue et essayiste, occupe une place singulière dans le paysage de la critique musicale contemporaine. Son travail, consacré aux grandes figures du romantisme et du postromantisme, Chopin, Liszt, Scriabine notamment, se caractérise par une volonté constante de dépasser l’analyse strictement historique ou technique pour accéder à ce qui constitue le noyau spirituel et esthétique des œuvres. Chez lui, la musicologie n’est jamais dissociée de la littérature ni de la philosophie : elle s’en nourrit, les convoque et les prolonge afin de rendre compte de la profondeur existentielle de la création musicale. Son écriture, dense et travaillée, assume pleinement une subjectivité éclairée, refusant la neutralité académique au profit d’une interprétation engagée, consciente de ses choix et de ses partis pris.

Clément ne se positionne pas en historien distant, mais en lecteur passionné et attentif, presque en compagnon de route des compositeurs qu’il étudie. Cette proximité revendiquée avec les œuvres lui permet d’en saisir les résonances symboliques, spirituelles et parfois métaphysiques, sans jamais les réduire à un simple commentaire extramusical. La musique est envisagée comme une pensée en acte, porteuse de visions du monde, de tensions intérieures et de projets esthétiques globaux. Dans cette perspective, Scriabine n’apparaît pas comme un objet figé de l’histoire de la musique, mais comme une présence vivante, animée par une quête et une nécessité intérieure que l’écriture de Clément s’efforce de rendre perceptibles. Le compositeur russe y est présenté comme un véritable penseur de la musique, pour qui l’œuvre ne peut être séparée d’une conception globale de l’art, de l’homme et du cosmos.

La publication de l’ouvrage en 2015 dans la collection « Classica », coéditée par Actes Sud et le magazine Classica, renforce cette ambition intellectuelle et esthétique. Cette collection, dirigée par Bertrand Dermoncourt, se distingue par son exigence et par son refus des formats purement didactiques. Elle encourage des approches transversales, où l’analyse musicale dialogue avec la réflexion esthétique, l’histoire des idées et une écriture sensible capable de toucher un lectorat élargi sans renoncer à la profondeur. Le cadre éditorial offre ainsi à Clément un espace propice pour déployer une pensée libre, rigoureuse et personnelle.

L’édition, préparée avec soin, répond également à une nécessité critique : celle de combler un manque évident dans la bibliographie francophone consacrée à Scriabine. Longtemps, le compositeur n’a été abordé qu’à travers des études anciennes, rares ou très spécialisées, peu accessibles au lecteur non expert. L’ouvrage de Clément s’inscrit dans une volonté de transmission et de clarification, sans simplification abusive, et assume pleinement un rôle de médiation. Il permet à un public cultivé, curieux mais parfois intimidé par la complexité de l’œuvre scriabinienne, d’en saisir les enjeux essentiels, tout en offrant aux lecteurs avertis une interprétation forte et stimulante. En ce sens, le livre contribue à renouveler durablement la réception de Scriabine en langue française.

L’apport principal du livre réside ainsi dans une relecture profonde et courageuse de la place de Scriabine au sein du canon musical, que Jean-Yves Clément s’emploie à dégager des jugements réducteurs et des hiérarchies figées. En affirmant Scriabine comme un compositeur de premier plan, comparable à Schönberg, Stravinski ou Bartók, il ne s’agit pas d’un simple geste polémique, mais d’une démonstration étayée par l’analyse du langage musical lui-même. Clément montre que Scriabine affronte très tôt les questions décisives du XXᵉ siècle : la crise de la tonalité, la saturation du discours romantique, la nécessité d’inventer des formes nouvelles capables de condenser l’expression sans l’appauvrir. L’invention de l’accord mystique, véritable pivot harmonique affranchi des fonctions traditionnelles, n’est pas présentée comme une curiosité théorique, mais comme le symptôme d’une pensée musicale qui cherche à redéfinir les forces internes du son. De même, la remise en cause de la hiérarchie entre harmonie et mélodie, leur interpénétration progressive, ainsi que le recours à des formes brèves d’une densité extrême, inscrivent Scriabine dans une modernité radicale, où chaque fragment musical agit comme un concentré d’énergie expressive. Clément insiste sur cette esthétique de l’aphorisme, qui fait de Scriabine l’un des plus grands miniaturistes de l’histoire de la musique, capable de dire l’essentiel en quelques mesures, là où d’autres s’abandonnent à la prolixité formelle.

Par ailleurs, l’un des mérites majeurs du livre est de dissiper le malentendu persistant qui assimile Scriabine à un compositeur avant tout mystique, voire ésotérique, dont la musique serait subordonnée à des doctrines philosophiques ou spirituelles préexistantes. Clément renverse cette perspective en montrant que, chez Scriabine, la pensée ne précède jamais l’œuvre : elle en découle. Les spéculations métaphysiques, les références à la théosophie ou à l’analogie universelle apparaissent comme des tentatives a posteriori pour formuler conceptuellement une expérience musicale première, irréductible à tout discours. L’extramusical n’est donc ni un programme ni un moteur de la création, mais une résonance, une ombre portée de la musique elle-même. En ce sens, Clément restitue Scriabine à sa vérité profonde : non pas un prophète égaré dans des visions abstraites, mais un créateur pour qui la musique constitue le lieu originaire de toute pensée, la source même à partir de laquelle se déploient le mythe, la philosophie et l’utopie.

L’impact de ce livre se déploie à deux niveaux étroitement liés, intellectuel et artistique, qui se renforcent mutuellement. Sur le plan intellectuel, Jean-Yves Clément opère un déplacement décisif du regard porté sur Scriabine, en rompant avec une tradition critique qui l’a longtemps enfermé dans des catégories commodes mais appauvrissantes : compositeur obscur, mystique excessif, marginal excentrique aux confins de la tonalité.

En le replaçant au cœur des mutations esthétiques de la fin du XIXᵉ et du début du XXᵉ siècle, Clément montre que Scriabine n’est ni un épigone romantique ni un prophète isolé, mais l’un des acteurs majeurs du basculement vers la modernité musicale. Son œuvre apparaît alors comme un laboratoire où s’élaborent, avant beaucoup d’autres, des réponses radicales à la crise du langage tonal et à l’épuisement des formes héritées, ce qui oblige à repenser les continuités et les ruptures de l’histoire musicale européenne.

Sur le plan artistique, le livre agit comme une invitation pressante à l’écoute, mais à une écoute transformée, débarrassée des préjugés qui pèsent sur l’œuvre de Scriabine. Clément incite le lecteur et l’auditeur à considérer l’ensemble de la production comme un parcours cohérent, dont les sonates constituent l’axe central et dont les pièces brèves pour piano forment le tissu le plus dense et le plus révélateur. Il montre que la concision extrême de ces œuvres n’est ni un manque d’ampleur ni une limitation formelle, mais au contraire le signe d’une intensité maximale, d’une volonté de concentration qui confère à chaque page la valeur d’une expérience musicale totale. Cette perspective renouvelle profondément la réception de Scriabine, en invitant interprètes et auditeurs à aborder sa musique non comme une succession de curiosités isolées, mais comme une montée continue vers l’extase et la transfiguration.

Ainsi, l’ouvrage fonctionne véritablement comme un manifeste pour une reconnaissance pleine et entière de Scriabine. Il plaide pour qu’on le considère non seulement comme un compositeur majeur, mais comme un penseur de la musique et, au-delà, de l’art lui-même, pour qui la création sonore est indissociable d’une vision du monde. En redonnant à son œuvre sa cohérence, sa radicalité et sa portée historique, Jean-Yves Clément contribue durablement à réinscrire Scriabine dans le paysage des grandes figures fondatrices de la modernité.

Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères dépasse largement le cadre d’une biographie savante ou d’une étude musicologique au sens strict. Le livre se présente comme une véritable immersion dans l’univers d’un créateur pour qui la musique n’est ni un métier ni un simple art, mais une nécessité existentielle et une voie de dépassement. Jean-Yves Clément ne cherche pas à épuiser son sujet par l’accumulation de faits ou par une analyse systématique : il adopte au contraire une écriture engagée, dense et parfois incantatoire, qui épouse le mouvement même de la pensée et de la musique de Scriabine. Cette forme d’écriture, loin d’être un effet de style gratuit, se révèle profondément adéquate à une œuvre conçue comme une ascension continue vers l’extase, puis vers une forme d’effacement où la musique tend à se dissoudre dans le silence.

En restituant la cohérence profonde du parcours créateur de Scriabine, Clément montre comment chaque étape, chaque œuvre, chaque mutation du langage musical participe d’un même élan vers l’absolu. La vie, relativement pauvre en événements, s’efface derrière l’œuvre, qui devient le véritable lieu de l’existence et de la pensée.

Cette lecture permet de comprendre Scriabine non comme un compositeur fragmenté ou contradictoire, mais comme un artiste animé par une nécessité intérieure implacable, prêt à consumer formes, systèmes et certitudes pour atteindre un au-delà de la musique elle-même. L’ouvrage éclaire ainsi le sens ultime de cette quête, où la création devient à la fois affirmation extrême de la subjectivité et désir de disparition dans une totalité cosmique.

Par sa profondeur et son ambition, le livre s’impose dès lors comme une référence essentielle pour appréhender Scriabine dans toute sa complexité et sa radicalité. Mais sa portée dépasse le seul cas du compositeur russe : il invite plus largement à réfléchir au pouvoir de la musique lorsqu’elle cesse d’être un simple objet esthétique pour devenir une force de transformation, capable d’agir sur la conscience, de modifier le rapport au monde et d’ouvrir un espace de transfiguration. En ce sens, l’essai de Jean-Yves Clément interroge la fonction même de l’art et rappelle que la musique, portée à son degré le plus extrême, peut encore prétendre à être une expérience fondatrice de l’humain.

Brahim Saci

Jean-Yves Clément, Alexandre Scriabine ou l’ivresse des sphères, ACTES SUD/CLASSICA 

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