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Institut supérieur des métiers des arts du spectacle de Bordj El Kiffan : les étudiants interpellent la ministre de la Culture 

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Malika Bendouda.
Malika Bendouda. Crédit image : Liberté.


​Les étudiants de l’Institut supérieur des métiers des arts du spectacle (ISMAS) de Bordj El Kiffan ont adressé, en date du 9 novembre 2025, une requête à la Ministre de la Culture et des Arts, Malika Ben Douda.

La missive, rédigée dans un style empreint de gravité, dénonce une « situation difficile » au sein de l’établissement, affirmant qu’elle impacte sévèrement le parcours pédagogique et les conditions de vie générales sur le campus universitaire.

La démarche des étudiants intervient, selon leurs termes, après l’échec de leurs tentatives de communication avec l’administration de l’institut pour trouver des « solutions sérieuses et radicales » aux problèmes cumulés. Ils indiquent que leurs efforts ont été accueillis par un « échec, » les forçant à solliciter directement la tutelle ministérielle.

L’analyse des griefs soulevés révèle une crise multidimensionnelle, touchant à la fois la gestion académique et le cadre de vie.
​Désordre pédagogique et manque de professionnalisme
​Sur le plan strictement pédagogique, les signataires de la requête mettent en cause le responsable de l’institut, l’accusant d’un « manque manifeste de compétence et de professionnalisme » dans le processus éducatif et pédagogique.

Selon eux, cette défaillance a conduit à des « perturbations dans les cours » et a généré un « désordre sans précédent » dans l’organisation artistique et la gestion pédagogique de l’établissement. Plus encore, la lettre fait état de « comportements et d’actes » de la part du responsable qui seraient « sans rapport avec le respect pédagogique et éducatif », jugés indignes de la fonction d’enseignement.

Détérioration des conditions sociales et insécurité

Le volet social et sécuritaire de l’institut est également décrit comme étant dans des conditions « très difficiles ». Les étudiants citent explicitement la « mauvaise qualité de la restauration », la « faiblesse de l’hébergement » et une détérioration globale des services sociaux.

Le point le plus critique soulevé concerne la sécurité sur le campus. La requête met en lumière des « agressions répétées contre la dignité de l’étudiant » et une multiplication des « incidents d’agression » au sein de l’établissement, décrivant cela comme le «plus dangereux » des problèmes affectant la sérénité du campus.

La rédaction

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Coupe arabe : l’Algérie éliminée en quarts, une sortie qui laisse un pays sonné

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Les joueurs algériens désabusés.
Des joueurs algériens désarçonnés. Crédit photo : DR

L’Algérie quitte la Coupe arabe au stade des quarts de finale, par la petite porte, battue par la modeste équipe des Émirats arabes unis au terme d’un match dont elle avait pourtant maîtrisé de larges séquences.

Le score final (1-1, 6-7 t.a.b. tirs au but) dit l’amertume d’une soirée où les Fennecs ont dominé sans parvenir à concrétiser leur supériorité, avant de s’effondrer dans l’exercice le plus cruel du football. Pour beaucoup de supporters, c’est une élimination qui laisse un vide, une sorte de stupeur collective difficile à dissiper.

La première période avait donné des motifs d’espoir. L’Algérie contrôlait le rythme, imposait son jeu, et pensait même ouvrir le score par deux fois, avant que l’arbitrage ne signale des positions de hors-jeu. La maîtrise était là, mais pas l’efficacité. Cette incapacité à transformer les temps forts allait peser lourd par la suite.

Dès la reprise, les Fennecs trouvaient enfin l’ouverture : un tir puissant de Brahimi repoussé par le gardien émirien, et Boulbina surgissant pour conclure (1-0, 46e). Ce but avait tout pour servir de détonateur. Pourtant, l’embellie n’a duré que quelques minutes. Sur une action isolée, Bruno égalisait pour les Émirats (1-1, 64e), plongeant l’équipe dans un doute perceptible.

L’Algérie poussait encore, se créait plusieurs situations chaudes, mais le dernier geste demeurait imprécis. Comme si, à mesure que le temps passait, la crispation prenait le pas sur la lucidité. Ni la fin du temps réglementaire ni la prolongation n’ont réussi à départager les deux formations.

La séance de tirs au but (t.a.b.) a finalement scellé le sort du match. Froids et précis, les Émiriens ont transformé leurs sept tentatives. Les Algériens, eux, en ont manqué deux. Un détail sur le papier, mais un gouffre au tableau d’affichage. Le verdict est tombé, implacable.

Les Émirats arabes unis affronteront le Maroc en demi-finale. L’Algérie, elle, retourne à ses interrogations : comment une équipe dominatrice a-t-elle pu laisser filer un match si abordable ? Une élimination qui fait mal, parce qu’elle semblait évitable, et qui laisse un pays sonné, conscient que le football ne pardonne rien.

Djamel Guettala 

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Elisha Baskin : « La désobéissance civile non violente est toujours une option »

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Elisha Baskin
Elisha Baskin. Crédit photo : Djamel Guettala

Lors d’une rencontre autour du livre Nous refusons du photographe Martin Barzilaï (éditions Libertalia), où elle figure parmi les portraits, Elisha Baskin a livré un témoignage marquant.

Israélienne et exilée par choix, elle refuse l’emprise du militarisme qui structure son pays d’origine. En évoquant son adolescence durant la seconde Intifada, elle rappelle un climat de violence quotidienne : « Les bus que je devais prendre pour aller à l’école ont été soufflés par des kamikazes palestiniens, tout comme le supermarché de notre quartier dans lequel une camarade d’école a été tuée. »

Arrivée en France sans projet d’exil, Elisha Baskin découvre ici une société non militarisée, des frontières apaisées et un système éducatif où la diversité et l’égalité sont des valeurs affirmées.

Dans cet entretien, Elisha Baskin revient sur son parcours, ses choix et sa conviction profonde : refuser, c’est toujours possible.

Le Matin d’Algérie : À 16 ans, vous avez reçu votre convocation pour l’armée israélienne. Quel a été votre premier sentiment en ouvrant cette enveloppe ?

Elisha Baskin : J’ai immédiatement ressenti une profonde angoisse, mais une part de moi espérait aussi pouvoir « surmonter » l’obstacle moral, entrer dans le moule et faire ce que tous mes camarades allaient faire : me laisser incorporer.

Le Matin d’Algérie : Vous avez grandi à Jérusalem pendant la seconde Intifada. Comment cette période a-t-elle façonné votre conscience politique et votre rapport à l’armée ?

Elisha Baskin : Je dirais que certains de mes tout premiers souvenirs d’enfance sont liés à la guerre. À quatre ans, je me souviens d’être enfermée dans une pièce de la maison, la porte scellée avec du ruban adhésif, obligée de porter un masque à gaz pendant la première guerre du Golfe. Puis ces premières expériences se sont accumulées.

Enfant, je me rendais avec mes parents chez leurs amis palestiniens en Cisjordanie, et plus tard j’ai vu l’apparition des checkpoints et des patrouilles frontières qui harcelaient les gens et les alignaient dans la rue. En arrière-plan, les bus publics que je devais prendre pour aller à l’école ont été soufflés par des kamikazes palestiniens, tout comme le supermarché de notre quartier dans lequel une camarade d’école a été tuée. Pendant ces années-là, tout le monde que je connaissais a été directement touché. À l’adolescence, en approchant de l’âge du service militaire, j’ai dû affronter ce qui se passait autour de moi. Je me demandais simplement : pourquoi cela arrive-t-il ? Pourquoi des hommes sont-ils alignés dans la rue ? Pourquoi tout explose ?

Je pense que l’étude de la géographie de l’occupation militaire israélienne a été la première étape pour tenter de comprendre cette autre réalité qui se déroulait juste à côté. J’ai commencé à consommer davantage d’actualités, à lire des rapports d’organisations de défense des droits humains, et à voyager avec des groupes solidaires pour rencontrer des Palestiniens.

Ces rencontres et ce processus d’apprentissage m’ont clarifié que le service militaire était exclu pour moi.

Le Matin d’Algérie : Refuser de servir a-t-il été un choix plus moral, éthique, ou politique ?

Elisha Baskin : Les trois à la fois. Je ne suis pas nécessairement pacifiste, ni catégoriquement opposée à l’idée qu’un pays ait une armée. Mais je sentais que je ne pouvais pas participer à cette forme de collectivité nationale.

C’est difficile à expliquer, mais en Israël, l’armée et sa culture sont l’air que l’on respire ; leurs valeurs imprègnent tous les aspects de la vie. Il n’y a presque aucune séparation entre l’institution militaire et la société civile. L’ampleur de ce phénomène est difficile à saisir de loin.

Autrement dit, moralement et éthiquement, je savais que je serais confrontée à des situations auxquelles je ne pourrais pas me soumettre (comme être envoyée dans les territoires occupés). Et politiquement, je voulais affirmer que l’armée israélienne ne fonctionne pas seulement comme une force de défense, mais comme une machine expansionniste d’accaparement des terres qui ne respecte en rien l’éthique de la guerre, pour le dire poliment.

Le Matin d’Algérie : Pendant votre processus d’objection de conscience, quelles ont été les plus grandes difficultés auxquelles vous avez été confrontée ?

Elisha Baskin : Le plus difficile était de ne pas savoir si j’allais aller en prison ou non. À cette période, je connaissais plusieurs personnes emprisonnées pour avoir refusé de servir, et leurs expériences étaient traumatisantes et éprouvantes.

Le Matin d’Algérie : Vous avez reçu un statut exceptionnel d’objectrice de conscience. Qu’est-ce que cela a représenté pour vous ?

Elisha Baskin : Sur le plan personnel, c’est un accomplissement dont je suis fière, pour mon propre parcours, mais aussi pour pouvoir dire à l’extérieur : les Israéliens ne sont pas un bloc homogène, certains refusent de participer à ce système.

Symboliquement, cela montre que si l’on défend un principe et que l’on tient bon, on incarne l’idée qu’une alternative existe, qu’on peut aller à contre-courant et tenter d’ouvrir une autre voie vers un avenir meilleur. Pour la majorité des Israéliens juifs laïcs, ce n’est même pas perçu comme un choix. Mais les refuzniks affirment : si, il existe presque toujours un choix.

Le Matin d’Algérie : Comment votre famille et l’organisation New Profile vous ont-elles soutenue ?

Elisha Baskin : Mes parents m’ont soutenue dès le premier instant et m’ont accompagnée aux rendez-vous chez l’avocat et devant les commissions militaires. Les conseils de New Profile m’ont aidée à comprendre ce que signifiait potentiellement aller en prison et m’ont donné le sentiment de ne pas être seule.

Le Matin d’Algérie : Vous avez effectué un service civil chez Amnesty International. En quoi cette expérience a-t-elle été différente de ce que vous auriez vécu dans l’armée ?

Elisha Baskin : Ces deux expériences ne sont en aucun cas comparables. Mon passage à Amnesty International a été absolument déterminant. J’y ai passé un an en service civil, puis trois ans comme salariée. Mon travail consistait à promouvoir l’éducation aux droits humains, à introduire ce discours dans les écoles, à sensibiliser et à encourager l’activisme politique chez les jeunes.

Le Matin d’Algérie : Vous évoquez que votre position a été facilitée par votre classe sociale. Selon vous, qu’est-ce qui empêche la majorité des jeunes Israéliens de suivre une trajectoire similaire ?

Elisha Baskin : C’est un point difficile à saisir sans connaître intimement la société israélienne. L’armée est partout, les armes sont partout ; leur présence n’est ni questionnée ni interrogée. Faire l’armée a une signification similaire à aller à l’université après le lycée ou à faire une année Erasmus. C’est une période déterminante pour l’avenir (social, professionnel, parfois financier). C’est le ciment de la société juive. Il est impensable pour la plupart de passer outre.

Et cela avant même d’aborder toute motivation politique : beaucoup de jeunes Israéliens se sentent moralement appelés à servir — défendre la patrie, qui peut être attaquée à tout moment.

Je dois admettre qu’après le 7 octobre, il est parfois difficile de contester ce sentiment. La population se sent vulnérable, et qu’il soit justifié ou non ne change rien au fait que le cycle de violence perpétuel nourrit ces idées. Dans ce contexte, imaginer un mouvement massif de refus est presque impossible.

Le Matin d’Algérie : Après 2018, vous avez choisi l’exil en France. Qu’est-ce qui a motivé cette décision, et comment vivez-vous cet écart entre votre pays natal et votre vie actuelle ?

Elisha Baskin : Je suis arrivée en France en vacances pendant mon congé maternité. Je n’avais pas de plan précis pour quitter Israël, mais en arrivant ici, mon imagination s’est ouverte à l’idée qu’une autre vie était possible. Je trouve qu’en France, les gens n’ont pas conscience des avantages qu’ils ont en tant que citoyens de l’UE, dans un pays aux frontières ouvertes et pacifiques. La France traverse de nombreux défis politiques, et ce n’est pas une réalité “rose”, surtout pas pour les réfugiés qui tentent de s’y installer et cherchent eux aussi une vie meilleure. J’ai eu la chance de pouvoir obtenir un visa d’un an, qui a été prolongé à plusieurs reprises jusqu’à l’obtention d’un titre de séjour. Élever un enfant dans un système éducatif public non militarisé, où (la plupart du temps) des valeurs d’égalité et de respect sont transmises, et où la diversité est plus la norme que ce à quoi j’étais habituée, est extrêmement précieux.

Le Matin d’Algérie : Dans votre épilogue post-7 octobre, vous critiquez l’instrumentalisation de la Shoah et le soutien international à Israël. Comment percevez-vous le rôle de la mémoire dans la politique contemporaine ?

Elisha Baskin : Je voudrais d’abord dire que oui, dans la psyché nationale israélienne, la mémoire de la Shoah est souvent instrumentalisée pour justifier n’importe quelle action militaire, et pour promouvoir le projet messianique d’expansion et de colonisation. Parfois, cela va jusqu’à assimiler les Palestiniens à Hitler, comme si leur désir de libération n’était qu’un pur antisémitisme — sans jamais avoir à se confronter à la réalité de la vie palestinienne sous occupation ou génocide. Par ailleurs, dans de nombreux pays, il n’y a aucune éducation à la Shoah, et le public ignore tout de l’histoire juive. Cela laisse place au négationnisme, aux théories complotistes et à un antisémitisme virulent.

J’espère que l’histoire humaine pourra être enseignée partout afin de promouvoir des valeurs humanistes et d’encourager la fin des conflits. J’ajouterais que l’un des enseignements majeurs de cette période sombre de l’humanité est la rapidité avec laquelle une société peut basculer vers le génocide. C’est une leçon essentielle de la Shoah : nous savons lire les signes d’une société qui devient totalitaire. Il faut rester vigilants, partout.

Le Matin d’Algérie : Si vous deviez adresser un message aux jeunes Israéliens et aux citoyens du monde face aux injustices et à la violence ?

Elisha Baskin : La désobéissance civile non violente est toujours une option. Les populations israélienne et palestinienne devront trouver un moyen de partager ce territoire. Je ne sais pas comment, mais j’espère que les personnes de conscience sauront rester non dogmatiques et informées sur ces deux sociétés. Faire disparaître une partie de l’équation ne sera jamais une solution. Tout le monde mérite de vivre en paix, et tout le monde mérite la justice.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

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Guinée-Bissau : Fernando Dias en tête, les résultats définitifs attendus

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soldats de Guinée Bissau
Les militaires ont mis un terme au processus électoral en Guinée-Bissau

Les premières tendances issues de procès-verbaux (PV) circulant sur les réseaux sociaux donnent Fernando Dias da Costa en tête du premier tour de l’élection présidentielle du 23 novembre 2025 en Guinée-Bissau.

Selon ces données non officielles, il aurait obtenu une majorité absolue avec 293 446 voix (50,001 %), devançant Umaro Sissoco Embaló, crédité de 276 041 voix (47,035 %). L’écart entre les deux candidats reste étroit : 17 405 suffrages, soit moins de 3 % des votes valides, traduisant la tension et l’incertitude qui entourent ce scrutin.

Le taux de participation a été estimé à 63,3 %, avec 611 583 électeurs sur 966 152 inscrits ayant pris part au vote, y compris dans la diaspora. La participation féminine (50,46 %) dépasse légèrement celle des hommes (49,54 %), un chiffre révélateur d’un engagement politique notable des citoyennes. Parmi les votes exprimés, 586 883 sont valides, auxquels s’ajoutent 14 264 votes blancs (1,48 %) et 10 436 votes nuls (1,08 %). Dans un contexte où chaque voix compte, ces votes peuvent s’avérer déterminants pour la validation définitive du scrutin.

Outre les deux principaux candidats, dix autres prétendants figurent dans ces PV, mais leur influence reste marginale. José Mário Vaz recueillerait 5 776 voix (0,984 %), Baciro Djá 3 729 voix (0,635 %), tandis que les autres candidats totalisent moins de 0,3 % chacun. Ces chiffres confirment que la course se joue essentiellement entre Dias et Embaló, rendant tout retournement possible si des irrégularités étaient relevées.

Les résultats, détaillés par région – Tombali, Quinara, Oio, Biombo, Bolama-Bijagós, Bafatá, Gabú, Cacheu, Bissau et diaspora – dessinent une tendance globale favorable à Fernando Dias da Costa, mais ils demeurent provisoires. La confirmation des résultats définitifs demeure attendue. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle les avocats de M. Dias sollicitent l’intervention de la CEDEAO afin que le processus électoral puisse suivre son cours. Cette démarche vise à garantir la transparence et la légitimité de l’élection, en évitant toute contestation postérieure qui pourrait fragiliser la stabilité politique du pays.

Si les chiffres provisoires se confirment, Fernando Dias pourrait s’imposer, mais la Guinée-Bissau reste dans l’attente officielle, observée de près par ses citoyens et la communauté internationale. Le coup d’Etat mené le 26 novembre par des militaires a mis un terme au processus électoral. Deux semaines après le putsch, des figures politiques en exil à Dakar se sont réunies hier, mardi 9 décembre, aux côtés de la société civile sénégalaise. D’une même voix, ils demandent à la Cédéao de faire preuve de fermeté lors de son prochain sommet extraordinaire prévu dimanche 14 décembre et estiment qu’il est encore temps pour l’organisation régionale de faire proclamer les résultats des élections présidentielles à Bissau. 

Mourad Benyahia 

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Port de Béjaïa : saisie record de plus de 41000 comprimés d’ecstasy 

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Port de Bejaia
Port de Bejaia. Crédit photo : El Watan.

​ Dans le cadre de la lutte  contre le crime organisé et le trafic de stupéfiants, les services des Douanes algériennes ont annoncé, ce jour, une opération d’envergure menée au port de Béjaïa.

La vigilance des agents a permis de mettre en échec une tentative d’introduction sur le territoire national d’une cargaison massive de psychotropes.

​Un mode opératoire sophistiqué

​L’opération, menée par les équipes de l’inspection principale aux voyageurs de la station maritime « Hadj Haddad », s’est déroulée lors du contrôle de routine des passagers et des véhicules arrivant par voie maritime depuis le port de Sète (France.)

​Selon le communiqué de la Direction Régionale des Douanes de Sétif, les agents ont découvert 41 722 comprimés d’ecstasy. La marchandise prohibée était minutieusement dissimulée à l’intérieur de 24 boîtes conserve, elles-mêmes placées parmi les bagages d’un passager circulant à bord d’un véhicule de tourisme.

​Le contrevenant a été immédiatement appréhendé. Conformément aux procédures légales en vigueur, les psychotropes ainsi que le véhicule ayant servi au transport ont été saisis. Le dossier a été transmis aux autorités judiciaires compétentes pour la suite de l’enquête.

​Drogues de synthèse : une menace croissante

​Cette opération s’inscrit dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la contrebande, particulièrement celle des substances psychotropes qui représentent une menace croissante pour la santé publique et la sécurité nationale.

​L’importance de la quantité saisie — près de 42 000 unités — témoigne de la pression constante exercée par les réseaux criminels, mais souligne également la montée en compétence des services douaniers en matière de ciblage et de détection des nouvelles méthodes de dissimulation observées au niveau des frontières maritimes, devenues des points névralgiques pour les réseaux de contrebande internationale.

La rédaction

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La démocratie et le respect de la diversité pour sauvegarder l’Algérie

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Manifestation du Hirak
Manifestation du Hirak/Tanekra. Crédit image : DR.

Dans l’agitation médiatique qui entoure la décision envisagée par le MAK de proclamer unilatéralement l’indépendance de la Kabylie, il convient de revenir à certains fondamentaux. Sans un véritable débat démocratique, nous risquons de passer à côté des questions essentielles qui engagent véritablement la nation algérienne.

Cette frénésie — entretenue et amplifiée jusqu’à la démesure par les réseaux sociaux — brouille les perspectives et diffère les solutions au lieu de les rapprocher. Pire encore, elle peut précipiter le pays vers l’inconnu si des acteurs étrangers venaient à s’immiscer pour étendre leur influence dans la région.

Dans un monde en recomposition brutale, croire que l’Algérie serait immunisée contre les manœuvres de déstabilisation est une illusion qui frise l’irresponsabilité. Il n’est donc pas à exclure que celles qui touchent actuellement le Sahel ne finissent par remonter, comme un sirocco brûlant, vers le nord. Les derniers soubresauts de l’unilatéralisme américain et le déclin de l’influence européenne ne garantissent nullement l’avènement d’un multilatéralisme porteur d’équilibre et de paix. Les coups de boutoir de Donald Trump contre un droit international déjà fragile, ainsi que la montée des populistes et de l’extrême droite, auront des conséquences inimaginables, quelle que soit la latitude où l’on se trouve.

Mais si les risques extérieurs doivent être pris en compte, l’essentiel se joue en Algérie. Notre mal est endogène : il résulte d’un système autoritaire et archaïque qui refuse au peuple algérien l’émancipation politique nécessaire à l’exercice de sa souveraineté. L’État de droit s’efface et les libertés fondamentales sont reléguées au rang de faveurs provisoires.

En tournant le dos aux revendications du Hirak et en déployant une répression inédite, avec un niveau d’arrestations et de condamnations arbitraires jamais vu depuis 1962, le pouvoir a réduit la politique à un pur rapport de force, vidant de sa substance l’idée même d’une gestion pacifique et apaisée des conflits.

Depuis au moins 2021, nous pouvons affirmer que notre pays a pris, à une allure folle et fulgurante, le chemin contraire de l’histoire. De ce point de vue, l’expression « avancer vers l’arrière » n’est plus un oxymore ironique. On pensait, après tant de sacrifices, que la dictature était derrière nous et que la démocratie suivrait son cours de manière inexorable. Mais l’article 87 bis a consacré la criminalisation de toute pensée différente ; l’opposition politique est assimilée à des actes subversifs ; et, comble de l’oppression, l’activité culturelle autonome est considérée comme si dangereuse que le moindre débat est soumis à autorisation.

Les cafés littéraires sont interdits d’existence et les maisons d’édition "rebelles" subissent un chantage constant, tandis que la presse écrite et audiovisuelle est ramenée au rôle de haut-parleur du parti unique.

Toutes ces oukases contre les libertés publiques ont fini par étouffer la parole interne et transférer toute possibilité d’expression dissidente à l’étranger. Aux harraga des mers sont venus s’ajouter les exilés politiques, les intellectuels et les artistes, ces voix fécondes qui auraient pu nourrir le débat national de manière responsable.

La déperdition de l’élite politique et culturelle a pris, ces dernières années, des proportions plus grandes encore que durant la décennie noire. Cette dévitalisation du corps social algérien est sans doute la pire des conséquences à long terme.

C’est dans ce contexte qu’il faut analyser la montée des discours sécessionnistes. Mais plus qu’une option viable ou raisonnable, la sécession — agitée de manière unilatérale par le MAK, contre l’avis même des Kabyles — doit être considérée d’abord comme l’échec de tout ce qui a été entrepris par l’État algérien depuis 1962 pour construire une collectivité nationale. Cela étant dit ce n’est pas parce que le pouvoir a mené l’Algérie sur une fausse route qu’il faudrait précipiter la Kabylie dans un ravin, comme le suggère la récente décision du MAK.

L’idée d’indépendance de la Kabylie est née du désespoir, et le désespoir ne peut constituer à lui seul un projet politique. Je l’ai souvent répété : la sécession, dans un pays du tiers-monde, et plus encore dans un État dictatorial, ne peut se concevoir que dans la violence armée. En Algérie, où les liens historiques entre la Kabylie et le reste du pays sont profonds, la séparation ne pourrait produire que le plus odieux des affrontements : la guerre civile. Si les guerres sont portées par des intérêts, les guerres civiles, elles, sont alimentées par la haine, le rejet de l’autre et le racisme.

Dans le même esprit, je ne peux que m’élever contre cette ambivalence axiologique qui veut légitimer la sécession tout en espérant sa réalisation pacifique : c’est tordre le cou au bon sens que de qualifier le pouvoir algérien de dictature raciste tout en prétendant obtenir de lui une séparation à l’amiable. C’est de l’infantilisme politique de croire qu’un État peut se laisser amputer d’un territoire comme s’il s’agissait d’un simple partage successoral.

Si j’évoque la guerre civile, ce n’est pas pour agiter un épouvantail, mais parce que le risque est réel. Quand M. Ferhat Mehenni affirme récemment que tout intellectuel kabyle opposé à l’indépendance est un criminel (s’est-il approprié l’esprit de l’article 87 bis ?), il doit faire l’effort de nous expliquer quel sort serait réservé à la diaspora interne kabyle dont il revendique pourtant le nombre — 12 millions selon un décompte personnel — tout en l’exposant à un avenir comparable, au mieux, à celui des pieds-noirs en 1962.

La recherche de soutiens auprès de l’extrême droite française ou israélienne constitue un cocktail explosif qui éclatera au visage des Kabyles eux-mêmes. On ne se libère pas en vendant son âme au diable, ni en se frottant à des accointances dont on devrait normalement s’éloigner comme de la peste.

Une vérité s’impose : si chacun a le droit de s’exprimer sur la Kabylie, nul n’a le droit de parler en son nom sans mandat démocratique. C’est un principe fondamental. Alors delà à l’engager, depuis l’étranger de surcroît, vers une sécession c’est fait acte de violence politique sur la conscience des Kabyles.

Pour éviter les spéculations stériles, référons-nous à la légitimité populaire. Or la dernière grande mobilisation ayant marqué l’histoire contemporaine de la Kabylie fut celle du Hirak, mouvement fédérateur avec les autres régions du pays. Cette déferlante populaire fit dire lucidement à un ami souverainiste kabyle rencontré lors de la marche du 9 mars 2019 à Tizi Ouzou :

« Cette marche est un véritable référendum contre le projet indépendantiste. Nous devons avoir le courage d’en prendre acte et de revoir radicalement notre combat et notre projet. »

Pour autant, peut-on dire qu’il n’existe aucun problème spécifiquement kabyle en Algérie ? Peut-on nier l’existence d’un particularisme historique, politique et culturel ? Ce serait du déni. Car si les Kabyles se reconnaissent dans leur immense majorité comme citoyens algériens, ils restent néanmoins attachés à une identité régionale forte. La question est donc : comment articuler une identité régionale affirmée et une identité nationale partagée ? Comment les renforcer mutuellement dans le vivre-ensemble plutôt que les voir s’entrechoquer au point de légitimer le séparatisme ? Ce n’est certainement pas avec des opérations du type « zéro kabyle » qu’on y parviendra.

Dans une contribution au journal Liberté du 05/09/2018, j’ai esquissé une réponse ouverte fondée sur le multiculturalisme et la nécessité de rompre avec le système centralisé et jacobin de l’État. Si la question de la nature de l’État se pose avec acuité, celle de la Nation est tout aussi cruciale. Se focaliser uniquement sur l’État de droit et le fonctionnement démocratique des institutions ne suffit pas : une communauté se sentira toujours menacée si elle ne dispose pas d’institutions propres pour défendre son identité singulière. C’est ce qu’on appelle, en droit constitutionnel, les droits collectifs. Beaucoup de pays dans le monde, ayant opté pour des systèmes décentralisés, ont réussi de répondre de manière intelligente et durable à la nécessité de concilier la diversité et l’unité.

L’histoire de la Kabylie après 1962 a été marquée par des affrontements avec le pouvoir central, affrontements qui ont fait des victimes. Mais contrairement au révisionnisme du MAK, ces oppositions n’ont pas été exclusivement identitaires ou régionales ; le combat démocratique y a toujours occupé une place centrale, y compris dans la guerre du FFS en 1963. Les Kabyles ont toujours privilégié la démocratie pour résoudre les problèmes politiques et identitaires. Le mouvement culturel berbère l’a constamment affirmé : la question amazighe est indissociable du combat démocratique.

Il a fallu attendre les évènements du Printemps Noir de 2001 pour voir émerger de nouveaux paradigmes liés à la lutte pour la reconnaissance. Mais après tout cela, une conclusion s’impose : si le séparatisme pose de véritables problèmes, il n’est en aucun cas une solution. Il est même un danger qui peut nous mener collectivement à l’hécatombe. L’Algérie a besoin d’un processus démocratique intégrateur pour s’ouvrir à la modernité et au pluralisme. Au lieu d’un front intérieur destiné à sauver le système, il faut engager celui qui sauvera l’Algérie : un contrat renouvelé d’unité nationale, inspiré de l’esprit du Congrès de la Soummam. C’est, à mes yeux, le meilleur hommage qu’on puisse rendre à nos martyrs de 1954.

Vive la Kabylie !

Vive l’Algérie plurielle et démocratique !

Pour la libération de tous les détenus d’opinion !

Hamou Boumedine

Le 12/12/2025.

(*)Le multiculturalisme comme réponse à la crise d’intégration de la Kabylie dans l’Algérie.

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Ali Bencheikh, le médium du vernaculaire algérois  

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Ali Bencheikh.
Ali Bencheikh. Crédit photo : DR

 “Pour ce groupe (minoritaire), le Moyen-Orient illustre ce modèle qu’il associe à l’authenticité tout en reniant ses propres valeurs et son identité”. Benrabah Mohamed

Dans le CNTRL, l’étymologie du mot « medium » est « milieu, centre », substantif de l’adjectif medius,-a,-um » qui est au milieu, central ». comme terme de log, medium est attesté en latin médiéval. Afin de comprendre la langue pratiquée par l’ancien footballeur devenu chroniqueur sportif, il faut peut-être se ressaisir de la question sociolinguistique de l’algérois telle qu’elle a été étudiée par les linguistes algériens. De nombreuses études ont été élaborées pour comprendre le plurilinguisme en Algérie. Parmi toutes ses études nous nous limitons à la similarité des cas étudiés par Khaoula Taleb Ibrahimi (les Algériens et leur(s) langue(s), Éléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne, Alger, les Éditions Hikma, 1995) et au phrasé de l’ex-footballeur actuellement invité de la chaîne Kass du Qatar pour couvrir la Coupe arabe 2025. Notre intérêt pour les prestations du chroniqueur algérois est multiple. La première, c’est le caractère « cru de la langue », appelé « saraha », la deuxième, c’est les contours linguistiques du parler algérois et la troisième, c’est la performativité du parlant qui se met en scène non seulement dans l’interlocution mais aussi dans la transmission des images d’une Algérie plurielle. Et de ce fait, il devient un publicitaire lorsqu’il sublime les paysages algériens (pâtisserie, le sud algérien, etc.). 

C’est par des faits anecdotiques que le spectateur se délecte des performances télévisuelles du chroniqueur algérien. Certes, la franchise illocutoire lui fait défaut lorsqu’il essaie d’analyser la performance des joueurs algériens. La prestance du meilleur buteur de la sélection algérienne a engendré des séries d’interprétations qui par ailleurs ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Le fait que le joueur soit comparé à une armoire (khzana) traduit, dans la langue populaire, une situation métonymique où l’acteur comparé à un objet rempli de lourds accessoires est en perdition sur le terrain. Il a perdu ses repères, donc il est en deçà de ses capacités athlétiques requises pour performer. Paradoxalement, ici intervient, le « jure » persuasif qui nécessairement accentue le croire des téléspectateurs.

L’invocation de Dieu par le « jure » accentue encore la représentation d’une action de jeu non performante en une performativité du langage. Et c’est peut-être là que réside le secret de la langue parlé par le chroniqueur qui au demeurant reste fidèle à lui-même lorsqu’il invective les journalistes algériens qui pérorent en « fassiha » (langue arabe pure?). D’après ses dires, c’est ce signalement langagier qui lui a donné l’opportunité de rejoindre la chaîne qatarie. A bien des égards, il ne semble pas qu’il soit ridicule.

En effet, c’est tout le contraire qui se produit dans l’audimat. Les gens pensent qu’il se défend bien et il fait rehausser « l’estime de soi » qui a tant manqué aux purs arabophones. En l’occurrence, sans approfondir les problèmes de la stylistique et de la performativité du langage, nous avons un footballeur qui va au-delà de tout espérance pour donner un peu de souffle aux victimaires de la « haine de soi ».

Et, au-delà de tout, il incarne par bien des aspects, le creuset de la culture populaire algérienne et ce malgré quelques erreurs d’appréciation qui tourmentent quelques malveillants esprits. Plus que tout, il est un excellent publicitaire pour faire connaître l’entière Algérie.Sauf qu’il court le risque de devenir  comme les précédents visiteurs maghrébins, le nouveau converti  Oriental

Fatah Hamitouche

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Smaïn Laacher : « Dans la compréhension des liens avec ma mère la littérature a été d’un grand secours »

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Smaïn Laacher
Smaïn Laacher. Crédit photo : Grasset éditions.

Smaïn Laacher, sociologue émérite et directeur de l’Observatoire du Fait Migratoire et de l’Asile à la Fondation Jean Jaurès, a accepté de répondre aux questions du Matin d’Algérie pour revenir sur sa relation intime avec sa mère à travers le prisme de l’immigration et du temps long.

Dans cet entretien, il explore les tensions entre souvenirs familiaux et observations sociologiques, le poids des langues et des rites, et la manière dont une génération de femmes silencieuses a façonné le destin de leurs enfants. De la souffrance sociale à la fidélité aux origines, Laacher éclaire les fractures et les fidélités de l’exil, offrant un regard à la fois sensible et analytique sur ce que signifie être enfant d’immigrés et témoin des transformations d’une société.

Il évoque aussi la manière dont l’école, la langue et les institutions participent à modeler des identités souvent éloignées de celles de leurs parents. Ses souvenirs familiaux se mêlent aux observations sociologiques pour raconter, avec justesse et émotion, une expérience universelle de transmission, de perte et de réconciliation avec ses racines.

Le Matin d’Algérie : Votre mère disait : « La France a mangé mes enfants ». Qu’exprimait-elle réellement derrière cette phrase — blessure, résignation, constat sur l’exil ?

Smaïn Laacher : Cette expression, aux allures anthropophagiques, désigne en réalité une souffrance sociale. C’est la reconnaissance d’une impuissance à agir : j’ai fait des enfants que je ne reconnais plus car ils ont été « mangés » par une entité (la France) sur laquelle il est impossible d’avoir prise. Ma mère pensait, à tort ou à raison, qu’elle avait été dépossédée d’un bien très précieux, ses enfants ; et qu’elle les voyait disparaître inexorablement dans le corps d’une autre : la société, la nation, la France, etc. Ce processus n’est jamais soudain, il est plus ou moins long et plus ou moins sensible, plus ou moins visible mais inéluctable, car la société et ses modèles dominants et légitimes (entre autres avec l’école) finissent toujours par s’imposer aux individus. Le rapport de force est disproportionné : un individu ou même une famille, à fortiori lorsqu’elle est immigrée, ne peut rien contre des institutions dont l’efficacité politique et culturelle est insoupçonnable.

Le Matin d’Algérie : À quel moment avez-vous compris que vous et elle « n’habitiez plus le même monde » ? Quel événement a rendu visible cette frontière ?

Smaïn Laache : J’insiste : je décris un processus, au sens premier du terme : des choses qui vont en progressant ; qui ont partie liée avec le temps long. Il n’y a jamais un évènement qui fait prendre conscience mais une série de gestes, d’attitudes, de goûts, de préférences et d’affinités sociales qui tous travaillent, chacun avec leur force propre, à vous rendre différent des autres. Encore une fois, dans mon cas, l’école a participé à produire des différences qui sont devenues, au fil du temps, des « oppositions » entre des manières de penser et des styles de vie. C’est lorsque je suis entré à l’université que j’ai compris (par la lecture et le savoir) qu’il y avait des mondes dont les différences étaient incommensurables. Mes parents ont fait des enfants qui ne leur appartenaient plus.

Le Matin d’Algérie : Vous parlez d’« ego-sociologie ». Comment avez-vous géré la tension entre le fils affecté et le sociologue observateur ?

Smaïn Laacher : Je suis sociologue de métier. C’est donc une manière d’appréhender et de mettre de l’ordre dans le monde. Mais je n’ai jamais voulu faire de ma mère un matériau sociologique. Permettez-moi une précision importante. Dans la compréhension des liens avec ma mère la littérature a été d’un grand secours. C’est en mobilisant ces deux disciplines (la sociologie et le roman) que j’ai pu être sensible et attentif au moindre détail, rechercher le sens du propos en apparence anodin, observer attentivement le déplacement du corps dans l’espace domestique et dans l’espace public, etc. Je l’avoue, cet aller et retour entre la personne de ma mère et son histoire et moi en tant que sociologue s’est effectué sans tension, sans problème particulier. Oserai-je dire presque naturellement ?

Le Matin d’Algérie : À l’annonce de sa mort, vous écrivez : « Voilà, c’est fini, elle ne souffrira plus. » Comment avez-vous vécu ce mélange de soulagement, de tristesse et de regrets ?

Smaïn Laacher : La mort de ma mère ne fut pas une « surprise ». Elle était malade depuis quelques années. Je m’attendais donc à la voir partir pour toujours. Mais, même lorsqu’on s’y attend on est toujours quelque peu incrédule. Quand j’ai appris la mort de ma mère en pleine nuit, mes idées sont devenues tout à coup un peu confuses. Tout se bousculait, le passé avec le présent, des souvenirs très précis de sa cuisine, de ses propos ; et des souvenirs plus indistincts, par exemple de sa vie dans la maison, de son travail à la cantine de l’usine, etc. Triste bien entendu. Mais aussi des regrets et une « fausse vraie » nostalgie, tout cela mélangé : pourquoi notre histoire commune fut celle-ci et pas une autre ?

Le Matin d’Algérie : La notion de « présent-absent » résume-t-elle, selon vous, l’expérience de nombreux enfants de l’immigration ?

Smaïn Laacher : Pas seulement pour de nombreux enfants de l’immigration. La dialectique « présence-absence » est consubstantiellement liée à la condition ontologique de l’immigré que je définis ainsi : c’est une manière d’être au monde et, parce qu’il n’est pas chez lui, c’est une manière de vivre dans le monde des autres. L’enjeu fondamental de l’immigré, pour lui comme pour tous les autres, c’est la reconnaissance d’une place naturellement attestée. Il n’est jamais à sa place en ce sens qu’il est atopos (sans lieu) pour parler comme Platon. Voilà pourquoi il est là sans être vraiment là ; là sans jamais vraiment être considéré comme le Même (le « français »), et sans jamais vraiment être considéré comme l’Autre (l’algérien d’Algérie).

Le Matin d’Algérie : Votre mère disait souvent : « Je sais pas ». En quoi la non-maîtrise du français a-t-elle façonné son rapport au monde… et le vôtre ?

Smaïn Laacher : Le « Je sais pas » souvent répété par ma mère n’était pas seulement une ignorance intellectuelle ou culturelle. Cette expression mille fois entendue sous une pluralité de formes renvoyait à une manière d’être face aux hommes et au savoir. D’une part, face aux hommes, et cette attitude est très généralement partagée par les femmes de sa génération et je dirais jusqu’aujourd’hui en Algérie et en France dans l’immigration algérienne, demeure la conviction que ceux-ci sont dotés d’un pouvoir sur le monde, les choses et les êtres. D’autre part, de la détention d’un savoir (une connaissance, une intelligence, une culture, etc.) que les femmes ne possèdent pas et ne peuvent pas posséder, entre autres, par volonté divine. Le « je sais pas » est une manière de s’incliner par résignation sur son sort de femme dominée. Combien de fois ai-je entendu de sa part : « Moi je sais pas mais toi tu sais parce que tu étais à l’école. »

Le Matin d’Algérie : Vous décrivez en détail les rituels funéraires. Pourquoi était-il important de les restituer avec autant de précision ?

Smaïn Laacher : Parce que, encore une fois, je suis sociologue et je ne peux pas faire semblant de l’oublier. Les rituels funéraires constituent un moment collectif très encadré (en théorie) par les prescriptions de l’islam sunnite. C’est aussi un moment où les vivants parlent aux morts et à la mort. Ce type de rituel est très intéressant, chacun y est à sa place sans confusion ni ambiguïté pratique (en théorie). Voilà pourquoi je n’ai pas pu m’empêcher d’être très attentif à la mise en terre de ma mère. Et puis, par ailleurs et par définition, personne n’est familier à ce type d’événement. Moi le premier. Je l’avoue, l’étonnement prévalait chez moi. En particulier les gestes dévolus aux femmes et aux hommes ; la prière de l’imam seul et debout dans les deux langues, français et arabe classique, les personnes non musulmanes qui ont accompagné ma mère au cimetière, etc.

Le Matin d’Algérie : Votre sœur avance vers la tombe malgré les injonctions. Que dit cette scène de la place des femmes dans nos rites et dans la transmission ?

Smaïn Laacher : Elle dit ce qui est à mes yeux inacceptable : la minorisation des femmes dans la transmission ; de toutes les transmissions, dès lors que sont engagés ce que l’on pense être les attributs du pouvoir des hommes. Ma sœur a bien eu raison de s’avancer vers la tombe de notre mère pour se saisir de la pelle afin de jeter, je crois, trois pelletées de terre du côté de sa tête.

Le Matin d’Algérie : Vous vous définissez comme « incroyant ». Comment cela a influencé votre perception des rites musulmans au moment de l’enterrement ?

Smaïn Laacher : Je ne sais pas si cela a influencé ma perception du rite musulman à propos de l’enterrement de ma mère. Je suis certes « incroyant » mais cela ne m’interdit pas, à la fois, de respecter les dernières volontés de ma mère croyante-pratiquante musulmane et, par ailleurs, d’accroître mes connaissances d’une religion et de ses rites (obligations et interdictions) que je connais par familiarité et cela depuis ma plus tendre enfance. Les croyants et les incroyants peuvent partager un sentiment, indépendamment de leur conviction idéologique et spirituelle : celui d’une existence dont le souci premier est autrui : ne pas rester entre-soi mais, pour parler comme les philosophes, être-avec. Être-avec dans un monde commun dont le sens est à rechercher en commun, sans exclure les conflits d’interprétation sur le sens de la vie.

Le Matin d’Algérie : Votre mère a choisi d’être enterrée en France, dans un carré musulman. Qu’est-ce que ce choix signifie pour vous : ultime fidélité, trace de l’exil, ancrage familial ?

Smaïn Laacher : Cela signifie un très profond respect des convictions religieuses de notre mère. Il était hors de question de faire différemment de ce qu’elle nous avait demandé de faire lorsqu’elle partirait pour son dernier voyage. C’est bien sûr une fidélité à celle qui s’est battue pour faire de nous (frères et sœur) ce que nous sommes après la mort de mon père ; mais c’est aussi, pour ne pas qu’elle se sente seule après la mort, qu’elle sache que nous resterons toujours près d’elle malgré les malentendus, les différences et tous ses mots qui au lieu de nous réunir nous ont séparés telles des frontières ou des murs infranchissables.

Le Matin d’Algérie : Votre livre redonne une visibilité à une génération de femmes silencieuses. Était-ce une manière de réparer une parole longtemps étouffée ?

Smaïn Laacher : Très sincèrement, en tout cas dans mon esprit, je n’ai pas une seconde cherché une quelconque « réparation ». Je voudrais préciser une chose à mes yeux très importante. Je n’ai jamais voulu, en écrivant ce livre, « réhabiliter » ma mère ou « venger sa race » pour employer la terminologie de certains. Ma mère était une femme qui a souffert, c’est indéniable, mais c’est une femme et une mère qui s’est battue et toujours elle est restée digne dans les moments les plus difficiles. Elle a fait face avec une détermination de fer au clan de son mari défunt lorsqu’on lui a demandé de rentrer au pays pour y vivre et se remarier. Elle a changé de vie en allant à l’usine, encore une fois pour nous, ses enfants, et pas pour elle. Elle ne méritait pas qu’elle soit traitée en victime à plaindre. Même si sa parole pendant trop longtemps n’a compté que pour si peu.

Le Matin d’Algérie : Qu’a été le plus difficile à écrire : la mère réelle, avec ses silences et ses contradictions… ou le fils que vous découvrez en vous relisant ?

Smaïn Laacher : Je vais peut-être vous surprendre mais c’est en réalité tout le contraire qui s’est passé. Je ne me suis pas « découvert » en écrivant sur ma mère. En écrivant sur ma relation avec elle j’ai découvert en fait deux mères. La première, la vraie, si je puis dire, celle qui m’a fait grandir ; qui m’a aimé et protégé. Puis, la « seconde », celle que l’écriture a rendue possible : une mère accessible intellectuellement. En écrivant sur elle j’ai compris le poids décisif de la langue, de la religion comme morale privée et publique, et bien entendu, de ce que c’est qu’un pays fictif, celui de son Algérie natale, et pour moi d’un pays (celui de ma mère) qui est toujours resté à la fois familier et étrangement distant. Entre moi et ma mère, sans aucun doute, il y a eu ce pays qui n’a jamais été réellement le nôtre tout en étant sans cesse présent dans nos vies.

Entretien réalisé par Djamal Guettala

 Entretien réalisé à l’occasion de la parution de son ouvrage chez les éditions Grasset, le 8 octobre 2025

Biographie 

Smaïn Laacher est sociologue, Professeur émérite à l’université de Strasbourg. Il a été de 1998 à 2014 Juge assesseur représentant le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à la Cour nationale du droit d’asile (Paris). De 2019 à 2023 il fut Président du Conseil scientifique de la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH). Il est actuellement Directeur de l’Observatoire du fait migratoire et de l’asile de la Fondation Jean-Jaurès. Son dernier ouvrage, L’immigration à l’épreuve de la nation, L’Aube, 2024
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Djamel Lakehal ressuscite Batna et décroche le Grand prix technique

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Le groupe mythique Les Plays-Boys
Le groupe mythique Les Plays-Boys. Crédit photo : DR

Le Festival international du film d’Alger a décerné son Grand Prix Technique au documentaire « Retour en ville – Back to Town », réalisé par Djamel Lakehal, saluant une œuvre où la maîtrise technique se conjugue à une profondeur mémorielle rare.

Avec Back to Town, Lakehal ne signe pas un simple documentaire : il livre une déclaration d’amour vibrante à sa ville natale, portée par la musique, la mémoire et les visages qui en ont façonné l’âme. Entre les pulsations du présent et les échos d’un passé fragile, il ressuscite l’esprit d’une époque, l’ombre d’un cinéma disparu, les vibrations du groupe mythique Les Plays-Boys, et les murmures d’une Batna que le temps semblait condamner à l’oubli.

Derrière la caméra, c’est l’enfant de la ville qui revient sur ses pas, mû par l’urgence de transmettre avant que les témoins ne se taisent. Cette dimension intime, portée par un travail visuel d’une grande précision, confère au film une force singulière. Le jury a particulièrement salué la justesse du cadre, l’architecture sonore, l’attention aux micro-gestes et l’économie narrative qui donne au documentaire son rythme propre. La technique n’y est pas démonstration, mais langage : elle ouvre le film, elle respire avec la ville, elle l’écoute.

En transformant l’espace urbain en véritable personnage, Lakehal signe une œuvre immersive, sensible, où la ville devient mémoire vivante. Ce prix confirme la vitalité du documentaire algérien et la capacité d’une nouvelle génération de cinéastes à articuler exigence formelle et regard profondément humain sur les transformations urbaines contemporaines.

Djamal Guettala 

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Tunisie : Abir Moussi dénonce depuis sa prison une « injustice politique », son parti réclame sa libération

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Abir Moussi
Abir Moussi embastillée par Kaïs Saied. Crédit image : DR

Le Parti destourien libre (PDL) a vivement réagi, dans la nuit du 11 décembre 2025, à la situation judiciaire de sa présidente Abir Moussi, détenue depuis octobre 2023.

Dans un communiqué, le parti a dénoncé des “violations graves” à l’encontre de leur dirigeante, évoquant une détention “coercitive” depuis le 3 octobre 2023 et “sans fondement légal” depuis le 26 mai 2025. Le PDL réclame sa libération immédiate et affirme que l’État porte “la responsabilité d’une injustice manifeste”.

Le PDL dit soutenir Moussi “sans condition” et rejette ce qu’il considère comme une tentative d’“exclusion politique sous couvert d’un jugement”, l’empêchant d’exercer son rôle partisan et sa présence dans l’espace public. Le parti réaffirme son droit à un exercice politique libre et annonce maintenir son rôle d’opposition en coopération avec les forces attachées à la république et au gouvernement civil.

La lettre d’Abir Moussi depuis sa cellule

Quelques heures avant l’audience prévue le 12 décembre, Abir Moussi a publié une lettre adressée “aux décideurs”, revenant sur son arrestation, ses conditions de détention et les accusations portées contre elle. Voici sa lettre dans sa version française intégrale :

Lettre d’Abir Moussi 

« Vous avez commis à mon égard une faute grave et vous avez fait porter à l’État tunisien la responsabilité de persécuter une femme libre, attachée à la république civile, respectueuse des lois du pays et représentant le fruit du modèle sociétal bourguibien qui croyait au rôle actif des femmes dans la vie politique.

Vous n’avez pas eu la largesse d’esprit d’accepter mes critiques, pourtant fondées et étayées par des preuves, et vous m’avez infligé une injustice sans précédent simplement parce que j’ai exercé mon droit à l’expression, à l’opposition nationale légitime et à la candidature aux échéances électorales, dans le cadre de la promotion du principe de l’alternance pacifique au pouvoir.

On m’a faussement accusée d’“attentat visant à changer la forme de l’État et d’inciter la population à s’attaquer mutuellement par les armes”, alors que mes positions, mes actions, mes déclarations, les doctrines et les activités de mon parti, ainsi que nos luttes, témoignent que cette accusation est totalement infondée à mon égard.

Le peuple est désormais convaincu que ce que je subis est une injustice et une exclusion, sans lien avec l’application de la loi, surtout au vu de mon maintien en détention depuis le 26 mai 2025, en l’absence de tout mandat de dépôt valide autorisant mon incarcération. »

Des accusations jugées “infondées”

En diffusant cette lettre, Abir Moussi entend répondre aux charges les plus lourdes pesant contre elle. Elle rejette notamment l’accusation d’“attentat visant à changer la forme de l’État et à inciter les Tunisiens à s’attaquer mutuellement par les armes”, prévue par l’article 72 du Code pénal et passible de la peine de mort. Selon elle, l’ensemble de ses activités publiques et partisanes contredit totalement ces accusations.

Un feuilleton judiciaire à rebondissements

Le 5 décembre, deux audiences ont été organisées devant le tribunal de première instance et la cour d’appel de Tunis. Elles ont été reportées à des dates ultérieures, selon son avocat Me Mohamed Ali Boucheiba. Pour ses soutiens, cette succession de reports entretient une situation de flou juridique et accentue la dimension politique de l’affaire.

Son arrestation d’octobre 2023, dans l’affaire dite “du bureau d’ordre”, marque le début d’une série de poursuites. D’autres dossiers sont ouverts, notamment à la suite de plaintes déposées par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE).

Une affaire symbolique

Dans un contexte tunisien tendu, marqué par des affrontements politiques et institutionnels, l’affaire Abir Moussi dépasse le cadre judiciaire. Pour ses partisans, elle incarne une dérive autoritaire visant à écarter une figure de l’opposition. Pour ses adversaires, elle reflète au contraire les conséquences de son style politique virulent et des dossiers légaux en cours.

Entre exigences de l’État de droit, pressions politiques et enjeux électoraux, la situation de la dirigeante du PDL continue d’alimenter un débat national, révélateur des fractures profondes qui traversent la scène politique tunisienne.

Mourad Benyahia 

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