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« Le Coran des Lumières », de Jacqueline Chabbi

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Le Coran des lumières de Jacqueline Chabbi
Le Coran des lumières de Jacqueline Chabbi, éditions Grasset. Crédit photo: Le Matin d’Algérie.

Le Coran des Lumières. L’histoire, les concepts, le divin et le Prophète est un essai dans lequel JacquelineChabbi, historienne, arabiste et professeur honoraire, propose une lecture renouvelée du texte coranique. Elle y décortique des mots et concepts, les contextualise et leur donne leur sens historique.

« Etudier historiquement un texte ou un discours c’est chercher à comprendre ce qu’il signifie ou a signifié pour les hommes d’une société donnée, en un temps donné. Une telle recherche doit nécessairement être circonscrite. Il ne serait ainsi pas possible de traiter la question de savoir ce que signifie le Coran pour les musulmans : les musulmans certes mais de quel pays, de quelle société et de quelle époque ?  (…) », analyse Jacqueline Chabbi.

 L’auteure, reconnue pour ses travaux sur l’islam et ses origines, invite le lecteur à dépasser les idées reçues pour comprendre le Coran dans son contexte historique et culturel plutôt que de l’aborder uniquement comme un texte religieux figé. Elle propose une plongée éclairante au cœur du texte coranique, loin des lectures figées ou purement religieuses

Contrairement à d’autres écrits sacrés, le Coran ne se présente pas comme une narration linéaire : il est constitué de fragments variés qui se répètent, se reformulent et parfois se contredisent. Chabbi montre que pour en saisir le sens profond, il est essentiel de replacer ces fragments dans la grande Histoire, celle de la fin du VIIᵉ siècle, alors que l’empire arabe naissant cherche à affirmer sa place face à l’empire byzantin chrétien.

e Coran apparaît ici comme un ensemble de fragments, de répétitions et de reformulations, façonnés par le contexte de la fin du VIIᵉ siècle. Jacqueline Chabbi montre que ces paroles s’inscrivent dans un moment clé : celui de l’émergence du pouvoir arabe, face notamment au christianisme byzantin dominant. Comprendre le Coran, selon elle, suppose donc de le replacer dans ce paysage politique, religieux et culturel en pleine transformation.

L’auteure souligne notamment le rôle symbolique du Dôme du Rocher à Jérusalem, où des versets coraniques furent gravés très tôt. Ces inscriptions traduisent la volonté d’affirmer une nouvelle vision du divin et du message prophétique, dans laquelle Muhammad est présenté comme le continuateur de Jésus, tout en rejetant la Trinité chrétienne. Ce qui illustre selon Chabbi la dimension politique et symbolique de l’écriture coranique

Le Coran devient alors à la fois un texte spirituel et un instrument d’affirmation collective. Des sourates furent inscrites comme des samizdats sur ses murs, illustrant la volonté de faire du Coran un texte public, politique et religieux à la fois. Muhammad y est présenté comme successeur de Jésus, rejetant  toutefois la trinité chrétienne

Jacqueline Chabbi ne se limite pas à une analyse historique : elle éclaire aussi les principaux concepts du Coran, comme les noms du divin, la figure du Prophète, ou encore des notions souvent mal interprétées dans les débats contemporains, comme le djihadisme ou des allusions à des phénomènes comme le Big Bang. Ce faisant, elle vise à déconstruire les contresens et les lectures idéologiques qui entourent trop souvent le texte. « Dans une société non-étatique, comme celle des tribus d’Arabie, la notion de djihad renvoyait au fait d’accepter de prendre un engagement ou de « faire effort » (le sens premier de ce mot » pour mener une action ou adopter un comportement. Ce dernier se retrouve d’ailleurs dans le djihad intérieur des  mystiques qui font effort contre eux-mêmes pour vivre une foi intérieure plus intense », écrit l’auteure.

Accessible aux spécialistes comme aux lecteurs non habitués à l’histoire de l’Islam, Le Coran des Lumières se veut à la fois savante et vivante, offrant une approche critique fondée sur l’anthropologie historique et invitant à repenser ce que le Coran peut révéler lorsqu’on l’étudie en relation avec son époque et sa culture d’émergence.

Rabah Aït Abache

« Le Coran des lumières » de Jacqueline Chabbi. Éditions Grasset.

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CAN – Groupe B : l’Afrique du Sud force le passage, l’Égypte avance à pas comptés

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CAN

La dernière journée du groupe B de la Coupe d’Afrique des nations a mis en lumière deux visages du football africain : celui de la lutte et de l’urgence, incarné par l’Afrique du Sud, et celui d’une gestion prudente, presque minimaliste, assumée par l’Égypte. À l’arrivée, les deux sélections se qualifient pour les huitièmes de finale, mais par des chemins et des intentions radicalement différents.

Face au Zimbabwe, les Bafana Bafana n’avaient pas le droit à l’erreur. Ils ont répondu présents dans un match spectaculaire, tendu et souvent désordonné, mais traversé par une réelle volonté de vaincre. La victoire (3-2), arrachée au terme d’un bras de fer haletant, reflète autant les qualités offensives sud-africaines que leurs fragilités défensives. Menacée jusqu’aux dernières minutes, l’Afrique du Sud a pourtant su faire la différence quand il le fallait, portée par un engagement total et l’énergie du désespoir. Une qualification conquise dans la douleur, mais aussi dans la vérité du terrain.

À l’opposé, la rencontre entre l’Égypte et l’Angola a offert un spectacle bien plus terne. Déjà assurés de leur qualification, les Pharaons ont livré une prestation sans relief, se contentant d’un match nul (0-0) qui leur suffit pour terminer en tête du groupe. Peu de prises de risques, peu d’audace, et une impression persistante de calcul. L’Égypte avance, certes, mais sans convaincre pleinement, laissant planer des interrogations sur sa capacité à hausser le ton face à des adversaires plus entreprenants.

Pour l’Angola, ce nul est synonyme de frustration. Solides, disciplinés et bien organisés, les Palancas Negras n’ont jamais semblé inférieurs, mais repartent avec une troisième place aux allures de sentence presque définitive. Leur sort dépend désormais des combinaisons du classement des meilleurs troisièmes, cruel rappel d’un format qui ne pardonne pas toujours l’absence de réalisme.

Ce groupe B aura finalement opposé deux logiques : celle de la survie par le combat, illustrée par l’Afrique du Sud, et celle de la gestion froide, assumée par l’Égypte. Reste à savoir laquelle de ces deux approches résistera à l’épreuve des matches à élimination directe, là où l’histoire de la CAN se montre rarement indulgente envers les demi-mesures.

Djamal Guettala 

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CAN 2025 : le Maroc confirme sa puissance collective, le Mali se qualifie sans briller

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Le Maroc

Le Maroc poursuit son parcours sans faute à la Coupe d’Afrique des nations 2025. Lundi soir, les Lions de l’Atlas ont dominé la Zambie (3-0) lors de la troisième et dernière journée de la phase de groupes, validant ainsi leur qualification pour les huitièmes de finale en terminant en tête de leur poule. Une victoire nette, construite sur la maîtrise collective, l’efficacité offensive et le retour d’Achraf Hakimi.

Dans un stade largement acquis à leur cause, les hommes de Walid Regragui ont rapidement imposé leur tempo. Face à une équipe zambienne courageuse mais limitée techniquement, le Maroc a opté pour une approche pragmatique : contrôle du ballon, pressing mesuré et accélérations ciblées. La différence s’est faite par la qualité individuelle, mais surtout par la cohérence d’un collectif désormais rodé.

Ayoub El Kaabi a une nouvelle fois confirmé son statut d’arme offensive principale. Opportuniste et précis, l’attaquant marocain a ouvert le score avant de s’offrir un doublé, dont un but spectaculaire validé après intervention de la VAR. À ses côtés, Brahim Diaz a apporté sa touche technique et sa créativité, inscrivant le deuxième but et confirmant son rôle central dans l’animation offensive.

Mais au-delà des buteurs, c’est l’équilibre de l’équipe qui frappe. Le milieu de terrain a assuré la transition entre récupération et projection, tandis que la défense, rarement mise en danger, a su contenir les rares velléités zambiennes. Le retour d’Achraf Hakimi, absent lors des précédentes rencontres en raison d’une blessure, a constitué l’un des faits marquants de la soirée. Entré en seconde période, le latéral du Paris Saint-Germain a immédiatement apporté de la profondeur et de la sécurité sur son couloir, rappelant son importance dans le dispositif marocain.

Dans le même groupe A, le Mali a également validé son billet pour les huitièmes de finale, mais avec un parcours beaucoup moins flamboyant. Tenus en échec par les Comores (0-0), les Aigles ont enregistré leur troisième match nul consécutif. Ce bilan insuffisant sur le plan offensif leur permet toutefois d’arracher la deuxième place, grâce à leur solidité défensive et à la faiblesse relative du groupe. Une qualification obtenue sans convaincre, laissant planer des interrogations sur leur capacité à rivaliser face à des adversaires plus exigeants lors des phases à élimination directe.

Pour la Zambie, l’élimination est logique. Malgré une combativité certaine, les Chipolopolo ont payé leur manque de rigueur défensive et d’efficacité offensive. Face à un adversaire mieux structuré et plus expérimenté, ils n’ont jamais réellement semblé en mesure d’inverser le cours de la rencontre.

La suite du tournoi s’annonce plus exigeante pour le Maroc et le Mali. Les huitièmes de finale mettront à l’épreuve la solidité mentale et la profondeur de banc des deux équipes. Mais à ce stade de la compétition, un constat s’impose : le Maroc avance avec méthode, sans céder à l’euphorie, tandis que le Mali devra impérativement élever son niveau pour espérer prolonger son aventure.

Mourad Benyahia 

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Importation massive de maïs : le gouvernement tente de stabiliser le marché des aliments pour bétail

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Importation massive de maïs par l'Algérie
Pour endiguer la crise, importation massive de maïs par l'Algérie. Crédit photo : DR

Face à un déficit de disponibilité du maïs sur le marché national, le ministère de l’Agriculture annonce un programme d’importation de plus d’un million de tonnes afin de répondre à la forte demande, notamment dans la filière avicole, et prévenir toute tension durable sur les prix.

Le ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche a annoncé, ce week-end, le lancement d’un vaste programme d’importation de maïs destiné à assurer un approvisionnement régulier du marché national en aliments pour bétail. Cette décision intervient après la constatation d’un déficit de disponibilité de cette matière première stratégique et à l’issue d’une rencontre entre le ministre du secteur et les représentants de la filière avicole.

Selon le communiqué officiel, l’Office national de l’aliment de bétail et de l’élevage avicole (ONAB SPA) procédera à l’importation de 1,15 million de tonnes de maïs entre le 28 décembre 2025 et février 2026. Une première cargaison de 250 000 tonnes est attendue entre le 28 décembre et le 1er janvier via les ports d’Oran, Alger, Skikda et Béjaïa. Elle sera suivie de 500 000 tonnes en janvier et de 400 000 tonnes supplémentaires en février.

Les autorités assurent que ces volumes, combinés aux quantités déjà importées ou en cours d’acheminement, permettent de couvrir les besoins nationaux à court et moyen terme. Le ministère se veut ainsi rassurant à l’égard des éleveurs et des transformateurs, affirmant que le maïs est actuellement disponible « en quantités suffisantes » sur le marché national.

Au-delà de la réponse conjoncturelle, le communiqué reconnaît le caractère récurrent de ces tensions, observées quasiment chaque année. Pour y remédier, la décision a été prise de constituer un stock stratégique de maïs, afin d’anticiper les pics de demande et de limiter les fluctuations dans l’approvisionnement.

Le ministère appelle, par ailleurs, les acteurs de la filière à adopter des pratiques de stockage et de distribution plus régulières, insistant sur la nécessité d’une responsabilité collective pour préserver l’équilibre du marché. Une attention particulière est portée à la filière avicole, pour laquelle le maïs représente près de 80 % de la composition des aliments.

Si cette opération d’importation massive vise à apaiser les tensions immédiates, elle relance néanmoins le débat sur la dépendance structurelle de l’Algérie aux marchés extérieurs pour l’alimentation animale, et sur la nécessité de solutions durables intégrant la production locale et une meilleure planification des besoins.

Décidément, n’en déplaise aux laudateurs patentés, on est malheureusement bien loin de quelque autosuffisance que ce soit.

La rédaction

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La démocratie, c’est la solution…

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Drapeaux amazigh et algérien

Ce n’est pas parce que je suis « Kabyle », ou que j’habite la Kabylie que je dois me montrer aux yeux des autres plus royaliste que le roi, plus Algérien que le reste des Algériens, plus nationaliste que les nationalistes eux-mêmes. C’est du n’importe quoi ! D’une part, cette tendance à me justifier pour prouver aux autres que je ne suis pas comme les autres est d’une attristante débilité. Elle est même, peut-être exagérai-je un peu ici, un syndrome maladif qui relève purement de la psychiatrie.

Personne n’a le droit de me demander qui je suis ni à me faire un chantage sur mon appartenance ni sur mon identité, du moment que je vis sur ma terre : la terre de mes parents et de mes ancêtres. De l’autre, outre qu’ils sont arrosés par les vannes de la rente, cet exclusivisme putride, ce courant rancunier qui pousse au repli identitaire, cette machine-laminoir d’ostracisme silencieux parmi la grande masse de la médiasphère et des faiseurs d’opinion en Algérie qui doute à chaque fois de l’algérianité de certains Algériens (ici les Kabyles), par rapport aux autres (l’autre composante arabophone du pays), dénote d’un véritable problème de conscience. C’est presque même, dirais-je, du cynisme.

Je n’ai pas besoin, par exemple, de brandir l’emblème national en Kabylie ou de mettre ma propre photo sur les réseaux sociaux en train de l’embrasser pour dire aux reste des Algériens que je suis « moi aussi » Algérien ! Cela participe du populisme à haut décibel, car mon identité ou ma nationalité c’est mon bien privé : c’est ce qui fait que je suis moi et pas un autre quelconque. C’est ce populisme d’un côté comme de l’autre qui a poussé aux extrémismes de tous bords. Et on se retrouve aujourd’hui à la croisée des chemins en train de chercher des fausses solutions à des faux problèmes créés par nous-mêmes qui peinons à nous comprendre.

Regardons un peu du côté des Bretons en France lesquels, bien qu’ils manifestent un particularisme culturel et linguistique très prononcé, encore beaucoup plus poussé que celui de la Kabylie, n’ont jamais été poussés par la France pourtant combien jacobine à se revendiquer Français en brandissant à chaque occasion des drapeaux tricolores. La question ici est pourquoi ? Tout simplement parce que les Français n’ont pas joué sur la fibre de l’idéologie mais sur celle de la démocratie ! Et je dis et je répète avec mon confrère égyptien Alâa Aswany : « la seule solution, c’est la démocratie ».

L’Algérianité ne se construit pas, à mon sens, par les slogans creux, le populisme outrancier, les discours de la haine, l’ostracisme silencieux qui frise l’anti-kabylisme du type « zéro kabyle », mis en place et instauré comme un « mot de passe » dans les grands circuits de la rente, mais par le travail constant, la solidarité, la participation politique de la jeunesse aux défis de la nation, les pensées et les réflexions inclusives et positives.

S’il y a colère et mécontentement de « fanatiques » de côté comme de l’autre, c’est qu’on n’a pas su canaliser et nourrir nos valeurs communes de façon saine. On ne fait que tourner en rond, sans que nous n’osions affronter nos challenges par le dialogue. On a comme une obsession quasi maladive à pointer du doigt l’autre et les autres sans qu’on ne se remette en question nous-mêmes. Or, le problème, c’est nous-mêmes et non pas les autres…

Kamal Guerroua

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L’enjeux et mutations dans la société algérienne

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Abdelaali Hassani, président du MSP islamiste algérien et Abdelkader Bengrina, président d'El Bina
Abdelaali Hassani, président du MSP et Abdelkader Bengrina, président d'El Bina.

Le courant « islamo-arabo-nationaliste » enchaîne les victoires sur le plan politique en Algérie. Chaque avancée de ce courant accentue la rupture entre les démocrates et la société, creusant un vide de plus en plus profond. Après avoir imposé l’anglais au détriment du français dans l’enseignement supérieur, instauré des codes religieux dans la législation familiale, réglementé les écoles privées, c’est désormais l’histoire qui est prise pour cible.

Leur objectif : réécrire l’histoire à leur avantage, derrière une communication habile et une mise en scène spectaculaire. Cette stratégie s’appuie sur une idéologie fanatique visant à imposer un modèle de société qui, selon l’islamologue Mohamed Arkoun, conduit à une « ignorance institutionnalisée ».

L’apparence affichée n’est qu’un écran de fumée : leur but réel est d’inscrire l’identité algérienne dans un processus conforme à leur propre idéologie. Mais qui sont les instigateurs de cette démarche ? Pourquoi ce courant politique agit-il principalement pour « remettre la société dans le droit chemin » ?

Lorsque l’école tombe entre leurs mains, le contenu des manuels scolaires, soigneusement filtré et institutionnalisé, devient une vérité incontestable. Sur les réseaux sociaux circulent des images d’enseignants affichant fièrement des pratiques religieuses à l’école, alors même que l’humanité a mis des siècles à séparer le religieux du scientifique. Comment développer un esprit scientifique lorsque la référence religieuse prime sur la pensée rationnelle ? Pourtant, la véritable fierté devrait résider dans la qualité des soins, le bon fonctionnement des institutions, et la préservation du dialogue. Aujourd’hui, on assiste impuissant à la disparition de la culture du dialogue et, plus largement, de notre culture. Cette mutation anthropologique annonce un avenir sombre, éloignant la société de l’État de droit et d’institutions durables, pourtant garantes de stabilité.

Les démocrates, quant à eux, voient leur nombre diminuer et leur présence politique s’effriter, parfois par choix, par crédulité, ou par absence de stratégie claire. Leur retrait volontaire du champ politique, associé à une incapacité à proposer un projet politique et sociétal cohérent, réduit considérablement leur influence. Se limiter à l’analyse et à la résistance ne suffit plus : les symptômes de l’échec sont déjà bien identifiés. Il ne reste qu’à trouver des femmes et des hommes capables d’insuffler un renouveau à la culture démocratique. Cependant, à ce rythme, on risque l’oubli.

Yazid Haddar,auteur 

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Yémen : l’Algérie alerte contre une entreprise de décomposition de l’État

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Ministère des Affaires étrangères.

L’Algérie ne se contente plus d’exprimer une inquiétude de principe. Face à l’escalade militaire dans les provinces yéménites de Hadramout et d’Al-Mahra, Alger met en garde contre ce qu’elle considère comme une dérive grave menaçant l’existence même de l’État yéménite. Dans un communiqué publié le 27 décembre, le ministère des Affaires étrangères évoque des « développements graves » qui compromettent directement la sécurité, la stabilité et l’unité nationale du Yémen.

Le ton est sans ambiguïté. L’Algérie voit dans les récents événements bien plus qu’un épisode militaire : une dynamique de fragmentation territoriale nourrie par des agendas extérieurs et des logiques de force. En appelant les parties yéménites à la « responsabilité » et à la « retenue », Alger rappelle une ligne constante de sa diplomatie : aucun règlement durable ne peut naître de l’imposition militaire ni de la création de faits accomplis sur le terrain.

Depuis début décembre, le Conseil de transition du Sud (CTS), mouvement séparatiste ouvertement soutenu par les Émirats arabes unis, a lancé une offensive éclair dans l’est du Yémen. Hadramout et Al-Mahra, provinces stratégiques aux frontières de l’Arabie saoudite et d’Oman, concentrent des ressources énergétiques et des infrastructures clés. Leur prise de contrôle rapide par le CTS, souvent sans combats majeurs, interroge sur la nature et les objectifs réels de cette opération.

La réaction de Riyad, dénonçant une « escalade injustifiée » et exigeant le retrait immédiat des forces séparatistes, révèle l’ampleur des fractures au sein même de la coalition prétendument unie contre les Houthis. Les frappes aériennes signalées fin décembre dans la vallée de Hadramout marquent une nouvelle étape dans la confrontation indirecte entre alliés d’hier.

Pour Alger, ce scénario rappelle les précédents tragiques de la région : des États affaiblis, morcelés, livrés à des zones d’influence rivales. La diplomatie algérienne, fidèle à son rejet de toute ingérence et à sa défense de l’intégrité territoriale des États, refuse de normaliser ce qu’elle perçoit comme une balkanisation progressive du Yémen, sous couvert de « stabilisation ».

L’Algérie réaffirme son soutien clair à l’unité, à la souveraineté et à l’indépendance du Yémen, et appelle à la relance d’un processus politique global, loin des calculs militaires et des tutelles régionales. Un message qui s’adresse autant aux acteurs yéménites qu’aux puissances impliquées, sommées de mesurer les conséquences à long terme de leurs interventions.

À l’heure où le Yémen est au bord d’une fragmentation irréversible, Alger lance un avertissement politique : la multiplication des fronts et des autorités de fait ne produira ni paix ni sécurité, mais un chaos durable dont l’ensemble de la région paiera le prix.

Mourad Benyahia 

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Lu pour vous – Saïd Mekbel : Chroniques d’une vie (1963-1994)

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Saïd Mekbel

Redécouvrir Saïd Mekbel aujourd’hui, c’est plonger dans une époque où écrire relevait de l’engagement, parfois au péril de sa vie.

 Saïd Mekbel – Chroniques d’une vie (1963-1994), publié en 2025 aux éditions Chiheb, est bien plus qu’un simple recueil de chroniques : c’est la mémoire vivante d’un journaliste algérien qui, sous les pseudonymes d’El Ghoul puis de Mesmar Dj’ha, a raconté, disséqué et dénoncé la société algérienne de 1963 aux premières années du terrorisme.

Préface d’Arezki Matref

L’ouvrage s’ouvre sur l’interface rédigée par Arezki Matref en septembre 2022. Il décrit Saïd Mekbel comme un « billettiste courageux et confiant », assassiné le 3 décembre 1994 dans une pizzeria à Hussein-Dey (Alger), pendant sa pause-déjeuner. Mekbel était alors directeur par intérim du quotidien Le Matin. Son nom reste gravé dans l’histoire du journalisme algérien comme martyr de la profession et symbole des combats pour la liberté d’expression pendant la « décennie noire ».

Introduction signée Nazim Mekbel

« Cet ouvrage aurait dû être publié par Saïd Mekbel lui-même. En 1991, il préparait la maquette pour éditer ses chroniques El Ghoul. Mais les conflits au sein d’Alger Républicain, puis la création du quotidien Le Matin, retardèrent l’échéance. L’avènement du terrorisme et l’intérim de la direction après le départ du directeur firent passer la survie avant le livre. » – Nazim Mekbel

Une œuvre choisie, contextualisée, transmise

Nazim Mekbel, fils de Saïd, n’a jamais prétendu publier l’intégralité des billets de son père. L’entreprise était impossible. Dans l’épilogue, il précise sa méthode : sélection thématique, mise en contexte historique, ajout ponctuel de notes manuscrites, sans jamais intervenir dans l’écriture.

« Il n’était pas question pour moi d’intervenir dans ses écrits mais d’apporter des indications dans le contexte du moment, en rajoutant quelques fois ses propres notes afin d’accentuer ses propos. »

Chaque chronique est replacée dans sa temporalité politique, sociale et médiatique : années 1960, ouverture de 1989, violence armée des années 1990. L’objectif n’est pas l’exhaustivité, mais la compréhension : permettre aux nouvelles générations de saisir ce que signifiait écrire dans l’Algérie de ces décennies.

Un parcours journalistique sans confort

Physicien de formation, Saïd Mekbel choisit le journalisme par vocation. Il débute à Alger Républicain en 1963 comme critique de cinéma avant de signer ses premières chroniques sous El Ghoul puis Mesmar Dj’ha. Il écrira plus de 1 500 billets, souvent satiriques, toujours engagés.

« Mon pays a plus besoin d’un journaliste que d’un physicien, parce qu’il a besoin qu’on parle de lui, question de survie. »

Après le premier attentat auquel il échappe :

« Avant, quand on me reconnaissait dans la rue, les gens souriaient, riaient. Aujourd’hui, ils me serrent la main en me disant : que Dieu vous garde. »

Dans Le Matin, il adopte définitivement le nom de Mesmar Dj’ha, ce « clou de Dj’ha qui dérange partout où il est planté ».

Le dessin : prolongement de la plume

Le recueil rappelle aussi la facette graphique de Mekbel. Quelques dessins, publiés dans Alger Républicain puis Le Matin, prolongent la chronique par l’ironie et la lucidité.

Avril 1991 : schéma d’atome pour illustrer la logique électorale.

8 novembre 1990 : couple face à la pénurie : « Je n’ai pas réussi à avoir les patates. Pour midi tu feras semblant de faire des frites et nous on fera semblant de les manger. »

Juin 1990 : absurde politique résumé : « voter contre sans être pour », « voter pour sans être avec ».

Compter les morts

Les carnets manuscrits de 1994 révèlent la froideur des notes de Mekbel.

 Il y consigne les assassinats : journalistes, ingénieurs, civils, tous alignés sans commentaire.

Le 3 décembre 1994, le GIA revendique son assassinat via un tract faxé à la rédaction du Matin, repris dans El Watan et signé Mohammed Saïd. Mekbel est qualifié de « renégat », « mécréant », « propagandiste du pouvoir » et mentionné comme directeur par intérim depuis août 1993. Le tract justifie la mort des journalistes et déclare leur exécution « halal ». Ce jour-là, Mekbel meurt dans un petit restaurant d’Hussein Dey.

Ce voleur qui… : prémonition et hommage

La chronique Ce voleur qui… rend hommage aux victimes du massacre de Boufarik, survenu dans la nuit du 30 novembre 1994 : cinq décapités, dont deux journalistes. Mekbel rédige son texte pour l’édition suivante. Ironie du sort, il est publié le jour même de son assassinat.

Mekbel sera la 24ᵉ victime d’une liste dépassant cent noms dans la corporation des médias. Son épouse apprendra la nouvelle à Paris, lors d’une marche des démocrates.

Dans un manuscrit de septembre 1994 : « Le terrorisme cherche un profit médiatique, c’est pourquoi l’assassinat d’un journaliste « intéresse, le terrorisme justifie l’assassinat d’un journaliste en disant qu’il est un allié du pouvoir ». »

Billets choisis : ET MON STYLO ?

Je me trouvais hier dans l’autobus, debout près d’un étranger d’une trentaine d’années qui essayait d’impressionner une jeune fille, laquelle n’avait pas du tout l’air convaincue.

Je tressaillis tout à coup : l’étranger en question prétendait être l’auteur de Mesmar Dj’ha et disait user d’un pseudonyme.

Pour prouver ses dires, il énuméra de nombreux titres de billets et en récita même un. La jeune fille sortit alors de sa réserve et, les yeux brillants d’admiration, lui dit qu’elle appréciait beaucoup ce qu’il écrivait et qu’elle le lisait tous les jours.

Comblé d’aise, le monsieur lui signa un autographe au dos d’une carte. Et lorsque nos regards se croisèrent, il me demanda :

— Vous aussi, vous en voulez un ? Quel est votre nom ?

Machinalement, je déclinai mon identité.

Sans se démonter, le monsieur griffonna sur un bout de papier :

— « À Saïd Mekbel, fraternellement, Mesmar Dj’ha. »

À l’arrêt suivant, il accompagna la jeune fille qui n’avait rien remarqué et s’éloigna…

en emportant le stylo qu’il avait pris négligemment dans la pochette de ma veste.

Mesmar Dj’ha

7 février 1964

Les photographies

Le livre contient également une série de photos marquantes :

Saïd tenant un tableau à l’École Maudet, Béjaïa

Saïd et son père

Contremaître à l’EGA, 1969

Équipe d’Alger Républicain, Maison de la Presse, 1989

Soirée du n°100 du Matin

Réunion des responsables de journaux de gauche : A. Fettani, Omar Belhouchett, Z. Souissi, S. Mekbel, H. Larbi

Ces images prolongent la mémoire visuelle, offrant un regard intime sur l’homme et le journaliste.

Un livre nécessaire

Ce recueil n’a pas vocation à sacraliser. Il restitue un homme dans ses doutes, ses colères, son humour, sa fatigue. Nazim Mekbel le rappelle avec justesse : ce livre n’est pas un ouvrage d’histoire, mais la trace écrite d’un acteur de son temps.

Relire Saïd Mekbel aujourd’hui, c’est mesurer ce qui a changé et ce qui demeure. Les formes ont évolué, les supports aussi. Mais la question centrale reste : que signifie être journaliste dans une société traversée par la violence, la peur, la manipulation ?

Saïd Mekbel – Chroniques d’une vie (1963-1994) n’apporte pas de réponses définitives. Il rappelle simplement qu’à certaines périodes, écrire était un acte de résistance. Et que certaines plumes, une fois brisées, ne se remplacent pas.

Djamal Guettala 

Auteur : Nazim Mekbel 

Editeur Chihab Algérie. Parution : décembre 2025 Disponible pour le Moment  en Ebook sur La Fnac, Decitre France 

Version papier Algérie sur Simseem

Nazim Mekbel – Saïd Mekbel chroniques d’une vie 1963-1994 | Simseem https://share.google/3yrXp5QFVQ3DrSZdY

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Dessalement de l’eau de mer : le pari risqué de l’Etat

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Usine de dessalement de l'eau de mer
Usine de dessalement de l'eau de mer en Algérie.

Face à la pression croissante sur les ressources hydriques conventionnelles, l’Algérie poursuit l’extension de son parc de dessalement. Trois nouvelles stations de grande capacité seront réalisées à Tlemcen, Chlef et Mostaganem, dans le cadre d’un programme piloté par Sonatrach, présenté comme un levier stratégique de sécurité hydrique à moyen et long termes.

Réunis lundi au siège de la direction générale de Sonatrach, le ministre d’État, ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, et le ministre des Ressources en eau, Tahar Derbal, ont supervisé la signature des contrats de réalisation de trois stations de dessalement de l’eau de mer destinées à alimenter l’ouest du pays. L’opération s’inscrit dans les orientations arrêtées par le gouvernement pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable, dans un contexte marqué par la raréfaction des précipitations et la vulnérabilité des barrages.

D’une capacité de 300 000 mètres cubes par jour chacune, les futures stations de Marsa Ben M’hidi (Tlemcen), El Marsa (Chlef) et El Khadra (Mostaganem) relèvent du premier volet du deuxième programme national complémentaire de dessalement, qui prévoit la réalisation de six infrastructures similaires. À terme, les pouvoirs publics ambitionnent de porter la capacité nationale de dessalement à 5,6 millions de mètres cubes par jour à l’horizon 2030.

Les projets seront réalisés selon la formule EPC (ingénierie, approvisionnement et construction), avec un délai d’exécution fixé à 22 mois. La supervision est confiée à la société algérienne de dessalement de l’eau (ADC), filiale de Sonatrach, tandis que l’exécution a été attribuée à des entreprises publiques nationales : Cosider Canalisations, l’Entreprise nationale des grands travaux pétroliers et l’Entreprise algérienne de réalisation de projets industriels.

En parallèle, une convention de coopération a été signée entre l’ADC et l’Algérienne des eaux (ADE), dans l’objectif d’améliorer la coordination entre la production et la distribution, un maillon souvent pointé du doigt pour ses défaillances structurelles.

Au-delà de l’annonce institutionnelle, ce nouveau cycle d’investissements confirme le glissement progressif de la politique hydrique algérienne vers une dépendance accrue au dessalement, solution coûteuse mais jugée incontournable par les hautes autorités.

Beaucoup de questions restent posées concernant ce modèle de dessalement de l’eau de mer. Sur le plan environnemental : d’abord énergivore, le procédé pose la problématique de l’impact sur le lieu du prélèvement de l’eau et sur celui du rejet d’eau traitée et à forte salinité. Ce qui n’est pas sans risque sur les écosystèmes marins situés à proximité de ces usines.

Ensuite il y a la question et non des moindres de la soutenabilité économique et énergétique de ce modèle, dans un pays où la gestion de la ressource, les pertes sur les réseaux et la gouvernance du secteur demeurent des défis tout aussi déterminants que la multiplication des infrastructures.

Samia Naït Iqbal

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Plagiat scientifique : quand l’intégrité universitaire est mise à l’épreuve à Batna

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Université de Batna
Université de Batna.

À Batna, les couloirs des universités résonnent cette semaine d’une polémique inhabituelle, qui dépasse largement les murs des amphithéâtres et laboratoires. Une revue scientifique internationale, Electrochimica Acta, spécialisée en chimie électrochimique, a récemment retiré un article signé par plusieurs enseignants-chercheurs algériens, dont des universitaires des universités de Batna 1 et Batna 2, selon El Aurès News.

L’article, initialement publié comme un travail original, s’appuyait en réalité sur une thèse de doctorat soutenue à Batna 1 en 2020, sans mention ni autorisation de l’auteur légitime. Pour la revue, il s’agissait d’une violation grave des normes éthiques de la publication scientifique, mettant en lumière un manquement qui n’est pas seulement académique, mais moral.

La décision de Electrochimica Acta de marquer l’article comme “retracted” (retiré) est rare et sert d’alerte : le travail reste accessible en ligne, mais signalé publiquement comme non conforme, pour prévenir toute utilisation ou citation future. C’est un signal fort pour la communauté scientifique, tant en Algérie qu’à l’international.

Pour les étudiants et chercheurs locaux, cette affaire est un rappel brutal : la pression de publier dans des revues internationales ne doit jamais primer sur l’intégrité scientifique. Le risque est double : ternir la réputation personnelle et fragiliser la crédibilité des institutions.

Selon des experts en éthique scientifique, le problème dépasse le simple cas de plagiat. Il interroge le contrôle interne des universités, la supervision des doctorants et le suivi des publications des enseignants-chercheurs. L’absence de vigilance pourrait laisser passer des pratiques qui, au fil du temps, érodent la confiance dans le savoir produit localement.

À Batna, la controverse a déjà suscité des débats au sein de la communauté universitaire. Certains dénoncent la précipitation à publier à l’international sans respecter les règles de base, d’autres appellent à la mise en place de comités éthiques et de formations régulières pour encadrer la production scientifique.

Au-delà de Batna, cette affaire est un signal d’alarme pour tout le pays. L’Algérie, qui investit depuis des années pour promouvoir la recherche scientifique, doit concilier ambitions internationales et rigueur académique. La crédibilité du savoir algérien en dépend.

Pour le moment, les noms des chercheurs concernés et le document retiré restent accessibles, comme avertissement et comme trace de ce manquement, selon El Aurès News. Et pour les observateurs, cette transparence est essentielle : l’histoire retiendra qu’un avertissement public vaut mieux que l’ignorance silencieuse.

À Batna, comme ailleurs, la leçon est claire : la science n’a de valeur que si elle repose sur la vérité, l’éthique et le respect des contributions de chacun. Toute dérogation à ces principes fragilise l’édifice académique et, par ricochet, la société toute entière.

Mourad Benyahia 

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