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Abdelwakil Blamm, journaliste en détention provisoire depuis un an, face à un procès contesté

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Abdelwakil Blamm
Abdelwakil Blamm. Crédit photo : DR

Depuis décembre 2024, le journaliste et militant Abdelwakil Blamm est détenu provisoirement et arbitrairement en Algérie, une situation qui a suscité une vague d’inquiétude parmi les défenseurs de la liberté de la presse et les acteurs de la société civile.

La chambre d’accusation du tribunal de Sidi M’hamed a fixé l’examen de son dossier au 4 décembre 2025, ouvrant la voie à un procès attendu mais déjà controversé.

Les charges portées contre Blamm sont lourdes et symboliques d’une justice politique : participation à une organisation terroriste avec connaissance de ses objectifs, diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public et atteinte à l’unité nationale. Des accusations qui soulèvent des questions essentielles sur l’espace de liberté dont disposent encore les journalistes et militants en Algérie.

Militant et journaliste depuis de nombreuses années, Abdelwakil Blamm n’a jamais hésité à s’exprimer. Cofondateur du mouvement Barakat, il a défié le pouvoir en dénonçant la candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat en 2014. Plus récemment, il a été une voix active et visible lors du Hirak de 2019, le mouvement de contestation populaire qui a secoué le pays et réclamé un changement réel du système politique.

Sa détention prolongée illustre la fragilité de la liberté d’expression en Algérie. Les appels à sa libération se multiplient, non seulement pour lui rendre justice, mais aussi pour rappeler que le droit de critique politique et journalistique ne peut être considéré comme un délit.

Décidément n’est pas Boualem Sansal qui veut ! En Algérie, où les associations de défense des droits humains sont démantelées et interdites, hormis quelques avocats, courageux défenseurs des libertés, la parole libre se fait rare.

Aussi, le procès de Blamm sera un test pour le système judiciaire et pour la société algérienne tout entière : préservera-t-il l’espace de la liberté d’opinion, ou renforcera-t-il l’ombre de la répression sur ceux qui osent dénoncer les injustices ? Cependant, il y a lieu de ne pas se faire d’illusions. Avec plus de 250 détenus d’opinion au trou, un nombre indéterminé d’Algériens sous interdiction de quitter le territoire national, on ne peut parler d’Etat de droit, et donc de justice. Mais d’arbitraire ordinaire.

Mourad Benyahia 

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Université de Béjaïa : un doctorant accuse le rectorat de blocage administratif et d’atteinte aux libertés académiques

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Université de Bgayet
Université de Bgayet. Crédit photo : DR

Un doctorant en sociologie à l’Université Abderrahmane-Mira de Béjaïa, Samir Larabi, a rendu publique, lundi 24 novembre 2025, une déclaration où il dénonce un blocage « illégal » de sa soutenance de doctorat. Renversant.

Sa thèse, intitulée « Le mouvement berbériste : entre demande d’intégration et les velléités indépendantistes », serait, selon lui, au centre d’un acharnement administratif qui met en cause le recteur de l’université (B.A.) et le vice-recteur chargé de la post-graduation (K.I.).

Une thèse validée à trois reprises… mais toujours bloquée

Samir Larabi affirme que son travail, déposé une première fois le 8 juin 2023 sur la plateforme PROGRES, a été validé par les instances scientifiques de la faculté — CSD puis Conseil scientifique de la faculté — à trois reprises. Malgré cela, aucune autorisation de soutenance ne lui aurait été accordée. Un cas « inédit », selon lui, qui révèle un dysfonctionnement profond de la gouvernance universitaire.

Dans sa déclaration, il accuse le rectorat d’avoir refusé systématiquement toute réponse écrite, d’avoir manipulé des arguments sécuritaires et d’avoir délibérément entravé le processus académique pour des motifs non scientifiques.

L’argument sécuritaire : un outil de disqualification ?

Le doctorant assure que des « réserves » attribuées aux services de sécurité ont été invoquées pour justifier le blocage de sa thèse, sans qu’aucun document ou rapport ne lui soit présenté. Il qualifie ces arguments de « mensonges » visant à le discréditer auprès de ses collègues et à légitimer une forme de censure.

Face à ces pressions, il dit avoir accepté de modifier sa thèse — chapitres retirés, intitulé révisé, nouvelle mouture déposée en février 2024 — sans que cela n’ait le moindre impact sur la position du rectorat. Une nouvelle version corrigée a de nouveau été déposée en octobre 2024. Elle n’a pas été traitée.

Un Conseil scientifique mobilisé hors de son champ

En mai 2025, le Conseil scientifique de l’université (CSU) a statué que sa thèse « ne saurait faire l’objet d’une soutenance ». Larabi conteste la légalité de cette décision : son cas n’apparaissait pas à l’ordre du jour, les membres du CSU n’avaient pas lu son travail et la quasi-totalité d’entre eux ne relève pas des sciences sociales.

Le PV évoque un sujet « sensible » et un contenu « contraire à l’article 9 de la Constitution ». Pour le chercheur, ces arguments relèvent davantage d’une logique de neutralisation politique que d’une évaluation scientifique.

Une affaire révélatrice des dérives de gouvernance

Après avoir saisi le ministère de l’Enseignement supérieur, Larabi dit avoir constaté une intensification du blocage, qu’il interprète comme une réaction punitive. Il affirme disposer de preuves et met au défi les responsables universitaires de saisir la justice si ses accusations sont jugées diffamatoires.

Au-delà de sa situation personnelle, son cas pose une question centrale : comment une thèse validée par les instances universitaires peut-elle être bloquée pendant 29 mois sans justification écrite et sans arguments scientifiques ? Le doctorant y voit un signe alarmant du recul des libertés académiques et de l’emprise bureaucratique sur la production du savoir.

Dans un contexte où les sciences sociales peinent déjà à trouver leur place, cette affaire relance le débat sur les limites imposées à la recherche, en particulier lorsqu’elle interroge des questions sensibles liées à l’histoire, aux identités ou aux mouvements sociaux.

« Ils jouent à la roulette russe avec l’avenir des doctorants », déclare-t-il, estimant que son cas dépasse sa personne et révèle une crise de gouvernance qui interpelle toute la communauté universitaire.

A qui finalement se plaindre dans ce pays où l’arbitraire et l’autoritarisme ruisselle du palais d’El Mouradia jusqu’aux strates les infimes des institutions ?

Samia Naït Iqbal

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Débats sur le budget 2026 : le Sénat s’oppose à la suspension de la réforme des retraites

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Sénat
Le Sénat français. Crédit photo : Citizen Media.

Par 190 voix contre 108, la chambre haute, dominée par la droite, a refusé ce décalage à janvier 2028 de la réforme « Borne » portant l’âge légal de départ à 64 ans.

Le Sénat s’est opposé massivement, mardi 25 novembre, à la suspension de la réforme des retraites dans le cadre du budget de la Sécurité sociale, marquant son désaccord avec la concession majeure du Premier ministre Sébastien Lecornu en direction des socialistes. Par 190 voix contre 108, la chambre haute, dominée par la droite, a refusé ce décalage à janvier 2028 de la réforme « Borne » portant l’âge légal de départ à 64 ans. La mesure pourra être rétablie par l’Assemblée nationale par la suite, mais l’opposition du Sénat risque d’acter l’absence de compromis possible entre les deux chambres du Parlement sur le projet de loi de finances de la Sécu.  

Le Sénat rétablit le gel des retraites, sauf pour les petites pensions

Seules les pensions inférieures à 1 400 euros par mois resteront indexées sur l’inflation. Cette mesure, que l’Assemblée nationale avait supprimée, a fait l’objet d’un avis de « sagesse » du gouvernement (ni pour ni contre), le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, la soutenant « dans son principe ». Ce vote est encore loin d’être définitif, car le budget de la Sécu va revenir dans les prochains jours sur le bureau des députés. 

Emmanuel Macron optimiste pour un accord budgétaire

Emmanuel Macron a « bon espoir » que « les forces parlementaires » s’entendent « dans les prochaines semaines » sur le projet de budget, a-t-il déclaré mardi. « Si les responsables politiques qui sont au Parlement sont inquiets, plutôt que de commenter leur inquiétude, qu’ils s’occupent de bâtir des compromis pour le pays qu’ils aiment », a complété le chef de l’Etat sur RTL. « Ce n’est pas la responsabilité du président de la République », a-t-il ajouté.

Olivier Faure croit à un compromis

 « Nous devons y arriver, car ce serait un vrai désastre que de voir un Parlement qui, pour la première fois depuis 67 ans, a la possibilité de travailler en liberté, sans 49.3, et n’arrive pas à accoucher d’un budget », a affirmé le chef du Parti socialiste sur franceinfo. « Ce serait pour moi un échec collectif, je souhaite que nous puissions y arriver et je pense que nous allons y arriver », a-t-il ajouté. Olivier Faure a dénoncé « les gens qui veulent faire dérailler le train », en référence à La France insoumise et au Rassemblement national.

Changement de méthode

Pour conjurer la perspective d’un rejet du budget à la fin de l’année, Sébastien Lecornu entend réunir les partis sur des « priorités absolues » comme la sécurité, l’agriculture et l’énergie, en soumettant ensuite ces discussions à des votes au Parlement. 

Francetvinfos

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Et si un pirate venait faire la classe ?

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Enseignant.
Crédit image : Gerd Altmann de Pixabay

Ce soir, à table avec mes enfants, je leur ai posé une question toute simple mais profonde : si on vous envoyait un pirate pour enseigner à l’école, aimeriez-vous ce changement, et pourquoi ? 

Mes enfants ont répondu sans hésiter OUI ! Car avec un pirate, on voyage, on découvre, on s’enrichit— pas seulement en trésors, mais en expériences et aventures — alors qu’avec nos enseignants, on a parfois l’impression de surtout devoir apprendre et être évalué.

Cette intuition d’enfant résume à elle seule une aspiration profonde : celle d’une école vivante et passionnante. L’éducation pirate se veut une méthode révolutionnaire qui dépasse l’image caricaturale du pirate comme voleur des mers pour en faire un symbole d’audace, de créativité, et d’aventure dans la salle de classe Burgess (2012). 

Enseigner comme un pirate, c’est partir en expédition à travers les territoires inexplorés de l’apprentissage, oser rompre avec le conformisme scolaire et les méthodes figées, et embarquer les élèves dans une expérience d’immersion totale. Concrètement, cela signifie transformer un cours d’histoire sur les grands explorateurs en une chasse au trésor dans l’établissement, ou d’utiliser la passion personnelle du professeur pour le cinéma afin d’expliquer les règles de grammaire à travers des scripts de films. L’objectif est de créer une immersion totale où l’élève n’est plus un spectateur, mais un membre actif de l’équipage.

Dans un contexte éducatif où la monotonie et la pression à la standardisation étouffent la curiosité, l’approche pirate redonne vie à l’enseignement par la passion – une passion multiple qui mêle amour du contenu, dévouement pour la mission éducative et intégration des passions personnelles dans la pédagogie. Burgess (2012) rappelle que tous les enseignants ne sont pas naturellement passionnés par chaque sujet, mais qu’ils peuvent cultiver leur engagement professionnel et personnel pour offrir des leçons vibrantes et transformantes. Cette passion est contagieuse : un enseignant pirate n’a pas uniquement des connaissances à transmettre, il incarne une énergie inépuisable qui captive et transporte ses élèves vers de nouvelles découvertes. C’est comme le pirate au large, qui ne suit pas une carte toute tracée, mais crée sa voie, et invite tout son équipage à partager l’aventure.​

L’immersion est au cœur de cette pédagogie pirate, où l’enseignant ne fait pas que réciter un programme, mais est pleinement présent, attentif aux réactions, et prêt à ajuster son cap au fil de l’expédition. Cet engagement total crée une relation unique avec les élèves, qui se sentent valorisés et activement partie prenante de la quête du savoir.

Cependant, il faut savoir que l’échec est inévitable dans cette aventure, comme pour un vrai pirate qui affronte mers déchaînées, mais que chaque obstacle est une occasion pour apprendre, s’adapter et aller plus loin. Ce droit fondamental à l’erreur libère la créativité et rompt avec l’ennui scolaire qui guette le plaisir d’apprendre chez les élèves lors d’un cours classique.​

L’éducation pirate renouvelle aussi la relation enseignant-élève en privilégiant le rapport humain, la reconnaissance de chacun comme acteur unique du voyage, et en incorporant les passions et talents spécifiques du professeur dans la pédagogie — sport ou techniques artistiques deviennent autant de ressources pour dynamiser le cours et créer des moments mémorables. L’enseignant pirate favorise ainsi les leçons qui changent la vie en transmettant des valeurs d’audace, de résilience, de transformation, au-delà des simples savoirs.​

Cette idée de l’éducation pirate rejoint aussi les réflexions de Pardo (2014) pour qui l’apprentissage doit s’émanciper des cadres trop rigides, dans un esprit d’exploration et de mutinerie pédagogique. L’auteur insiste notamment sur l’importance de créer des espaces d’apprentissage en mouvement, où la motivation naît de la liberté et de l’aventure, ce qui rejoint la posture de l’enseignant pirate qui ose rompre les règles figées pour favoriser un apprentissage vivant et sensible. 

La pédagogie pirate transforme la classe en un terrain d’aventure où l’ordinaire devient extraordinaire, où chaque cours est un trésor à découvrir et à partager. Cette mise en scène, loin d’être superficielle, sert un objectif profond : rendre l’apprentissage irrésistible, donner à chaque élève l’envie d’embarquer, d’explorer, et de grandir. ​

Dans un monde qui exige toujours plus d’adaptabilité et d’innovation, face à un système scolaire souvent rigide et déconnecté, l’éducation pirate s’imposera comme une nécessité, un antidote à l’ennui et à la standardisation. Elle invite enseignants et élèves à devenir pirates des savoirs, intrépides explorateurs et constructeurs d’un futur où l’école redevient un espace d’émancipation, de plaisir et d’épanouissement.

Au final, l’éducation pirate est bien plus qu’une méthode innovante : c’est un appel vibrant à réinventer l’école en y insufflant passion, audace et liberté, afin de former des apprenants actifs, créatifs et pleinement engagés dans leur parcours. Face aux défis d’un système rigide et standardisé, elle offre une voie d’émancipation et d’épanouissement dont le succès dépendra de notre volonté collective de lever l’ancre et de partir à l’aventure. 

Dr Hamaizi Belkacem

École normale supérieure de Sétif

Références bibliographiques

  • Pardo, T. (2014). Une éducation sans école. Lectures, Publications reçues.
  • Burgess, D. (2012). Teach like a pirate. Dave Burgess Consulting, Incorporated.
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Mohamed Tadjadit cesse sa grève de la faim

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Mohamed Tadjadit
Mohamed Tadjadit

Après dix jours d’une grève de la faim qui pouvait lui coûter sa santé, voire sa vie, et face à l’autisme insupportable d’un régime cynique, Mohamed Tadjadit a pris la sage décision d’arrêter sa grève de la faim.

Mohamed Tadjadit a choisi la vie en lutte. Son combat est digne et cette décision renseigne sur le degré d’éveil de ce jeune poète qui n’a connu que les arrestations et la prison depuis l’intronisation de Tebboune à la présidence en décembre 2019.

Voilà ce que rapporte Me Fetta Sadat, son avocate au sujet de sa dernière rencontre avec ce prisonnier d’opinion.

« Bien affaibli par 10 jours de grève de la faim, durement éprouvé mais toujours debout, il a finalement accepté, sous l’insistance des médecins de la prison, de sa défense et de sa famille de suspendre son combat silencieux entamé le 16/11/2025.

Son corps porte les stigmates de l’injustice (il a perdu pas moins de 10 kg) mais sa détermination demeure intacte.

Je lui ai transmis l’ampleur du soutien et des messages de solidarité qui lui sont parvenus, notamment sur les réseaux sociaux. Profondément touché, il remercie chacun pour cet élan qui, malgré les murs, lui a donné force et espoir.« 

Mohamed Tadjadit est condamné arbitrairement à 5 ans de prison pour ses opinions.

Un autre détenu d’opinion, Cherif Mellal, ancien président de la JSK, poursuit sa grève de la faim. Il est à son 9e jour. Ce n’est pas sa première grève de la faim. L’ancien homme d’affaires et président de la JSK est lui aussi maintenu en détention d’une façon arbitraire. Son dossier est vide, selon ses avocats. Cherif Mellal est en détention depuis le 19 janvier 2023. Il a été condamné à 4 ans de prison ferme le 23 octobre 2024 par le pole pénal économique du tribunal de Sidi M’hamed. Cependant, selon Me Fetta Sadat, son dossier est toujours pendant par devant la cour suprême. Et son pourvoi en cassation non tranché.

La rédaction

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Tunisie : la justice ordonne la libération de Mustapha Djemali et Abderrazek Krimi

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Mustapha Djemali et Abderrazek Krimi
Mustapha Djemali et Abderrazek Krimi. Crédit photo : DR

Le tribunal de première instance de Tunis a ordonné, le 24 novembre 2025, la libération de Mustapha Djemali, 81 ans, fondateur du Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR), et d’Abderrazek Krimi, chef de projet au sein de la même organisation.

Les deux humanitaires étaient détenus depuis mai 2024 et poursuivis pour avoir prétendument « facilité l’entrée clandestine » et l’« hébergement » de migrants. Ils ont été condamnés à deux ans de prison, mais leur longue détention provisoire couvre désormais l’essentiel de la peine, permettant leur libération immédiate.

L’affaire avait suscité une large indignation parmi les organisations de défense des droits humains. Human Rights Watch a dénoncé des poursuites « abusives », rappelant que le CTR travaillait de manière formelle avec le HCR, notamment pour l’accueil et la prise en charge des demandeurs d’asile dûment enregistrés. Amnesty International a également alerté sur la situation sanitaire de Mustapha Djemali, atteint de la maladie de Horton et privé régulièrement de traitement en détention.

Durant leur procès, les deux responsables ont fermement rejeté les accusations, soulignant qu’ils n’avaient jamais participé à une quelconque opération liée à l’immigration clandestine. Ils assurent avoir agi exclusivement dans le cadre de leur mission humanitaire : accompagner des réfugiés reconnus, assurer un suivi social et fournir un appui administratif en coordination avec les instances internationales.

Quatre autres membres du CTR, poursuivis dans la même affaire, ont été acquittés, la justice tunisienne n’ayant retenu aucune charge contre eux.

Cette affaire intervient dans un contexte politique marqué par une pression croissante sur les ONG et la société civile en Tunisie. Pour plusieurs observateurs, la criminalisation du travail humanitaire constitue un tournant inquiétant, au moment où le pays reste confronté à une crise migratoire complexe et à une détérioration générale des libertés publiques. La libération de Djemali et Krimi apporte un soulagement à leurs familles et à leurs soutiens, mais elle laisse ouverte la question centrale : la solidarité envers les réfugiés peut-elle encore s’exercer librement en Tunisie ?

Mourad Benyahia 

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La Catch up culture, un nouveau charlatanisme

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Amitié
Crédit photo : Dim Hou de Pixabay

Non, ce n’est pas la sauce rouge pour les frites ni le sport de combat. Si vous commencez par des blagues de collégiens, je vous laisse rédiger cette chronique seuls. Les traductions les plus courantes de catch up sont « rattraper » ou « se mettre à jour ». Catch up culture veut ainsi signifier que les liens et communications amicaux sont fragiles, en permanence dans une course de mise à jour du quotidien des autres.

Comme souvent, un livre peut déborder de son succès de librairie pour provoquer un débat par la popularisation d’une expression relayée dans tous les supports de communication. La référence devient virale si on utilisait une autre expression, celle des réseaux sociaux.

La Britannique Michelle Elman vient de publier en mai 2025 un livre intitulé « Bad friend »  se traduisant par « mauvais(e) ami(e) ». L’auteur nous explique que les relations amicales sont devenues des moments pendant lesquels on raconte sa vie plutôt que vivre son amitié et qu’elles sont devenues de plus en plus fragiles.

Tout raconter mais ne jamais aborder les discussions de fond. Elle complète son analyse par l’apparition des réseaux sociaux qui surmultiplient la tendance sociale dominante des relations amicales fragiles.

Cette relation met constamment à jour la vie d’une personne, chacun connaissant l’histoire des autres par l’exposé de ses vacances, de ses achats, de son sport et de tous ses événements quotidiens. J’ai été au ski, j’ai mangé dans tel restaurant, j’ai rencontré une personne, j’ai visité tel lieu, voici mes enfants et ainsi de suite.

On a l’impression de tout savoir sauf qu’on ne sait finalement rien de l’essentiel, soit la profonde réflexion sur soi de la personne et des événements qui l’alimentent. Et bien entendu la réciprocité est vérifiée pour chacune des personnes, tous écoutent ce que l’une raconte sur elle qui à leur tour lui racontent leur vie.

Jusque-là, rien d’extraordinaire pour cette nouvelle expression à la mode. Mais c’est dans la suite que je vais exprimer ma très forte critique, lorsque l’auteur fait l’inventaire des causes. 

Je me demande ce que découvre Michelle Elman que nous ne sachions pas depuis les prémices de notre vie d’adulte ? Les véritables amitiés s’estompent inévitablement avec le temps et les nouvelles circonstances de la vie. Bravo, un prix Nobel pour cette découverte.

Elle explique que les facteurs sont souvent le mariage et le repli dans l’intimité des familles, des repas entre amis qui ne sont plus des partages, le travail professionnel devenu chronophage avec l’objectif de parvenir à des statuts de plus en plus élevés, la lourde responsabilité des enfants et ainsi de suite.

Bref un constat qui bouleverserait les relations d’amitiés. C’est donc que Michelle Elman considère que tout cela était existant auparavant et qu’on doit déplorer l’apparition des distanciations amicales et des ruptures relationnelles. Elle en conclu qu’il faut les admettre et les intégrer dans une nouvelle vision de l’amitié.

Nouvelles relations d’amitiés ? Où Michelle Elman a-t-elle puisé sa certitude et à quelle époque ? Les adolescents précédents la génération Internet gardaient-ils à vie la même relation amicale, souvent passionnée comme elle est à cet âge ?

Les hommes et les femmes ne s’éloignaient pas de leurs relations amicales pour fonder leurs familles ? Je ne m’étais donc pas rendu-compte combien ils gardaient la même fréquence de rencontres, au café ou ailleurs. J’ai dû passer à côté de la généralisation des vacances en commun.

On pourrait conclure que les gens ne se racontaient pas seulement mais allaient au profond de leurs confidences ? 

Bien entendu que cela était une réalité dans beaucoup de cas (en valeur absolue mais pas en valeur relative) mais à en faire un mode de relations amicales absolu dans la société passée, c’est faire preuve d’amnésie. On a l’impression que Michelle Elman n’a jamais vécu dans ce passé ou on ne lui a jamais raconté sa vérité. La première raison est pardonnable mais la seconde est tout de même étonnante pour une personne qui veut évaluer la société dans ses modifications.

Quant aux réseaux sociaux, ont-il modifié la nature des relations amicales sinon dans la surmultiplication des contacts ? Une relation amicale du passé n’était pas plus ni moins une réunion de personnes qui racontaient leur vie plutôt que faire part de leurs sentiments.

On savait tout de la vie quotidienne des gens ? Tout le monde se racontait et écoutait ce que racontait l’autre ? C’est vrai que chacun demandait à l’autre comment allait sa famille. L’autre rétorquait par, très bien, je te remercie, et ta petite famille va bien ? Et lorsqu’on a passé en revue les cousines, les oncles et tatas, on reprend la boucle interminable sur la date du mariage de la fille, des études des grands garçons et filles et ainsi de suite.

Mais connaissait-on les vrais sentiments et les projets secrets des autres ? Il faut être fou de le penser vu les relations pudiques en société et en famille de cette époque (partout dans le monde). D’où Michelle Elman a-t-elle puisé ses informations sur la nature différente des anciennes relations amicales dans le passé ? 

Moi, je ne vois rien de changé dans cette nature humaine, il y a eu toujours une ambivalence dans la relation amicale en société entre le besoin de fraternité, de partage et d’amour et celui de l’absolue nécessité de prendre des distances suivant les moments de la vie et de ses circonstances. Non, le besoin d’amitié n’a jamais changé, réseaux sociaux ou non, dans cette ambivalence.

La Catch up culture existait mais Michelle Elman l’a généralisée et rendue inhérente au passé. Je lui répondrai que les relations amicales n’ont pas peur des réseaux sociaux ni de l’accélération du rythme de la vie moderne, ils sont assez solides pour perdurer sans qu’on les oblige à se manifester ostentatoirement. 

Se raconter, c’est indirectement un message de partage du sentiment caché. Michelle Elman n’a pas seulement enfoncé des portes ouvertes, elle n’a pas pris les bonnes.

Rappelez-moi qui est Michelle Elman ? Une coach de vie dans certaines émissions de télévision et influenceuse star sur des medias sociaux comme Instagram ou Youtube et d’autres. Un comble !

C’est dire si je suis impressionné par la nouvelle expression d’un débat profond, la Catch up culture, basée sur des études sociologiques sérieuses et portée par une éminente spécialiste de 35 ans.

Boumediene Sid Lakhdar

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Quand le rêve vacille : une comédie noire ouvre magistralement les Journées de Carthage

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Journées de Cartage

Le rideau s’est levé à Tunis sur une œuvre qui n’a rien d’un simple spectacle d’ouverture. Avec « (Al-)Hulm… Comédie noire », Jellila Baccar et Fadhel Jaïbi ont offert aux Journées de Carthage une entrée en matière d’une puissance rare : un théâtre qui ne cherche ni l’applaudissement facile ni l’illusion du divertissement, mais qui avance, droit, vers le cœur du malaise tunisien.

Dans une bâtisse en rénovation, métaphore transparente d’un pays fracturé, tout vacille : les murs, les valeurs, les certitudes. Les critiques ont souligné la force de cette scénographie qui se dégrade au fil des scènes, comme si le décor lui-même portait la fatigue d’une société traversée par les crises. Ici, rien n’est figé : les objets bougent, tombent, se dispersent. Le chaos s’organise, les tensions montent, le rire surgit — mais un rire amer, chargé de désillusion.

Sur scène, les comédiens livrent une partition d’une précision chirurgicale. Le texte frappe fort, sans emphase : « Ils ont même corrompu le rêve » — phrase qui résonne comme un constat cru sur l’érosion des espoirs nés il y a plus d’une décennie. Et pourtant, le duo Baccar/Jaïbi refuse de céder à l’obscurité totale : derrière la noirceur, l’idée d’un renouveau demeure possible, non pas en retrouvant un rêve perdu, mais en en façonnant un autre.

La presse tunisienne salue l’audace du propos, la densité philosophique du texte et l’ambition esthétique de la mise en scène. Les critiques pointent la capacité de la pièce à interroger sans dicter, à sonder les failles sans condamner, à redonner une dignité au doute.

C’est un théâtre miroir, mais aussi un théâtre marteau : un art qui renvoie l’image d’un pays blessé tout en frappant aux portes de l’avenir.

En inaugurant ainsi sa nouvelle édition, les Journées de Carthage rappellent le rôle premier de la scène : un espace où l’on ose, où l’on questionne, où l’on se confronte au réel avec autant de poésie que de lucidité.

Un début magistral, à la hauteur d’un festival qui entend rester la conscience vibrante du monde arabe et africain.

Djamal Guettala 

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L’euro brise le plafond de verre : plus de 280 dinars pour un euro au marché parallèle 

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Le marché parallèle des devises en Algérie vient de franchir un nouveau cap. L’euro s’échange désormais à plus de 280 dinars, atteignant environ 283 dinars à la vente, un niveau jamais atteint auparavant. Cette hausse spectaculaire confirme l’essoufflement du dinar et creuse un peu plus l’écart avec le taux officiel.

Qui va arrêter la flambée de la devise en Algérie ? Cette flambée n’est pas soudaine. Depuis plusieurs mois déjà, l’euro évoluait à la hausse : autour de 265,5 dinars fin septembre, il avait franchi les 280 dinars en octobre, avant de grimper encore ces derniers jours.

Le dollar suit la même tendance : d’environ 229,5 dinars fin septembre, il est passé à 240 dinars sur le marché noir.

Pendant ce temps, les taux officiels restent quasiment inchangés : environ 151,5 dinars pour l’euro et 129,8 dinars pour le dollar. L’écart entre les deux marchés dépasse ainsi les 130 dinars pour l’euro, un record qui traduit la perte de confiance dans la monnaie nationale.

Plusieurs raisons expliquent cette montée continue :

Une demande plus forte en devises, notamment avec l’approche des fêtes de fin d’année et les besoins des étudiants ou importateurs.

Une dépendance persistante des commerçants et du secteur informel au marché noir pour obtenir des devises.

Une prime touristique insuffisante pour réduire la pression : malgré plus de 450 000 bénéficiaires et une facture de près de 400 millions d’euros en deux mois, l’impact reste très limité.

La nouvelle réglementation sur le “caba”, qui pourrait encore pousser certains vers le marché parallèle.

Cette envolée des devises étrangères pose la question de la capacité des autorités à stopper ou ralentir cette tendance.

Un euro à plus de 280 dinars ne touche pas seulement le pouvoir d’achat des ménages : il risque d’alimenter une hausse des prix plus générale, alors que rien n’indique pour l’instant une baisse de la demande sur le marché parallèle.

Tant que les citoyens et les petites entreprises ne disposent pas de moyens simples et fiables pour obtenir des devises à des prix raisonnables, les places informelles comme le square Port-Saïd continueront de s’imposer comme la “référence”, au détriment de la stabilité économique du pays.

La rédaction

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Icône du théâtre et du cinéma algérien : Baya Bouzar « Biyouna » n’est plus

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Biyouna
Biyouna s'est éteinte à Alger. Crédit photo : DR

L’Algérie vient de perdre l’une de ses plus grandes figures artistiques. L’actrice vétéran Baya Bouzar, plus connue sous son nom de scène « Biyouna », s’est éteinte ce mardi matin à l’âge de 73 ans, des suites d’un cancer du poumon. Elle était hospitalisée à l’hôpital de Beni Messous, à Alger.

​Un héritage artistique indélébile et un début de carrière précoce

​Née le 13 septembre 1952 à Belouizdad (ex-Belcourt), dans la capitale algérienne, Biyouna (dont le surnom affectueux est un diminutif de son prénom, Baya) a marqué durablement le paysage culturel en Algérie et a même acquis une reconnaissance notable sur la scène européenne.. L’artiste laisse derrière elle un répertoire riche qui témoigne de son talent singulier et de sa capacité à exceller tant dans le drame que dans la comédie. 

 Avant d’être une actrice reconnue, Biyouna a débuté très jeune dans le milieu artistique algérois. Dès l’âge de 17 ans, elle se produisait dans les grands cabarets d’Alger en tant que chanteuse. À 19 ans, elle était danseuse au célèbre night-club, le Copacabana.

​ Sa carrière d’actrice démarre réellement en 1974 lorsqu’elle obtient un rôle de chanteuse dans le premier feuilleton algérien, « L’Incendie » (Al-Harik) de Mustapha Badie. Cette série, adaptée d’un roman de Mohamed Dib, lui apporte une reconnaissance initiale.

​Elle fait ses débuts au cinéma à 26 ans dans « Leïla et les autres » de Sid Ali Mazif en 1978.

​Le réalisateur Nadir Moknèche a joué un rôle déterminant dans sa reconnaissance internationale en France, lui offrant des rôles clés dans plusieurs films, notamment : »Le Harem de Madame Osmane » (1999), « Viva Laldjérie » (2003), « Délice Paloma » (2007), où elle tenait le rôle principal.

​En France, elle a participé à de nombreuses comédies populaires françaises, telles que « Il reste du jambon ? » (2010), « La Source des femmes » (2011) de Radu Mihaileanu, et plus récemment, « Neuilly sa mère, sa mère ! » (2018).

​En reconnaissance de son œuvre, elle a été décorée de l’insigne de Chevalier des Arts et des Lettres en France en 2013. Elle a également remporté le Prix de la Meilleure Actrice en Afrique à deux reprises pour ses collaborations avec Nadir Moknèche.

​La série comique (sitcom) « Nass Mlah City », diffusée entre 2002 et 2005 (3 saisons), a été un immense succès, la consacrant comme figure humoristique incontournable pendant les périodes de Ramadan.

La série « Eddama »  diffusée,  lors du Ramadan 2023, sur la Télévision publique algérienne (TV1), a connu un succès retentissant, attirant plus de 150 millions de vues sur YouTube pour ses 25 épisodes. La mini-série « Millionnaire » a été diffusée en 2021.

​Biyouna était également chanteuse avec une voix reconnaissable. Elle a notamment rencontré un gros succès avec son album « Blonde dans la Casbah » sorti en 2007.

Avec la disparition de Baya Bouzar, l’Algérie perd une figure majeure dont l’œuvre et la présence resteront gravées dans la mémoire collective, confirmant son statut d’icône incontournable du théâtre et du cinéma national.

Samia Naït Iqbal

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