23 novembre 2024
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Hamid Mokaddem, « Chroniques de Kanaky » : 80 ans d’économie coloniale brûlés 

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Les Néo-Calédoniens sont en général fortement constitués, mais leurs traits sont peu agréables. Ils sont beaucoup plus noirs que les Polynésiens, beaucoup moins noirs que les nègres. Ont les cheveux crépus, le front peu évasé, les lèvres légèrement saillants, leur nez est épaté artificiellement.

Leurs oreilles sont largement percées au lobe inférieur. Ils n’ont pas les membres grêles des Australiens, leur barbe est fournie. Les enfants sont presque blancs à la naissance, les véritables albinos ne sont pas très rares. Parmi eux, il en est plusieurs qui ont des enfants vigoureusement constituer, C’est ce que nous pouvons lire dans la Revue Algérienne et coloniale du mois d’avril 1860.

C’est ainsi que la science coloniale présentait la nation kanak tout juste après 13 ans d’occupation. De ce lointain pays et à 17 700 km d’Alger, nous avons encore l’image de nos déportés de l’insurrection de 1871 et celle du bagne de l’île des Pins au sud de la Grande île.  L’Humanité du 1er juin 1904, informait sur le retour en Algérie de Mokhtar el-Hadj Mokrani après 33 ans de bagne.

Nouméa en fait ne s’était pas trop éloigné de nous. Dans les faits, le dernier soulèvement de mai-juillet de l’année en cours, nous a replonges dans ceux d’octobre 1988 et dont les prémisses ont débuté dès 1985 où au même moment et à l’autre bout du globe, le GIGN du ministre Edgard Pisani exécute froidement Machora et Nonnara du FLNKS.

Autour de cette histoire, il fallait attendre qu’une « amitié du bout du monde » soit présente au dernier SILA-2024 pour avoir enfin, entre les mains, un véritable document historique sur les « évènements » de Nouméa des derniers mois de mai et juillet derniers. Il est question d’un fils de travailleur immigré algérien, Hamid Mokaddem, philosophe, anthropologue et enseignant à l’Institut de formation des maîtres de la Nouvelle-Calédonie, auteur des Chroniques de Kanaky (Nouvelle-Calédonie). 13 mai -10 juillet 2024.*

A travers les 109 pages de textes, 34 photos et aquarelles (il est aussi artiste plasticien) auxquelles il joindra deux photos de son ami Bernard Haeweg, il retrace le quotidien qu’il a vécu et dont il a été témoin durant les 48 jours qui ont ébranlé le « porte-avion de la route impériale de l’axe indo-pacifique » (p. 5). Une terre, qui, au « nom de la France, on cautionne l’incompétence » (p. 5). La Kanaky est un nom à retenir, elle est bien cette terre où « il y a un peuple premier qui était déjà là, de la civilisation du Lapita depuis plus de 3000 ans », témoigne le poète et écrivain Kanak, Waixen Georges Wayewol. Ce n’est pas ce peuple de « mangeur » de marins venus de France réprimer la révolte des tribus de Monéo et de Mou durant la moitié du XIXe siècle colonial ou encore, ces officiers de frégates pénitentiaires accostant à Nouméa, afin de débarquer les « transportés » (bagnards) afin « d’accomplir des devoirs absolus de leur position » selon les termes du journal Akhbar du 19/8/1864. Il est presque désagréable de lire un tel témoignage, tout en nous référant aux techniques du journalisme français de l’école du Figaro, sans s’impliquer dans le référent historique bien commun aux peuples colonisés.

M. Mokaddem est clair : «Je n’écris pas pour satisfaire la curiosité impatiente. Je précise que de là où j’écris, vers 3 h du matin, on entend encore au loin les explosions des lacrymogènes » (p. 72). S’il a choisi ses 48 chroniques du dernier soulèvement kanak, c’est parce qu’il est « suffisamment philosophe pour prétendre ne pas faire de mes analyses une propagande à l’instar des mercenaires qui agissent en consultants pour les puissants de ce monde ! » (p. 72).

C’est à travers le regard de l’anthropologue de la société colonisée que nous traversons la capitale Kanak, entre les barrages-filtrants de la Petite-Normandie (quartier de l’auteur) et le quartier résidentiel de Tina-sur-Mer, où des barricades-forteresses protègent les « Blancs » de France et de Navarre venus s’enrichir sur le dos de la jeunesse kanak.

Les deux types de barricades «reproduisent les cartographies inégalitaires » (p. 31) qui décalquent aussi les clivages économiques sur des bases « ethniques ». La France des expansions capitalistes, puissances aux visages multiples, « marginalisent et mettent des populations dont les jeunes Kanaks urbanisés » (p. 31). La Kanaky n’est pas un territoire français. C’est une colonie. La nation kanak est une « civilisation de l’oralité où les savoirs et connaissances se transmettent de génération en génération », note encore Waixen Georges Wayewol. Mais la France d’Emmanuel Macron ne l’entend pas ainsi, elle préfère expérimenter en Nouvelle-Calédonie « la colonisation dans toute sa médiocrité » (p. 18) et la venue du « souverain empereur » à Nouméa, et après 18 h de vol n’a fait « qu’allumer de plus belle une nuit incendiaire » (p. 18).

Maki Wéa, un Kanak insurgé se souviendra que « lors de sa première venue en territoire kanak, il avait planté un cocotier à Hwadrillo (Ouvéa). A peine un an après, le cocotier est en train de pourrir » (p. 18). Finalement, tout ce qu’entreprend ce Caligula des finances est voué à pourrir (p. 18). « Il vient, voit et vide », notera Hamid Mokaddem. Et à son départ, en compagnie de son 1er policier de France et de Navarre, Moussa-Gérard Darmanin, des maisons appartenant à la bourgeoisie métropolitaine, venue faire du fric au soleil, sont incendiés à Kaméné (p. 18).

Devant un tel entêtement à maintenir les peuples océaniques sous la botte coloniale, Albert Einstein interviendrait bien pour rappeler que « seules deux choses sont infinies. L’univers et la stupidité de l’homme qui prétend tout savoir », lit-on dans le petit livre de M. Mokaddem.

L’œuvre du Caligula de France est de minorer le peuple originel et de briser les difficiles constructions des devenirs intercommunautaires, telles pour lesquelles milite Jean-Pierre-Taieb Aïfa, ce « descendant des transportés algériens » qui entend qu’une citoyenneté calédonienne composée est bien réelle et qu’il faut consolider (p. 20). Ils ne sont pas aussi nombreux ces descendants des quelque 2100 déportés algériens. M. Hamid Mokaddem a mené sa propre prospection d’anthropologue-historien et le démontra dans un ouvrage paru récemment.

Chroniques de Kanaky et après 35 ans du combat de Jean-Marie Tjibaou et de ses camarades, témoigne d’une situation que même « Achille aux pieds ailés ne pourra jamais rattraper la tortue » (p. 9). Dans une France gouvernée par l’incompétence des guichetiers de la finance, n’a rien fait pour se soucier des générations à la dérive.

D’ailleurs, c’est le même constat à faire pour l’ensemble des territoires colonisés. Les Kanak « plafonnent à un niveau de scolarité très bas, alors que les classes sociales supérieures européennes excellent vers le haut » (p. 9). La France serait encore plus belle avec la Nouvelle-Calédonie, selon les dires du Caligula du palais de l’Elysée. Elle le sera certainement, si elle foutait la paix à la future République de Kanaky ! Rétorquent la jeunesse révoltée.

Les officiels des palais parisiens, n’écoutent pas et « comment instituer un dialogue avec le monologue d’un souverain entêté » (p. 17). Les anciens du pays Kanak, de leur côté, « n’ont aucune emprise sur les jeunes. Ils ne sont plus dans leur écoute » (p. 17), et l’auteur des Chroniques se positionne aussi gravement à l’heure des combats de rues. « Je me dis aussi que je ne vais pas servir de pompiers aux incendiaires pour reproduire un système, cautionner un marché, dont les modèles de développement marginalisent la population déscolarisées Kanak ».

Une position de principe bien respectable, totalement à l’opposé de ceux qui s’affirment sur les plateaux TV comme « sapeurs-pompiers militaires » de l’Empire républicain. « La révolution Kanak est une émeute de racisme anti-blanc » et les Kanak « viennent coloniser la Nouvelle-Calédonie « blanche » ? » (p. 24). 40 ans de bureaucratisme politique, relève Hamid Mokaddem, ce sont les incendiaires qui siègent au plus hautes fonctions de l’État (p. 6) et décrètent les assujettissent les destinées des populations.

Moussa-Gérard Darmanin préfère, en enfant de supplétif de l’Algérie coloniale, évoquer « la main étrangère » de Bakou et de Pékin. Néfaste plagiat à l’algérienne ! Sur la terre de France et de Navarre, les médias à la solde des banquiers, projettent « les esprits dans le virtuel. Tournent en boucle les montages faussant le réel des télévisions nationales » (p. 8). Que propose Paris pour les jeunes Kanak de la très galactique Nouméa ? Hamid Mokaddem y relève « des banques, des ronds-points, des surfaces commerciales avec quelques échappatoires spirituelles telles que les Temples d’Assemblée de Jéhovah » (page 8). Des murs donc, pour y inscrire des graffitis de la colère et du dégoût.

La bureaucratie « démocratique » et macronienne ont réussies à découper le peuple en catégories « de populations composants des corps électoraux les opposants les uns aux autres » (p. 8). Une politique qui a choisi d’entuber la masse kanak dans le consumérisme du capitalisme, les censures et les corruptions en maquillant les jeux des négociateurs par la justification et l’embellissement de la pensée du théoricien du macronisme, le sieur Alain de Touraine, un social-démocrate du néo-libéralisme.

Nous saisissons, en finalité, que la contribution de Hamid Mokaddem nous éclaire un peu plus sur la cause anticolonialiste du peuple kanak. S’il y a eu des morts lors de la dernière révolte, c’est le fait de miliciens ou des gardes-mobiles eux-mêmes, apprend-on. A Nouméa « y a pas de fusils entre les mains des Kanak ». Les jeunes de Kanaky étaient face à trois compagnies CRS, 32 escadrons de mobiles, 160 GIGN, une quarantaine de Raid. Il ne manquait à cette armada, qu’un croiseur ou une frégate pour reproduire le nettoyage ethnique du 8 mai 45 en Algérie.

Aujourd’hui, pour que la paix revienne, cette paix-là elle s’appelle indépendance, pouvons-nous conclure avec l’écrivain kanak et ami de l’auteur des Chroniques de Kanaky, Waixen Georges Wayewol.

Mohamed-Karim Assouane, universitaire.

*- Hamid Mokaddem, Chroniques de Kanaky (Nouvelle-Calédonie) : 13 mai – 10 juillet 2024, La courte échelle. Editions transit, 119 p., prix : 13 euros.

Si la médiocrité règne : pourquoi changer de cour ?

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Tebboune
Tebboune (79 ans), chef de l'Etat.

Dans une époque où la recherche du sensationnel et de l’apparence l’emporte sur la compétence réelle, il semble que le climat de médiocrité soit devenu la norme. Que ce soit dans les sphères politiques, économiques ou culturelles, la tendance actuelle semble être à la gestion de l’illusion plutôt qu’à la création d’un véritable changement. Mais alors, pourquoi changer de cours si la médiocrité et règne déjà ?

Certes, il est évident que ce système, fondé sur une succession d’erreurs et de compromis, a engendré des frustrations. Les citoyens, toujours plus nombreux à se détourner des institutions traditionnelles, se retrouvent dans une sorte de quête incessante du « moindre mal ». À cela s’ajoute le constat amer que ceux qui devraient incarner l’excellence, que ce soit à la tête des États ou dans le domaine culturel, semblent en décalage avec les réalités du terrain.

Mais faut-il, pour autant, fuir une cour qu’on perçoit comme médiocre pour sauter dans une autre qui, peut-être, ne sera guère plus brillante ? Ce dilemme, qui semble aujourd’hui omniprésent dans nos sociétés modernes, révèle une question fondamentale : si les dirigeants actuels échouent à incarner le changement, n’est-il pas préférable de rester et de tenter de transformer la situation de l’intérieur plutôt que de se réfugier dans l’apparente nouveauté d’un autre système qui, lui aussi, pourrait bien conduire dans la même impasse ?

Les exemples de sociétés en crise où les réformes ont échoué abondent. Les nouvelles solutions politiques ou économiques apparaissent souvent comme des remèdes pires que le mal, conduisant à des dérives autoritaires ou à des régimes où le pouvoir de pouvoir surpasse tout autre principe. Dans ces circonstances, se réfugie dans l’extrême ou dans des alternatives radicales ne semble plus être une solution. Au contraire, c’est par une remise en question profonde de nos propres engagements, valeurs et critères de jugement que la véritable transformation pourrait avoir lieu.

En définitive, se poser la question « Pourquoi changer de cour ? » soulève la réflexion suivante : faut-il vraiment quitter un environnement d’apparence corrompue pour se jeter dans l’inconnu, ou est-il plus préférable de travailler à une réforme interne ? Ce n’est pas en fuyant nos responsabilités que nous réussirons à sortir du cycle de la médiocrité, mais bien en réévaluant nos attentes, en exigeant davantage de ceux qui nous gouvernent, et en nous assurant que la compétence, l’intégrité et l’ engagement ne soit plus seulement des mots en l’air, mais des valeurs concrètes à appliquer au quotidien.

La vraie question n’est donc pas de savoir si nous devons changer de cour, mais bien si nous sommes prêts à assumer notre part dans le changement nécessaire. Se contenter de la médiocrité, c’est accepter que l’avenir soit façonné par l’indifférence et l’inaction. Mais si nous voulons véritablement que les choses changent, c’est à nous de transformer cette cour, de l’intérieur, avec rigueur et responsabilité. Parce qu’au fond, la médiocrité n’est pas une fatalité, mais un choix auquel nous pouvons mettre fin.

Ainsi se conclut cette chronique, qui, en offrant une réflexion sur le statu quo, invite chacun à envisager le changement autrement. Rester ou partir ? L’important est de ne pas se laisser envahir par la fatalité de la médiocrité, mais de chercher, chaque jour, à changer les choses pour le meilleur.

Mais alors, comment opérer cette transformation ? Il est facile de dénoncer les dérives, de pointer du doigt les insuffisances, mais la vraie question demeure : quels sont les leviers à actionner pour faire basculer le cours des événements ? Au-delà de l’indignation, il est nécessaire d’ouvrir la voie à l’engagement et à l’action collective. Cela commence par une implication active dans les processus décisionnels, même à petite échelle, dans la société civile, au sein des institutions, ou au cœur de nos propres communautés.

La transformation de la cour ne passera pas par une simple substitution des figures qui la composent. Elle nécessitera un changement profond des mentalités, des pratiques et des valeurs. Si nous voulons que nos dirigeants soient à la hauteur des enjeux actuels, il est primordial de rétablir la confiance, d’insister sur la transparence et de promouvoir une politique fondée sur le mérite et non sur les apparences. Chaque citoyen, chaque acteur du secteur public ou privé, doit être acteur d’un processus de renouvellement, prêt à affronter l’inertie du système et à relever les défis de demain.

Les solutions ne sont pas toujours spectaculaires ou immédiates. Elles résident dans les petits gestes du quotidien, dans la capacité à exiger l’excellence et à tolérer moins de médiocrité. Cela implique également un soutien inébranlable aux initiatives qui, loin de chercher à réformer à grands coups de symboles, œuvrent concrètement à l’amélioration des conditions de vie de tous, en se basant sur des principes de justice, d’équité et de développement durable. .

Changer la cour, c’est aussi admettre que la médiocrité n’est pas qu’une responsabilité des autres, mais qu’elle est aussi le reflet de notre propre passivité. Que ce soit par notre silence ou notre incapacité à exiger mieux, nous contribuons tous à maintenir le statu quo. La véritable révolution, donc, n’est pas celle des grands discours, mais celle de l’action quotidienne, là où l’on se trouve, avec les moyens dont on dispose.

Finalement, si la médiocrité règne, c’est aussi parce que nous l’acceptons. Tant que nous serons prêts à nous satisfaire du minimum, à tolérer l’incompétence, à ignorer les injustices, nous continuerons à nourrir ce cercle vicieux. Mais, si nous choisissons d’agir, de refuser la démission, de poser des questions et d’exiger des réponses dignes, alors ce système pourra réellement se transformer.

C’est là que réside l’espoir : dans la capacité de chacun à renverser les logiques de l’immobilisme et à créer un environnement où l’excellence, la compétence et la responsabilité soient enfin les véritables normes.

Le changement est possible, mais il commence par une prise de conscience collective. Alors, au lieu de fuir la médiocrité en changeant de cour, exigeons-nous si nous ne devrions pas plutôt transformer la cour elle-même, avec audace, détermination et l’engagement inébranlable d’un avenir meilleur.

Ainsi se termine cette réflexion sur la médiocrité et le changement. Loin de nous résigner à un destin déjà écrit, il appartient à chacun d’entre nous de tracer un chemin nouveau, plus juste et plus éclairé, à travers la cour que nous fréquentons. C’est dans cet effort quotidien qui réside, à terme, la clé d’une véritable transformation.

Ce changement, cependant, ne sera pas immédiat. Il s’agit d’un processus qui nécessitera du temps, de la persévérance, mais aussi une remise en question constante. L’important est d’instaurer un environnement où les décisions, grandes ou petites, sont guidées par la transparence, l’équité et une réelle volonté de progrès. Les dirigeants du futur ne se contenteront pas de réagir aux crises, mais anticiperont les problèmes avant qu’ils ne deviennent insurmontables.

Les jeunes générations jouent un rôle clé dans ce renouvellement. Les réseaux sociaux et les nouvelles technologies permettent aujourd’hui de faire entendre des voix qui étaient autrefois réduites au silence. Si ces plateformes peuvent être le théâtre de la division et de la polarisation, elles peuvent aussi devenir un outil puissant pour mobiliser, dénoncer les injustices et forcer les institutions à rendre des comptes. C’est un appel à l’action qui dépasse les murs des salons politiques et trouve un écho direct dans les rues, les écoles et les espaces de travail.

En réalité, la transformation de la « cour » repose sur un facteur fondamental : l’éducation. Une population éclairée, bien informée et capable de discerner le vrai du faux, l’utile du futile, aura un impact déterminant sur la direction à prendre. Il est donc crucial de promouvoir un système éducatif qui ne se contente pas de délivrer des connaissances, mais qui forme des citoyens actifs, conscients de leurs droits, de leurs responsabilités et de l’impact de leurs choix.

Derrière chaque révolution, qu’elle soit sociale, politique ou économique, il y a cette capacité de se remettre en question, de refuser de se contenter de l’ordinaire, de lutter contre l’injustice et l’inefficacité. Mais aussi de chercher des solutions alternatives, là où d’autres ne voient que des obstacles. Le changement de la cour, en fin de compte, sera le fruit d’une énergie collective, nourrie par l’espoir d’un avenir meilleur.

Cela n’exige pas que tout le monde devienne révolutionnaire. Parfois, de petites actions suffisent pour amorcer un changement en profondeur. Cela commence par des choix personnels et des engagements pris à l’échelle individuelle, mais qui, ensemble, forment un mouvement d’ensemble. Refuser la médiocrité au quotidien, que ce soit dans la vie professionnelle, personnelle ou publique, est le premier pas vers la création d’une société plus juste, plus compétente, et plus respectueuse de ses citoyens.

En conclusion, si la médiocrité règne et qu’elle semble être partout autour de nous, ce n’est pas parce qu’elle est inévitable. C’est parce que nous avons, trop souvent, oublié qu’une cour, aussi corrompue et stagnante soit-elle, peut être transformée. Et cette transformation commence par nous, par notre refus d’accepter la médiocrité comme norme. Par notre engagement quotidien à rendre la cour plus juste, plus équitable, et plus compétente, à la hauteur des défis de notre époque.

En sélectionnant de ne plus fuir, mais de se battre pour ce que nous méritons, nous pouvons réécrire l’histoire et transformer la cour en un espace de progrès et d’espoir. Voilà le véritable défi à relever. Le changement ne commence pas dans les grands discours, mais dans chaque action, aussi modeste soit-elle, qui pousse un peu plus loin les frontières de ce qui est acceptable. Alors pourquoi ne pas commencer dès aujourd’hui ?

Ainsi, cette chronique prend fin sur une note d’espoir et d’appel à l’action. L’engagement pour un avenir meilleur, plus juste, plus transparent, est entre nos mains. Il suffit de commencer, un geste à la fois, pour que ce changement se mette en marche.

« Le plus grand défi n’est pas de changer les choses, mais de changer la manière dont nous les percevons. » Albert Einstein.

Dr A. Boumezrag

Tebboune-Chanegriha : quand le salarié recrute son patron !

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Tebboune /Chanegriha

Il y a souvent des situations insolites dans ce pays militarisé. Abdelmadjid Tebboune vient de nommer le général-major Saïd Chanegriha au gouvernement.

En plus il s’agit d’un ministre délégué auprès du président de la république. En résumé, le grand patron de l’Algérie est sous tutelle d’un homme de statut subalterne dont la carrière fut surtout dans des ministères aux choux farcis (l’expression est connue lorsqu’il s’agit de qualifier les secrétaires d’Etat et ministres avec une importance bien marginale politiquement).

Si le petit stagiaire d’antan a semblé être finalement le grand timonier du régime crypto-civil, il reste encore loin de la caste régnante. Son pedigree est bien modeste et les fils de la marionnette sont manipulés par les vrais patrons de l’Algérie. Le tout puissant patron du clan au pouvoir est pour le moment le vénérable Saïd Chanegriha (79 ans). Rien que ça !

Qu’a-t-il pris au président de nommer un puissant général-major dans un poste faussement sous ses ordres ? La décision a été annoncée par la presse comme une volonté de montrer l’union entre les militaires et le civil. En langage politique algérien, on nomme cela un lien de subordination dans le couple.

Dans un moment de durcissement du président dans les actions violentes contre toute velléité de liberté d’opinion, il fallait lui rappeler la charte du pouvoir militaire. Elle est dans le sens « Mon petit gars, on t’a nommé Prince, tu fais bien ton job de soumission du peuple mais attention de ne pas trop en faire et de penser qu’on va te laisser aller plus loin et que le pouvoir ne te monte pas à la tête ».

Le généralissime Saïd Chanegriha aura l’unique mission de proposer une gestion d’état-major. Que veut dire cela ?

C’est simple, les destinataires des circulaires ministérielles ont intérêt à exécuter les ordres sans même les lire et sans bouger une seule oreille. Une page blanche avec seulement une signature suffirait à leur dire ce qu’il faut exécuter sans même qu’ils en comprennent le sens.

Tebboune continuera à faire le paon dans ses apparitions publiques avec le tintamarre des tambours et drapeaux au vent. Mais un petit gars, accoutré en une tenue bardée d’une quincaillerie fixée sur le torse, les épaules et le képi sera toujours derrière pour le surveiller d’un œil.

Les Algériens savent que le regard est inévitablement aveuglé par cette quincaillerie qui brille au soleil.

Une lumière qui fait de l’ombre au président potiche.

Boumediene Sid Lakhdar

Mali : le général Abdoulaye Maïga nouveau Premier ministre

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Goita et Maiga
Les généraux Goïta et Maiga

Le général Abdoulaye Maïga est le nouveau Premier ministre de transition du Mali. Il s’est illustré dans une diatribe à l’ONU contre l’Algérie.

La veille, les Maliens avaient appris de la même manière la révocation de Choguel Maïga et de tout son gouvernement. Révocation à laquelle il a réagi de manière offensive, dans la nuit, sur les réseaux sociaux. Après quelques jours de flottement, le rythme s’accélère : la nomination du général Abdoulaye Maïga était attendue. Il a été nommé par un décret signé du putschiste chef de l’État, l’autoproclamé général Assimi Goïta. La junte au pouvoir contrôle tous les leviers.

Le général Abdoulaye Maïga connaît déjà le poste, puisqu’il avait assuré l’intérim à la Primature lorsque Choguel Maïga avait eu des problèmes de santé.

Abdoulaye Maïga était jusqu’à mercredi soir ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement. Il ne fait pas partie des cinq militaires qui avaient mené le coup d’État d’août 2020, mais il a rapidement su gagner leur confiance, prendre de l’envergure et s’imposer en pilier du régime de transition. Ministre d’État, Abdoulaye Maïga est d’ailleurs passé du grade de colonel à celui de général en même temps qu’Assimi Goïta et que les autres militaires putschistes, au mois d’octobre.

Depuis plus de quatre ans, les Maliens ont appris à connaître son ton martial et ses « phrases chocs » parfois répétées à trois reprises, pour marquer l’auditoire. Une marque de style à laquelle s’est ajoutée l’expression « à bon entendeur, tant pis », récemment prononcée à la tribune des Nations unies, lors d’une diatribe contre l’Algérie.

Quels objectifs, pour combien de temps ?

Sa nomination n’est donc pas une surprise. Le général Abdoulaye Maïga a désormais la charge de former un nouveau gouvernement de transition. Avec quelles personnalités, quelles missions, et pour combien de temps ? Telles sont les questions qui se posent désormais.

Au ministère de l’Administration territoriale, Abdoulaye Maïga était un interlocuteur des partis politiques. Il avait également la charge de la supervision des processus électoraux. Alors que l’annonce de futures élections, notamment présidentielle, semblait proche, certains acteurs politiques maliens craignent que cette nouvelle séquence ne repousse encore la fin de la transition et le retour à l’ordre constitutionnel.

La rédaction avec Rfi

La CPI émet des mandats d’arrêt contre Netanyahu, Gallant et Mohammed Deif, chef du Hamas

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Benyamin Netanyahu
Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant

La chambre préliminaire de la Cour pénale internationale a émis ce jeudi 21 novembre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans la bande de Gaza, a annoncé la CPI jeudi. Elle a également émis un mandat d’arrêt contre le dirigeant de la branche armée du Hamas, le Palestinien Mohammed Deif.

« La Chambre a émis des mandats d’arrêt contre deux individus, M. Benyamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu’au 20 mai 2024 au moins, jour où l’accusation a déposé les demandes de mandats d’arrêt », a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye, ajoutant dans un autre communiqué qu’un mandat a également été émis contre Mohammed Deif, le chef de la branche armée du Hamas.

Ces accusations concernent la riposte israélienne meurtrière qui fait suite aux attaques perpétrées par le Hamas le 7-Octobre. La CPI dit avoir « des motifs raisonnables de croire » que M. Netanyahu et M. Gallant « portent la responsabilité pénale » des crimes suivants : « le crime de guerre consistant à utiliser la famine comme méthode de guerre », « crimes contre l’humanité » parmi lesquels des « meurtres, persécution et autres actes inhumains » et la perpétration d« attaques intentionnellement dirigées contre la population civile ».Ces mandats d’arrêts sont un évènement, car c’est la première fois que la CPI réclame l’arrestation d’alliés des occidentaux, et des États-Unis en particulier, rapporte la correspondante Rfi à La Haye.

Concernant Mohammed Deif, architecte des tunnels de l’enclave palestinienne et accusé d’être le cerveau de l’attaque du 7 -Octobre, il a été tué, selon Israël, lors d’une frappe de l’État hébreu le 13 juillet dernier. Mais la CPI, estimant « ne pas avoir la preuve de sa mort », a décidé d’émettre à son encontre aussi un mandat d’arrêt, car elle a, selon le communiqué, « des motifs raisonnables de croire » qu’il est responsable de « crimes contre l’humanité » comme « le meurtre, l’extermination, la torture, le viol et d’autres formes de violence sexuelle », ainsi que des crimes de guerre « que sont le meurtre, les traitements cruels, la torture, la prise d’otages, les atteintes à la dignité de la personne, le viol et d’autres formes de violences sexuelles ».

Les mandats d’arrêt ont été classés « secrets » afin de protéger les témoins et l’intégrité de l’enquête. Mais « la chambre considère qu’il est dans l’intérêt des victimes et de leurs familles qu’elles soient informées de l’existence des mandats », a-t-elle expliqué.

Selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza ce jeudi, le bilan est de 44 056 morts dans le territoire palestinien depuis le début de la guerre avec Israël il y a plus d’un an. Et au moins 71 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures, a-t-il indiqué dans un communiqué, ajoutant que 104 268 personnes avaient été blessées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Israël dénonce des « ordonnances absurdes »

Comme il fallait s’y attendre, Israël n’a pas perdu de temps pour réagir. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a déclaré que la CPI a « perdu toute légitimité » en émettant des « ordonnances absurdes ». « C’est un jour noir pour [la CPI], qui a perdu toute légitimité à exister et à agir », a écrit M. Saar sur son compte X.

Le tribunal de La Haye « s’est comporté comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes œuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient », a ajouté M. Saar. 

La décision de la CPI est une première dans l’histoire de cette guerre que mène l’armée israélienne contre le peuple palestinien. Même si elle a peu de chance d’être suivie d’effet, eu égard au soutien dont bénéficient Netanyahu et Gallant auprès des Etats-Unis, il y a lieu de croire que la CPI fait montre d’une indépendance inédit et d’un courage inoui, surtout si l’on sait qu’elle subit d’intenables pressions de la part de l’Etat hébreu et de ses nombreux soutiens.

Avec Rfi

Histoire croisée de douleur et de résilience : le destin de Saâda et de Kamel

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Saada Arbane

Notre histoire est marquée par des tragédies aux répercussions profondes, auxquelles peu d’entre nous ont échappé.

Parmi les récits poignants qui témoignent de cette période sombre, celui de Saâda, une survivante à l’âge de sept ans du massacre qui a décimé sa famille ainsi que les habitants des hameaux voisins sur des kilomètres, se démarque particulièrement.

Le parcours de cette jeune femme nous offre un regard singulier sur la résilience humaine, ainsi que sur les cicatrices collectives laissées par la décennie noire. Son témoignage, j’en suis intimement convaincu, n’est pas simplement une nouvelle narration sensationnaliste à la Dahdouh. Il s’agit d’un témoignage authentique, qui incarne des réalités brutales et des expériences vécues qui ont marqué à jamais son existence.

Il est crucial de ne pas sous-estimer l’ampleur de ce que Saâda représente. Elle est bien plus qu’une simple victime ; malgré elle, Saâda est un symbole pour toute une génération qui a dû survivre à l’indicible, affrontant des événements qui défient l’entendement humain.

Elle est l’une de ces voix qui ne doivent jamais être étouffées par les silences imposés ou les mensonges d’État. Saâda porte en elle la nécessité de témoigner, pour que la vérité soit connue et que les souffrances ne soient jamais oubliées.

Cependant, la parole de Kamel Daoud me semble être davantage celle d’une victime que celle d’un témoin. Les journalistes de l’époque étaient souvent confrontés à des situations pour lesquelles ils n’étaient pas préparés, notamment un rôle de correspondant en pleine guerre civile, bien plus complexe que celui d’un correspondant de guerre classique, et pour lequel ils n’étaient ni formés ni préparés. Ils ont dû apprendre sur le tas, tout en affrontant la terreur et l’incertitude au quotidien.

De plus, ils étaient idéologiquement fragilisés par les divisions internes et physiquement ciblés par les forces islamistes, ainsi que par la répression étatique. Cela rend leur travail d’autant plus héroïque : malgré le manque de ressources, la menace constante, et une pression politique immense, ils ont continué à rapporter la vérité, même si cette vérité était souvent déformée ou censurée par des intérêts supérieurs.

Dans l’approche de l’affaire Houris, il me semble qu’il faut s’intéresser à la parole des victimes, Saâda et Kamel, et évacuer les pseudo-démarches civiles de censure mémorielle au nom « des victimes du terrorisme » (voilà un point d’évacué !).

Saâda : survivre à l’indicible

Enfant des monts de Relizane, aux confins de la 1ère et de la 2ème Région militaire, Saâda fut victime d’une nuit d’horreur où elle fut égorgée aux côtés de sa sœur. « Les Émirs, les Princes, excellaient à brûler les enfants durant cette guerre dont personne ne peut jurer des faits aujourd’hui. Les brigades ont brûlé des nouveau-nés dans des fours de cuisine, éventré des femmes, décapité des têtes pour les poser au seuil des maisons, et égorgé des fillettes pour le plaisir de Dieu. À la fin de l’année 1999, deux d’entre elles s’étaient enroulées dans une grosse couverture surmontée d’un dessin de tigre alors que l’année et le siècle expiraient dans un bruit de papiers et de vent sur le toit. L’une a fermé les yeux et les a réouverts à Oran, l’autre ne les ouvrira plus jamais. » (Houris, Kamel Daoud, éditions Gallimard 2024)

Retrouvée agonisante, Saâda fut transportée au CHU d’Oran et prise en charge par le professeur Zahia Mentouri-Chentouf, pédiatre renommée et ancienne ministre de la Santé sous Boudiaf. Ce lien médical devint rapidement filial : « Toute sa famille, des bergers, avait été massacrée par une milice du FIS. Elle, âgée de sept ans, avait été laissée pour morte, la gorge tranchée. Elle a passé huit mois dans l’unité de soins intensifs pour enfants. Mon mari et moi l’avons adoptée. » (Interview Z. Mentouri https://www.groene.nl/artikel/het-verdriet-van-algerije). Zahia offrit à Saâda non seulement des soins médicaux, mais également un foyer et une chance de se reconstruire. Leur relation, teintée d’amour protecteur mais aussi marquée par les traumatismes respectifs de ces deux femmes, témoigne des blessures profondes laissées par l’histoire.

Sans aucun doute, Saâda a transformé sa douleur en force, devenant championne nationale d’équitation et bâtissant une vie marquée par une résilience remarquable. Pourtant, le décès de Zahia Mentouri en 2022 raviva ses fragilités, révélant la précarité d’un équilibre durement acquis.

Les massacres de Had Chekala et Ramka : une tragédie occultée

Les massacres de Had Chekala et de Ramka, survenus à la fin de 1997 et au début de 1998, incarnent l’une des pages les plus sombres de notre histoire. Plus de 1 000 victimes périrent dans une brutalité inouïe. Ces atrocités, longtemps minimisées ou censurées, révèlent l’abandon des populations rurales, alors que la priorité était à la sécurisation de l’Algérie officielle et de l’Algérie utile. Ces populations se retrouvaient prises en étau entre les groupes islamistes et les forces de sécurité.

Kamel Daoud, adepte de formules, a surnommé Had Chekala « Had Denia », traduisant « Denia » par Vie, et non Terre ou Lieu. De retour de ce bout du monde, Kamel Daoud informe sa rédaction de l’ampleur du massacre, évoquant les 1 000 morts. Ses collègues sceptiques doutent, car les chiffres officiels sont bien moindres ; le journal titre alors des dizaines de morts. Il faudra attendre mars 2006 pour qu’Ahmed Ouyahia reconnaisse la véritable ampleur du carnage. Lorsque des années plus tard, il croise le destin de Saâda, il est à parier que c’est dans son propre traumatisme qu’il replonge, d’où, probablement, l’irrésistible besoin d’écrire l’histoire de Saâda comme exutoire de sa propre histoire.

Houris a pu être construit à partir de tant d’autres cas. celui de Saada n’est pas unique. La page, Adjouad Algérie, animée par Nazim Mekbel donne à connaître tant de cas de victimes et de situations ! Mais c’est le cas de cette enfant qui habite Kamel Daoud, parce que, comme il le disait en 2006, « Vous pouvez habiter longtemps un endroit, mais un endroit peut vous habiter encore plus longtemps. » et Had Chekala habite Kamel Daoud à lui faire perdre bien des repères et à nous amener à une grande indulgence, y compris au sujet de son soutien passé à la loi scélérate de Bouteflika.

L’impératif d’un travail de mémoire et le respect de la parole des victimes

Il est impératif de mener un travail de mémoire profond pour honorer les victimes et comprendre pleinement la vérité de cette période sombre. Le respect de la parole des victimes, comme celle de Saâda et tant d’autres, est essentiel pour manifester la vérité et espérer une réconciliation véritable de l’Algérie avec elle même et sa trajectoire émancipatrice. C’est uniquement en reconnaissant la souffrance individuelle, y compris celle de Kamel Daoud, et en préservant la mémoire collective que l’Algérie pourra espérer avancer vers un avenir de justice et de paix durable.

Mohand Bakir

L’écrivain Boualem Sansal arrêté

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Boualem Sansal

L’écrivain algérien Boualem Sansal a été arrêté samedi 16 novembre à son arrivée à l’aéroport d’Alger en provenance de Paris. Sa famille est depuis sans nouvelle de lui.

Boualem Sansal (75 ans) a disparu depuis son arrivée à Alger samedi dernier. Sa femme a frappé à toutes les portes. Aucune réponse. Aucune institution n’a été capable de lui donner la moindre réponse. Qui a procédé à l’arrestation de l’écrivain ?

Mondialement connu, l’écrivain avait l’habitude de voyager entre Alger et Paris sans souci. Pourquoi ce mystérieux enlèvement de Boualem Sansal à ce moment ? Et qui sont les hommes qui l’ont enlevé ?

La méthode est connue en Algérie. Les enlèvements de militants sont monnaies courantes depuis l’arrivée de Tebboune au pouvoir notamment.

Grand prix de l’Académie française et auteur de nombreux ouvrages dont le précieux 2084 : la fin du monde, Le Serment des barbares, Boualem Sansal est connu pour être un esprit libre qui n’a jamais caché ce qu’il pense du pouvoir arbitraire algérien ni de l’islamisme rompant qui gangrène la société. Malgré le climat répressif irrespirable en Algérie, Boualem Sansal n’a jamais pensé quitter Boumerdès où il a toujours écrit et vécu.

Cette arrestation pourtant manifeste ne dit pas son nom, puisqu’à l’heure actuelle, la famille et amis de Boualem Sansal sont sans nouvelles. Cependant, dans cette Algérie verrouillée comme une huile par un pouvoir diablement paranoïaque, il n’est pas étonnant qu’il soit présenté devant un juge. Quand ? Pourquoi et sous quelle accusation ?

Après cinq jours entre les mains de ses geôliers, les autorités trouveront bien une fallacieuse accusation comme elles ont l’habitude de le faire pour tous les activistes et journalistes embastillés.

Une donnée aussi vieille que le règne chloroformé de Tebboune : les prisons sont remplies d’intellectuels, d’universitaires, d’étudiants, de travailleurs tous « coupables » de dire ses errements au régime. Ce sont près de 200 détenus d’opinion qui croupissent derrière les barreau. Un nombre incalculable d’Algériens sont sous interdiction de quitter le territoire national. Des centaines d’autres évitent de rentrer au pays au risque d’être arrêtés.

Boualem Sansal est un des plus grands écrivains algériens. Son arrestation ne fera pas plus briller la réputation de l’Algérie. Elle est une insulte à la création et la liberté de pensée. Une énième avanie dans laquelle macèrent avec une certaine jubilation ceux qui entretiennent l’arbitraire dans le pays.

Hamid Arab

Ligue 1 Mobilis : le MCA chute face au CRB (1-3)

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MCA

Le MC Alger a raté l’occasion de s’emparer provisoirement du fauteuil de leader, en s’inclinant dans le derby face au CR Belouizdad  1-3 (mi-temps : 1-1), mercredi soir au stade du 5-Juillet d’Alger, en ouverture de la 10e journée du championnat de la Ligue 1 Mobilis.

Dans un stade archicomble, le «Doyen» a raté un penalty dès l’entame de la partie, mal tiré par Andy Delort (9e). Ce n’était que partie remise pour l’ancien montpelliérain, qui a réussi, cinq minutes plus tard, à ouvrir la marque (14e).

Après quelques tentatives, le club de Laâquiba a bien réagi et est parvenu à égaliser grâce à l’inusable Islam Slimani. Libre de tout marquage en pleine surface, l’actuel meilleur buteur historique de l’équipe nationale a repris victorieusement un centre-retrait de Meziane (31e).

En seconde période, le CRB a dicté sa loi en prenant d’abord l’avantage sur un puissant tir des 25 mètres de Benguit (64e), avant que le rentrant Khacef ne mette définitivement les siens à l’abri, en marquant le troisième but dans le temps additionnel (90e+6), après une balle perdue du défenseur ivoirien Badjo.

Il s’agit de la première défaite pour le MCA, alors que le CRB confirme son réveil et aligne un deuxième succès de rang, après celui décroché en déplacement face à l’ES Mostaganem (2-0).

A l’issue de ce résultat, le MCA est toujours co-leader avec 16 points, alors que le CRB se hisse à la 10e place au tableau, en compagnie de la JS Saoura et de l’ES Mostaganem, avec 10 points chacun.

Cette 10e journée se poursuivra jeudi avec au menu l’affiche entre le CS Constantine (13e, 15 pts) et l’USM Alger (1e, 16 pts), au stade Chahid Hamlaoui de Constantine (20h00).

Battu à deux reprises, lors des trois derniers matchs, le club constantinois aura à cœur d’engranger le gain du match face à la meilleure défense du championnat  (1 but encaissé en 8 matchs, NDLR). De son côté, l’USMA espère préserver son invincibilité.

Les deux rencontres JS Kabylie – MC El Bayadh et Paradou AC – US Biskra, ont été reportées à une date ultérieure.

Avec APS

L’État algérien : trop de poids, trop de pouvoirs

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Conseil des ministres

L’Algérie est prise dans un paradoxe pesant : un État obèse, centralisé et accaparant tout, face à une société chétive, fatiguée et dépendante. La question des réformes est sur toutes les lèvres, mais une interrogation persiste : faut-il alléger cet État omniprésent pour permettre à la société de respirer, ou renforcer la société pour qu’elle prenne enfin le relais ?

Dans une économie rentière dominée par la rente pétrolière, l’Algérie n’a jamais musclé son tissu économique et social. Tout repose sur un État omnipotent, devenu acteur principal et distributeur de privilèges. Résultat : une bureaucratie pléthorique, une corruption institutionnalisée, et une société civile affaiblie, incapable de se structurer librement.

Un État obèse, une société affaiblie

L’État algérien, tentaculaire et inefficace, étouffe toute tentative d’autonomie sociale ou économique. Alimenté par les richesses pétrolières, il privilégie la distribution clientéliste au lieu d’investissements structurants. Pendant ce temps, les citoyens subissent le chômage, les inégalités et les opportunités réduites.

Ce poids s’accompagne d’une concentration excessive du pouvoir, où l’État, seul maître du jeu, bloque toute initiative d’innovation ou d’autonomie. Cette centralisation n’a fait qu’alimenter un statu quo paralysant, comparable à l’émergence d’un secteur privé ou d’une société civile dynamique.

Des maux multiples, des mots creux

À force de vouloir tout contrôler, l’État a accumulé les échecs : chômage de masse, services publics défaillants, corruption galopante. Ces dysfonctionnements ne sont pas des accidents, mais les symptômes d’un système incapable d’évoluer.

Et pourtant, les discours abondent : promesses de réformes, plans de redressement, appels à l’innovation. Mais derrière les mots séduisants – « diversification », « transparence » – se cache une absence de volonté réelle. Ce vide alimente le cynisme d’une population oscillant entre colère et résignation.

Quelle voie pour l’avenir ?

Pour sortir de l’impasse, l’Algérie doit réduire le poids de l’État sans en négliger ses fonctions essentielles. Ce dernier doit devenir plus agile et efficace, recentré sur la sécurité, les droits fondamentaux et des services publics de qualité.

En parallèle, il est urgent de muscler la société en soutenant l’éducation, l’entrepreneuriat et la créativité des jeunes. Ces derniers, malgré un système étouffant, innovent et rêvent d’autre chose. Leur potentiel est immense, mais faute de soutien, beaucoup s’exilent, privant le pays de son avenir.

Une opportunité historique

Changer de cap ne se fera pas sans résistance. Les élites, habituées au statu quo, résistantes, et la société devront se libérer de sa dépendance à l’État. Mais cette transformation est indispensable, car le modèle actuel est insoutenable.

L’Algérie possède toutes les ressources pour réussir : une jeunesse brillante, une histoire riche, et des richesses naturelles. Ce qui manque, c’est la volonté collective de tourner la page et de construire un futur où État et société avance enfin main dans la main.

« Quand l’État pèse trop et la société trop peu, le progrès reste à terre : il faut alléger l’un pour libérer l’autre, et les muscler ensemble pour avancer. »

En effet, il faut deux pieds pour avancer : l’un à droite, l’autre à gauche, et un cerveau pour les guider. L’Algérie, aujourd’hui, semble piégée dans une marche bancaire. Un pied – l’État – est hypertrophié et lourd, tandis que l’autre – la société – reste trop chétif pour porter son poids. Et le cerveau, qui devrait ressembler aux deux, semble parfois hésiter, pris dans les méandres d’un système figé.

La marche de l’Algérie est entravée par ce déséquilibre fondamental. Un État qui a concentré tous les moyens, accaparé tout l’espace, mais qui s’embourbe sous son propre poids, incapable de progresser. Et une société civile qui, trop longtemps appuyée sur cet État omniprésent, n’a jamais été véritablement encouragée à s’émanciper.

Pour retrouver son équilibre, il ne suffit pas de muscler le pied gauche ou d’alléger le droit ; il faut aussi rétablir la coordination. Le cerveau – symbole de la vision politique et de la gouvernance – doit cesser d’agir dans un mode autoritaire unilatéral et commencer à fédérer, écouter et guider avec clairvoyance.

L’Algérie ne peut avancer qu’à condition de reconnaître que ni l’État, ni la société ne peuvent marcher seuls. Ensemble, ils doivent trouver le rythme juste : un État agile, recentré sur ses missions essentielles, et une société dynamique, autonome, capable de générer sa propre énergie. Mais cela suppose de libérer la créativité, de sortir des schémas étouffants de dépendance et d’inventer une nouvelle coordination entre ces deux jambes essentielles au mouvement.

Et comme pour tout organisme vivant, le cerveau devra incarner une vision à long terme. Non plus un cerveau enfermé dans une tour d’ivoire, mais un organe au service des deux pieds : pragmatique, stratégique et capable d’anticiper les obstacles sur le chemin.

L’Algérie est à un moment décisif. Elle peut continuer à tituber, coincée dans ce déséquilibre pesant, ou choisir de se rééquilibrer sûr pour avancer d’un pas. Cela nécessitera du courage, de la volonté et une capacité à dépasser les égoïsmes qui immobilisent le pays. Mais, comme on dit, « là où il y a une volonté, il ya un chemin ».

Dr A. Boumezrag

Le zèle bien mal récompensé des partis ayant soutenu la candidature de Tebboune 

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RND, FLN El Moustaqbel
Les soutiens à Tebboune, grands oubliés.

La quinzaine de  chefs de partis politiques ayant soutenu la candidature d’Abdelmadjid Tebboune à un deuxième mandat présidentiel ont dû avaler leur chapeau, après l’annonce  du remaniement ministériel opéré, il y a trois jours. 

Et pour cause, le zèle qu’ils ont mis à défendre la candidature pour un deuxième mandat de l’actuel locataire du palais El Mouradia a été bien mal récompensé. 

Aucune personnalité issue de leurs rangs ne figure dans la nouvelle équipe gouvernementale dirigée par Nadir Larbaoui.

A l’exception du RND dont son ancien chef, Zitouni est toujours ministre, ni le FLN, ni le parti El Moustaqbal ni aucun parmi les soutiens partisans qui espéraient constituer une coalition présidentielle autour de l’actuel chef de l’État, n’ont eu droit au retour d’ascenseur qu’ils attendaient de la part de celui qui les a traités avec une condescendance humiliante. 

Même le parti du désormais invisible Bengrina dont les bouffonneries ont plus agacé que fait rire dans les chaumières n’a pas eu droit à un strapontin ministériel dans le nouveau cabinet de Nadir Larbaoui. 

Pire, le parti de la construction nationale a perdu les deux portefeuilles qu’il détenait dans la précédente équipe gouvernementale, à savoir celui de la pêche et celui de la formation professionnelle.

Idem pour le parti Al Moustaqbal dirigé le député Boutbig, qui lui aussi a perdu le ministère des Relations avec le parlement qu’il détenait dans le premier gouvernement Larbaoui et occupé par Basma Azouar qui a cédé son poste à Kawthar Krikou. 

Le Front de libération nationale, parti majoritaire au Parlement (grâce à la fraude que l’on sait), a également perdu le portefeuille du ministère de la Justice, qui était détenu par le l’ex-candidat malheureux à la direction du parti, Rachid Tabbi.

Contrairement aux rumeurs qui avaient circulé avec insistance sur la possibilité de voir le FFS et le MSP, les deux partis qui ont accepté de faire la courte échelle à Tebboune, à intégrer le premier gouvernement du président au cours de son deuxième mandat, ont été ignorés. 

Samia Naït Iqbal

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