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Le football sur un champ de boue

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Le président des Etats-Unis, Donald Trump, et le dirigeant de la FIFA, Gianni Infantino
Donald Trump et le dirigeant de la FIFA, Gianni Infantino

La plupart des journalistes et autres commentateurs dans le monde ont évoqué la séquence du bureau ovale puis celle du tirage au sort pour le premier tour de la coupe du monde de football qui se déroulera aux États-Unis.

Ils se sont tous interrogés sur une situation assez surprenante et répréhensible. Je suis pour ma part dans une monstrueuse colère devant l’outrage fait au football qui rassemble tant de populations à travers le monde et leur donne un bonheur absolu, celui qui les éloigne un peu, au moins pour un instant, des difficultés de la vie (lorsqu’il donne une image digne et non de violence).

Il faut rappeler les faits mais très brièvement car le monde entier a vu ces images, particulièrement les amoureux du football qui se comptent par dizaines de millions. Le président de la FIFA, Giani Infantino, s’est agenouillé comme le vassal le faisait en présence de son suzerain au Moyen-âge (j’ai en tout cas interprété la scène comme cela) 

Voici les paroles que je rapporte, presque mot pour mot, « Monsieur le président, cette coupe n’est touchée que par les vainqueurs mais je vous la remets parce que vous êtes un vainqueur ». Et cela s’est reproduit au moment du tirage au sort. Tentatives permanentes de faire rire le souverain, comme le faisait le fou du roi. C’était un spectacle piteux. Comme un petit caniche qui suivait le maître et sautillait pour bien lui signifier son extase. 

Le président de la FIFA n’honorait ni ne remerciait le chef de l’état d’un pays qui a bien voulu organiser la coupe du monde, il lui remettait la couronne impériale du football, sa coupe du monde. En général cela se fait par un discours convenu et chaleureux et, bien entendu, avec le sourire de la cordialité. Pas plus !

Comment voulez-vous que tous les pédagogues, enseignants, participants dans les associations ou autres, puissent continuer à convaincre les jeunes que le sport est apolitique et universel ? Comment le faire après un tel comportement si indécent ?

Sans compter qu’il s’agit d’un empereur autoproclamé qui a pourtant massacré le monde par ses extravagances, sa vulgarité, son racisme et sa dangereuse folie. Cependant personne ne blâme, ou en quantité minoritaire, le choix des Etats-Unis comme le lieu de la coupe du monde de football. 

Si nous devions contester la participation dans tous les précédents pays organisateurs que chacun pourrait critiquer en raison de sa propre opinion, il faudrait organiser la compétition dans l’Antarctique, territoire reconnu neutre par les conventions internationales. 

De même, les précédentes rencontres entre les deux hommes, y compris lors de la cérémonie d’investiture, peuvent se justifier légitimement car la FIFA se devait d’avoir des liens avec l’organisateur de la coupe du monde. Mais trop, c’est trop pour ne pas avoir des doutes sur les opinions de son président par un acte inadmissible qui le sort de sa neutralité.

Comme d’ailleurs le règne de l’argent, débordant et vulgaire, dont les salaires feraient nourrir un village pauvre du monde pendant deux millénaires. Nous critiquons et déplorons cet état de fait qui s’éloigne de la beauté et des bienfaits du sport, mais nous ne pouvons éternellement et en toutes choses poursuivre l’injuste comme le faisait Don Quichotte en croisade contre les moulins. 

Puis encore, qu’un président de la FIFA ait des convictions politiques, cela est de sa liberté intime. Même si nous jugeons épouvantables l’association indirecte du sport avec une doctrine qui prône le suprématisme de la race blanche et la consécration d’une civilisation chrétienne. Mais le faire au nom d’un mandat donné par le monde du football, c’est tout simplement inacceptable.

Je ne comprends pas comment les représentants des différentes fédérations n’aient pas réagi le soir même ou le lendemain. Peut-être certains, je n’ai pas encore lu la presse ou écouté les informations au moment de la rédaction de ce billet de colère, mais il ne semble pas que la fronde sera à la hauteur de l’insulte au football ni même qu’elle existera.

Peut-être qu’un autre évènement les avait tous accaparés par un énorme soulagement qui fait tout oublier ? Le Soudan ne leur sera pas opposé.

Mais non, je ne suis pas méchant mais on a le droit d’avoir l’humour sarcastique  de la tendresse.

Boumediene Sid Lakhdar

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Kamel Daoud et le miroir déformant de la « gauchattitude »

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Saad Bouakba
Saad Bouakba condamné. Crédit photo : DR

L’arrestation de Saad Bouakba, devrait imposer une chose simple : se taire, regarder le système en face, et le nommer.

Un vieil homme, journaliste, envoyé en prison pour un “outrage aux symboles” taillé sur mesure, c’est l’aboutissement d’une longue chaîne : lois liberticides, ministère des moudjahidine sacralisé, justice sous tutelle, mémoire confisquée. Il y avait là de quoi écrire une chronique à charge contre la machine, pas contre des fantômes.

Kamel Daoud commence comme il faut, puis dévie. Tout à coup, surgit ce mot : gauchattitude. Un gadget verbal importé des plateaux de la droite française. En une phrase, le centre de gravité bascule : la cible n’est plus le régime qui incarcère Saad Bouakba, mais une “gauche” floue, morale, accusée de se taire. On part d’une prison en Algérie, on arrive à une querelle éditoriale à Paris. Le tour de passe-passe est propre, mais il est politique.

Ce schéma, on le connaît par cœur. C’est celui des journaux qui accueillent Daoud : on prend une injustice bien réelle, on la montre du doigt, puis on s’en sert pour taper sur la gauche. Jamais sur la structure, rarement sur les intérêts, presque jamais sur les financeurs. La “gauchattitude”, c’est la déviation idéale : elle permet de donner l’illusion du courage sans toucher aux circuits où se prennent les décisions, ni à ceux où circule l’argent.

Car si on veut parler de silences, il faut les prendre tous. Où étaient les grandes consciences médiatiques quand, semaine après semaine, des millions d’Algériens marchaient dans le Hirak ? Quelques reportages exotiques, puis l’oubli. Où étaient-elles lorsque le régime finançait, fréquentait, ou se faisait blanchir dans les salons européens, pendant que d’autres régimes arrosaient des campagnes électorales en Europe, de Moscou à Tripoli ? Là, la presse se fait soudain technicienne : on parle de “réseaux”, de “réalpolitik”, de “dialogue nécessaire”. Le mot “gauche” n’apparaît jamais, le mot “complicité” encore moins.

C’est ce point aveugle que la chronique de Daoud évite soigneusement. Il est plus facile de dénoncer l’angle mort moral d’une gauche supposée que de poser la question qui fâche : qui serre la main du pouvoir algérien, qui signe les contrats gaziers, qui coopère avec sa police, qui ferme les yeux sur les procès politiques au nom de la stabilité et du contrôle migratoire ? Là, le silence n’est pas “gauchiste”, il est bipartisan, officiel, rentable.

Pendant ce temps, la chaîne répressive, elle, ne s’est jamais interrompue : militants du Hirak, porteurs de drapeaux, blogueurs, universitaires, poètes, anonymes. Bouakba n’est pas une anomalie, c’est un maillon tardif. En transformant son cas en tribune contre la “gauchattitude”, Daoud réduit le champ : au lieu d’agrandir le cadre, il le rétrécit sur une cible qui arrange précisément ceux qui l’impriment.

Il aime se présenter comme écrivain libre, au-dessus des camps. Dans ce texte, il fait l’inverse : il offre à une droite en mal de suppositoire moral un récit prêt-à-penser où la faute retombe, une fois de plus, sur la gauche. C’est confortable pour son journal, mais inutile pour Bouakba.

Qu’on laisse la gauche tranquille : elle n’a ni les clés des prisons ni la plume des lois liberticides.

Le seul adversaire réel, c’est le système.

L’Algérie n’a pas besoin d’un faux procès idéologique, mais qu’on nomme enfin le vrai accusé : la machine qui enferme ses journalistes.

Zaim Gharnati

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Mondial 2026: retrouvailles Sénégal-France, le Maroc tire le Brésil, l’Argentine pour l’Algérie

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Coupe du monde de football

Le tirage au sort du premier tour de la Coupe du monde 2026 a eu lieu à Washington, vendredi 5 décembre 2025. Et le hasard a été quelque peu taquin avec les neuf – et potentiellement dix – sélections africaines.

Vingt-quatre ans après leur énorme performance en Asie, les Lions sénégalais vont retrouver l’équipe de France. L’Algérie défiera les champions du monde argentins de Lionel Messi, tandis que le Maroc va à nouveau se frotter au prestigieux Brésil. De grosses affiches attendent aussi les Ivoiriens, les Tunisiens, les Capverdiens, les Ghanéens, les Égyptiens, les Sud-Africains.

Outre les chefs d’États Donald Trump, Claudia Sheinbaum et Mark Carney, de grands noms du sport ont eu la lourde tâche de réaliser le tirage au sort de la prochaine Coupe du monde de football, qui aura lieu aux États-Unis, au Mexique et au Canada du 11 juin au 19 juillet 2026. Le monde du ballon rond a eu les yeux rivés sur le Kennedy Center, où s’est tenue la cérémonie tant attendue.

Et boule après boule, les pays ont été répartis dans les douze poules de ce premier Mondial de football à 48 nations. Wayne Gretzky, Shaquille O’Neal, Tom Brady et Aaron Judge, légendes respectivement du hockey sur glace, du basket, du football américain et du baseball, ont scellé le sort des prétendants au sacre. Et ils ont offert de gros adversaires à la plupart des équipes africaines en lice.

Et 24 ans après, le Sénégal retrouve la France

Les souvenirs remontent ! Et c’est normal, car comment oublier ce qu’il s’est passé le 31 mai 2002 ? En tant que championne du monde en titre, quatre ans après l’épopée à domicile, l’équipe de France disputait le match d’ouverture du Mondial 2002 à Séoul face au Sénégal. Les Lions, menés par le sélectionneur Bruno Metsu, jouaient là le premier match de Coupe du monde de leur histoire.

Malgré leur statut de favoris, les Bleus s’étaient inclinés devant la fougue sénégalaise. El-Hadji Diouf, intenable au milieu d’une défense tricolore dépassée, avait servi le regretté Papa Bouba Diop à la demi-heure de jeu pour l’unique but du match (1-0). Un grand coup pour le Sénégal, et le début de la bérézina pour la France, piteusement sortie dès le premier tour. Leurs adversaires, eux, se hisseront jusqu’en quarts de finale cette année-là.

Depuis ce match de Séoul, Bleus et Lions n’ont plus croisé le fer. Ils auront l’occasion de remettre ça dans quelques mois en Amérique, puisqu’ils sont dans le groupe I en compagnie de la Norvège du redoutable attaquant Erling Haaland, et d’un barragiste à déterminer entre l’Irak, le Suriname et la Bolivie.

L’Argentine de Messi pour l’Algérie

Championne du monde en titre, l’Argentine est dans le groupe J, le même que celui de l’Algérie. Une rencontre prestigieuse pour les Fennecs, de retour en Coupe du monde après leur dernière participation en 2014. Les hommes de Vladimir Petkovic auront-ils les moyens de contrarier l’Albiceleste ? L’histoire, elle, n’a pas oublié l’unique rencontre Argentine-Algérie.

C’était début juin 2007 à Barcelone, en Espagne, dans un match amical qui servait de préparation aux Argentins avant la Copa America. Et les Sud-Américains avaient dû sortir le bleu de chauffe pour prendre difficilement le meilleur contre une Algérie décomplexée. Messi, déjà, avait inscrit un doublé, tout comme le défenseur algérien Nadir Belhadj, double buteur sur coup franc. L’Argentine s’était in fine imposée 4-3, avec deux autres buts signés Carlos Tevez et Esteban Cambiasso, contre un d’Anthar Yahia pour les Fennecs.

Dans le groupe J, outre l’Argentine, l’Algérie aura aussi à jouer contre l’Australie et la Jordanie.

Le Maroc n’a pas oublié le Brésil, 28 ans plus tard

La Coupe du monde 2022 a bien plus souri au Maroc qu’au Brésil. Au Qatar, les hommes du sélectionneur Walid Regragui s’étaient hissés jusque dans le dernier carré, en domptant notamment la Belgique, l’Espagne et le Portugal, alors que le Brésil avait pris la porte en quarts contre la Croatie. Mais les plus anciens se souviennent aussi de l’édition de 1998. La Seleçao, sacrée quatre ans plus tôt aux États-Unis, s’était retrouvée dans le groupe A avec les Lions de l’Atlas.

Le match à Nantes avait rapidement basculé en faveur des Brésiliens de Mario Zagallo. Porté par une attaque de feu, le Brésil avait infligé une défaite 3-0 au Maroc, avec des buts signés Ronaldo, Rivaldo et Bebeto. Mais beaucoup de temps s’est écoulé depuis. La dernière Coupe du monde a davantage souri aux Marocains, et le récent match amical entre les Lions de l’Atlas et les Auriverde a accouché d’une victoire prestigieuse des Maghrebins à Tanger, en mars 2023 (2-1).

Dans le groupe C, Marocains et Brésiliens affronteront aussi Haïti et l’Écosse.

De gros clients pour la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Tunisie et le Cap-Vert

Avec une équipe du chapeau 1 dans chaque groupe, difficile d’éviter un cador du foot mondial pour les équipes africaines. La Côte d’Ivoire, championne d’Afrique 2024, se retrouve dans un groupe E assez hétérogène avec comme épouvantail l’Allemagne, décevante lors des Mondiaux 2018 et 2022 mais en quête de renouveau avec une jeune génération talentueuse et Julian Nagelsmann sur le banc. Curaçao, Petit Poucet de ce Mondial 2026, et l’Équateur sont dans le même groupe.

Un client très sérieux aussi pour la Tunisie dans le groupe F : les Pays-Bas. Les Néerlandais, imprévisibles, héritent du costume de favoris devant les Aigles de Carthage et le Japon. Le quatrième larron du groupe sera un barragiste européen à déterminer : l’Ukraine, la Suède, la Pologne ou l’Albanie.

Pour l’Égypte, dans le groupe G, la Belgique fait office de gros morceau. Mais à quoi va ressembler cette équipe des Diables rouges ? Depuis leur troisième place en 2018, les Belges déçoivent, entre une élimination piteuse dès le premier tour en 2022 et un Euro 2024 quelconque. Les Pharaons égyptiens vont aussi jouer contre l’Iran et la Nouvelle-Zélande.

Pour sa première participation à la Coupe du monde, le Cap-Vert est dans le groupe H avec deux anciens vainqueurs : l’Espagne, sacrée en 2010, championne d’Europe en titre et bien placée chez les bookmakers dans la course à la victoire finale, et l’Uruguay, vainqueurs des Mondiaux 1930 et 1950. L’ambitieuse Arabie saoudite complète cette poule.

Le Ghana, quant à lui, va défier l’Angleterre, la Croatie et le Panama dans le groupe L. Les Anglais, bien que rarement vainqueurs (une seule Coupe du monde au palmarès, en 1966), ont aligné de solides performances ces dernières années. Et que dire de la Croatie, qui reste sur une finale en 2018 et une demi-finale en 2022. Il faudra être performant pour que les Black Stars tirent leur épingle du jeu.

L’Afrique du Sud face au pays organisateur, la RDC rêve d’un rendez-vous avec le Portugal

Dernière sélection continentale officiellement qualifiée, l’Afrique du Sud est la seule à se retrouver avec l’un des trois pays organisateurs, le Mexique en l’occurrence, dans le groupe A. Les Bafana Bafana vont aussi jouer contre la Corée du Sud et un barragiste européen à déterminer entre le Danemark, la Macédoine, la République tchèque et l’Irlande. Sur le papier, il n’y a pas de mastodonte dans ce groupe A. Peut-être une chance à saisir pour les Sud-Africains ?

Et un mot sur la République démocratique du Congo : le tirage au sort a décidé que si les Léopards se sortent de leur barrage, ils seront dans le groupe K avec le Portugal, la Colombie et l’Ouzbékistan. Les Congolais savent ce qu’ils doivent faire pour être de la fête en Amérique : l’emporter en barrage face au vainqueur du match entre la Jamaïque et la Nouvelle-Calédonie.

RFI

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Henri Perrier-Gustin : « Voyager, c’est résister à la brutalité du monde »

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Henri Perrier-Gustin
Henri Perrier-Gustin. Crédit photo : DR

Dans La Badiane et la Soie, Henri Perrier-Gustin ressuscite, trente ans plus tard, un périple de 20 000 kilomètres à travers l’Asie, accompli quasi sans avion avec Florence, sa compagne de route, de vie et d’écriture.

Au milieu des années 1990, ils traversent de Tokyo à Oulan-Bator, des steppes de Mongolie aux montagnes kirghizes puis aux monastères tibétains, en rêvant de Samarcande, tenant ensemble des carnets de voyage tissés de poésie, d’images et de rencontres.

À contre-courant de la frénésie contemporaine, le livre célèbre la lenteur comme une manière d’habiter le monde, de regarder, de comprendre. Il restitue l’émerveillement, mais aussi la profondeur du cheminement intérieur que ce voyage à deux a rendu possible. À travers ces visages croisés et ces paysages encore préservés, apparaît déjà un monde en mutation — celui qui bascule vers la mondialisation accélérée, la numérisation et l’uniformisation culturelle.

Henri Perrier-Gustin et sa compagne ont accepté de répondre aux questions du Matin d’Algérie, offrant un témoignage vivant sur leur itinéraire et leurs rencontres.

Un récit sensible, attentif, lucide.

Le Matin d’Algérie : Vous parlez d’un voyage de 20 000 kilomètres sans avion. Pourquoi ce refus de l’aérien ? Était-ce un choix politique, poétique, ou purement logistique ?

Henri Perrier-Gustin : C’était d’abord la volonté d’éviter la consommation de masse, et le choix assumé de voyager différemment. Les billets d’avion « tour du monde open » étaient à la mode : on enchaînait les pays en visitant souvent de façon superficielle. Il y a une forme de brutalité dans le déplacement en avion, qui va au-delà de l’enjeu écologique. On ne parlait pas encore de bilan carbone. Je voulais prendre le moins possible l’avion qui vous projette sans transition dans un autre lieu. Nous sommes partis huit mois, ce qui nous a donné le temps nécessaire à un voyage terrestre. Pour entrer en contact avec les habitants, avec leur mode de transport : trains, bus, et marche à pied. Le train, la route ont une autre saveur. J’ai une fascination nostalgique pour le train, et il y avait sans doute une démarche mêlant poésie et nostalgie. C’était aussi une façon de nous rapprocher des voyageurs dont les récits ont inspiré notre voyage comme Alexandra David Néel au Tibet ou Henri de Lacoste en Mongolie.

Le Matin d’Algérie : Comment s’est faite l’écriture à deux voix avec Florence ? Avez-vous chacun des parties distinctes, ou tout est-il imbriqué ?

Henri Perrier-Gustin : Dès le départ nous avions le projet d’écrire ces carnets à deux, pour garder une trace pour nous et nos proches. Nous envoyions régulièrement une copie de nos carnets. L’écriture était libre. Le récit est souvent imbriqué car nous relations les mêmes expériences avec des regards différents. Nous nous sommes parfois réparti les lieux en fonction de l’énergie, sans concertation, et avons écrit en alternance, ou en échos, comme un dialogue de nos expériences, de nos perceptions. Tout au long du voyage nous avons tenu ces carnets, avec constance, et malgré la fatigue, nous avons noté nos impressions.

Le Matin d’Algérie : Ce livre est né d’un périple accompli en 1995. Qu’est-ce qui vous a poussé, trente ans plus tard, à le publier aujourd’hui ?

Henri Perrier-Gustin : Cette vaste région a connu de grands bouleversements. Notre récit gardait la trace d’une époque révolue qu’il fallait partager. C’était aussi la partie de notre vie la plus intense, la plus riche en émotions, qui incarnait notre passion commune pour le voyage. Cela s’est imposé à moi et en 2022 je me suis attelé à l’ouvrage. J’ai commencé à compiler mes notes qui conservaient de nombreux blancs, racontés par Florence. C’était un voyage à deux, et la nécessité de fusionner nos carnets devint une évidence. Les carnets de Florence retrouvés, je les mis en forme. Des mois à retranscrire les centaines de pages, puis à sélectionner les passages, les images, à les séquencer. Je suis resté le plus possible fidèle au texte d’origine. Depuis trente ans je songeais à rouvrir ces carnets manuscrits restés dans des cartons.

Le Matin d’Algérie : Dans vos carnets, il y a une attention constante aux visages, aux gestes, aux instants. Quelle place accordez-vous à la photographie dans votre travail de mémoire ?

Henri Perrier-Gustin : Quand on ne peut communiquer en parole, le sourire est souvent la forme d’expression la plus avancée. J’ai essayé de saisir en images ces sourires, ces regards, la joie partagée de découvrir l’autre au bout du monde.

La photographie avait une grande place dans notre voyage et dans ma vie. Nous étions chargés de plusieurs kilos de matériel photographique et de pellicules et je me rêvais comme photographe professionnel. J’avais du mal à choisir entre écriture et photographie comme forme principale d’expression. Les images et les mots ont été indissociables dans ce voyage. Des deux mille diapositives rapportées, nous avons essayé de reproduire celles qui faisaient échos au récit pour permettre au lecteur de suivre notre itinérance et nos rencontres.

Le Matin d’Algérie : On sent dans le livre une grande tendresse pour les peuples traversés. Y a-t-il une rencontre, un moment, une parole, qui vous hante encore aujourd’hui ?

Henri Perrier-Gustin : Il y a effectivement de la tendresse car voyager ne peut se limiter à la visite des monuments et musées. C’est presque secondaire et anecdotique car on les oublie vite alors qu’on n’oublie pas les rencontres. Les monuments et musées permettent de comprendre l’histoire et les lieux de vie ou de pouvoir. L’intérêt premier du voyage est la rencontre des habitants et de leur langue. De nombreuses rencontres m’habitent encore aujourd’hui plus qu’elles ne me hantent. Des Kirghizes nous ont invités à l’occasion d’un mariage. Des discussions dans des monastères avec des moines tibétains sous la surveillance des policiers en civil et la colère de ne pas pouvoir leur parler librement. Des Ouigours nous ont accueillis dans leur maison. On connait aujourd’hui leur quotidien d’adultes. Les conditions de transport dans les montagnes sur des routes défoncées au bord de précipices. Les gardes armés de fusils d’assaut dans le bus qui nous conduisait au Nord du Pakistan à quelques kilomètres de l’Afghanistan en guerre…

Le Matin d’Algérie : Vous citez les grands voyageurs de l’histoire : Marco Polo, Zhang Qian, les pèlerins bouddhistes… Vous sentez-vous dans leur lignée ?

Henri Perrier-Gustin : En privilégiant le voyage terrestre, sur plusieurs mois, nous nous inscrivions dans une forme de continuité avec eux. Nous avons rêvé et organisé ce périple en nous nourrissant de récits de voyageuses et voyageurs comme Alexandra David Néel, Henri de Lacoste, Marco Polo, Chang K’ien. En étudiant l’historienne Luce Boulnois spécialiste de la route de la soie dont les écrits guidaient nos choix d’itinéraire. Son livre Routes de la Soie aux éditions Olizane contient des cartes précieuses. Ce voyage fut un pèlerinage sur les anciennes routes du commerce de la soie et des épices. Un hommage au commerce dans sa part la plus noble. Marco Polo était un commerçant vénitien. Commerce, voyage, et écriture ont toujours été liés.

Le Matin d’Algérie : La route que vous avez empruntée traverse des régions aujourd’hui fermées, sous tension, ou transformées. Que vous inspire cette accélération géopolitique de l’Asie centrale ?

Henri Perrier-Gustin : De nombreuses régions étaient déjà fermées à l’époque ou sous tension. La guerre en Afghanistan dans les années 80 avait éloigné les voyageurs de cette étape essentielle de la route de la soie. En 1991 l’effondrement de l’URSS a conduit à l’indépendance des républiques d’Asie centrale — Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkménistan et Tadjikistan — et à une instabilité politique accrue dans la région avec notamment la guerre civile au Tadjikistan en 1992. Les tensions lors de notre voyage étaient permanentes au Cachemire entre l’Inde et le Pakistan. Je ne suis pas expert en géopolitique, mais il est certain que les conflits des dernières années entre Tadjikistan et Kirghizistan, en Ouzbékistan et récemment entre l’Inde et le Pakistan au Cachemire ne vont pas dans le sens de la libre circulation des voyageurs, du commerce et de la paix dans la région. La massification, la mondialisation ont développé partout une forme de brutalité du commerce. La mise en place des nouvelles routes de la soie, ou plutôt des autoroutes de la soie, entraînera certainement des répercussions géopolitiques dans la région.

Le Matin d’Algérie : Vous avez vécu quatre ans au Japon avant ce voyage. En quoi cette expérience a-t-elle nourri votre regard de voyageur ?

Henri Perrier-Gustin : Ces quatre années au Japon nous ont permis de préparer ce voyage, nourris de lectures de livres d’histoire et de consultation de cartes géographiques. Internet était inexistant au début des années 1990. Au Japon nous habitions dans un quartier traditionnel de Tokyo où nous étions parmi les seuls étrangers, intégrés dans la vie locale. Nous faisions beaucoup de photo, j’écrivais et publiai en revues de poésie. Nous partions souvent randonner et camper dans les sentiers de montagne. C’est une période qui a certainement influencé notre sensibilité, aiguisé notre curiosité et sens de l’observation.

Le Matin d’Algérie : Poésie, journalisme, carnet de bord… votre livre est inclassable. Quelle forme littéraire aviez-vous en tête pendant l’écriture ?

Henri Perrier-Gustin : Aucune. Nous voulions seulement saisir les instants, comme des estampes japonaises, avec les images pour la photographie, de courts poèmes, des notes pour relater les événements. Nous étions passionnés par tout ce que nous voyions, les visages rencontrés, les personnalités, l’histoire, la géopolitique et les enjeux économiques. Formés dans les Grandes Écoles, habitués à remettre en question, nous notions nos observations, nos étonnements. Cela donne ce mélange de journalisme, carnet de bord et de poésie. Je n’ai pas voulu réécrire et nous avons gardé les passages qui nous semblaient pouvoir intéresser des lecteurs.

Le Matin d’Algérie : Le livre est également un travail d’édition très soigné, avec couverture d’artiste et graphisme. Était-ce important pour vous que l’objet-livre soit aussi une œuvre ?

Henri Perrier-Gustin : Nous avons souhaité que ce soit un bel objet, visuel, comme un livre d’artiste. Le livre contient plus de deux cents photos et de nombreuses cartes. La couverture est une création partagée entre Claude Ballaré, artiste spécialiste du collage, et sa femme Christiane Ballaré des éditions Droséra. La mise en page très soignée a été faite par la graphiste Catherine Verchère-Julia.

Le Matin d’Algérie : La badiane évoque les épices, la route, le goût du monde. Pourquoi ce titre : La Badiane et la Soie ? Que symbolise-t-il pour vous ?

Henri Perrier-Gustin : La soie et la badiane portent en elles des liens qui unissent l’Europe à l’Asie depuis l’antiquité par le cordon des routes marchandes. Nous avons cherché un titre qui représentait notre voyage à deux. La soie s’est imposée naturellement étant le thème central de notre voyage, emblème avec le thé, des routes commerciales terrestres empruntées par Marco Polo entre Venise, l’Asie centrale et la Chine. La soie symbolise aussi Florence, son écriture, avec le pictogramme d’un papillon de soie (le bombyx du mûrier) devant ses textes. La badiane provient du Sud de la Chine et du Vietnam. Elle incarne les routes commerciales maritimes par la mer et par l’Inde et l’itinéraire retour de Marco Polo. La badiane est un des ingrédients essentiels des boissons anisées appréciées en Méditerranée. Nous avons rapporté une livre de badiane de Chine de notre voyage. Je travaillais pour le Groupe Pernod Ricard, célèbre fabricant de pastis.

Le Matin d’Algérie : Enfin, si un jeune lecteur ou lectrice algérien·ne, marocain·e ou français·e vous lit, quel message ou quelle invitation aimeriez-vous lui transmettre ?

Henri Perrier-Gustin : C’est quand on est jeune que l’on peut entreprendre des voyages. Les voyages sont une grande richesse qui vous serviront toute votre vie. Avant tout aller au bout de ses rêves que ce soit par les lectures ou les voyages. Voyager c’est être curieux et ouvert d’esprit, découvrir d’autres horizons, aller vers l’autre et s’émerveiller. C’est découvrir que nous sommes tous membres d’une même et fragile humanité, liés par le destin d’une planète surexploitée qu’il faut protéger.

La rencontre de l’autre vous enseigne l’empathie et la tolérance. Nous avons eu la chance de faire des études qui nous ont permis de partir travailler et voyager à l’étranger. Les temps actuels incitent à la montée des nationalismes, à la fermeture des frontières, à l’isolement et au rejet de l’autre, au fanatisme religieux, à l’intolérance et au communautarisme.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

Parcours

Né à Grenoble en 1968 Henri Perrier-Gustin a passé son enfance entre Lyon et la Savoie. Après des études de commerce en région parisienne, sa vie professionnelle l’amène au Japon, point de départ d’un voyage de neuf mois sur la route de la soie dont il a tiré un récit, puis en Grèce, à Paris et à Marseille où il vit, travaille et écrit depuis 2014.

Pour le détail voir les publications https://henri-perrier-gustin.com/publications/

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Marseille s’offre une nuit de légendes au Vélodrome

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De grands joueurs au Vélodrome de Marseille.
De grands joueurs au Vélodrome de Marseille.

Marseille s’apprête à vivre, ce 7 décembre 2025, l’une des soirées football les plus spectaculaires de son histoire. L’Orange Vélodrome accueillera un événement inédit mêlant football, show et nostalgie, porté par Universe Football et la Kings League.

L’affiche promet une ambiance électrique avec un casting qui fera vibrer aussi bien les supporters marseillais que les amoureux de football de tout le pays. L’attraction principale reste le retour de Zinédine Zidane sur la pelouse où il a tant marqué les esprits. À ses côtés, une constellation d’anciennes gloires viendra rallumer la magie d’hier : Didier Drogba, Dimitri Payet, Robert Pirès, Blaise Matuidi, Jay-Jay Okocha, Mamadou Niang, Kevin Gameiro, Adil Rami, Souleymane Diawara, Jérémy Ménez, Christophe Jallet, Nene, Taye Taiwo ou encore Marcel Dib. Une réunion de talents rarement vue dans un même événement, qui réveillera la mémoire de plusieurs générations de supporters.

Le programme est conçu comme un véritable marathon footballistique où le rythme et l’intensité tiennent lieu de fil conducteur. Un match de Kings League France ouvrira la soirée avant de laisser place à deux chocs de légendes, opposant Marseille à Paris puis Madrid à Barcelone, dans une relecture amicale mais passionnée de rivalités historiques.

Un match de créateurs France contre International complétera le tableau, reflet d’un football qui s’ouvre à de nouveaux publics, mêlant influence numérique et culture sportive. Les organisateurs misent sur un show global, pensé à la fois pour les familles, les passionnés et les nouveaux fans attirés par le mélange de spectacle et d’innovation.

Entre les rencontres, la pelouse du Vélodrome se transformera en véritable scène musicale. Soolking et Alonzo assureront deux temps forts de la soirée, donnant à l’événement une dimension culturelle qui dépasse le simple cadre sportif. L’objectif affiché est de proposer une fête populaire, combinant stars d’hier, nouvelles tendances et attachement viscéral au football.

Au-delà du spectacle, Universe League inscrit le rendez-vous dans une démarche solidaire : pour chaque billet vendu, un euro sera reversé à l’Association Des Coccinelles Rouges pour Thomas, qui œuvre en faveur d’enfants touchés par des maladies rares. Une manière d’associer l’émotion du terrain à un geste concret de soutien.

Marseille se prépare ainsi à accueillir plus de 60 000 spectateurs pour une soirée qui s’annonce dense, festive et mémorable. Le football redeviendra, le temps d’un soir, un langage commun.

Djamal Guettala 

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Tunisie : l’arrestation de Néjib Chebbi ravive l’unité l’opposition

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Manifestation en Tunisie
Manifestation en Tunisie pour dénoncer les arrestations et l'arbitraire. Crédit photo : DR

La scène politique tunisienne est plongée dans l’expectative mêlée de colère contenue après l’arrestation du leader de la Front de salut national, Ahmed Néjib Chebbi, en exécution d’un jugement de 12 ans de prison dans l’affaire dite du « complot ».

Une décision qui a déclenché une vague de solidarité et de colère dans les milieux politiques, syndicaux et associatifs, poussant plusieurs composantes de l’opposition à appeler à une grande marche nationale, samedi 6 décembre, sous le slogan « L’opposition n’est pas un crime ».

Une spirale d’arrestations qui inquiète

L’affaire du « complot » englobe 37 personnalités politiques et civiles, dont la militante des droits humains Chaïma Issa et l’avocat Ayachi Hammami, tous deux interpellés ces derniers jours après des condamnations devenues définitives. Pour les forces d’opposition, ces arrestations successives marquent une dérive autoritaire qui place la Tunisie dans un climat de « répression systématique ».

Les organisateurs de la marche dénoncent un « récit de la conspiration » devenu un outil central de domination permettant au pouvoir d’écarter les opposants, dans un contexte d’asphyxie économique, sociale et environnementale.

La famille Chebbi monte au créneau

Lors d’une conférence de presse organisée par le Parti républicain, l’un des initiateurs de la manifestation, plusieurs responsables ont estimé que l’arrestation de Néjib Chebbi renvoie la Tunisie à ses heures les plus sombres. Pour eux, seule une mobilisation démocratique et pacifique peut constituer une réponse crédible à ce qu’ils qualifient d’« État de répression ».

Son avocate et fille, Haïfa Chebbi, affirme qu’aucune garantie judiciaire n’existe dans cette affaire : « Le message de mon père est clair : la liberté pour tous les détenus politiques passe par l’unité de l’opposition. » Elle estime que la justice, « soumise aux instructions », n’est plus en mesure d’assurer un procès équitable.

Son fils, Louay Chebbi, regrette quant à lui l’absence de plusieurs médias lors de la conférence, rappelant que son père « a toujours cherché à rassembler et non à diviser ».

Condamnations en cascade et soutien international

Plusieurs partis et organisations tunisiennes et internationales appellent à la réouverture du dossier du « complot », qualifié de procès politique. La Ligue tunisienne des droits de l’homme, à son tour visée par des restrictions, met en garde contre une détérioration profonde des libertés.

À l’étranger, l’ancien chef du gouvernement marocain et secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, a exprimé sa solidarité avec Néjib Chebbi et réclamé la libération immédiate de toutes les personnalités condamnées dans cette affaire.

Une rue à l’épreuve

La marche prévue samedi s’annonce comme un test majeur pour l’opposition, qui cherche à affirmer sa cohésion face à un pouvoir accusé d’étouffer toute expression dissidente. Elle devrait également mesurer la capacité du street tunisien à renouer avec la mobilisation dans un contexte économique particulièrement difficile.

Dans une Tunisie traversée par l’incertitude politique et la fracture sociale, la contestation autour de l’arrestation de Néjib Chebbi pourrait bien ouvrir une nouvelle séquence où les libertés publiques et l’équilibre institutionnel se retrouvent au cœur du débat national.

Mourad Benyahia 

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Mali : l’imam Dicko prend la tête d’une coalition d’opposition aux putschistes

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L'imam Dicko
L'imam Dicko à la grande mosquée d'Alger.

Lancée ce vendredi 5 décembre, la Coalition des forces pour la République (CFR) pose « la résistance » aux militaires en « devoir national » et se fixe pour objectifs le retour à l’ordre constitutionnel, le rétablissement des libertés fondamentales ou encore la préparation d’un dialogue national incluant les groupes armés maliens.

Composée de figures majeures de la société civile et de la scène politique maliennes, elle est emmenée par l’ancien président du Haut Conseil islamique du Mali.

Emmené par l’imam conservateur Mahmoud Dicko, l’ancien président du Haut Conseil islamique duMali, et par Étienne Fakaba Sissoko, un universitaire qui vit aujourd’hui en exil après avoir été emprisonné sous la transition, un nouveau mouvement d’opposition – ou de résistance – doit être lancé ce vendredi 5 décembre au Mali. Son nom ? La Coalition des forces pour la République (CFR).

Bâtie par des adversaires des militaires au pouvoir depuis plus de cinq ans dans le pays, la CFR rassemble, outre l’imam Dicko, des personnalités majeures issues de la société civile ou des partis politiques dissous, selon Étienne Fakaba Sissoko, son porte-parole. Pour des raisons présentées comme « stratégiques », ainsi que pour la sécurité de celles qui se trouvent toujours au Mali, leurs noms ne sont pas rendus public.

Sollicitées par RFI, plusieurs figures du mouvement d’opposition aux putschistes qu’elles vivent en exil ou dans le pays, confirment leur implication. D’autres hésitent encore. Certains, enfin, n’ont pas voulu s’associer. La présence de l’imam Dicko pourrait toutefois tourner la polémique eu égard à sa proximité avec Abdelmadjid Tebobune et le régime algérien où il est accueilli depuis décembre 2023. Durant la prière de l’Aïd al-Adha en juin dernier,Mahmoud Dicko a d’ailleurs été aperçu dans une grande mosquée d’Alger, en prière aux côtés d’Abdelmadjid Tebboune.

« L’histoire jugera ceux qui auront sauvé le pays »

« La résistance » est « un devoir national », pose le communiqué fondateur, « parce que l’État tue ses propres soldats par incompétence, abandon ou mensonge », « parce que des centaines de civils sont massacrés dans le silence imposé par la terreur », ou « parce que la junte a transformé la souveraineté en slogan et livré notre sécurité à des mercenaires ».

Les objectifs de la CFR sont le retour à l’ordre constitutionnel, la protection des populations, le rétablissement des libertés fondamentales – presse, justice, expression – et la préparation d’un dialogue national incluant les groupes armés maliens. En clair : les chefs jihadistes Iyad Ag Ghaly et Hamadoun Kouffa, du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim), ainsi que les rebelles indépendantistes du Front de libération de l’Azawad (FLA), seraient conviés, conformément aux conclusions de toutes les consultations nationales organisées depuis 2017. L’unité du Mali et les principes républicains seraient toutefois des lignes rouges.

La CFR se veut un mouvement non violent et clandestin, qui appelle les citoyens maliens à la désobéissance civile, les militaires à la « désobéissance éthique » et les magistrats à la « résistance judiciaire ». « L’histoire jugera ceux qui auront sauvé le pays et ceux qui auront obéi au détriment du peuple », assène encore le communiqué.

Avec Rfi

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Décès du maître du malouf Ahmed Aouabdia : la scène artistique en deuil

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Ahmed Aouabdia
Le maître du malouf Ahmed Aouabdia. Crédit photo : DR

La scène artistique algérienne, et particulièrement le milieu du malouf constantinois, est en deuil. Le maître incontesté du malouf, le cheikh Ahmed Aouabdia, s’est éteint, laissant derrière lui un patrimoine musical immense et une empreinte indélébile dans l’histoire culturelle du pays.

Figure emblématique du chant andalou et héritier d’une tradition séculaire, Ahmed Aouabdia aura marqué des générations par sa voix chaleureuse, sa maîtrise du répertoire classique et son engagement constant pour la transmission du malouf. Artiste respecté, pédagogue attentif, il incarnait l’élégance musicale et le sens du devoir envers la mémoire culturelle algérienne.

L’annonce de son décès a provoqué une vive émotion à Constantine et dans tout le pays. Artistes, mélomanes, institutions culturelles et anonymes ont exprimé leur tristesse devant la perte d’un pilier du patrimoine musical national.

Nous présentons nos condoléances les plus attristées à sa famille, à ses proches et à toute la communauté artistique.

Djamal Guettala 

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Samir Toumi à Batna : une après-midi entre fiction et mémoire

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Sami Toumi à Batna.
Sami Toumi à Batna.

La librairie Guerfi de Batna invite le public à un voyage intime et politique au cœur de l’Algérie contemporaine, le 11 décembre 2025 à 14h00. À l’occasion de la sortie de son dernier roman, Amin. Une fiction algérienne (Barzakh), l’écrivain algérien Samir Toumi viendra partager ses mots, ses visions et ses silences.

Dans Amin, Toumi tisse les contradictions d’une société en mutation. Alger n’est pas seulement un décor : elle devient miroir des âmes, théâtre des forces qui façonnent les vies et les choix. Les figures du pouvoir – qu’elles soient familiales ou sociétales – vacillent, révélant la fragilité de nos certitudes et la complexité de l’humain.

Auteur également de Alger, le cri (2013) et de L’Effacement (2016, adapté au cinéma en 2024), Samir Toumi poursuit une œuvre qui mêle sensibilité, lucidité et engagement. Ses récits offrent des fenêtres sur des paysages intérieurs et collectifs, où le temps, la mémoire et les blessures s’entrelacent.

Une rencontre animée et ouverte à tous

L’après-midi sera animée par :

Dr. Tarek Benzeroual (Université Batna 2)

Dr. Lina Leyla Abdelaziz (Université Batna 2)

M. Redha Guerfi, éditeur et libraire

Les échanges se prolongeront par une séance de dédicace, et l’événement sera diffusé en direct sur les réseaux sociaux de la librairie pour toucher tous les lecteurs, proches ou lointains.

Un rendez-vous poétique à ne pas manquer

Le 11 décembre, la librairie Guerfi ouvrira ses portes à ceux qui souhaitent écouter l’écrivain, se laisser emporter par ses phrases, ses images et ses silences. Une après-midi où les mots deviennent passerelles entre l’histoire, l’intime et le rêve.

Djamal Guettala 

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Quand la loi humilie la dignité algérienne !

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MInistère de la justice

Il existe en Algérie un trio d’articles pénaux qui n’a rien à envier aux vieilles chaînes de l’esclavage : 148 bis 1, 196 bis, 333 bis 6. 

Certains datent d’hier, d’autres d’avant-hier, mais tous ont été polis, renforcés ou réactivés sous Tebboune pour lui aller comme un costume taillé sur mesure. On pourrait croire à un nouveau groupe de raï. Malheureusement, ce sont des lois.

Trois articles pour faire taire, mais aucun pour faire réfléchir. Trois articles pour punir l’opinion, mais aucun pour protéger la dignité. Trois articles pour fabriquer des suspects, mais jamais des citoyens.

148 bis 1, la diva du Code pénal, punit “l’outrage aux symboles de la Révolution”. Très bien. On aimerait juste savoir qui a décidé que les symboles révolutionnaires étaient si fragiles qu’un micro, une Web TV ou un paragraphe pouvait les faire fondre comme un morceau de beurre sur une poêle chaude. Si la Révolution tient debout, elle n’a pas besoin de béquilles juridiques. Si elle a besoin d’un article pour exister, alors ce n’est plus un symbole : c’est un bibelot.

196 bis, lui, est plus ambitieux. Créé en 2020, c’est l’enfant préféré du pouvoir actuel. Il réprime les “fausses informations”. Sauf que chez nous, la vérité n’est jamais établie par des archives, des commissions indépendantes, des débats contradictoires… Non. Elle est établie par déclaration. Un ministère dit : “Ceci est faux”. Et dès l’instant où il le dit, cela devient vrai. Une logique parfaite pour un univers médiéval où la Terre est plate jusqu’à ce que le vizir décide qu’elle est ronde.

333 bis 6, enfin, l’article boomerang. Lui aussi toiletté récemment pour l’ère numérique. Il s’attaque à ceux qui utilisent les réseaux, les Web TV, les téléphones – comme si l’Algérien qui poste un statut Facebook était plus dangereux qu’un voleur de milliards. Avec cet article, même un soupir numérique devient un crime audiovisuel.

Et les victimes ? Elles sont là.

Les journalistes, les youtubeurs, les chroniqueurs, les internautes, les humoristes, ceux qui écrivent trop, ceux qui parlent trop, ceux qui pensent trop. Les Drareni, les Zeghileche, les administrateurs de pages, les blogueurs, les anonymes, ceux qui se demandent encore comment une phrase est devenue une balle.

Et maintenant, c’est Bouakba.

Bouakba n’est pas un cas isolé : c’est la vitrine. La preuve encore chaude que ces articles ne servent pas à protéger la Révolution, mais à protéger une version de la Révolution. Ils ne servent pas à punir le mensonge, mais à punir la question.

La question qui dérange. La question qui gratte.

La question qui dit : “Où est passé le trésor du FLN ?” Une question vieille de soixante ans, toujours sans réponse, toujours dangereuse. Assez dangereuse pour fermer une Web TV. Assez dangereuse pour mettre un homme devant un tribunal. Assez dangereuse pour faire trembler ceux qui, pourtant, assurent n’avoir rien à cacher.

Quand une République a peur d’une question, ce n’est pas la question qui est malade. C’est la République.

Ce que révèle cette affaire ?

Nous avons aboli l’esclavage. Nous avons aboli le code de l’indigénat. Nous avons arraché l’indépendance. Mais il reste une chaîne, la dernière et la plus insidieuse : celle qui lie les Algériens à la peur de parler.

Un peuple qui ne peut pas interroger son histoire est un peuple sous tutelle.

Un peuple qui ne peut pas critiquer ses symboles est un peuple infantilisant.

Un peuple qui peut aller en prison pour une opinion n’est pas un peuple libre.

Il s’agit de la dignité de l’Algérien, pas d’un débat juridique entre experts.

Ces articles ne protègent personne. Ils humilient tout le monde. Ils transforment la justice en douane de la pensée. Ils transforment le citoyen en mine piégée : il suffit qu’il parle pour qu’il explose.

Il faut abolir ces articles.

Pas seulement les 148 bis 1196 bis et 333 bis 6, mais tout le cortège qui les accompagne : 87 bis144144 bis 24695 bis… toute cette machinerie obscure qui transforme la Constitution en décor et l’Algérien en coupable en attente.

Il est temps de jeter ces articles dans la même fosse où l’humanité a déjà jeté l’esclavage, l’indigénat et les humiliations d’un autre âge.

Parce que le combat n’est pas Bouakba. Le combat, c’est le droit d’exister debout, de parler sans calculer, de penser sans demander pardon.

Tant que ces articles survivront, la vérité avancera étranglée, la liberté marchera sous surveillance, et le mensonge roulera en véhicule administratif, gyrophares allumés, carte grise offerte par l’État.

Et surtout, une question demeurera, la plus explosive de toutes : Comment un homme du pouvoir pourrait-il répondre de ses actes, quand la justice n’a qu’une seule direction, vers le peuple, jamais vers le sommet. Et quand même Hamlaoui, récemment éclaboussé, n’a pas eu à en répondre ?

Abolir ces lois n’est pas un luxe. C’est la seule condition pour qu’un jour, enfin, un Algérien – qu’il soit puissant ou invisible – puisse être jugé à armes égales, et que la justice cesse de choisir ses coupables avant même de connaître ses faits.

Zaim Gharnati

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