11.9 C
Alger
Accueil Blog Page 3

Le détenu d’opinion Mohamed Tadjadit entame une grève de la faim

1
Mohamed Tadjadit
Mohamed Tadjadit en grève de la faim. Crédit photo : DR

Condamné arbitrairement à 5 ans de prison ferme par le tribunal criminel d’Alger, Mohamed Tadjadit dit le poète du Hirak entame aujourd’hui dimanche une grève de la faim illimitée.

« C’est là l’ultime recours d’un homme libre pour faire entendre sa voix et se faire l’écho des voix de toux ceux épris de justice, de vérité, d’égalité et de liberté, précise Me Fetta Sadat, militante des droits humains.

Depuis le déclenchement de la dissidence populaire communément appelée Hirak Tanekra, en février 2019, Mohamed Tadjadit a été plusieurs fois interpelé et condamné à la prison ferme. A 31 ans, Mohamed Tadjadit n’aura connu que la prison depuis sous le règne de la dyarchie Tebboune – Chanegriha. Derrière la dernière condamnation à 5 ans de prison ferme, il y a de la part de cette justice punitive mise en branle par le régime comme une volonté de briser la volonté de ce jeune dissident à rester debout.

Cherif Mellal, ancien président de la JSK, qui croupit en prison depuis 4 ans a lui aussi mené plusieurs grèves de la faim. En vain. Le Dr Kameleddine Fekhar, militant emblématique des Mozabites, a également mené une grève de la faim jusqu’à en mourir en prison en 2019.

Mohamed Tadjadit qui ferraille contre l’arbitraire n’ignore rien du cynisme et de l’indifférence manifeste des détenteurs du pouvoir concernant les détenus d’opinion dont ils nient même le statut. Il sait aussi la profonde hybris d’un régime sourd et aveugle. Il mesure chaque jour derrière les barreaux l’absence d’État de droit. Une réalité que tout un chacun connaît : en Algérie, les lois sont instrumentalisées pour neutraliser les voix critiques, et les accusations de « terrorisme” couvrent la répression politique. Quant aux procès équitables relèvent du fantasme. Mohamed Tadjadit se dresse donc comme un prisonnier lucide des pratiques de ceux qui ont décidé de le jeter au trou.

Alors, son cri d’indignation et de dénonciation sera-t-il entendu par ceux-là même qui ont décidé sa condamnation ? A la lumière du sort fait à l’Etat de droit et donc aux libertés, nous craignons que cela ne soit pas le cas malheureusement.

Hamid Arab

- Publicité -

Mansoureh Kamari : « Ma vie passée en Iran m’avait dépouillée de mon identité »

3
Mansoureh Kamari
Mansoureh Kamari

Publié par Casterman le 10 septembre 2025, Ces lignes qui tracent mon corps est un roman graphique où Mansoureh Kamari livre une œuvre d’une intensité rare. Entre mémoire intime et dénonciation des violences faites aux femmes, son trait raconte un combat : celui d’une femme iranienne qui se reconstruit à travers l’art.

Installée aujourd’hui en France, l’autrice et dessinatrice revient, dans cet entretien accordée au Matin d’Algérie, sur la genèse de son livre, la puissance du dessin comme thérapie et la portée politique involontaire de son geste créatif.

Ce récit visuel explore la mémoire du corps comme lieu de souffrance, mais aussi comme instrument de libération et de résilience. Chaque planche témoigne de son parcours intime, mêlant expériences personnelles et observations sur la condition des femmes en Iran. À travers ce travail, Mansoureh Kamari invite le lecteur à une rencontre profonde avec l’émotion, la mémoire et la force de l’expression artistique.

Le Matin d’Algérie : Votre album s’intitule Ces lignes qui tracent mon corps. Pourquoi avoir choisi ce titre, à la fois charnel et symbolique ?

Mansoureh Kamari : Parce que la première chose qui m’identifie en tant que femme, c’est ma silhouette. Mais dans ce livre, je dessine non seulement mon corps, mais aussi mes expressions à travers mes lignes. Ces traits transmettent beaucoup de mes émotions et de mes pensées intérieures, qui font aussi partie de mon identité actuelle. Je crois que dans cet ouvrage, je cherche à retrouver mon identité en parcourant mes souvenirs, ce qui finit par dresser un portrait complet de moi en tant que femme artiste.

Le Matin d’Algérie : Vous signez le scénario, le dessin et la narration. Comment s’est construit ce projet, entre besoin personnel et volonté de témoigner ?

Mansoureh Kamari : Le fait d’être à la fois l’auteure et la dessinatrice de ce projet m’a donné une grande liberté pour exprimer mes émotions comme je le souhaitais. J’ai abordé ce livre comme une forme de thérapie, un moyen de traverser des périodes du passé que j’avais essayé d’oublier, car elles étaient trop douloureuses à revisiter. Mais à un certain moment, j’ai compris que ces expériences faisaient partie de ma vie, qu’elles avaient laissé de nombreuses cicatrices, et qu’il fallait les reconnaître et les accepter pour qu’elles puissent enfin commencer à guérir. C’est seulement ainsi que je pouvais, avec le temps, avancer.

Le Matin d’Algérie : Dans le livre, le corps est à la fois mémoire, souffrance et libération. Comment avez-vous trouvé la force de le représenter graphiquement, après tant d’années de silence ?

Mansoureh Kamari : Je pense qu’à un moment donné, j’ai compris que si je voulais vraiment devenir autrice, je devais d’abord apprendre à comprendre mes propres émotions. Comme j’avais beaucoup d’insécurités concernant mes capacités à le devenir, j’ai réalisé que commencer par raconter ma propre histoire pourrait m’aider — et ça a été le cas, même si ce n’était pas facile. J’ai dû affronter beaucoup de doutes et d’hésitations en écrivant ce livre, mais plus j’avançais, plus je prenais confiance en moi et en ma voix d’artiste.

Le Matin d’Algérie : Vous évoquez la peur permanente, les agressions et l’oppression des femmes en Iran. Aviez-vous conscience, en dessinant, que votre geste devenait aussi un acte politique ?

Mansoureh Kamari : Pour être honnête, pas vraiment. Au départ, je voulais simplement raconter mon histoire. Mais la situation que je décris était aussi celle de nombreuses femmes iraniennes. Cela dit, en dehors des lois discriminatoires de la société, ce que je raconte sur ma famille n’est pas la réalité de toutes — tous les pères iraniens ne sont pas aussi violents que le mien. Malheureusement, mon père l’était, et sous les lois islamiques, il avait le pouvoir de faire ce qu’il voulait. Au final, je pense que c’est le système que je remets en cause. Il faut aussi dire qu’en Iran, quand on est une femme et qu’on ne possède ni son propre corps ni sa propre voix, tout ce qu’on fait peut être perçu comme un acte politique.

Le Matin d’Algérie : Votre album paraît à un moment où la voix des femmes iraniennes résonne dans le monde entier, notamment depuis la mort de Mahsa Amini. Comment percevez-vous cette résonance internationale ?

Mansoureh Kamari : Je trouve qu’il est très fort de voir que, malgré toutes les restrictions et les dangers, les femmes iraniennes continuent de se battre et refusent d’accepter l’oppression. Leur courage m’inspire profondément. Quant à l’impact réel à l’international, je ne peux pas vraiment le mesurer moi-même, mais j’espère sincèrement qu’il est important, car leurs voix méritent d’être entendues partout.

Le Matin d’Algérie : Vous avez dit que dessiner, c’était se libérer du passé. Peut-on dire que cet album est une forme de thérapie par l’art ?

Mansoureh Kamari : Absolument. Comme je l’ai expliqué plus tôt, pour moi cet album a été une forme de thérapie, mais pas une thérapie où j’analyse chaque émotion de façon introspective. Plutôt, en les regardant telles qu’elles étaient — en les revivant émotionnellement puis en prenant du recul pour les transformer en récit. Ce recul m’a permis de mieux comprendre mes émotions en profondeur.

Le Matin d’Algérie : Le dessin dans votre œuvre est épuré, parfois tremblé, parfois rageur. Comment avez-vous travaillé cette esthétique pour traduire l’émotion sans tomber dans la complaisance ?

Mansoureh Kamari : J’avais une base d’écriture concrète dans laquelle je travaillais beaucoup le dosage des émotions pour que tout serve le récit. J’ai en fait coupé pas mal de souvenirs et de sensations que je trouvais répétitifs ou excessifs. En tant qu’auteur, il est essentiel de rester fidèle au cœur de ce que l’on veut dire, même si c’est difficile ; comme je l’ai dit, prendre de la distance par rapport à ses émotions aide beaucoup, car on doit regarder l’histoire dans son ensemble.

Le Matin d’Algérie : En Iran, la loi islamique fait du père le “propriétaire du sang de ses enfants”. Comment cette réalité a-t-elle façonné votre rapport à la notion de justice et d’humanité ?

Mansoureh Kamari : Malheureusement, beaucoup de lois islamiques ne sont pas écrites à partir d’une logique humaniste, mais pour défendre le sacré de la religion. Elles n’ont pas évolué avec le temps et restent imperméables aux adaptations culturelles ou aux avancées scientifiques. C’est pour cela, à mon avis, qu’il nous faut un État laïque, sans affiliation à ces lois religieuses.

Le Matin d’Algérie : Vous avez quitté l’Iran en 2006 pour la France. L’exil vous a-t-il offert le recul nécessaire pour aborder cette œuvre ? Ou au contraire, a-t-il ravivé les blessures ?

Mansoureh Kamari : En fait, je suis partie d’Iran avec mon mari et nous avons vécu cinq ans en Malaisie parce que nous n’arrivions pas à obtenir le statut de réfugiés ; il nous a fallu cinq ans pour arriver enfin en France en 2011. Pour répondre à votre question, l’exil m’a beaucoup aidée : dès mon arrivée en France, j’ai eu l’impression de renaître. Ici, j’ai pu avancer, me former en ayant accès aux films, livres et musées. J’ai eu besoin de quelques années pour simplement découvrir qui j’étais. Ma vie passée en Iran m’avait en quelque sorte dépouillée de mon identité, et j’ai dû la recréer, la retrouver.

Le Matin d’Algérie : Dans plusieurs scènes, vous montrez votre apprentissage du nu artistique, acte tabou en Iran. Ce passage marque-t-il votre renaissance comme femme et comme artiste ?

Mansoureh Kamari : Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une libération totale, plutôt du début du processus. Même si je suis nue dans ces scènes, je reste hantée intérieurement par mon passé et j’essaie de m’en éloigner. Le défi d’éprouver une liberté complète est difficile : une partie de moi reste encore empreinte d’oppression et d’insécurités, et il m’est difficile de me sentir totalement sûre et confiante. Mais je sens que j’avance, et après chaque livre j’espère me sentir un peu mieux et plus forte.

Le Matin d’Algérie : Votre œuvre s’inscrit dans la lignée de récits graphiques comme Persepolis de Marjane Satrapi, mais avec une dimension plus intime, plus charnelle. Comment situez-vous votre travail dans cette tradition de la BD autobiographique engagée ?

Mansoureh Kamari : Je laisse aux autres le soin de classer mon travail. Honnêtement, je n’y pense pas trop. J’essaie simplement de parler des sujets qui m’interpellent. Il est vrai que la condition des femmes me préoccupe beaucoup, et j’aime en parler, mais ce n’est pas quelque chose de systématique ou de prémédité.

Le Matin d’Algérie : Aujourd’hui, que souhaitez-vous que les jeunes femmes iraniennes — ou d’ailleurs — retiennent de votre livre ? Est-ce un message d’alerte, d’espoir, ou les deux à la fois ?

Mansoureh Kamari : J’espère surtout qu’il les encouragera à raconter leurs propres histoires et à parler de leur situation, de leurs sentiments, et aussi de la génération de femmes qui les a précédées. Pendant longtemps, beaucoup de femmes n’ont pas pu raconter leurs récits. Mon histoire n’est pas l’exhaustivité de ce que vivent les Iraniennes — nous avons besoin de beaucoup plus de témoignages de femmes iraniennes, assurément.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

- Publicité -

Stade de Tizi-Ouzou : une merveille architecturale, un civisme encore à construire

10
Stade de Tizi-Ouzou

Beaucoup de choses se disent, beaucoup d’éloges circulent sur le nouveau stade de Tizi Ouzou. Et pourtant, c’est en le vivant de l’intérieur que l’on mesure vraiment ce qui fonctionne… et ce qui reste à améliorer.

Cet été, j’étais accompagné de mon ami Nadir et de mes deux petits neveux pour assister au derby JSK – OA, lorsque j’ai réalisé à quel point la réalité est plus complexe que les images partagées sur les réseaux sociaux — et ma déception fut totale.

Le stade, il faut le reconnaître, est une prouesse architecturale. Par son design, sa structure et ses installations, il n’a rien à envier aux grandes enceintes sportives d’Europe ou d’Amérique. En tant qu’ancien cadre de la jeunesse et des sports, j’ai visité de nombreux stades à travers le monde, et je peux l’affirmer : celui de Tizi Ouzou figure parmi les plus beaux.

Mais si la forme impressionne, le fond reste perfectible. La réussite d’un grand stade ne repose pas uniquement sur la beauté du bâtiment, mais aussi sur la qualité de l’organisation : l’accueil, la gestion des flux, la sécurité, la fluidité et surtout le comportement du public.

Oui, certes : si l’on compare l’organisation du stade de Tizi Ouzou avec celle des autres stades du pays, nous sommes clairement au-dessus du lot. Sur ce point, il faut être juste.

Mais comparé aux standards internationaux, nous en sommes encore très, très loin.

Ce jour-là, j’ai vu des milliers de spectateurs avancer avec une simple feuille A4 en guise de billet d’accès : un système archaïque, fragile, indigne d’une enceinte aussi moderne. Et au passage aux portiques, nous étions poussés, compressés, entassés comme du bétail, sans signalétique claire ni gestion maîtrisée des flux.

Comment peut-on construire un stade d’envergure internationale tout en conservant des pratiques d’un autre âge à l’entrée ?

L’ambiance, elle, reste extraordinaire : ferveur, passion, intensité. Les supporters vivent le football comme un acte d’identité. Mais cette énergie est trop souvent entachée par des comportements inciviques : insultes, vulgarité, agressivité, jets de bouteilles d’eau… autant d’attitudes qui n’ont rien à voir avec le sport que nous voulons transmettre aux jeunes.

Et puis, comment ne pas évoquer la présence remarquable de la gente féminine, de plus en plus nombreuse dans les tribunes ? Cela m’a fait une immense joie : voir des femmes, des jeunes filles, des familles entières partager la passion du football est un signe encourageant d’ouverture et de modernité.

Dommage… car l’ambiance parfois vulgaire et les insultes répétées gâchent cette avancée, au point de rendre ce moment parfois inconfortable pour celles qui n’aspirent qu’à vivre un match dans la sérénité.

Lors du même match, après que Nadir eut rappelé calmement à un jeune supporter que les insultes et les gros mots n’étaient pas nécessaires, celui-ci lui a répondu :
« On est au stade, non ? »

Et permettez-moi d’ajouter une chose : avant de baptiser ce stade du nom de Hocine Aït Ahmed, certains auraient dû réfléchir à ce que cela implique réellement. Associer le nom d’un homme connu pour son sens de la dignité, de la retenue et du débat civilisé à une enceinte où résonnent grossièretés, insultes et comportements indignes… il y a, quelque part, une profonde incohérence.

Un stade qui porte le nom de Hocine Aït Ahmed mérite mieux que des vulgarités. Il mérite un climat de respect, de civisme et de responsabilité. Autrement, ce n’est pas la mémoire du défunt que l’on honore, mais que l’on trahit.

Cette phrase du jeune résume tout. Comme si le stade devenait un espace d’impunité. Comme si la passion justifiait l’irrespect. Comme si la ferveur effaçait les règles élémentaires du vivre-ensemble.

Et malgré cette déception, je veux adresser un mot d’encouragement à mes anciens collègues et à leurs responsables, aujourd’hui en charge de la gestion du stade. Ils ont entre les mains un outil exceptionnel, et je suis convaincu qu’avec plus d’investissement, d’invention et de créativité, ils peuvent en faire un véritable modèle national.

À ce titre, je me permets une proposition simple : organiser des journées de sensibilisation dans les maisons de jeunes, les lycées et les universités, afin d’éduquer les futurs supporters au respect, au civisme et à la culture sportive — si ce n’est déjà fait, ce que j’ose espérer.

Car un public mieux formé, c’est un stade plus sûr, plus convivial et plus digne du nom qu’il porte.

Un stade est un lieu de joie, pas un défouloir. Il est un espace de communion, pas de dérive. Il est un symbole de modernité, pas un théâtre d’incivilités.

Le stade de Tizi Ouzou a tout pour devenir une référence nationale – et même internationale – mais cela exige un investissement réel dans la culture du civisme, la professionnalisation de l’accueil, la modernisation des accès et une gestion digne des grandes arènes sportives.

Car au-delà de l’architecture et de la technologie, ce qui fera la grandeur de cette enceinte, ce n’est pas seulement le béton ou le design.
C’est la qualité de l’expérience humaine qu’elle offrira.

Aziz Slimani

- Publicité -

«J’ai rencontré Victor Hugo » de René Leucart : le flambeau du tribun

0
René Leucart : J'ai rencontré Victor Hugo

L’ouvrage de René Leucart, « J’ai rencontré Victor Hugo », est bien plus qu’un simple hommage littéraire ; c’est un manifeste civique et une œuvre de fiction politique qui ancre la pensée du grand poète dans les débats brûlants de 2025.

À travers la rencontre improbable entre un visiteur venu de Metz et l’ombre de Victor Hugo dans l’enceinte sacrée de l’Assemblée nationale, Leucart réactive le rôle du poète comme gardien des principes républicains. Guidé par une préface (fictive) d’Alphonse de Lamartine, ce dialogue d’outre-temps interroge sans concession la montée des extrêmes, l’injustice sociale, la menace du communautarisme et les défis éthiques de l’intelligence artificielle, faisant de la voix de Hugo une boussole morale pour une République en quête d’unité et d’élévation humaine.

Le livre « J’ai rencontré Victor Hugo » de René Leucart, publié chez Fensch Vallée Éditions, se présente comme une œuvre de fiction dialoguée audacieuse. Son dispositif narratif est à la fois simple et profondément symbolique : l’auteur se met en scène sous l’apparence d’un visiteur contemporain qui, mû par une profonde inquiétude civique, entreprend un véritable pèlerinage républicain.

L’intrigue s’inscrit dans le contexte temporel précis de l’année 2025, soulignant l’actualité brûlante des thèmes abordés. Le voyage du visiteur commence à Metz et le conduit à Paris par TGV, un trajet moderne qui contraste avec l’esprit séculaire qu’il cherche à retrouver. Ce déplacement n’est pas anodin ; il est une quête symbolique vers le cœur battant de la démocratie française : l’Assemblée nationale, désignée comme le « temple de la République ». C’est là, dans la solennité des couloirs du pouvoir, que le visiteur, grâce à une autorisation obtenue par un ami parlementaire, parvient à converser avec l’ombre, le fantôme, ou plus concrètement, le buste de Victor Hugo. L’artifice de cette rencontre, parler à une statue, brouille la frontière entre le réel et l’imaginaire, un flou essentiel pour conférer à Hugo une voix capable d’interroger le présent.

L’objectif de cette démarche est clairement énoncé : le visiteur cherche à entendre une « voix d’outre-temps » capable de lui fournir une boussole pour retrouver le chemin des principes républicains. Face aux divisions et aux incertitudes politiques de son époque, le narrateur se tourne vers Hugo, figure tutélaire de l’engagement moral et politique, pour trouver une source de lumière et de guidance face à l’affaiblissement des idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité.

L’ouvrage utilise également un procédé littéraire élégant : il est introduit par une préface d’Alphonse de Lamartine, rédigée fictivement depuis son cimetière de Saint-Point. Ce choix n’est pas anodin. Lamartine, lui aussi poète, orateur politique et grand acteur de la Seconde République, était un contemporain et rival intellectuel de Hugo. Sa préface annonce ce « dialogue improbable, mais nécessaire » entre deux grandes âmes unies, au-delà de toute contingence, par la quête inlassable de la justice et de la liberté. Cet hommage croisé valide la portée universelle et intemporelle des questions soulevées par Leucart.

L’apport principal de ce livre réside dans la réactualisation vigoureuse et pertinente de la pensée hugolienne face aux défis du XXIe siècle. René Leucart, s’inspirant de son propre militantisme et de son admiration profonde pour le poète, ne se contente pas d’un hommage nostalgique ; il insuffle à Victor Hugo une acuité intacte pour interroger les luttes contemporaines. Le dialogue s’articule autour de questions universelles qui, malgré le temps, continuent de brûler : la justice, le rôle moral de la France dans le monde, la construction et la place de l’Europe, la menace de l’arme nucléaire, la fatalité de la pauvreté endémique, la difficile coexistence de la science et de la morale, ou encore l’avenir de la démocratie face à la montée des populismes.

Leucart utilise la voix de Hugo pour commenter l’actualité politique la plus récente. Le poète exprime de profondes préoccupations concernant la montée des extrêmes, qu’il perçoit comme un affaiblissement des valeurs républicaines fondamentales. Il dénonce avec force les discours populistes qui cherchent à diviser la société par la haine et l’exclusion. Fidèle à son combat historique, le Hugo de Leucart prône l’unité dans la diversité, s’opposant catégoriquement au communautarisme et s’inquiétant de l’injustice sociale croissante et de l’isolement des individus dans un monde fragmenté. Le message est un rappel puissant des exigences de la solidarité et de l’unité indivisible de la nation.

Le dialogue aborde également des enjeux futuristes majeurs que Hugo n’aurait pu connaître, notamment celui de l’intelligence artificielle (IA). L’auteur projette la vision progressiste et humaniste du poète sur cette technologie. Selon cette projection, l’IA doit impérativement servir l’humanité et non les puissants. Elle doit être un outil de justice et d’émancipation, et non de contrôle. Cette perspective appelle à une gouvernance éclairée, impliquant les peuples, les savants et les éducateurs, ainsi qu’à l’établissement de lois claires pour encadrer son utilisation. Le but ultime, fidèle à la philosophie hugolienne, doit être l’élévation de l’homme, et non la suppression de l’outil, assurant que la science reste au service de la conscience.

Le livre devient ainsi un moyen efficace de transmettre, non pas les solutions, mais la méthode morale de Victor Hugo pour aborder les problèmes du XXIe siècle, transformant une figure du passé en un éclaireur du présent.

L’objectif principal du livre de René Leucart, au-delà de sa dimension narrative, est de générer un impact réflexif et civique chez le lecteur. L’œuvre est conçue comme un puissant texte d’éveil, un « dialogue avec son passé pour mieux éclairer son avenir ».

En faisant symboliquement revenir la voix du « tribun de la misère », l’auteur cherche à stimuler les consciences endormies par l’apathie ou le cynisme contemporain. L’œuvre se positionne comme un appel à l’action intellectuelle et morale. La préface de Lamartine insiste sur cette fonction essentielle : le livre guide le lecteur vers « l’âme » profonde de l’engagement hugolien, attestant que « son combat n’a jamais cessé d’être le nôtre ». Ce message de continuité vise à rappeler que les luttes pour la justice sociale et la liberté sont éternelles.

L’ambition du livre est explicite : laisser au lecteur un « flambeau » à porter « où l’ombre menace ». Cette métaphore du flambeau rappelle que l’écriture est un acte de combat et de lumière, un héritage à préserver face aux menaces qui pèsent sur la République et l’humanité (l’extrémisme, le désespoir, l’abus de l’IA). Il confère à chaque lecteur une responsabilité active dans la perpétuation des idéaux de progrès.

L’impact du livre est également souligné par une réflexion profonde sur la nature de l’échange lui-même, soulevant des questions essentielles sur la mémoire et l’oubli. Le visiteur interroge la frontière floue entre le réel et l’imaginaire, se demandant s’il s’adresse au véritable Hugo, son esprit planant dans l’Assemblée, ou à une simple projection de son propre idéal et de son esprit.

Ce face-à-face suspendu, où le silence peut être interprété comme une absence ou une écoute intense, enrichit la portée de l’œuvre. En ne fournissant pas de réponses claires à cette énigme, le livre transmet une étincelle d’espoir et de questionnement qui résonne au-delà du simple récit. L’incertitude sur la nature exacte de la voix oblige le lecteur à internaliser la pensée de Hugo, reconnaissant que c’est finalement dans l’esprit du vivant que la pensée des grands hommes perdure. En conclusion, « J’ai rencontré Victor Hugo » s’affirme bien au-delà de la simple évocation ou de l’hommage littéraire. L’œuvre de René Leucart est un véritable manifeste politique et social contemporain qui utilise la figure tutélaire de Victor Hugo comme un gardien invisible des idéaux républicains. Le dialogue avec le buste à l’Assemblée Nationale confère à Hugo le rôle de conscience de la Nation, rappelant avec force l’exigence de la justice, de l’unité et de la fraternité face aux dérives modernes.

L’échange entre le visiteur et Hugo n’aboutit pas à une réponse définitive ou à une feuille de route politique immédiate. L’auteur choisit au contraire un « au revoir » empreint d’une grande sobriété. Le jeune homme repart avec un silence chargé de promesses, marquant ainsi la fin de la conversation visible et le début d’une nouvelle certitude intérieure. Ce silence est hautement symbolique : il n’est pas une absence, mais une transmission effective. Il signifie que le flambeau a été passé, et que la responsabilité des actions incombe désormais au visiteur, représentant la nouvelle génération civique.

Le message final du livre est fondamentalement optimiste : celui de la persistance de l’espérance. L’échange, bien que suspendu, marque la certitude que la pensée du poète demeure vivante dans l’esprit des hommes. L’héritage de la pensée et de la création, le rêve, le questionnement, la lutte, persiste à travers les individus qui continuent de se battre pour un monde meilleur.

Finalement, le livre de René Leucart « J’ai rencontré Victor Hugo » se clôt sur un message qui est à la fois profondément réconfortant et résolument exigeant pour le citoyen contemporain.

Le réconfort réside dans la certitude que les grandes voix du passé ne cesseront jamais tout à fait de parler. La rencontre fictive avec Hugo garantit au lecteur que les idéaux d’humanité, de justice et de liberté ne sont pas morts. La pensée de Hugo, ce « regard invisible posé sur le siècle à venir », perdure et demeure accessible. Il suffit qu’il y ait des âmes prêtes à écouter leur écho pour que cette sagesse traverse les âges. Le silence qui suit l’échange n’est donc pas une fin, mais une résonance, un transfert de responsabilité et d’inspiration.

Cependant, cette permanence impose une exigence : celle de traduire les principes hérités dans l’action du présent. L’héritage hugolien n’est pas une simple contemplation, mais un appel au militantisme. L’œuvre est un vibrant appel à considérer l’histoire non pas comme un lieu de mémoire figé, non comme un musée, mais comme une source vive d’inspiration et de combat perpétuel pour la dignité humaine. Il rappelle que la démocratie et la République sont des constructions fragiles qui nécessitent une vigilance et un engagement constants contre l’injustice et le populisme.

L’essence même de l’œuvre de René Leucart réside dans cet appel à l’action. Il ne s’agit pas d’un simple exercice de mémoire, mais d’une tentative pour insuffler une dynamique militante au cœur de la citoyenneté contemporaine.

Leucart met en évidence la nécessité de transcender la réflexion historique, la simple connaissance du passé, pour la convertir en énergie civique. Le dialogue avec Hugo n’est pas une fin en soi, mais un catalyseur. Les idées d’humanisme, de justice sociale, et d’unité républicaine, défendues avec passion par le poète, doivent cesser d’être des concepts figés pour devenir une force agissante dans le présent. Le visiteur qui quitte l’Assemblée nationale ne doit pas seulement se souvenir des paroles de Hugo, il doit les incarner et les défendre dans le débat public et dans sa vie quotidienne.

Le livre positionne l’héritage de figures tutélaires comme Victor Hugo en tant que boussole morale. Dans un contexte de relativisme et de crise des valeurs, cette figure historique offre une direction éthique claire. Elle rappelle les fondamentaux de l’engagement républicain : la lutte contre la misère, le refus des extrêmes, et la primauté de l’élévation de l’homme, même face aux enjeux technologiques inédits comme l’intelligence artificielle. Le dialogue sert à calibrer ce compas moral, permettant au lecteur de naviguer les complexités des luttes de demain avec la clarté et la passion qui animaient le grand Tribun. L’exhortation finale est donc une invite à l’engagement perpétuel, où l’histoire fournit les principes, et le citoyen, l’action.

Brahim Saci

- Publicité -

Sheikh Hasina : la fin d’un cycle autoritaire au Bangladesh

0
Sheikh Hasina
Sheikh Hasina

Le Bangladesh retient son souffle. À Dacca, les rues sont quadrillées par la police et l’armée, les universités fermées et les médias sous surveillance. Dans les prochains jours, un tribunal spécial doit rendre son verdict contre l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina, accusée de crimes contre l’humanité pour la répression meurtrière du soulèvement de 2024.

Le procureur général, Tajul Islam, a requis la peine de mort, affirmant que l’ex-dirigeante était la « cerveau et instigatrice principale » de la répression. Le procès, mené en son absence, accuse Hasina d’avoir ordonné personnellement les exécutions de manifestants étudiants et militants politiques.

Exilée en Inde depuis le 5 août 2024, Sheikh Hasina dénonce une « farce judiciaire ». Aucun avocat choisi par elle n’a été autorisé à la représenter ; un conseil commis d’office assure une défense minimale. Les avocats britanniques de l’ancienne dirigeante ont saisi les Nations unies, dénonçant un procès « bâti sur la vengeance politique » et privé de toute garantie d’équité.

Une transition sous contrôle militaire

Depuis sa chute, le Bangladesh est dirigé par un gouvernement intérimaire mené par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus. Trois jours après la fuite d’Hasina, Yunus a pris les rênes du pays en promettant une transition démocratique. Les élections sont annoncées pour février 2026, mais le principal parti d’opposition, l’Awami League, reste interdit.

Des dizaines d’anciens responsables politiques et militaires ont été arrêtés. Vingt-cinq ex-officiers, dont des chefs des services de renseignement, sont inculpés pour disparitions forcées commises sous le règne d’Hasina. Quinze d’entre eux sont détenus dans la prison militaire du cantonment de Dacca.

Entre justice et règlement de comptes

Pour nombre d’observateurs, le procès Hasina illustre la dérive d’un pays où la justice est l’instrument du pouvoir. Les chefs d’accusation – meurtres, tortures, usage d’armes létales contre des civils – renvoient à des faits avérés ; mais la procédure expéditive et l’absence de défense crédible ternissent toute prétention à l’impartialité.

Un rapport de l’ONU a recensé jusqu’à 1 400 morts lors des manifestations de l’été 2024. Le gouvernement intérimaire avance le chiffre de 800 morts et 14 000 blessés. Hasina et ses partisans, de leur côté, dénoncent des bilans gonflés pour justifier la répression post-coup d’Etat.

L’ombre de l’Inde

Sur le plan régional, la présence d’Hasina en exil en Inde embarrasse New Delhi. Longtemps alliée privilégiée du pouvoir d’Hasina, l’Inde se retrouve aujourd’hui accusée d’héberger une criminelle d’État. Dacca a convoqué le vice-haut-commissaire indien après des entretiens télévisés accordés par Hasina à des médias indiens, perçus comme une ingérence.

Une ère qui s’achève

Qu’on la déteste ou qu’on la regrette, Sheikh Hasina aura marqué le Bangladesh moderne. Fille du père fondateur Mujibur Rahman, elle a consolidé la croissance économique, mais aussi verrouillé l’espace politique et muselé la presse.

Son procès scelle la fin d’un cycle autoritaire, mais non encore l’avènement d’une véritable démocratie. Entre justice et règlement de comptes, le Bangladesh joue aujourd’hui son avenir politique, suspendu entre le désir de rupture et la tentation de la revanche.

Mourad Benyahia 

- Publicité -

Tchad–France : récit d’une mémoire intime et engagée de Gnadang Ousmane

0
Gnadang Ousmane
Gnadang Ousmane . Crédit photo : DR

Dans La voix de mon père, l’écho de ma mère, publié le 24 juillet 2025 dans la collection Graveurs de Mémoire, Gnadang Ousmane tisse un récit intime où l’histoire familiale rejoint la mémoire collective. Née en France et ayant grandi au Tchad, elle écrit depuis cet entre-deux fécond où se mêlent héritages, douleurs et espérances.

Entre la force du père et la douceur silencieuse de la mère, le livre de Gnadang Ousmane devient un acte de gratitude et de transmission, une manière de réparer par la parole et de réconcilier deux mondes, deux mémoires, deux cultures.

Engagée politiquement et socialement à travers Fegaye et son mandat municipal, Gnadang Ousmane inscrit également son parcours dans une réflexion sur la résilience et la justice sociale. Son écriture puise dans les rencontres et les expériences de l’exil, transformant l’intime en une force collective.

Le Matin d’Algérie : Votre livre commence par La voix de mon père, l’écho de ma mère. Pouvez-vous expliquer ce choix symbolique et ce qu’il représente pour vous ?

Gnadang Ousmane : Ce titre est né d’une évidence. La voix représente mon père, pour les actes, les valeurs et les repères qu’il a laissés dans ma vie. L’écho, c’est celui de ma mère, pour l’impact qu’elle a eu sur nous malgré un parcours hors du circuit scolaire.
Ce sont deux héritages qui se répondent : la parole et le silence, la transmission intellectuelle et la force du vécu. J’ai voulu les faire dialoguer à travers ce livre.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes née en France et avez grandi au Tchad. Comment ce double enracinement a-t-il façonné votre identité et votre écriture ?

Gnadang Ousmane :   Ce double enracinement m’a appris très tôt à naviguer entre deux mondes : celui du visible et de l’invisible, du rationnel et du symbolique. En France, j’ai appris les codes de la société moderne ; au Tchad, j’ai compris la profondeur des liens, la mémoire orale, la spiritualité du quotidien. Mon écriture puise dans cette tension : elle cherche à traduire ce que signifie être « d’ici et d’ailleurs » à la fois, sans devoir choisir.

Le Matin d’Algérie : Le récit mêle mémoire personnelle et dimension collective. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre histoire intime et sociologie du Tchad et de l’exil ?

Gnadang Ousmane : Mon histoire devient collective à partir du moment où elle résonne avec d’autres. Ce que je vis fait écho à de nombreux parcours de migration, de transmission ou d’exil.

L’équilibre se crée à travers les rencontres : ce sont les êtres, plus que les lieux, qui m’ont construite. Que ce soit au Tchad ou en France, chaque visage croisé m’a aidée à comprendre une part de moi-même et du monde.

Le Matin d’Algérie : L’exil, la maladie et l’amour familial sont des thèmes récurrents. Comment ces expériences ont-elles nourri votre écriture et votre réflexion sur la résilience ?

Gnadang Ousmane : Ces épreuves m’ont naturellement appris la résilience. Quand on traverse la maladie, la perte ou l’exil, on apprend à s’accrocher à la vie malgré la douleur.

Pour moi, la résilience est un choix. L’écriture a été mon outil thérapeutique, un moyen de transformer la souffrance en force et de me reconstruire pas à pas.

Le Matin d’Algérie : Votre livre explore la relation père-mère-enfant avec beaucoup de délicatesse. Quels souvenirs ou valeurs ont guidé ce portrait familial ?

Gnadang Ousmane : Le respect, avant tout : le respect de soi, des autres et de son rôle dans la société.

C’est une valeur que mes parents m’ont transmise, chacun à sa manière. Ce sont leurs principes, leur droiture, leur courage silencieux qui m’ont guidée dans ce portrait familial. J’ai voulu leur rendre hommage avec justesse et tendresse.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes également engagée politiquement et socialement à travers Fegaye et votre mandat municipal. Comment votre engagement nourrit-il votre travail d’écriture ?

Gnadang Ousmane : En réalité, c’est l’écriture qui a accompagné mes engagements. Elle m’a toujours aidée à me structurer, à me guider, à me soigner.
Aujourd’hui, ce premier livre marque une continuité : il me permet de prolonger cette passion, de transmettre autrement. Peut-être qu’un jour, d’autres parties de mon parcours prendront aussi la forme d’un livre.

Le Matin d’Algérie : Pourquoi avoir choisi ce moment pour partager cette histoire, et pourquoi sous forme de livre ?

Gnadang Ousmane :  Il m’a fallu du temps pour transformer la mémoire en parole apaisée. L’écriture s’est imposée comme une évidence : un espace d’intimité et de profondeur. Il y a un an encore, je n’aurais pas imaginé publier ce récit, mais j’ai compris que partager ne m’enlevait rien, au contraire, cela donnait du sens à mon parcours, entre transmission et renaissance.

Le Matin d’Algérie : L’écriture devient un acte de mémoire et de transmission. Comment percevez-vous cette responsabilité ?

Gnadang Ousmane : C’est un devoir. Mes parents ont été une immense source d’inspiration, mais ils n’ont pas eu la chance de voir leurs enfants aller au bout de leurs projets.
Écrire, c’est les honorer, les rendre vivants autrement. C’est aussi une trace pour mes enfants et pour tous ceux qui ont des héritages similaires. Ce livre, c’est ma manière de leur dire merci, et de continuer leur histoire.

Le Matin d’Algérie : La France et le Tchad apparaissent comme des espaces symboliques dans votre récit. Comment avez-vous travaillé à traduire ces deux univers culturels dans la narration ?

Gnadang Ousmane : Le Tchad et la France sont mes deux pays. Je n’ai pas eu besoin de traduire ces univers : je les vis au quotidien.
Ces deux héritages m’habitent, ils se complètent et s’équilibrent. C’est depuis cette double appartenance que j’ai écrit, naturellement, sans artifice. Mon livre est le reflet de cette cohabitation intérieure.

Le Matin d’Algérie : Votre livre peut être lu comme un acte de réparation ou de réconciliation. Était-ce une intention consciente dès le départ ?

Gnadang Ousmane : Oui, sans doute. J’ai écrit pour me réparer et me réconcilier avec la douleur du deuil, avec les héritages parfois lourds que la perte réveille.
L’écriture m’a aidée à apaiser tout cela, à transformer la peine en paix intérieure. En écrivant, j’ai compris que la réparation commence souvent par la parole.

Le Matin d’Algérie : Quelle place accordez-vous à la dimension féminine dans la mémoire familiale et collective ?

Gnadang Ousmane : Elle est au cœur du livre. La voix de mon père, l’écho de ma mère met en lumière la force des femmes et leurs combats pour trouver leur place dans la société. En tant que fille et femme, j’y ai inscrit ma vision. Et je n’oublie pas que si j’ai pu trouver ma place, c’est aussi grâce à un père qui ne m’a jamais fait sentir de différence avec mes frères. Cette égalité vécue est une fondation de mon identité.

Le Matin d’Algérie : Enfin, que souhaitez-vous que vos lecteurs retiennent de votre livre ?

Gnadang Ousmane :  J’espère que les lecteurs y verront une histoire singulière qui parle à l’universel : celle d’une enfant du lien, de la mémoire et de la résilience.
Derrière chaque parcours, il y a un héritage qui guide nos pas. Le mien m’a façonnée, et ce livre en est le témoin.
Si chacun en ressort avec l’envie de réconcilier ses propres héritages, alors le pari est gagné.

Propos recueillis par Djamal Guettala

Gnadang OUSMANE

Fondatrice de l’association FEGAYE

Élue municipale à Toulouse 

Autrice – La voix de mon père, l’écho de ma mère (L’Harmattan, 2025)
Commande dédicacée : https://donate.stripe.com/8x2bJ172z024fgK5ImdAk01

Suivre la page Facebook
https://www.facebook.com/share/1E4McEAUdf/?mibextid=wwXIfr

- Publicité -

Trump et le Venezuela : entre menaces et options militaires

0
Donald Trump

Les tensions entre Washington et Caracas connaissent une nouvelle escalade. Selon The Washington Post, le président américain Donald Trump pourrait prochainement trancher sur la conduite d’une action militaire contre le Venezuela.

Depuis plusieurs jours, des discussions impliquant des responsables américains de haut niveau portent sur un large éventail de scénarios, allant de frappes limitées à des opérations plus ciblées. Trump lui-même a alimenté l’incertitude, déclarant aux journalistes sur la base aérienne présidentielle : « Je ne peux pas vous dire ce que ce sera exactement, mais j’ai en quelque sorte tranché » concernant le Venezuela.

Des sources citées par la presse indiquent que plusieurs réunions du Conseil de sécurité intérieure ont eu lieu. Parmi les participants figuraient le vice-président JD Vance, le secrétaire à la Défense Pete Higgsith, le chef d’état-major général Dan Kinn et d’autres responsables militaires et civils. Ces réunions visaient à examiner l’ensemble des options disponibles, en tenant compte à la fois des risques militaires et des conséquences diplomatiques.

Les États-Unis disposent d’une supériorité militaire incontestable sur le Venezuela. Dans les dernières semaines, Washington a renforcé sa présence dans la région avec le déploiement de la porte-avions Gerald Ford, embarquant plus de 75 avions et 5 000 soldats, ainsi que d’avions de combat F-35 et d’une sous-marin nucléaire. Les forces vénézuéliennes, elles, ont mobilisé près de 200 000 militaires, répartis entre armée de terre, forces aériennes et marines, pour se préparer à toute éventualité.

Au-delà des effectifs conventionnels, la presse évoque la possible implication de la Delta Force, unité d’élite des opérations spéciales, pour des missions d’arrestation ou de neutralisation ciblée. Cette option rappelle les opérations menées par les États-Unis dans d’autres régions du globe au cours des deux dernières décennies.

Parallèlement, Washington a multiplié les actions contre le trafic de drogue depuis le Venezuela. Au cours des deux derniers mois, des frappes contre des embarcations vénézuéliennes ont causé la mort d’au moins 76 personnes, selon les données officielles américaines. Ces actions sont présentées par la Maison-Blanche comme faisant partie d’une stratégie plus large visant à limiter le flux de stupéfiants vers les États-Unis, tout en envoyant un signal clair au président Nicolas Maduro et à son entourage.

Les signaux envoyés par Trump et son administration restent cependant contradictoires. Alors que certains membres du Congrès tentaient de légiférer pour limiter la capacité du président à déclencher une guerre, la Maison-Blanche a tenté de rassurer certains législateurs sur le fait qu’aucune action militaire immédiate n’était prévue. Cette ambiguïté stratégique, selon des observateurs, fait partie de la méthode de Trump, qui cherche à maintenir la pression sur Caracas tout en conservant une marge de manœuvre maximale.

Pour Caracas, la situation reste critique. Maduro, qui se dit prêt à défendre son pays, doit composer avec la démonstration de force américaine et l’incertitude sur les intentions réelles de Washington. Les analystes internationaux soulignent que toute escalade pourrait avoir des conséquences régionales majeures, affectant la stabilité de l’Amérique latine et le marché énergétique mondial.

Dans ce contexte, l’avenir des relations entre les États-Unis et le Venezuela demeure suspendu à la décision prochaine de Trump, dans un climat de forte tension et d’incertitude stratégique.

Djamal Guettala 

- Publicité -

Alger : un immeuble s’effondre à Hussein Dey

2
Effondrement d'un immeuble à Alger
Effondrement d'un immeuble à Alger. Crédit photo : DR

Un immeuble ancien situé au 6, rue Rabah Moussaoui, dans la commune de Hussein Dey (wilaya d’Alger), s’est partiellement effondré dans la nuit de vendredi à samedi, vers 2h50. La Protection civile est intervenue rapidement en mobilisant deux camions de sauvetage, trois ambulances, la GRIMP et une unité cynotechnique.

Les secouristes ont extrait un blessé, évacué vers le CHU Mustapha-Pacha. Selon la wilaya d’Alger, aucun décès n’a été enregistré, mais les fouilles se poursuivent pour écarter définitivement la présence de victimes sous les décombres.

La moitié droite de l’immeuble — composé d’un rez-de-chaussée et de quatre étages — s’est entièrement affaissée, provoquant un nuage de poussière et une vive panique parmi les habitants du quartier. Le bâtiment, bien que daté, avait fait l’objet l’année dernière d’une réhabilitation dans le cadre des opérations de rénovation du vieux bâti de la capitale. Les autorités ont immédiatement évacué les résidents, ainsi que les habitants des immeubles mitoyens, soit un total de vingt-sept familles relogées provisoirement dans un hôtel de la commune, « à titre préventif », en attendant les conclusions des experts.

L’enquête technique et sécuritaire ouverte dans les heures suivant l’accident concentre désormais l’attention. Les premiers éléments convergent vers un chantier de terrassement mené par un promoteur privé sur une parcelle adjacente. Un permis de construire, référencé 40/MA/2025, avait été délivré le 5 novembre, soit dix jours avant l’effondrement. Les travaux d’excavation auraient atteint environ quatre mètres, une profondeur susceptible d’avoir fragilisé les fondations du bâtiment effondré. La wilaya d’Alger indique qu’une expertise complète a été confiée au Centre national de contrôle technique des constructions (CTC) pour déterminer le rôle exact de ces fouilles dans l’instabilité structurelle.

Le wali d’Alger, Mohamed Abdenour Rabhi, s’est rendu sur place dès les premières heures de la matinée pour superviser les secours et suivre le déploiement du dispositif de sécurité. Il a assuré que des « mesures juridiques appropriées » seront prises une fois les conclusions techniques et sécuritaires établies.

Cet effondrement réactive les inquiétudes autour de la sécurité du vieux bâti d’Alger, déjà fragilisé par l’âge, les intempéries et parfois des travaux menés sans précautions suffisantes à proximité immédiate des immeubles. Alors que le CTC poursuit son expertise et que les opérations de recherche restent en cours, les habitants relogés attendent des réponses, dans un climat mêlant soulagement d’avoir échappé au pire et incompréhension face à un accident qui aurait pu virer au drame.

Mourad Benyahia 

- Publicité -

Présidentielle 2027 : Nicolas Sarkozy, un retour improbable mais plausible

1
Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy. Crédit photo : @Nicolas Sarkozy

La libération de Nicolas Sarkozy le 10 novembre 2025, après près de trois semaines d’incarcération provisoire dans l’affaire du financement libyen, relance une question longtemps jugée improbable : l’ancien président pourrait-il retrouver une place centrale sur la scène politique française à l’approche de la présidentielle de 2027 ?

À première vue, l’opinion publique semble lui être défavorable. Selon un sondage Ifop publié en novembre 2025, 73 % des Français ne souhaitent pas son retour en politique (Ifop, 2025). Pourtant, la sévérité des jugements et le passage en détention ont suscité un élan de sympathie, perceptible dans certains segments de l’opinion, notamment au sein de la droite républicaine. Si le jugement initial était annulé en appel, prévu en mars 2026 (La Croix, 26 septembre 2025), ce mouvement pourrait s’amplifier, offrant à Sarkozy une opportunité de redevenir une figure incontournable du paysage politique.

À 72 ans, il devra composer avec d’autres prétendants à la droite républicaine : Bruno Retailleau, Laurent Wauquiez, David Lisnard ou Xavier Bertrand. Pourtant, cette pluralité de candidats pourrait paradoxalement jouer en sa faveur. Relaxé en appel et en cassation pour ses affaires judiciaires, notamment l’affaire Bygmalion (La Croix, 8 octobre 2025), Sarkozy pourrait apparaître comme un « martyr » des années judiciaires, fort d’une expérience et d’une aura que peu de ses rivaux peuvent revendiquer.

Cette position pourrait dépasser le cadre strict de la droite républicaine. L’électorat de droite radicale, notamment celui proche de Reconquête !, partage avec les Républicains des sensibilités économiques libérales et une orientation sécuritaire et migratoire stricte. Des rapprochements stratégiques, déjà évoqués avec Sarah Knafo ou Jordan Bardella (La Croix, 14 novembre 2025), pourraient concrétiser ce rassemblement des droites et renforcer l’image de Sarkozy comme figure capable de fédérer un large spectre électoral.

L’histoire montre que ce type de « retour improbable » n’est pas inédit. Le général de Gaulle, que l’on croyait politiquement mort sous la IVe République, est redevenu en 1958 le héros salvateur de 1940. Plus récemment, le Brésilien Lula a retrouvé la présidence en 2022 après avoir été condamné et incarcéré en 2018 (BBC News, 2022). Nicolas Sarkozy ne serait donc pas le premier président à revenir au pouvoir après un passage par la prison.

Dans un contexte politique marqué par l’instabilité et la fragmentation, le dégagisme ambiant pourrait paradoxalement favoriser le retour d’une figure familière et expérimentée. Après Emmanuel Macron, certains électeurs pourraient être tentés par un leader capable de restaurer autorité et cohérence, tout en incarnant l’expérience et le charisme qu’attendent certains Français face à l’incertitude.

La multiplication des candidatures à droite pourrait renforcer l’image de Sarkozy comme « l’homme providentiel ». Son retrait relatif des rivalités internes ces dernières années lui permet de se présenter comme un rassembleur capable de dépasser les divisions, tandis que l’effet médiatique entourant sa libération et l’éventuelle annulation des jugements lui confère une visibilité inégalée.

Au-delà de la droite traditionnelle, le potentiel rassemblement de différentes factions de l’électorat conservateur pourrait redéfinir la donne. Sarkozy pourrait ainsi se positionner comme une alternative aux nouvelles figures politiques, incarnant l’expérience, la résilience et une connaissance éprouvée du pouvoir exécutif. L’effet de sa « réhabilitation » judiciaire, s’il se confirme, pourrait transformer sa posture d’ancien président en un atout électoral décisif.

Si cette hypothèse reste incertaine, elle rappelle une constante de la politique française : l’histoire peut réserver des surprises. Le « come-back » de l’ex-président, buriné par l’expérience et sanctifié par d’éventuelles relaxes judiciaires, pourrait redevenir un acteur incontournable de la présidentielle de 2027, incarnant pour certains électeurs de droite la stabilité et l’expérience face à l’incertitude.

Il faut se demander cependant si les électeurs dans leur majorité son à même d’oublier les nombreuses casseroles que trainent Nicolas Sarkozy pour le voir revenir au palais de l’Elysée ?

Dans ce contexte, la présidentielle à venir pourrait bien réserver des surprises et redonner vie à la figure d’un ancien président que l’on croyait politiquement éteint. Nicolas Sarkozy, contre toute attente, pourrait apparaître comme un repère rassurant pour les électeurs en quête de certitudes.

Mourad Benyahia

- Publicité -

Mondial 2026 : la liste des 30 pays déjà qualifiés

0
Coupe du monde

La Croatie est devenue la 30e nation qualifiée pour la Coupe du monde 2026 (11 juin-19 juillet), la première organisée dans trois pays (Etats-Unis, Canada et Mexique) et dans un format élargi à 48 équipes.

Le point sur les pays déjà qualifiés:

– Pays hôtes, qualifiés d’office : Etats-Unis, Canada et Mexique (3)

Les autres nations qualifiées:

– Zone Asie (AFC) : Australie, Corée du Sud, Iran, Japon, Jordanie, Ouzbékistan, Qatar, Arabie Saoudite (8)

– Zone Océanie (OFC) : Nouvelle-Zélande (1)

– Zone Amérique du Sud (Conmebol) : Argentine, Brésil, Colombie, Equateur, Paraguay, Uruguay (6)

– Zone Afrique (CAF) : Tunisie, Algérie, Maroc, Egypte, Ghana, Cap-Vert, Afrique du Sud, Sénégal, Côte d’Ivoire (9)

 – Zone Europe (UEFA) : Angleterre, France, Croatie (3)

Le Cap-Vert, l’Ouzbékistan et la Jordanie disputeront l’été prochain la première phase finale de Coupe du monde de leur histoire.

Les 48 nations participantes seront réparties en douze poules de quatre équipes dont les deux premières seront directement qualifiées pour les 16e de finale, inédits dans l’histoire de la Coupe du monde. Les huit meilleures troisièmes compléteront le tableau.

Le match d’ouverture est programmé le 11 juin 2026 au stade Azteca de Mexico. La finale aura lieu le 19 juillet au MetLife Stadium, dans le Grand New York.

APS

- Publicité -

DERNIERS ARTICLES

Cherif Mellal

Le détenu d’opinion Cherif Mellal en grève de la faim

0
Après Mohamed Tadjadit, condamné arbitrairement à 5 ans de prison, Chérif Mellal, ancien président de la JSK, a entamé, lui aussi une grève de...

LES PLUS LUS (48H)

Cherif Mellal

Le détenu d’opinion Cherif Mellal en grève de la faim

0
Après Mohamed Tadjadit, condamné arbitrairement à 5 ans de prison, Chérif Mellal, ancien président de la JSK, a entamé, lui aussi une grève de...