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mardi 1 juillet 2025
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L’importation du cabas simplifiée : on les ambitions qu’on peut !

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Importation en cabas
La légalisation des importation en cabas renseigne sur les limites de Tebboune et son équipe.

Un décret exécutif définissant les conditions d’exercice de l’activité d’importation simplifiée par les auto-entrepreneurs a été publié, ce dimanche 29 juin,  au Journal Officiel. Cette mesure, qui découle des directives d’Abdelmadjid Tebboune, vise à faciliter les opérations d’importation pour les particuliers, tout en encadrant cette activité, argue-t-on officiellement. Mais elle cache une saisissante incapacité structurelle à imaginer des ambitions plus grandes pour l’économie nationale.

Qu’est-ce que l’importation simplifiée ?

Tout ça pour ça. A l’heure des importations et exportations par hub entier, Tebboune a eu la lumineuse idée de légaliser l’importation par cabas !

Selon l’article 2 du décret, l’importation simplifiée concerne les opérations réalisées individuellement par des personnes physiques lors de leurs déplacements à l’étranger. L’objectif est d’importer pour la revente en l’état des quantités limitées de marchandises. La valeur de ces marchandises ne doit pas excéder 1 800 000 dinars algériens (DA) par voyage, et ce, dans la limite de deux voyages par mois. Il est important de noter que l’allocation touristique annuelle n’est pas incluse dans cette valeur.

Qui peut en bénéficier ?

L’article 3 précise que cette activité est exclusivement réservée aux personnes physiques ayant le statut d’auto-entrepreneur, conformément à la législation et la réglementation en vigueur. Cela signifie que seuls les auto-entrepreneurs peuvent se prévaloir de ce dispositif pour importer des marchandises.

Avantages pour les Importateurs Simplifiés

Les auto-entrepreneurs exerçant cette activité bénéficieront de plusieurs avantages significatifs: une  comptabilité simplifiée ( une tenue de compte allégée, enregistrée dans un registre numéroté et visé par les services fiscaux compétents),  exemption du registre du Commerce ( une dispense de l’obligation d’inscription au Registre du Commerce), dispense des licences d’importation préalables (plus besoin de licences spécifiques avant d’importer),  droits de douane réduits (un droit de douane de seulement 5 %) et régime fiscal spécial (un cadre fiscal avantageux, aligné sur la législation actuelle).

Restrictions et obligations

Cependant, certaines restrictions s’appliquent. Sont exclus de l’importation simplifiée : les marchandises prohibées et les substances sensibles, les produits pharmaceutiques, les biens dont l’importation est soumise à des licences spéciales et les marchandises portant atteinte à la sécurité, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Par ailleurs, une obligation majeure pour l’importateur simplifié est de déclarer les marchandises envisagées via une plateforme numérique dédiée avant chaque opération d’importation. Cette plateforme, gérée par le ministère chargé des start-ups, sera interconnectée avec les administrations et organismes concernés, ainsi qu’avec les services douaniers.

Enfin, le décret stipule que les marchandises importées doivent impérativement être identifiées par des étiquettes appropriées et accompagnées de bons de livraison simplifiés. Ces étiquettes devront mentionner le nom, prénom et adresse de l’importateur simplifié, la désignation de la marchandise, ainsi que son pays d’origine et/ou de provenance. Les bons de livraison devront, quant à eux, préciser la quantité, le poids et/ou le volume de la marchandise, selon le cas.

Cette nouvelle mesure devrait dynamiser le petit commerce et offrir de nouvelles opportunités aux auto-entrepreneurs en Algérie, en simplifiant considérablement le processus d’importation de petites quantités de biens.

Samia Naït Iqbal

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Quand le classement scolaire devient un écran de fumée : une école en France en tête du BEM algérien ?

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Mohamed Seghir Saâdaoui,
Mohamed Seghir Saâdaoui n'aime pas Tizi-Ouzou

Une déclaration ministérielle peut, parfois, en dire long par ce qu’elle omet autant que par ce qu’elle proclame. Celle du ministre de l’Éducation nationale, Mohamed Seghir Saâdaoui, en est une parfaite illustration. Et sa saillie sur les résultats du BEM en dit long sur le racisme anti-Kabylie qui macère au sein de l’équipe à Tebboune.

En annonçant que « la première place en matière de taux de réussite au Brevet d’enseignement moyen ( BEM) de la  session 2025 revient à l’École Internationale Algérienne de France (EIAF)  avec un taux de 88,46 % », le ministre a livré une information pour le moins déroutante, en y glissant un classement qui interpelle.

En apparence anodine, cette déclaration marque un tournant dans la manière dont les résultats du BEM sont présentés au public algérien. Pour la première fois, une école algérienne située à l’étranger, dans un contexte social et pédagogique radicalement différent de celui des établissements du territoire national, se retrouve intégrée au classement des wilayas algériennes. Une décision surprenante, et surtout problématique, à plus d’un titre.

Une manœuvre symbolique ?

L’école algérienne de France, relevant du réseau des établissements algériens à l’étranger, est une entité à part, destinée principalement aux enfants de diplomates et de cadres expatriés, bénéficiant de conditions d’enseignement singulièrement favorables. Comparer ses performances à celles des lycées publics de wilayas confrontées à des difficultés structurelles — surcharge des classes, manque de moyens, inégalités régionales — relève d’un non-sens pédagogique et statistique.

La question se pose alors : pourquoi cette soudaine insertion dans le classement national ? Pourquoi faire figurer une école d’élite hors-sol au sommet d’un palmarès censé refléter l’état de l’école algérienne dans sa réalité la plus crue ? Cette hiérarchisation inhabituelle, voire artificielle, interroge sur les véritables intentions du ministre.

Tizi Ouzou, la wilaya qu’on évite de nommer

Cachez-moi cette wilaya que je ne saurais voir ! Mais le cœur du malaise est ailleurs. Car en creux, cette déclaration semble chercher à décaler les projecteurs. Depuis quinze ans, la wilaya de Tizi Ouzou trône en tête du classement national du BEM (et même du BAC)  avec des taux de réussite souvent au-dessus de 80 %. Cette constance remarquable, fruit d’un investissement communautaire dans l’éducation, d’une tradition de rigueur scolaire et d’un tissu familial mobilisé, aurait dû être saluée à sa juste valeur.

Or, au lieu de reconnaître ce leadership une nouvelle fois confirmé, le ministre choisit d’évoquer Tizi Ouzou comme occupant « la deuxième place », en la reléguant derrière une école… en France ! Et ce, sans même prendre le soin de mentionner explicitement son taux de réussite exact, préférant s’attarder sur le sort de la wilaya la moins performante, Bordj Bou Arréridj. L’attention se détourne, la symbolique change, le podium s’efface.

Une gêne politique ?

Décidément la Kabylie gêne au plus haut point les dirigeants du pays. Comment expliquer sinon ce triste comportement d’un haut commis d’Etat qui se pique de l’unité nationale ?

Ce déplacement du regard pose une question : le ministère est-il à ce point embarrassé par la domination récurrente de Tizi Ouzou aux examens scolaires ? Pourquoi cette réussite est-elle devenue, au fil des années, un fait qu’on contourne, qu’on atténue, qu’on relativise ? Doit-on y lire un malaise politique plus profond, où une excellence régionale dérange, voire irrite, en haut lieu ?

La manœuvre est d’autant plus maladroite qu’elle en dit long sur un pouvoir incapable de célébrer équitablement les réussites, surtout lorsqu’elles viennent de régions à forte identité culturelle et historique, comme la Kabylie. Elle révèle une tendance à diluer les performances régionales dans une vision centralisée, où les distinctions territoriales gênantes sont dissoutes dans des catégories floues.

De la reconnaissance au camouflage

Plutôt que de s’enorgueillir d’une telle vitalité éducative dans une wilaya qui fait face à de nombreux défis, le ministère semble préférer masquer, relativiser, contourner. Au lieu d’encourager la généralisation de ce modèle de réussite, on tente d’en affaiblir la portée symbolique. Ce qui aurait pu servir de levier national devient une gêne à gérer.

En intégrant artificiellement une école étrangère dans un classement national, le ministère brouille les pistes et sape sa propre crédibilité. La vérité éducative se doit d’être transparente et cohérente. Et quand le classement devient politique, c’est la confiance dans les institutions qui vacille.

Sofiane Ayache

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Triste découverte à Constantine : Marwa Bougachiche retrouvée sans vie

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Marwa Bougachiche
Marwa Bougachiche

Une tragique nouvelle a secoué la ville de Constantine : la petite Marwa Bougachiche, portée disparue depuis le 22 mai 2025, a été retrouvée décédée. Le procureur de la République près le tribunal de Constantine a publié un communiqué confirmant l’identification formelle de l’enfant.

L’affaire, qui tenait en haleine l’opinion publique algérienne, a pris un tournant macabre avec la découverte d’un corps non identifié dans la forêt de Djebel El Wahch. Suite à cette alerte, les services de la police judiciaire, de la police scientifique et un médecin légiste se sont immédiatement rendus sur les lieux. Des constatations et des prélèvements ont été effectués sur place.

L’enquête approfondie, incluant une analyse ADN des restes, a malheureusement confirmé l’identité de la victime. Il s’agit bien de Marwa Bougachiche, dont la disparition avait suscité une vive émotion et une mobilisation citoyenne.

Les autorités n’ont pas encore communiqué les détails entourant les circonstances du décès de la fillette. L’enquête se poursuit afin de faire toute la lumière sur cette affaire déchirante. Avec cette bouleversante découverte c’est toute une famille qui est déchirée. Comment en est-on arrivé à ce que des individus commettent d’aussi ignobles actes ?

Samia Naït Iqbal

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Le journaliste Mustapha Bendjama dénonce « l’injustice algérienne »

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Mustapha Bendjama
Le journaliste Mustapha Bendjama est la cible de la machine judiciaire.

Le journaliste Mustapha Bendjama continue de subir le harcèlement judiciaire. Il est toujours sous contrôle judiciaire arbitraire et sans fondement, comme il témoigne dans ce post qu’il a publié sur son compte.

La mascarade politico-judiciaire continue. Mon procès, prévu au tribunal de première instance d’Annaba, a été renvoyé. Pas d’une semaine. Pas de deux. Pas même de trois. Non : trois mois de plus.

Trois mois supplémentaires sous un contrôle judiciaire arbitraire, partiellement maintenu, sans fondement ni justification. Trois mois encore, privé de mes droits les plus élémentaires, parce qu’un haut gradé de la gendarmerie, incapable de lire correctement le français, aurait “lu entre les lignes” d’un de mes posts Facebook une prétendue incitation — à je ne sais quoi, adressée à je ne sais qui.

Des interprétations grotesques, des lectures si biaisées qu’elles feraient passer Molière pour un illettré.

Le 31 décembre 2024, lorsque j’ai été présenté devant le procureur de la République, il a lui-même reconnu que le dossier était vide.

Mais au lieu d’ordonner ma libération, comme l’exige toute justice digne de ce nom, il a simplement demandé aux gendarmes de… chercher autre chose. De forcer le déverrouillage de mon téléphone, dans l’espoir d’y trouver des éléments exploitables. Des charges à fabriquer. Des accusations sur mesure.

Après 48 heures de garde à vue supplémentaires, ils n’ont rien pu déverrouiller, et ils n’y arriveront plus jamais. Je n’utilise plus qu’un iPhone. (Je tiens d’ailleurs à profiter de cette occasion pour informer les agents et officiers en chargés de me suivre, de suivre mes mouvements et mes publications, qu’il est complètement inutile de tenter de déverrouiller mon téléphone car toutes les mesures de cybersécurité -que vous ignorez peut-être – ont été prises pour que je ne vivent plus la même situation de 2023).

Et pourtant, je me suis retrouvé de nouveau devant le procureur, avec le même dossier vide.

Mais il n’avait pas le choix. Il a dû me poursuivre. Parce que les instructions venaient d’en haut. Parce que l’objectif n’était pas de rendre justice, mais de me faire taire.

Alors on m’a relâché, oui. Mais avec une laisse autour du cou. Captif, toujours, dans cette parodie de justice. Avec interdiction de prise de parole public sur n’importe quel plateforme et n’importe quel moyen.

Tout ça pour quoi ? Pour justifier les abus, les erreurs, et l’irresponsabilité de certains responsables. C’est ironique. C’est écœurant.

C’est l’injustice algérienne dans ce qu’elle a de plus honteux et de plus brutal.

Mustapha Bendjama

Dans un autre post, publié dans le journaliste le journaliste informe qu'"un juge de première instance du tribunal d’Annaba vient de prolonger mon interdiction de sortie du territoire national (ISTN) de plus de trois mois et cela sans aucune raison légale apparente. Une ISTN appliquée depuis novembre 2019 et « légalisée » le 2 janvier 2025. Je pense que les procédures sont respectées… qu’en disent les avocats et les spécialistes ?"
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Algérie : Christophe Gleizes condamné à 7 ans de prison pour des « échanges » avec un membre du MAK

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Christophe Gleizes
Christophe Gleizes à Alger

Le tribunal criminel de Tizi-Ouzou a condamné, dimanche 29 juin, le journaliste français Christophe Gleizes à 7 années de prison ferme, assorties d’un mandat de dépôt immédiat. Il est accusé pour des échanges avec un membre du MAK.

La condamnation de ce journaliste français ne manquera pas d’aggraver les relations avec la France. Elle s’ajoute à l’affaire de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal (80 ans) dont le procès en appel n’a pas livré le verdict final puisque le parquet a requis contre lui la lourde peine de 10 ans de prison ferme. Ahurissant !

L’histoire de Christophe Gleizes est celle d’une journaliste au long cours qui apprécie sortir des sentiers battus. Il a toujours une idée, un reportage génial à faire. Il aime l’Afrique et le sport. Rien d’autre.

Spécialiste reconnu du football africain, collaborateur des magazines So Foot et Society, il était placé sous contrôle judiciaire depuis plus d’un an en Algérie. L’ONG Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision « incompréhensible » et réclame sa libération immédiate.

Arrêté le 28 mai 2024 à Tizi Ouzou, alors qu’il enquêtait sur l’histoire du club Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK), Christophe Gleizes était retenu sur le territoire algérien sous contrôle judiciaire depuis treize mois. Il a finalement été condamné pour « apologie du terrorisme » et « possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national », des accusations que l’intéressé et ses soutiens réfutent catégoriquement. Un appel a été annoncé pour ce lundi 30 juin.

Un journaliste venu couvrir l’histoire du football algérien

Christophe Gleizes, 36 ans, s’était rendu en Algérie avec l’intention de réaliser plusieurs reportages, notamment autour des commémorations liées à la mort du footballeur camerounais Albert Ebossé, décédé dix ans plus tôt à Tizi Ouzou. Il devait également rencontrer l’entraîneur du Mouloudia Club d’Alger, Patrice Beaumelle, et consacrer un portrait à l’ancien international Salah Djebaïli.

Ses proches soulignent que son activité journalistique est connue, documentée, et qu’elle ne revêt aucun caractère politique. En 2018, il avait coécrit Magique système, un ouvrage dénonçant les dérives dans le recrutement des footballeurs africains. « Christophe est un journaliste rigoureux, passionné par son sujet. Il ne mérite en aucun cas d’être traité comme un criminel », affirme sa famille dans un communiqué.

Des accusations controversées

Les chefs d’inculpation retenus contre Christophe Gleizes s’appuient principalement sur des échanges, remontant à 2015, 2017 et 2024, avec un responsable du club JSK par ailleurs engagé dans le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), classé organisation terroriste par les autorités algériennes en 2021. Décidément la paranoïa ne connaît aucune limite au sein des décideurs. Or, RSF rappelle que les deux premiers contacts ont eu lieu bien avant cette classification, tandis que celui de 2024 s’inscrivait dans le cadre de son travail de terrain sur l’histoire du football local.

Pour Thibaut Bruttin, directeur général de RSF, la justice algérienne « a manqué une occasion de montrer qu’elle pouvait se placer au-dessus des considérations politiques ». L’ONG appelle les autorités algériennes à annuler la condamnation et les autorités françaises à intervenir diplomatiquement pour obtenir sa libération.

Une décision aux implications diplomatiques

Cette affaire soulève des interrogations sur les relations bilatérales entre la France et l’Algérie, ainsi que sur la liberté de la presse dans un contexte national de plus en plus restrictif. Franck Annese, fondateur du groupe So Press, s’est déclaré « abasourdi » par la sévérité du jugement : « Le travail de Christophe ne peut être remis en cause. Il est urgent d’agir au plus haut niveau pour qu’il retrouve sa liberté. »

En attendant, Christophe Gleizes reste incarcéré, dans l’attente de la procédure d’appel. Son cas vient s’ajouter à une série de tensions persistantes autour de la liberté d’informer en Algérie. D’autant plus que l’affaire de l’incarcération du journaliste et de sa condamnation,  ce dimanche 29 juin, est restée inconnue de l’opinion publique jusqu’à ce que RSF en fasse écho particulièrement lorsque les sujets abordés touchent des questions sensibles liées à la mémoire, au territoire ou à la contestation politique.

Samia Naït Iqbal

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L’Algérie, l’affreuse nation !

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C’est ce que l’on pourrait penser. Il y a dans tout effort de pensée une interaction, une réciprocité nécessaire quand on veut plonger dans le bain de la critique un autre que soi. Cet effort doit être supporté et transformé en acte par l’émetteur de la critique, au moins lui.

L’affaire en question, le cœur brûlant du dossier, ne peut et ne pourra pas être regardé au fond des yeux sans penser un peu contre soi. C’est une chose de balancer à la volée des lignes rouges à l’autre, action bonne pour briller, mais qui vitrifie toute potentielle avancée. C’en est une autre que d’encourager toutes les parties à faire un morceau du chemin.

Changer d’avis, oui, c’est possible, mais c’est difficile.

Il était question, dans une précédente chronique qui traitait de notre connerie collective, d’écrivains libres.

Le terme « libres » était préféré à « engagés ». L’engagement porte en soi un potentiel de lâcheté que la liberté ne connait pas. On ne peut, de la liberté, ni déserter, ni faire par elle seule une force d’action.
L’engagement annonce la couleur, ose et prend le risque.

D’abord, la liberté.
Il paraît que le président de la République algérienne, M. Tebboune, pourrait libérer M. Sansal ce 5 juillet.

Il est libre de ne pas le faire. Il est libre aussi de montrer aux siens, et à tous que par un geste comme celui-ci il est à la fois homme d’État et homme capable d’engager avec lui l’histoire tout entière. Il procéderait à une remise à zéro de la réflexion autour de l’expression, de l’opinion, de l’avis étranger au sien et comble du comble, d’une nouvelle manière d’occuper son propre espace de liberté.

M. Tebboune, je préfère le croire que le craindre.

Si le symbole Sansal est rendu à sa liberté, c’est un pan énorme de la critique, de l’acceptation d’une forme de critique, qui reverdit.

Laissez-moi, s’il vous plait, le croire. Comment, je rêve ? Ne soyez pas rabat-joie.
Mr Sansal libre, M. Tebboune content, les Français étonnés, les Algériens avec la ceinture qui se desserre d’un trou, oui on peut rêver.
Mais de quoi de plus ?

Rêver de solliciter un visa et de l’obtenir, dans une humeur aussi bonne que la première fois.

Aller, Jimmy sous le bras, à la rencontre des lectrices et lecteurs, des libraires et de leur sens raffiné du débat, à Alger même.

Boire le thé et papoter avec les journalistes locaux de n’importe quel titre.
Me balader sur un boulevard et feuilleter n’importe quel site Internet sur mon téléphone.

Savoir que les exilés, plus ou moins volontaires, peuvent sans crainte revenir et mettre de la petite sauce piquante ailleurs que dans leurs papiers.
Oui, rêver ça, faire ça.

Il nous faut chercher une sortie à la confusion, aux arbitraires de toute nature.
En Algérie, certainement, et les Algériens n’ont besoin de personne pour le faire.
En France, aussi, où il ne manque pas non plus d’hommes et de femmes qui vous assurent la liberté de penser pour peu que vous pensiez la même chose qu’eux.
Et, Machin sait que leur pouvoir et leur influence vont grandissant.

Arrivés là, nous le changerons, notre avis, sur les Nations et les hommes. À condition seulement d’une justice solide et humaine, qui nous juge pour nos actes et laisse aux paroles le temps de trouver les bons mots.

Alors, action ?

Marcus Hönig

Chronique reprise avec l’accord de l’auteur ici

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Tizi-Ouzou : le journaliste Christophe Gleizes condamné à 7 ans de prison ferme

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Christophe Gleizes

Dans une déclaration rendue publique ce dimanche, Reporters sans frontières (RSF) dénonce la décision du tribunal de Tizi Ouzou qui vient de condamner le journaliste français spécialiste de football Christophe Gleizes à sept années de prison ferme avec mandat de dépôt.

Après avoir été arrêté puis retenu sous contrôle judiciaire depuis le 28 mai 2024, il est désormais injustement condamné et enfermé pour n’avoir fait que son travail. Il fera appel dès demain.

C’est un passionné de football. Tous ses articles et collaborations depuis plus de douze ans en témoignent. C’est cette passion qui le conduit en Algérie en mai 2024. Christophe Gleizes, journaliste sportif français indépendant, collaborateur des magazines So Foot et Society, spécialiste de football, retenu depuis plus d’un an en Algérie avec une interdiction de quitter le pays, vient d’être condamné à sept années de réclusion criminelle avec mandat de dépôt pour “apologie du terrorisme” et “possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national”. Un appel sera interjeté dès demain, lundi 30 juin.

Journaliste français indépendant, collaborateur des magazines So Foot et Society, Christophe Gleizes s’est rendu en Algérie en mai 2024 pour effectuer un reportage sur les heures de gloire, dans les années 1980, du club local, la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK). Il voulait à ce propos couvrir les commémorations de la mort du footballeur camerounais Albert Ebossé, décédé dix ans plus tôt. Il était également envoyé par So Foot pour interviewer l’entraîneur du Mouloudia Club d’Alger Patrice Beaumelle et faire un portrait du footballeur Salah Djebaïli. 

“Nous sommes sous le choc. Rien ne justifie que Christophe ait à endurer cette épreuve. Comment, en effet, justifier qu’un journaliste qui exerce honnêtement son métier soit ainsi puni ? Sa passion pour la vie des footballeurs africains qui s‘exprime dans tous ses écrits mérite-t-elle un tel traitement ? Sa famille qui connaît si bien son intégrité et son honnêteté professionnelle demande instamment à la justice algérienne de revoir ce jugement qui fait d’un journaliste un criminel.”

La famille de Christophe Gleizes

«Christophe Gleizes vivait un contrôle judiciaire absurde depuis plus d’un an. Sa condamnation a 7 ans de prison n’a aucun sens et ne démontre qu’un fait: rien n’échappe à la politique aujourd’hui et la justice algérienne a manqué une importante occasion de sortir par le haut dans cette affaire. Nous appelons les plus hautes autorités algériennes à la libération immédiate et inconditionnelle de Christophe Gleizes et les autorités françaises à rechercher dans les meilleurs délais une solution diplomatique et consulaire », rappelle Thibaut Bruttin, directeur général RSF

“Christophe Gleizes est un journaliste reconnu pour toujours travailler sans arrière-pensée politique, ses enquêtes et interviews le prouvent. Le travail de Christophe ne peut être remis en cause. Cette décision est totalement injuste. Il est important que tout soit mis en œuvre, y compris politiquement et diplomatiquement pour que la justice l’emporte et que Christophe puisse retrouver ses proches et sa rédaction”, déclare Franck Annese, fondateur de So Press

Auteur, avec son confrère Barthélémy Gaillard, du livre Magique système, l’esclavage moderne des footballeurs africains, publié en 2018, Christophe Gleizes s’intéresse en particulier à la vie des joueurs.

Sous contrôle judiciaire depuis plus d’un an en Algérie

Christophe Gleizes est arrêté le 28 mai à Tizi Ouzou, à une centaine de kilomètres à l’est de la capitale. Il est aussitôt déféré devant le procureur de la République et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire national algérien. Le professionnel de l’information, qui a fêté ses 36 ans à Alger début février, risquait jusqu’à dix ans de prison pour être entré dans le pays avec un visa touristique, pour “apologie du terrorisme” et “possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national”

Ces dernières accusations, sans fondement et totalement réfutées, sont dues au fait que le journaliste avait eu des contacts, en 2015 et 2017, avec le responsable du club de football de Tizi Ouzou par ailleurs responsable du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), classé organisation terroriste par les autorités algériennes en 2021. Or les deux premiers échanges avec Christophe Gleizes ont eu lieu, bien avant cette catégorisation par les autorités algériennes. Le seul échange survenu en 2024 visait à la préparation de son reportage sur le club de football, la JSK, ce dont Christophe Gleizes ne s’est jamais caché et ce que démontrent les éléments de l’enquête repris dans l’ordonnance de renvoi prise par la chambre d’accusation le 9 décembre 2024. 

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Mustapha Benfodil : « K’tab », le cri vibrant d’un livre face à l’oubli

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Terminus Babel

Dans Terminus Babel, Mustapha Benfodil fait surgir K’tab, un livre condamné au pilon, dont la voix résonne comme un manifeste pour la littérature et la mémoire. À travers une langue hybride, mêlant francalgérien, poésie et subversion, cet écrivain et journaliste algérien explore les violences faites aux livres, du capitalisme éditorial aux autodafés, tout en célébrant la sensualité de la lecture et la vitalité d’une écriture décoloniale.

Dans cet entretien exclusif pour Le Matin d’Algérie, l’écrivain Mustapha Benfodil nous ouvre les portes de son atelier créatif, entre Marseille et Alger, et livre une réflexion profonde sur le rôle de la littérature comme espace de résistance et de communauté. Un dialogue captivant qui révèle la force babélienne d’un roman où les livres, même menacés, refusent de se taire.

Le Matin d’Algérie : Le livre est-il un personnage ? Vous donnez la parole à un livre condamné au pilon. D’où vous est venue cette idée de faire parler un « ktab » ? Une sorte de monologue posthume ?

Mustapha Benfodil : Comme je l’explique dans les remerciements, à la toute fin du roman, Terminus Babel est le fruit d’une résidence de création un peu particulière.

J’ai été invité à effectuer un long séjour à Marseille dans le cadre de l’évènement « Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la Culture ». C’était en 2012. J’avais été invité à travailler sur le thème du « pilon ».

La proposition émanait de la bibliothèque d’Aix-Marseille Université qui m’a offert de créer une œuvre à partir de ce matériau particulier appelé « pilon », c’est-à-dire la masse d’ouvrages retirés de la bibliothèque et destinés à être détruits pour récupérer du papier. J’ai passé ainsi plusieurs mois en compagnie de ces livres mis au rebut et stockés dans une réserve spéciale appelée « le Magasin aveugle » en attendant leur transfert vers le pilon proprement dit.

Le premier jour où j’ai mis les pieds dans cet entrepôt, dès que la porte s’est ouverte, j’avais l’impression que ces livres condamnés me faisaient des signes et qu’ils me suppliaient de les sauver. Instantanément, j’ai décidé que le narrateur et les personnages principaux de mon roman seraient des livres. C’est comme ça qu’est né le personnage de « K’tab ». J’ai opté pour ce nom vernaculaire typiquement algérien pour deux raisons : d’abord parce que depuis mon premier roman, Zarta, paru chez Barzakh en 2000 (le mot « Zarta » étant une algérianisation du verbe « déserter »), j’écris dans ce français-là qu’on appelle « francalgérien » ; un français mélangé allègrement à de l’arabe, à la fois de l’arabe fos’ha, c’est-à-dire littéraire, et de l’arabe darja. Certains parlent de français « créolisé ».

Je préfère « français décolonial ». L’autre raison qui m’a poussé à opter pour cette onomastique, c’est pour donner une épaisseur dramatique au personnage à travers son nom déjà, en mettant à distance le référent. Si je l’appelle « Livre », ça n’a pas le même impact sonore. C’est mou. L’illusion anthropomorphique perd en intensité. Tandis que « K’tab », ça claque mieux.

Le Matin d’Algérie : Une autobiographie du texte ? On a l’impression que Terminus Babel raconte aussi l’histoire de l’écriture elle-même. Est-ce une métaphore de votre propre parcours d’auteur ?

Mustapha Benfodil : Il y a beaucoup de cela en effet dans ce roman. La mise en abyme en constitue d’ailleurs un ressort central. Pour être précis, disons que Terminus Babel est un roman à plusieurs strates. Et la strate autobiographique est totalement présente, avec une petite touche également autofictionnelle. Il ne pouvait en être autrement dans la mesure où K’tab, se sachant condamné, veut laisser une trace et raconter le chemin qui a présidé à sa création. Dès lors, son récit va donner lieu à une sorte de métahistoire ou de « métaroman » dont la matière, ce ne sera plus le contenu romanesque de K’tab en tant que médium et contenant d’une œuvre de fiction (où il est question d’un couple algérois post-guerre-civile ; ceux qui connaissent un peu mon travail y reconnaîtront la trame de mon roman précédent, Body Writing) mais l’histoire de sa fabrication, son « Making of » littéraire. D’ailleurs, dans la structure de Terminus Babel, vous remarquerez une « rubrique » sous le terme générique « Making Of » qui est constituée de notes prises par l’auteur en train de composer son œuvre.

Au-delà de ces notes « techniques » et ces secrets d’apothicaire, il y a un « making of » qui dépasse le travail artisanal sur le texte, stricto sensu. Dans son récit, K’tab va déballer par bribes la vie de son auteur qu’il désigne simplement par sa fonction, l’Écrivain. Il répète : « L’Écrivain m’écrit et moi j’écris l’Écrivain ». Il dévoile des aspects de sa biographie qui éclairent tel ou tel choix narratif, nous parle de ses obsessions, de ses angoisses, de ses marottes de jeunesse, de ses petites manies, ses névroses, et, aussi, de ses rituels d’écriture.

On va donc entrer par ce biais dans la petite cuisine intérieure de l’auteur qui ressemble sensiblement à la mienne. D’où le côté effectivement autobiographique. Ce sont des pièces éparses où il est question, tantôt, de souvenirs personnels, de choses intimes, et tantôt, de dates et d’évènements qui traversent la mémoire collective. C’est pour signifier que mon travail d’écriture est sans cesse traversé par cette tension entre l’intime et le collectif, entre l’écriture la plus personnelle qui soit et un travail, disons, documentaire. À ce propos, il convient de souligner un point important : certes, la dimension autobiographique et intimiste occupe une place centrale dans le roman, et, plus généralement, dans tout mon travail. Mais je ne voulais pas m’enfermer dans un récit mégalo-nombriliste et narcissique. Le roman transcende l’ego d’un auteur en particulier pour dire en quoi et comment l’écriture fait communauté, fait société, comment elle se laisse secouer par les vibrations du corps social et les bruissements du monde. C’est donc ce « making of social » de l’écriture et la fabrique du littéraire en tant que texte social qui est au cœur de ce roman, en définitive.

Le Matin d’Algérie : La mort du livre imprimé : constat ou provocation ? Le roman évoque la fin du livre papier, les autodafés, la dématérialisation… Est-ce un cri d’alarme ou une façon poétique d’enregistrer une transformation inéluctable ?

Mustapha Benfodil : Terminus Babel reste avant tout un roman. Certains l’ont décrit comme un « roman-essai ». Cette appréciation est assez juste, mais le romanesque l’emporte tout de même. Ce travail n’a pas pour ambition de dresser un tableau exhaustif de l’évolution du livre, de Gutenberg à Zuckerberg. Cela dit, les thèmes abordés en filigrane à travers l’histoire de K’tab et le destin de ces personnages de papier touchent peu ou prou à ces questions cruciales que vous mentionnez. J’ai essayé d’évoquer les violences faites au livre, à la culture, par le biais de ce symbole puissant qu’est le pilon.

Je le traite à la fois pour ce qu’il est, c’est-à-dire un instrument de « régulation » du monde de l’édition en disant en creux toute la violence du marché du livre et du « capitalisme éditorial », je parle spécifiquement des grands groupes et leurs stratégies commerciales qui traitent le livre comme n’importe quel produit en le dépossédant de son statut d’objet culturel à forte valeur symbolique ajoutée. Mais par-delà ces violences invisibles que sont les violences du capitalisme, les violences du marché, l’histoire du livre est jalonnée de violences plus directes. C’est ce que j’appelle le « pilon politique ».

Le pilon politique, c’est la destruction des livres non pas pour des raisons économiques, pour libérer de la place dans les bibliothèques et récupérer du papier, ou pour « punir » les opus qui se vendent mal ou ne se vendent pas du tout, mais en raison de ce qu’ils racontent et de ce qu’ils représentent. Pour leur clouer le bec. Et ça va nous donner les autodafés fascistes et autres « Bûcher des Vanités ».

Cette hantise à vouloir faire taire les voix discordantes, à vouloir éliminer les récits concurrents, a poussé des empires mégalomaniaques à détruire des bibliothèques entières, pas seulement des livres, comme cela est arrivé aux bibliothèques d’Alexandrie et de Bagdad, et, plus près de nous, celle de la Fac centrale, à Alger, plastiquée par l’OAS le 7 juin 1962, tuant plus de 300 000 ouvrages. Et dans cette chronique de « biliocaustes » selon le mot de Fernando Baez, ces violences sont passées de la destruction des œuvres en papier à la liquidation physique des écrivains. C’est le propos du chapitre intitulé « Une balle dans la narration ».

Il y est question d’un atelier « oulipien » (en référence à l’OULIPO) animé par un personnage désigné sous le nom de l’Artiste, et à cet atelier va participer une étudiante en Arts du spectacle qui s’appelle Aïda. Il se trouve qu’Aïda est la « meilleure lectrice » de K’tab. Celle qui l’a le plus ardemment célébré. Dans cet atelier où les participants écrivent en écho au pilon de la bibliothèque, Aïda va écrire un texte intitulé « Une balle dans la narration » en hommage à son oncle, un écrivain assassiné à Alger dans les années 1990.

Quant à la dématérialisation, cela soulève une autre question fondamentale : qu’est-ce que l’essence d’un livre finalement ? K’tab est persuadé que les essences, les âmes de tous les livres, sont dans « La Bibliothèque de Babel » imaginée par Borges, même ceux dont on a pensé s’être débarrassé pour de bon après les avoir brûlés. Et c’est à ce happy end utopique que réfère l’énigme du titre, Terminus Babel, pour dire qu’on ne se débarrasse jamais totalement d’un livre. D’une pensée.

Le Matin d’Algérie : Une langue hybride, vivante, parfois explosive : un choix politique ? L’écriture mêle graffiti, érudition, lyrisme, argot… Comment avez-vous conçu cette polyphonie stylistique ?

Mustapha Benfodil : Je ne vous apprends rien cher Djamal, vous qui êtes un fin connaisseur de l’histoire de la littérature et de ses courants esthétiques. Il se trouve que je m’inscris dans la modernité littéraire et très exactement dans les écritures contemporaines. Et ces techniques que vous citez, ces choix stylistiques et narratifs, comptent parmi les spécificités formelles justement qui caractérisent ce courant littéraire.

Il me plaît parfois de préciser quand on me demande « où situer ton écriture » que je m’inscrivais dans ce que j’appellerais « Pop’ Littérature », – et la formule est d’ailleurs citée en toutes lettres dans mon roman Archéologie du chaos [amoureux]. « Pop’ Littérature » est un détournement de la notion de « Pop’ Philosophie » de Deleuze.

Et comme nombre de chercheurs me classent dans ce qu’ils appellent « l’extrême contemporain », j’ai trouvé que cela me convenait aussi, même si « contemporain » seul me suffit tant je me méfie des extrêmes. Et donc pour vous répondre, la polyphonie, l’écriture fragmentaire, l’hybridation générique et les changements de registre stylistique et idiomatiques, le travail sur le visuel par l’incorporation de dessins et d’images, le travail graphique et typographique, les ratures, les collages, la narration en puzzle, le monologue intérieur, tout cet attelage de techniques fait partie de ma palette d’auteur.

C’est la « boîte à outils » de l’écrivain en bricoleur de langage. Je me revendique de l’écriture expérimentale, et à ce titre, la recherche formelle compte autant pour moi, sinon davantage, que l’invention d’une histoire. Cette démarche participe d’une poétique qui est référencée, bien ancrée et parfaitement documentée au niveau de la théorie littéraire et des études en narratologie. Depuis le début du 20e siècle, avec Joyce, avec Proust, avec Faulkner, avec les Surréalistes, puis le Nouveau Roman, l’OuLiPo, le réalisme magique en Amérique latine, et d’autres courants d’écriture, l’esthétique littéraire a beaucoup évolué, travaillée par différentes avant-gardes qui ont élargi le champ des possibles et explosé les cadres discursifs classiques, que ce soit dans la poésie, le roman ou le théâtre. Il y a eu une véritable révolution copernicienne comme ça dans la façon de fabriquer du littéraire, et moi je ne fais que puiser dans ce fonds d’innovations, avec quelques variations.

Je ne peux pas me contenter de raconter une histoire, avec une trame, une mise en situation et des personnages dont on suivra l’évolution actancielle et les péripéties qui se noueront autour d’une intrigue. Certes, ce schéma est et restera pour longtemps le paradigme narratif dominant. Mais moi je ne peux pas réduire une œuvre littéraire uniquement à l’histoire qu’elle raconte s’il s’agit d’une œuvre diégétique. J’éprouve le besoin de travailler sur d’autres strates et notamment le langage et la manière dont la trame narrative se combine avec d’autres niveaux d’écriture. Dans mon esprit, je n’écris pas, je « construis ». L’écriture pour moi est un jeu de construction. La mise en scène du texte participe d’une mise en signe. Ce qu’on appelle « roman » est un objet sémiotique complexe mobilisant des matériaux divers, à la fois narratifs, plastiques, graphiques, sonores, qui sont autant de pièces d’un puzzle que le lecteur est invité à agencer à sa manière de façon à faire son propre montage, et construire son propre « k’tab », in fine, son propre livre.

Le Matin d’Algérie : Des figures littéraires en éclats. Votre livre convoque des figures comme Joseph K., Stephen Dedalus, ou Kant. Quel dialogue vouliez-vous établir avec ces références ?

Mustapha Benfodil : Il y a en effet un passage dans Terminus Babel où il est question d’une scène onirique où à un moment donné, K’tab évoque des personnages qui vont s’évader du « Magasin aveugle », la réserve secrète où sont gardés les livres condamnés au pilon.

Parmi ces personnages de fiction, Joseph K, le héros du Procès de Kafka ; Stephen Dedalus, le personnage d’Ulysse de Joyce ou encore Lady Macbeth de Shakespeare, Raskolnikov de Dostoïevski et autre Madame Bovary de Flaubert. Cette séquence illustre la dimension ludique du roman, et la part de l’imagination qu’autorise une fable aussi fantasque. Dans cette scène, je me suis amusé à imaginer les personnages des romans et des pièces de théâtre enfermés dans cet entrepôt obscur surgir de leur carcan de papier, s’évader du Magasin aveugle et envahir la ville.

Au-delà de cet aspect ludique qui est au cœur de ma démarche littéraire, c’est une façon de suggérer que ces personnages éternels de la littérature universelle, auxquels on pourrait ajouter Antigone, Hamlet, Don Quichotte, Shéhérazade ou encore la fascinante Nedjma de Kateb Yacine, sont devenus des personnages de légende nimbés d’une aura écrasante. Et quand on se lance dans ce métier, il y a leur ombre tutélaire et celle de leurs créateurs surtout, qui nous scrute, et l’on se dit : Qu’est-ce qu’on peut encore écrire après ce panthéon ? Après Lautréamont, après Mohammed Dib, après Marguerite Duras et après Aimé Césaire ?

En 2016, j’ai monté une installation au Carreau du Temple, à Paris, à l’invitation de mon amie Sandrina Martins, en marge de l’Euro qui se jouait en France. Cette installation s’intitulait « FC Kafka».

L’installation avait la forme d’une parodie de match de football où les joueurs étaient représentés par des mannequins. Eh bien, ce match opposait mes personnages de fiction, tirés de mes romans et de mes pièces de théâtre, aux grands personnages justement de la littérature universelle. Il y avait une bande son où un comédien lisait en boucle des billets de textes mis dans la bouchedes personnages. Une réponse possible à la question : Que dire après Eschyle, après Al Moutanabbi, après Balzac, après Naguib Mahfoud ou Fernando Pessoa ? est que, même en étant marginale, une écriture trouvera toujours une oreille qui saura l’entendre.

Chaque jour, chaque nation, chaque société, chaque groupe social, chaque communauté, appellent de nouveaux récits, qui conteront leurs gloires, leurs défaites, leurs tragédies et leurs épopées.

Le Matin d’Algérie : De Marseille à Alger : un axe littéraire ? Le roman naît à Marseille avant de s’enraciner à Alger. Que représentent ces deux villes dans votre imaginaire ?

Mustapha Benfodil : Oui, Marseille, c’est la ville où ce projet est né. J’ai été pendant six mois en résidence avec ma petite famille, et ce séjour m’a permis de mieux connaître Marseille. Avant cela, j’ai participé à deux éditions des Rencontres à l’Échelle à la Friche La Belle de Mai. J’ai également pris part à deux reprises au festival Actoral qui se tient également à Marseille. J’ai été par ailleurs invité aux Rencontres d’Averroès, un autre évènement culturel phare marseillais dédié à la pensée méditerranéenne contemporaine. Mon lien avec Marseille s’est également renforcé par le biais d’une excellente maison d’édition, Al Dante, de mon ami Laurent Cauwet, qui publie de la poésie.

Ses bureaux étaient installés à La Plaine. Al Dante a édité deux de mes livres. Elle a été reprise par la suite par Les Presses du Réel. L’année dernière, j’ai eu le plaisir d’être publié dans une autre maison marseillaise : les très belles éditions Le Port a Jauni qui éditent de la poésie et de la littérature jeunesse.

Ainsi, à la faveur de ces initiatives et des temps de résilience que j’ai passés dans la Cité phocéenne, un lien affectif s’est tissé avec Marseille. Elle reste la ville française où j’ai le plus de souvenirs. Quant à Alger, c’est mon port d’attache perpétuel. La ville du ravissement permanent que je ne me lasse pas d’arpenter, en m’émerveillant toujours de sa mer, de sa baie, de son architecture, de ses rituels urbains et de sa langue truculente. Alger, c’est mon laboratoire d’écriture.

Le Matin d’Algérie : Aïda, les lectrices, la fierté de la lecture : pourquoi ce choix ? Le roman évoque l’intimité de la lecture, les frissons, les soupirs… Est-ce une manière dont vous cherchez à rappeler que lire est une expérience sensuelle, presque charnelle ?

Mustapha Benfodil : Exactement ! Dans cette épopée du livre, je ne pouvais pas ignorer le rôle du lecteur. Mais je voulais quelque chose d’incarné, alors j’ai créé Aïda, une lectrice qui s’éprend de K’tab et développe avec lui une relation quasi-fusionnelle. Par une ironie absurde, voire tragique-comique, c’est Aïda, celle qui défend K’tab avec passion, qui le recommande à ses amis et en fait l’éloge lors d’une lecture publique, qui cause sa condamnation au pilon en renversant par mégarde du café et du jus de pamplemousse sur lui. C’est une manière de suggérer que le lecteur a un pouvoir de vie ou de mort sur les livres. La survie de nos œuvres dépend de vous, lecteurs et lectrices. Cette relation passionnée n’est pas fictive. Je rencontre quotidiennement des lecteurs fervents qui proclament leur amour pour un livre, comme s’il s’agissait d’une connexion charnelle avec cet être de papier.

À une époque où l’on prédit la mort du livre face à TikTok et autres, il est essentiel de rappeler qu’une communauté de bibliophiles passionnés existe encore. Ce clin d’œil est un hommage sincère et une expression de ma gratitude. 

Comme je le dis souvent, et je le répète ici : on écrit dans l’obscurité, et les lecteurs sont la lumière au bout du tunnel de l’écriture.

Photos crédits Nadjib Benatia, photographe de l’Institut français d’Oran. 

Le Matin d’Algérie : Le roman comme cimetière ou comme ruine vivante ? Vous parlez de fouilles, de fragments, d’archéologie. Le roman est-il une tentative de sauver ce qui peut encore l’être ?

Mustapha Benfodil : Ce roman n’a pas pour vocation de dresser un état des lieux sur l’industrie du livre, de proposer ou d’anticiper quoi que ce soit quant au devenir du livre ou la façon dont il doit être traité. Cela reste une fable. Ce n’est pas un plaidoyer ni un pamphlet. À travers cette histoire, mon propos était simplement de faire naître chez le lecteur une émotion, des sentiments pour cet objet appelé livre. De lui offrir une expérience sensorielle et sensitive sur les coulisses de la création littéraire à travers un bouquin et de son auteur, dans une ville qui s’appelle Alger.

C’est cette traversée sensible de l’aventure de l’écriture qu’il m’intéressait le plus de montrer et de mettre en scène. J’ai voulu aussi suggérer que cet objet appelé livre n’est pas un produit de consommation comme les autres, même s’il a un prix, qu’il est susceptible de terminer dans une déchèterie et être broyé pour être recyclé en papier toilette. Pour le reste, je dirais simplement et sans fanatisme aucun que le livre reste le symbole le plus emblématique et le plus puissant d’une culture.

Ce n’est certes pas l’emblème exclusif. Il y a la musique, il y a l’architecture, il y a la gastronomie… Mais il reste un symbole fort. D’où la nécessité de préserver (de sauver ?) cet écosystème du livre qui, de mon point de vue, est en train de dépérir en Algérie.

Le Matin d’Algérie : Un roman funèbre ou une ultime célébration ? Même s’il est question de fin, le texte déborde d’énergie, d’invention, de clins d’œil. Est-ce votre manière de dire que la littérature ne meurt jamais vraiment ?

Mustapha Benfodil: Absolument ! Et c’est cette énergie, cette inventivité, précisément, qui permettent de maintenir en vie la littérature, autrement, elle va s’atrophier. Cette manière de composer mes romans en adoptant cette construction en fragments, en accordant une attention soutenue à la dimension visuelle et graphique, c’est pour donner plus de relief à la texture qui est la porte du texte. Cela permet de multiplier les portes d’entrée vers l’œuvre, quitte à en brouiller la compréhension et bousculer la linéarité du récit. J’aime bien changer les modes narratifs, comme dans le chaâbi. J’aime mélanger les registres de langue, les styles de composition, la typo, les paysages sociaux défilant au fil des pages…

Pour moi, un roman, c’est d’abord un objet visuel. Plastique. Ça doit intriguer, dérouter, déstabiliser de prime abord le lecteur, attirer et attiser la curiosité de celui qui le feuillette.

Il peut ne pas être accroché par l’histoire qui lui est racontée ou ne pas avoir la patience de la suivre jusqu’au bout et néanmoins repartir avec un poème ou un aphorisme dans la bouche. Une certaine imagerie qui colle encore à la littérature voudrait la réduire à une espèce de langue morte, comme le latin ; un art poussiéreux, réservé à un petit cénacle de binoclards et de boomers old-school. En vérité, il n’y a pas plus vivant que la littérature. Parce que la littérature, c’est la langue de la vie. C’est une trace palpitante du monde dans ses moindres frémissements. C’est un art d’une étonnante vitalité et d’une extraordinaire diversité. Et c’est en cela qu’elle est « babélienne ». La littérature, c’est une Tour de Babel en transe qui brasse tous les imaginaires. Même à l’ère d’Internet, du brouhaha et de la frénésie des réseaux sociaux, elle tient bon. Je dirais même que ces alcôves numériques hallucinées, loin de tuer la lecture, en attisent le désir. Les réseaux sociaux ont permis de décupler la circulation des œuvres littéraires et ont donné de la visibilité à des auteurs et à des bouquins qui ne trouvent pas leur place dans le paysage traditionnel.

On voit des groupes de lecture virtuels se former, des critiques aux conseils prescripteurs émerger sur Facebook, sur Instagram et sur TikTok en empruntant les codes des influenceurs ; des passionnés qui partagent leurs retours de lecture, ou, tout simplement, des Internautes qui publient des extraits de livres qu’ils ont aimés, des passages qui les ont marqués. Cela montre bien que la littérature parvient toujours à s’adapter et à se réinventer, comme elle l’a fait après l’apparition de la télévision.

Le Matin d’Algérie : Et si Terminus Babel était lu demain par une IA ? Dans un monde où les machines lisent et écrivent, que resterait-il de la voix humaine de ce «K’tab » ?

Mustapha Benfodil : Ce n’est pas un scénario dystopique : on y est déjà. Personnellement, j’ai toujours été fasciné par l’expérimentation formelle, et l’IA ne m’effraie pas. Je me vois bien livrer une partie de jeu d’échecs littéraire avec elle. Je suis convaincu que ces outils vont ouvrir des horizons nouveaux, à condition d’avoir l’humilité d’apprendre. Je serais curieux de voir comment l’IA réécrirait Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Je ne sais pas si le rendu procurerait autant d’émerveillement et d’émotion que l’original. Tiens ! Je vais essayer l’expérience avec ChatGPT…

Le Matin d’Algérie : Quel rôle donnez-vous à la littérature aujourd’hui en Algérie ? Est-elle encore un espace de résistance, de mémoire, de subversion ? Ou bien glisse-t-elle vers un rôle plus marginal ?

Mustapha Benfodil : Au point de vue de la créativité, je pense que l’Algérie reste une terre prodigieusement fertile pour la littérature. Nous avons une forte tradition littéraire et cette vigueur est encore féconde à en juger par la vitalité dont continue de faire preuve la scène littéraire. Je fais surtout allusion à l’aspect qualitatif. Je ne peux pas commenter sur l’aspect quantitatif, je n’ai pas les chiffres. Mais sur le plan de la forme, il y a énormément de qualité dans ce que je lis. Parmi les derniers romans que j’ai eu plaisir à lire, Aménorrhée de Sarah Haïdar, paru chez Barzakh. C’est une bombe ! C’est un roman dystopique au souffle incandescent sur le destin d’une gynécologue traquée par la police parce qu’elle pratique des avortements militants.

D’autres romans parus récemment m’ont beaucoup impressionné, certains pour leur esthétique, d’autres pour leur originalité thématique : Houaria de Inaâm Bayoud, Amin, une fiction algérienne de Samir Toumi, Sîn, la lune en miettes d’Abdelaziz Otmani, Taxis d’Aïmen Laïhem, La Fin du Sahara de Saïd Khatibi ou encore Rassa Morra d’Annia Mezaguer sur le harcèlement au travail. Un thème nouveau. Là où je serais moins enthousiaste, c’est sur l’état de l’industrie et des moyens de production et de diffusion.

La chaîne du livre en Algérie a été durement touchée par la crise du Covid. Les éditeurs ont souffert des conséquences de la pandémie et de la flambée des coûts des intrants, notamment le papier. De nombreuses librairies ont fermé. À cela s’ajoute la pression politique pesant sur les auteurs, les éditeurs, les organisateurs de salons du livre régionaux et les cafés littéraires. Un climat suffocant s’installe.

Le Matin d’Algérie : Un mot pour les jeunes lecteurs qui tomberont un jour sur Terminus Babel dans une cave ou une brocante ? Que voulez-vous leur dire, si c’était la dernière fois que vous pouviez leur parler avec ce livre ?

Mustapha Benfodil : Je leur dirais simplement : « SOYEZ LIVRES ! » Merci.

Entretien réalisé par Djamal Guettala

Photos crédits  Nadjib Benatia, photographe de l’Institut français d’Oran. 

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Mohamed Boudia : le cœur à l’extrême gauche, 52 ans après son assassinat

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Mohamed Boudia assassiné par le Mossad à Paris.
Mohamed Boudia assassiné par le Mossad à Paris.

Parfois appelé « l’homme aux cent visages », Mohamed Boudia a probablement eu autant de vies. Enfant d’Alger, homme de théâtre, journaliste, prisonnier, militant pour l’indépendance algérienne et pour la cause palestinienne…

Sa trajectoire fulgurante, profondément enracinée dans les luttes révolutionnaires du XXe siècle, continue de résonner. Le 28 juin 1973, il est assassiné à Paris par le Mossad, avec la complicité de services français. Cinquante-deux ans plus tard, deux livres essentiels lui redonnent parole et densité : l’un en français, Œuvres (Éditions Premiers Matins de Novembre), l’autre en arabe, le roman قلب في أقصى اليسار (Un cœur à l’extrême gauche) de Salim Abadou (Éditions El Amir, Marseille, 2023).

Un homme, mille combats

Né le 24 février 1932 dans la Casbah d’Alger, Mohamed Boudia connaît très jeune la prison, arrêté alors qu’il est apprenti tailleur. Il y rencontre l’injustice, et croise, par le biais d’un bureau social, le théâtre. Dès lors, art et révolte ne feront plus qu’un. Il intègre le Centre régional d’art dramatique d’Alger, puis part à Dijon pour son service militaire. La révolution du 1er Novembre 1954 éclate. Il rejoint Paris et la Fédération de France du FLN, où il devient une figure stratégique. Il participe notamment à l’opération Mourepiane (Marseille, août 1958), avant d’être arrêté, jugé par le tribunal militaire, et incarcéré à la prison des Baumettes à Marseille, puis à Fresnes.

C’est dans ces murs qu’il révèle pleinement son génie créatif et sa détermination. Il monte Le Malade imaginaire de Molière en derdja devant 1 000 détenus, rédige Naissances et L’Olivier, fonde une troupe théâtrale derrière les barreaux. Il est transféré à Angers, s’en évade en 1961 grâce au réseau Curiel, et rejoint l’équipe théâtrale du FLN à Tunis. En 1962, il est nommé à la tête du Théâtre national Algérien (TNA), puis cofonde les journaux Novembre et Alger ce soir.

Dès 1965, il s’exile en France et rejoint le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), devenant un cadre actif de la résistance palestinienne en Europe.

Le 28 juin 1973, une bombe placée sous sa voiture par le Mossad le tue à Paris. Son nom sera même cité dans le film Munich de Steven Spielberg, éveillant bien des curiosités sur « l’Algérien Mohamed Boudia ».

Deux livres pour une mémoire rebelle

1. Mohamed Boudia – Œuvres (1962-1973)

Éditions Premiers Matins de Novembre, 2024

Préfaces de Nils Anderson, Djilali Bencheikh, Jean-Marie Boëglin, Rachid Boudia

Cette publication majeure rassemble pour la première fois ses textes politiques, pièces de théâtre, poèmes et nouvelles. Pensé comme une biographie politique par ses écrits, ce volume donne accès à une pensée stratégique, poétique et combattante. L’homme qui écrivait dans la clandestinité, qui portait la révolution à la scène, réapparaît dans toute sa complexité.

On y retrouve le militant de la Fédération de France du FLN, le fondateur de la revue Novembre, le dramaturge de la prison, l’agent de la cause palestinienne, l’intellectuel internationaliste. Ce corpus lève un silence durable autour d’une œuvre immense, marquée par la guerre de libération, la lutte contre l’impérialisme, mais aussi une langue vivante, populaire, enracinée.

2. قلب في أقصى اليسار (Un cœur à l’extrême gauche) de Salim Abadou Éditions El Amir, Marseille, 2023

Ce roman de Salim Abadou est une merveille de littérature et de mémoire. Il ressuscite la voix de Boudia à travers une fresque romanesque vibrante, mêlant récit, dialogues et fragments de pensée. On y découvre des épisodes méconnus, comme son passage à la prison des Baumettes, où il fonde une troupe théâtrale. L’écriture d’Abadou, fluide et cinématographique, mériterait une adaptation pour le grand écran.

La force du livre réside dans sa capacité à mêler les histoires croisées de la gauche révolutionnaire, de l’Algérie à la Palestine, en passant par l’Europe et l’Amérique latine. L’auteur tisse des liens entre Boudia, Che Guevara, Georges Habache, les Black Panthers, Carlos, et même des intellectuels juifs anticolonialistes. C’est un roman politique, mais aussi un hommage vibrant à l’universel des luttes. Le cœur à l’extrême gauche y bat encore.

Un héritage plus vivant que jamais

Grâce à ces deux livres, Mohamed Boudia n’est plus seulement une silhouette dans un générique de film ou une figure d’archives : il redevient un homme en lutte, un esprit libre, un écrivain de la dignité. Il redevient celui qui disait :

« L’indépendance ne peut se limiter au drapeau ; elle doit toucher les esprits, les corps, les imaginaires. »

Sa vision du théâtre comme outil d’éducation populaire, son refus des impérialismes, sa volonté d’unir les peuples opprimés : tout cela demeure brûlant d’actualité.

Le 20 novembre dernier, une soirée d’hommage lui était consacrée au Centre culturel algérien de Paris. Riche en émotions, lectures et témoignages, elle a rappelé à tous que la mémoire de Boudia n’est pas un mausolée figé. Elle est un souffle.

Lire Mohamed Boudia, c’est résister

Mohamed Boudia incarne cette rare cohérence entre l’artiste et le révolutionnaire. Il faut le lire. L’écouter. Le monter sur scène. Lui rendre la place qu’il mérite dans nos récits nationaux et panafricains, dans nos bibliothèques, sur nos écrans, dans nos consciences.

Lire Boudia, c’est faire vivre un théâtre de combat. Lire Boudia, c’est résister à l’effacement. Lire Boudia, c’est ouvrir les yeux et garder le cœur… à l’extrême gauche.

Djamal Guettala

À lire absolument :

Mohamed Boudia – Œuvres (1962–1973)

Éditions Premiers Matins de Novembre, 2024

قلب في أقصى اليسار (Un cœur à l’extrême gauche) de Salim Abadou

Éditions El Amir, Marseille, 2023 

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France : pourquoi le RN menace-t-il toujours de censure le gouvernement ?

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Marine Le Pen
Marine Le Pen, la cheffe du parti d'extrême droite RN.

Malgré les obstacles majeurs rencontrés par le Rassemblement National (RN, extrême droite française) depuis la condamnation de Marine Le Pen, le parti s’efforce de maintenir sa présence sur la scène politique en se positionnant comme le principal opposant au gouvernement.

Bien que le RN semble prêt à accorder un répit à François Bayrou cet été en s’abstenant de voter une motion de censure, il n’en demeure pas moins résolument menaçant, continuant d’exercer une pression constante sur l’exécutif.

Tous les porte-parole du Rassemblement national (RN) annoncent un rendez-vous à l’automne pour l’examen du projet de loi de finances. Cette semaine, Marine Le Pen a accentué la pression sur le gouvernement dans une interview accordée à Valeurs actuelles. Elle critique les premières pistes budgétaires de François Bayrou, déclarant : « Les orientations de François Bayrou pour le prochain budget montrent qu’il suit la même voie que son prédécesseur, [Michel Barnier] ». Ces propos traduisent une volonté claire de mettre en difficulté le Premier ministre, qui recherche 40 milliards d’euros d’économies et appelle à des efforts de la part de tous les Français.

Quel intérêt pour le RN de brandir la menace d’une censure ?

La stratégie du RN, qui envisage une motion de censure, peut sembler paradoxale, car une dissolution de l’Assemblée nationale est désormais possible. À partir du 8 juillet, le président de la République recouvrira son pouvoir constitutionnel de dissolution. Cependant, une telle éventualité placerait Marine Le Pen dans une position délicate : bien qu’elle ait fait appel de sa condamnation à une peine d’inéligibilité, elle ne pourrait pas se présenter à d’éventuelles élections législatives anticipées. Malgré cela, les proches de la double finaliste de l’élection présidentielle se montrent confiants. En off, ils affirment : « En cas de législatives anticipées, Marine saisira le Conseil constitutionnel pour défendre son droit à se présenter. Et si cela lui est refusé, cela ne l’empêchera pas de pousser pour une censure, car notre priorité est de protéger les Français ».

Le RN croit-il vraiment en une dissolution ?

En réalité, le RN ne semble pas convaincu qu’une dissolution soit probable. Selon un proche de la présidente des députés RN, une telle décision serait contre-productive pour le président : « Ce serait se tirer une balle dans le pied. il subirait une lourde défaite et serait contraint à la démission ». Ainsi, le parti à la flamme privilégie la menace d’une censure sans chercher activement une nouvelle dissolution. Cette posture permet au RN de maintenir une opposition crédible tout en tenant compte des déboires judiciaires de sa leader. Cependant, rien n’est certain : le 9 juin 2024, personne, y compris le RN, n’avait anticipé la dissolution de l’Assemblée nationale.

Le Rassemblement national et ses alliés de l’Union des droites pour la République sont arrivés en troisième position au soir du second tour des législatives et obtiennent 143 députés, derrière le Nouveau Front populaire (192 sièges) et Renaissance (164 sièges).

Avec RFI/AFP

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