« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde » nous conseille la très célèbre phrase d’Albert Camus. Mais je pense que le problème est de trouver un nom qui correspond à ce qu’on veut exprimer dans la chose.
C’est justement la problématique d’aujourd’hui avec des personnages sortis de nulle part dans l’actualité. En langage et sociologie politiques une nouvelle sémantique apparaît toujours lorsqu’on ne sait pas qualifier ou commenter une doctrine. Lorsqu’on veut appuyer un mot qui existe déjà mais qu’on veut l’amplifier, un adverbe peut le faire mais deux mots existeraient, ce qui ne serait pas aussi percutant. Alors il faut s’en sortir avec de nouveaux mots qui tranchent avec la banalité qu’on estime être peu engagée pour la doctrine politique observée.
Ces mots sont anciens ou construits mais très peu utilisés ou tombés dans la désuétude. Libertarianisme ou illibéralisme sont réapparus avec force dans leur usage récent. J’ai eu d’ailleurs quelques difficultés à les écrire correctement dans leur orthographe.
Le premier, pour qualifier Elon Musk, un fou incontrôlable et Donald Trump, un dément irréfléchi. On ne pouvait les qualifier avec des mots ordinaires tant ils sont des créatures venant de frontières inconnues, au-delà des extrêmes. Mais ces mots créent non seulement une confusion mais surtout une contradiction. Examinons successivement les deux.
Dans le mot libertarianisme il y a liberté, aussi bien dans sa forme économique que sociologique. Dans sa composante économique il y a bien longtemps que le mot libéral existe avec la doctrine d’Adam Smith. Alors, comme pour vouloir amplifier le mot, on fait appel à l’astuce sémantique la plus ancienne, la terminaison en –isme.
Elon Musk est donc un ultra-libéral qui veut la liberté économique sans aucune norme ni de régulation. C’est donc un ultra-libéral poussé jusqu’aux limites invraisemblables d’où la nécessité d’un mot spécifique. Adam Smith se retournerait dans sa tombe s’il voyait l’utilisation extrémiste et contradictoire avec sa théorie libérale.
Le grand théoricien économique du libéralisme n’avait jamais dit que les règles de régulation devaient totalement disparaitre mais au contraire en faire l’une des conditions essentielles pour que l’équilibre général soit efficace. Les fonctions régaliennes de l’état, soit la défense et la sécurité, la justice ou la diplomatie pour les plus importants devaient exister car des remparts sont indispensables pour la liberté économique à la condition qu’ils soient les moins intrusifs possibles.
Elon Musk interprète le libéralisme jusqu’à la folie. Il veut détruire tous les remparts (à la hache), de l’état jusqu’aux lois en passant par les juges c’est-à-dire tout ce qui peut gêner la puissance économique et le monopole absolu de ceux qui sont les plus forts. Il ne doit y avoir ni barrière ni rempart. Or le libéralisme économique exclut les monopoles car ils détruisent les règles de la concurrence sur le marché libre.
Elon Musk va encore plus loin dans sa croisade, autant burlesque que dangereuse. Il souhaite la victoire écrasante de la morale catholique extrémiste jusqu’au suprémacisme blanc. Là aussi, tout doit être détruit, brûler les livres, censurer dans la recherche et bien d’autres actions propres au fascisme.
Le moindre mot qui n’entre pas dans le moule fasciste est suspect comme avortement, égalitarisme, le genre ou même, ce qui est stupéfiant, le mot femme et ainsi de suite…
Elon Musk est donc en totale contradiction avec un mot dont la racine est celle de liberté. D’ailleurs il faut absolument ne pas faire une confusion avec le mot libertaire qui est d’une signification toute autre.
Tout ce que nous venons d’exprimer est aussi valable pour Donald Trump. À la différence que lui, peut être ce que vous voulez, même du parti démocrate en des temps passés, dès lors que son immense ego et sa soif de puissance, économique et politique, le porte au sommet de la gloire. Il a très bien pris le virage ultra conservateur des électeurs qui se sentent déclassés depuis l’écroulement de la ceinture industrielle du centre du pays.
Son action présente est qualifiée de démocratie illibérale, la contradiction apparaît dès la lecture de l’oxymore. Une démocratie nécessite une liberté totale des droits humains. Démocratie illibérale signifie que toutes les institutions et systèmes d’élection sont présents mais totalement contraints par un chef d’état ou système politique.
C’est un parfait exemple d’oxymore qui est le fait de lier deux mots contradictoires comme un sympathique assassin. Ou une démocratie est libre et entière ou elle ne l’est pas.
Depuis que ma capacité à comprendre ou réfléchir est présente j’observe que toutes les dictatures sont parées des outils institutionnels de la démocratie. Le vote est les lois qui instaurent les libertés et droits humains sont bien existantes sur le papier mais gare à ceux qui les interprètent au premier degré.
C’est ce qui se passe avec Donald Trump qui est la définition parfaite des fascistes face à une opposition muette et tétanisée par quelque chose qu’elle n’aurait jamais pensé être possible dans ce pays.
Pour Elon Musk, Donald Trump et son entourage qui appartiennent au plus profond de l’extrême droite, des mots sont impossibles à trouver dans le répertoire courant sinon à les déterrer ou les construire.
Le champ lexical est de l’ordre de l’humain. La phrase d’Albert Camus n’avait pas prévu cette situation car elle était pensée pour l’humanité.
Elon Musk, Donald Trump et les autres dangereux illuminés en font-ils partie ?
Boumediene Sid Lakhdar