20.9 C
Alger
samedi 20 septembre 2025
Accueil Blog Page 2013

Le silence des lâches

0
LETTRE DE MEDEA

Le silence des lâches

« Il ignora la souplesse du manège, la bassesse de l’intrigue et ces moyens méprisables qui mènent aux dignités par l’avilissement. » Jean le Ron d’Alembert. 1759.

D’aucuns s’imaginent que se faire philippiques dans nos écrits répond à un souci d’intérêts et constitue un appel du pied pour les tenants du pouvoir locale et national, pour socialiser avec nous et nous inviter à être moins vitrioles, voire nous embrigader et par ricochet, nous décerner le prix de la collusion et de l’infamie, la récompense du silence des lâches. L’espace d’un temps, l’espace d’une journée internationale de la presse.

Ils osent appeler ça : la presse locale et nationale de proximité… Une proximité à la résidence du puissant du moment. Forcément, quand on émarge à la cellule de communication de la présidence, d’un quelconque ministère, de la wilaya ou d’une mairie, il faut bien faire dans la brosse à reluire.

La sortie médiatique kafkaïenne blasphématoire du ministre des Moudjahidine sur un plateau prophétisant  Abdelaziz Bouteflika, comme envoyé de Dieu pour les Algériens, tout comme l’était le prophète Mohamed (qsl) a choqué plus d’un.

Les inepties de Djamel Ould Abbès et consorts n’amusent plus, et nous interpellent sur les dangers présents et à venir… Les élections sénatoriales le mois de décembre prochain s’annoncent chaudes en générosité pécuniaire et c’est à qui mieux-mieux.

Qu’ils se rassurent, nous ne demandons rien à quiconque, et nous n’attendons rien de qui que ce soit. Notre probité intellectuelle est le ciment de notre patriotisme. Nous aimons notre pays et son peuple, nous aimons notre wilaya et ses citoyens et nous aimons nos villes, nos villages  et nos concitoyens. Nous sommes armés du même amour qu’ont nos services de sécurité qui défendent ce grand pays qui est le nôtre, l’Algérie.

Contre vents et marées et des sournoises intimidations par personne interposée, nous continuerons de défendre, tel le dernier des Mohicans, ce patelin, cette wilaya et cette Algérie que d’obscures officines essayent d’en faire leur chasse-gardée.

Alors de grâce, ne cherchez pas à nous faire taire ! Car il va sans dire que nous sommes LA VOIX de cette majorité silencieuse, de ses sans-logis, de ses sans-le-sou, de ses sans-travail, de ses jeunes et de ses vieux spoliés dans leurs Droits, par de véreux bureaucrates et les bustes creux que sont leurs mal-élus.

Nous sommes contre l’injustice subie par les habitants ruraux de nos contrées proches et lointaines et des aléas qui leur font la vie dure. Nous nous ferons un devoir de dénoncer la forfaiture, l’incurie, la rapine, la corruption ,la gabegie de nos richesses nationales l’intimidation, la hogra et le déni de droits.

Messieurs les commis de l’Etat à tous les niveaux de responsabilité, vous êtes au service de ce grand peuple algérien  pour le servir et non l’asservir. Alors, il va sans dire de méditer sur votre sort, tout est éphémère, car chaque Pharaon à son Moïse.

Auteur
Brahim Ferhat

 




- Publicité -

Les forces de l’argent veulent faire main basse sur le parlement avant la présidentielle

0
OPINION

Les forces de l’argent veulent faire main basse sur le parlement avant la présidentielle

Le conflit en cours à l’Assemblée populaire nationale reflète les luttes pour le contrôle du Pouvoir politique entre différentes sphères qui gravitent au sommet de l’Etat, en prévision des élections présidentielles d’avril 2019. Les forces de l’argent qui sont à l’offensive dans le bras de fer engagé contre le Président de l’Assemblée, cherchent à faire main basse sur le Parlement et sur tout le pouvoir ?

Ces forces issues de la bourgeoisie compradore, parasitaire, qui se sont incrustées au sein du parti majoritaire, le FLN, le Parlement et d’autres sphères décisionnelles, veulent le départ de Saïd Bouhadja, issu du même parti et présenté généralement comme un nationaliste et un homme intègre. Les nouveaux milliardaires aux fortunes d’origine douteuse, comme Tliba, Mohamed Djemai and Co) et d’autres moins médiatisés, qui ont rejoint le FLN sur le tard, ont gagné rapidement de l’influence grâce à l’arme de la corruption.

La guerre déclarée au président de l’Assemblée, n’exprime-t-elle pas la volonté des forces de l’argent sale, de s’accaparer entièrement du pouvoir politique pour se prémunir d’éventuelles opérations anti-corruption comme dans le cas de l’affaire de Kamel Chikhi, le baron de l’immobilier et pouvoir continuer à faire prospérer leurs affaires ? Elles ont besoin du contrôle du Parlement pour faire passer les lois en leur faveur durant la période de transition et préparer l’après-Bouteflika en cas de l’impossibilité d’un 5e mandat qu’elles soutiennent par ailleurs ardemment à travers des comités de soutien, comme celui créé par Baha Eddine Tliba.

Le Secrétaire général contesté du FLN, Djamel Ould-Abbès, qui avait promis lors des dernières législatives, d’écarter les « militants» qui font appel à la «chkara » (argent sale) pour accéder aux postes politiques, a-t-il fini par céder les brides à ces milliardaires, devenus les maîtres du jeu, au sein du parti et du Parlement ? Des députés ayant requis l’anonymat, ont avoué aux journalistes que ce sont «les forces de l’argent » qui sont derrière la cabale contre Bouhadja.

Ces barons qui ont réussi à « privatiser » l’Etat au profit de leurs intérêts dans bien des cas, en détournant les lois, en usant de corruption et de trafic d’influence, veulent maintenant s’accaparer de tout l’Etat (le Pouvoir exécutif) et le Parlement (Pouvoir législatif), en domestiquant ce symbole de la représentation populaire, afin d’élaborer des textes législatifs anti-populaires mais aussi des lois décisives contraire aux intérêts du pays en raison de l’imbrication des compradores et des oligarques avec les réseaux mafieux étrangers ?  Tout l’enjeu est là !

D’autre part, selon des sources informées, ces mêmes forces manœuvrent pour prolonger le mandat du Président Abdelaziz Bouteflika, pour une période de « transition », à défaut d’un cinquième mandat qu’il lui sera difficile de briguer, en raison de son état de santé mais aussi de son caractère illégal, puisque la Constitution limite à deux le nombre des mandats présidentiels. D’où cette campagne menée par Ould-Abbès et les compradores pour demander à Bouteflika de «poursuivre sa mission», alors que l’intéressé lui-même, le Président n’a encore rien dit.  

Mais la prolongation du mandat présidentiel nécessite une révision de la Constitution qui doit donc être approuvée par l’Assemblée. Or si un tel projet venait à tordre le cou à la Loi fondamentale, il n’aurait sûrement pas reçu l’aval du Président de l’APN, puisque Bouhadja se définit lui-même comme un « partisan de la légalité » et respectueux des lois de la République. Ses détracteurs qui selon ses propos «ont des desseins inavoués !», qui sont « hors-la- loi », cherchent alors à faire sauter « le verrou Bouhadja » pour réaliser leur but. Mais contre toute attente, il oppose une ferme résistance pour défendre ce qui reste du pouvoir législatif, symbole de la souveraineté populaire.    

En outre, l’option de reporter les élections présidentielles et de prolonger le mandat en cours si elle vise dans son objectif avoué «la stabilité » du pays, elle est néanmoins tout aussi porteuse de risques et d’incertitudes accrus d’instabilité pour la nation dans son objectif inavoué de permettre la poursuite de l’enrichissement illicite de la caste des barons, des oligarques, de la mafia du foncier et de l’immobilier qui ont tissé une toile d’araignée proximité des centres de décision.

La meilleure voie reste celle de la tenue d’un scrutin ouvert, transparent, démocratique et respectant le processus constitutionnel, auquel ont droit les citoyens pour choisir un candidat selon ses qualités morales, ses compétences, son programme, pour redresser le tableau de bord du pays et améliorer la situation des citoyens.

Les Algériens rêvent d’un Président qui gouverne avec son peuple et non contre son peuple, un leader qui sache communiquer avec un parler-vrai, vivant parmi eux et non dans un palais, coupé des réalités, un Président normal, qui partage leurs joies et leurs peines, un être humain tout simplement.  

Auteur
Houria Aït Kaci, journaliste

 




- Publicité -

Rassemblement-rencontre de Mouwatana samedi 6 octobre à Paris

0
RENDEZ-VOUS

Rassemblement-rencontre de Mouwatana samedi 6 octobre à Paris

m

 




- Publicité -

Femme-harraga : l’adieu d’une divorcée

0
La chronique Naufrage

Femme-harraga : l’adieu d’une divorcée

D’une plage  sauvage à Mostaganem, une jeune femme divorcée, moins de 30 ans,  sa petite fillette dans les bras, s’en est allée avec les harragas sur une barque de 480 cm. Elles sont bien arrivées, saines et sauves, à la rive espagnole.

Elle a laissé derrière elle sa famille qui ne pouvait plus la porter sur le dos après le divorce, son Algérie qui ne pouvait plus la porter sur sa surface, et son livret de famille qui ne pouvait plus porter son nom sali par la mention « divorcée ». Et malgré le  danger de la mer, c’est sur la barque qu’elle a senti la délivrance, la renaissance. Sur l’autre rive, elle est devenue une autre.

Les deux rives de la Méditerranée sont habituées à la migration des hommes et des enfants. Mais celle des femmes constitue un choc ici et ailleurs. La femme donne la vie. Elle n’aime pas approcher la mort, surtout la sienne. Elle s’accroche tellement à la vie qu’elle pleure le départ du mari, du frère, du voisin. Elle est symbole de retour, de nid affectif, de terre natale. Le départ périlleux d’une femme en tant que harraga pousse à réfléchir en urgence, à poser les vraies questions.  

Vu  d’Alger, le départ de cette femme est une folie, un cas isolé qui nécessitait un bon psychanalyste après son divorce. Non, il faut sortir de la capitale pour voir que, contrairement à la marche de l’humanité, le mariage des mineures et le mariage forcé sont la norme dans d’autres régions et villes.

Le féminisme algérien est en retard : les féministes se contentent de relire le Code de la Famille dans un bureau et d’organiser des colloques pour prendre  des selfies. Le mariage d’une mineure ou le mariage forcé sont source de conflits, et mènent souvent vers le divorce. C’est comme une maison délabrée qui finit vite par s’écrouler, non sur le mari machiste, mais sur la fille innocente vendue par sa famille.

C’est quoi être  une femme divorcée en Algérie ?  Le pays est ravagé par la misogynie. La femme, qu’elle soit célibataire, mariée,  divorcée, ou vieille, est réduite à ses courbes. Elle lutte chaque instant pour affirmer que son corps  lui appartient et n’est pas un bien public.

Pour la divorcée, la situation est encore pire. Une fois le mariage dissolu, elle n’est plus une femme dans sa société. Elle est rejetée  par sa famille, par son quartier, et par tout le pays. Elle devient une honte nationale. Même si l’homme est la cause du divorce, c’est toujours la faute de la femme.

La maman, qui lui a inoculé la soumission, lui reproche de n’avoir pas suivi son conseil existentiel. Elle qui lui répétait: «Protège ta maison et ton mari !». C’est une honte, parce qu’elle n’a pas su garder son mari comme les autres « braves » femmes.

Ensuite, elle perd son nom. On ne l’appelle plus par son nom. Effacée, elle devient une mention d’état civil. La divorcée. «El Hadjala », disent les hommes. Ce mot-insulte du dialecte désigne celle qui n’a plus de sexe, et qui n’est plus une femme désormais. Un homme divorcé reste toujours un homme, sans étiquette. Et on l’appelle par son nom. Parce que sa définition n’est pas réduite à la notion du corps.

Les obsédés sexuels essaiment autour d’elle, jamais pour un mariage, mais pour le plaisir. Ils croient qu’une divorcée est une femme faible, facile à avoir,  et qu’elle cherche le plus vite possible n’importe quel homme pour réparer sa vie fissurée et la protéger. Jamais un homme ne voudrait d’elle comme épouse puisque l’hymen a déjà été déchiré. C’est la tradition qui le dicte. Et en Algérie, la tradition est au-dessus de la loi, de la science, ou de l’amour.

Cette femme-harraga s’en est allée  pour respirer ailleurs. L’Algérie l’étouffait de toutes ses forces pour la pousser à avoir honte de sa carte d’identité et à partir.  Cet étouffement lui est devenu une force et un courage pour affronter la mer. Avec toutes les misères qui consument le pays (corruption, bureaucratie, islamisme, anarchie, hypocrisie…), l’Algérie est devenue une Usine qui étouffe ses citoyens.

Flashback : une scène est passée inaperçue lors de la visite de Macron à Alger. Un Algérien crie au président : « On étouffe ! ».  Il lui répond : « Vous n’avez qu’à vous desserrer ». La phrase de l’Algérien illustre le phénomène de harga. Cela donne naissance à ce cogito : « J’étouffe donc je pars ».  Partir ailleurs, pour se desserrer et respirer. Respirer c’est vivre. En Algérie, le citoyen existe seulement, rêvant de vivre. Voilà, la jeune femme est partie pour respirer.

Et puisqu’elle était exilée dans son Algérie, elle n’est pas une exilée ailleurs. Sa fille grandira loin du soleil et saura avec le temps que l’Algérie ne sait pas, comme les autres mamans, garder ses enfants dans les bras.

Enfin, il faut imaginer la jeune femme, sa fille dans les bras, sur la courbe de l’autre rive, contemplant la rive algérienne en psalmodiant  ce vers de Darwich : «Nous voulons vivre un peu ».

La jeune femme et sa fille, les millions de harragas, sont partis pour VIVRE.

Auteur
Tawfiq Belfadel, écrivain-chroniqueur

 




- Publicité -

Bouteflika, la torture et le 5 octobre 1988

0
5 octobre 1988 : 30 ans déjà

Bouteflika, la torture et le 5 octobre 1988

Octobre 88 n’a pas eu lieu si l’on en croit les explications faites par Abdelaziz Bouteflika.

En octobre 1988, devant la répression qui s’abattait sur les jeunes insurgés, avec notamment le barbare recours à la torture, et dans un climat d’incertitude politique sans précédent, d’éminentes personnalités politiques algériennes décidèrent de rendre public un texte de réprobation et de propositions qui allait devenir « la déclaration des dix-huit ».

Les inspirateurs de l’initiative, parmi lesquels se comptaient des maquisards de la première heure tels Lakhdar Bentobbal, Tahar Zbiri ou Selim Saâdi, des personnalités historiques comme Mostefa Lacheraf, Ali Haroun ou Chérif Belkacem, d’anciens ministres comme Lamine Khène, Belaïd Abdesselam ou Rédha Malek, voulaient autant dénoncer la répression qu’avancer une alternative politique à l’impasse à laquelle était le pouvoir algérien. On lit dans le texte signé par lesdites personnalité ceci : «Notre qualité d’anciens militants de la guerre de libération nationale, notre fidélité à la mémoire des martyrs et à l’idéal du 1er Novembre 1954 nous font le devoir d’apporter une contribution au débat national, rappellent les auteurs du texte. Nous nous élevons avec indignation contre la torture pratiquée pendant et après les journées sanglantes qui ont endeuillé le pays. Nous qui avons connu les affres de la guerre de reconquête coloniale, nous ne saurions admettre que des procédés aussi dégradants soient utilisés contre nos enfants. Aussi exigeons-nous l’éradication totale de la torture dans notre pays et le châtiment exemplaire de ses auteurs.»

La déclaration se prolongeait par d’importantes propositions d’ouverture politique dont l’audace avait de quoi mécontenter le cercle présidentiel formé autour de Chadli Bendjedid. Les signataires, proclamant la fin d’une «légitimité historique qui s’est épuisée au fil des ans», estiment urgent de lui substituer une «nouvelle légitimité populaire» et suggèrent de confier à une «conférence nationale regroupant les représentants des forces vives de la nation» la mission de «promouvoir sans délai les réformes institutionnelles fondamentales que la situation exige».

Abdelaziz Bouteflika fut associé à toutes les discussions préliminaires qui conduiront à la rédaction finale du texte. « Il donnait son avis, approuvant les idées débattues sans zèle et sans passion, mais avec détermination », se rappelle Chérif Belkacem.

Au moment de porter son nom au bas du document, aux côtés des dix-sept autres signataires, Abdelaziz Bouteflika se déroba cependant, se souvenant d’une urgente affaire familiale à Mostaganem où habitait sa soeur. Il chargea Rédha Malek de signer à sa place, procédé qui ne fut pas admis par le groupe.

«Le subterfuge lui évitait d’avoir à parapher de sa main un document qu’il considérait séditieux et donc compromettant pour ses bonnes relations avec l’équipe de Chadli, explique Chérif Belkacem. On a refusé que Rédha Malek signe à sa place et attendu qu’il revienne de Mostaganem et qu’il paraphe de sa propre main le texte. »

La « déclaration des dix-huit » ne sera rendue publique que le 23 octobre 1988. Le lendemain, Abdelaziz Bouteflika contacte Larbi Belkheir, chef de cabinet de Chadli, pour justifier sa prise de position et en relativiser la portée. «Dès qu’on a eu vent de cette malheureuse initiative qui discréditait en fait tout le groupe, on a provoqué une réunion de clarification avec Bouteflika, souligne Belkacem. Il s’est défendu mollement, reconnaissant avoir pris contact avec la Présidence, mais donnant une version plus nuancée des faits.» Bouteflika retrouvera naturellement sa place à la direction du FLN quelques mois après.

Il réintègre en mars 1989 le Comité central de ce qui était encore le parti unique de l’Algérie. Chadli n’est pas étranger à cette miraculeuse résurrection de l’ancien exilé : il en a apprécié, plus que la persévérance dans un certain neutralisme politique, cette façon conviviale qu’avait Bouteflika de ménager la susceptibilité du pouvoir.

« Ses amis lui ont fait observer la choquante anomalie qu’il y avait pour des gens salis et humiliés par le pouvoir à accepter de réintégrer ce même pouvoir et de partager son discours unanimiste. Mais il a fait la sourde oreille », souligne une des personnalités politiques exclue en même temps que Bouteflika mais qui a refusé de réintégrer le parti. C’est que Bouteflika n’ignorait rien de cette anomalie-là.

Il s’en accommodait avec ravissement : la réhabilitation qu’il attendait de Chadli pointait enfin le nez et il n’allait pas bouder son plaisir, quitte à trahir la solidarité des personnalités marginalisées, toutes unanimes à rejeter l’offre du pouvoir.

Rachid Benyellès raconte comment, à la veille de rejoindre le FLN, une soirée entière n’a pas suffi à ses compagnons pour dissuader Abdelaziz Bouteflika de les lâcher : « Nous étions quelques-uns, dont Bouteflika, Rédha Malek et Selim Saâdi, à nous réunir ce soir-là chez Mohamed Zerguini pour débattre de l’invitation du nouveau patron du FLN, Abdelhamid Mehri, à participer au congrès du parti prévu pour le lendemain. Pour moi comme pour Hadj Zerguini, Rédha Malek et Selim Saâdi, la cause était entendue : octobre 1988 avait tout bouleversé et l’invitation devenait dérisoire. Bouteflika, lui, était plus réservé. Jusqu’à minuit, il s’obstinait à rester évasif. Au moment de se séparer, je lui fis remarquer qu’on ne connaissait toujours pas sa position. Il me fit une déconcertante réponse que j’eus tort de mésestimer : “Tu vois Rachid, demain matin j’irai prendre le café avec ma mère, je lui baiserai la tête, et comme d’habitude je lui demanderai son avis. Si elle me dit d’y aller, j’irai. Sinon je n’irai pas.”

« Il me faut récupérer tout mon pouvoir »

Une fois au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika dévoilera sa véritable opinion sur le 5  octobre 1988. Il ne l’a pas exposé de manière franche, mais par bribes, au détour de multiples entretiens, discours, déclarations. Avec pour fil conducteur une attaque en règle contre tout ce qu’a engendré le soulèvement populaire d’octobre 1988, ciblant invariablement la constitution dont il a admis qu’il ne l’aimait pas et les institutions qui en émanent, l’ouverture politique, la démocratie, le multipartisme, la liberté d’expression et la liberté de la presse.

Bouteflika profitera de son « statut de Messie » et de la mystification qui l’entoure, pour briser impunément l’embryon démocratique né d’octobre 1988, revenir au système unique et poser le socle du pouvoir hégémonique qui allait connaître son apothéose en 2009.

Sur Europe 1, il annonce la couleur : «Il me faut récupérer d’abord mes attributions constitutionnelles qui ont été dispersées à partir de 1989, il faut que je reprenne mon rôle présidentiel ». Traduisez : effacer octobre 1988, se réapproprier les leviers de commande, restaurer l’État autocratique dans lequel il a mûri.

Bouteflika entend revenir au système unique, à la presse unique, au syndicat unique, fût-ce par la terreur, par le chantage de la prison, la pression du juge ou la torture.

Neutraliser le pays supposait reprendre à la société ce qu’Octobre 1988 lui avait donné, ce que des années de résistance à l’intégrisme islamiste lui avaient octroyé.

Presse libre, syndicats autonomes, partis d’opposition : Bouteflika dit tout le mal qu’il pense de ces « machins » bâtards issus de l’aventurisme roturier. Il les considère comme un intolérable transfert de prérogatives régaliennes à une population « immature » qu’il tient dans un profond mépris. Surtout ce peuple-là qui a «souillé le passeport vert » et qui a « troqué la dignité contre le fromage rouge et un visa».

«Bouteflika considère le multipartisme comme un déséquilibre voulu par les ennemis de l’État, atteste son ancien chef de gouvernement Ali Benflis.

Il considère Octobre 1988 comme un complot contre l’État qui a abouti, selon lui, à amputer l’État de ses prérogatives. Il considère la création du poste de Premier ministre comme une atteinte à la fonction présidentielle. Il ne croit ni à la liberté de la presse, ni à la liberté d’entreprise, ni à la liberté d’expression. Son objectif central est de rétablir l’État dans sa fonction autocratique. Réduire le multipartisme avant de l’éliminer. Tout le reste n’est que façade.»

À sa façon, il se sentait le justicier d’un État absolutiste malmené, dix ans plus tôt, par les gamins d’Octobre 1988 et qui avait dû concéder à la société, dans le sang, le droit au pluralisme. Pour lui, les acquis du pluralisme, c’est-à-dire la prérogative d’éditer des journaux ou de faire de la politique, sont des prérogatives du seul État central, des morceaux de pouvoir indûment volés à l’État.

Pour normaliser la société, Bouteflika a réprimé : pendant dix ans, il a gardé le pays sous le régime de l’état d’urgence, y interdisant les rassemblements et les manifestations.

L’état d’urgence, proclamé en 1991 pour juguler la menace islamiste, ne se justifiait pourtant plus en 2009. Maintenir ce régime restrictif n’avait donc comme objectif que de servir les desseins totalitaires de Bouteflika. L’état d’urgence a davantage servi à réprimer les syndicats et les citoyens contestataires qu’à réduire le terrorisme. En décembre 1999, il l’utilisait déjà comme argument pour empêcher la création d’une seconde chaîne de télévision :

« L’Algérie est encore sous état d’urgence. Tant que l’Algérie est sous état d’urgence, il n’y aura qu’une seule chaîne de télévision, une seule chaîne de radio en arabe, une seule chaîne de radio en français et une seule chaîne de radio en tamazight. Je ne veux pas ouvrir le paysage médiatique. »(Sur France Culture, décembre 1999.

L’idéal pour Bouteflika, l’Algérie d’avant 1988

Il faudra toutefois attendre l’année 2005, en juin précisément, pour qu’Abdelaziz Bouteflika livre publiquement sa vision la plus aboutie de l’histoire et de l’évolution de la société algérienne. Participant à une réunion du BIT (Bureau international du travail), devant un parterre de personnalités et d’experts venus de plusieurs pays, quelque peu surpris par un discours n’ayant aucun rapport avec le monde du travail, le président algérien se livrera à une relecture de l’histoire récente de l’Algérie.

Revenant sur la révolte populaire d’Octobre 1988 ayant mis fin au système basé sur le parti unique, il affirmera d’emblée « qu’il n’y a pas eu de révolution démocratique parce que la société algérienne ne considérait pas l’État-parti unanimiste et autoritaire comme totalitaire et despotique. Les Algériennes et les Algériens, quelle que soit leur position dans l’échelle sociale, ont bénéficié, même de manière inégale, des prestations de l’État-parti qui se présentait comme un État providence (…) Pendant un quart de siècle, ce contrat social a généré une remarquable paix civile, la contestation ne portait jamais sur le système lui-même, mais sur le niveau et les modalités d’accès aux biens distribués par lui ». C’est la stratégie adoptée à partir de 1988 qui, assurait-il, « a fait voler en éclats le consensus sur lequel se fondait le pouvoir politique en ouvrant le champ politique de manière volontariste », ouverture qui a conduit à l’émergence d’un « totalitarisme millénariste » et « à un déferlement de violence brutale ».

Cette foule à qui une élite a offert l’Indépendance ne mérite pas de disposer de morceaux de souveraineté qui n’appartiennent qu’à l’État.

«Le peuple algérien n’a formulé aucune demande démocratique. On a décidé pour lui.» (El-Moudjahid 7 juin 2005.). Tout est dit.

Bouteflika vient de délégitimer le processus pluraliste en marche depuis Octobre 1988. Il ne reste plus qu’à l’abolir.

«C’est à une lecture singulière de la vie démocratique algérienne que le président de la République s’est livré hier au siège du BIT de Genève, réagit l’éditorialiste du quotidien El-Watan. En affirmant que la société algérienne « s’accommodait bien du système parti-État », Bouteflika enlève tout naturellement à la révolte d’Octobre 1988 son cachet de révolution démocratique. » (El-Watan, 8 juin 2005)

Bouteflika dénie par-là aux Algériens toute capacité d’avoir une réflexion sur l’orientation politique du pays et les cantonne dans une position infantile. Comme si ce vent de colère qui a soufflé sur l’Algérie avant 1988 en dépit du climat répressif régnant – la Kabylie en 1980, les révoltes d’Alger, de Constantine, Sétif, les manifestations de femmes contre le code de la famille, les manifestations étudiantes, les grèves – n’avait pas été un signe avant coureur d’un essoufflement de cette société socialement indifférenciée et unanimiste telle que perçue et fantasmée par Abdelaziz Bouteflika et les cercles conservateurs du système algérien. Sans doute est-ce pour cette raison qu’il s’en est pris à ceux qui « prônent le pseudo-djihad », afin de mieux pointer les démocrates accusés d’avoir «créé la plus grande fitna (crise sanglante) jamais connue depuis l’ère du parti unique.

Conséquence logique de cette vision de la société algérienne telle qu’elle existait selon lui, avant octobre 1988, au nom d’un État fort synonyme dans l’esprit du chef de l’État, de gouvernance du pays par une poigne de fer : une reprise en main au pas de charge de l’État, de ses institutions, des médias, des partis, des organisations de masse et de la société civile. Le verrouillage médiatique – harcèlements et emprisonnements de journalistes, suspension de journaux – précède la fermeture du champ politique – limitation au maximum des activités de l’opposition, des activités des organisations de la société civile, interdiction des manifestations publiques – et au niveau des appareils de l’État, une épuration en règle qui ne dit pas son nom par la mise à l’écart de tous ceux qui dérangent ou qui manifestent leur désaccord avec la politique suivie par le pouvoir politique.

Deux mois après son élection à la tête de l’État, le Président Bouteflika limoge Abdelaziz Rahabi, ministre de la Culture et de la Communication, jugé trop attaché à la liberté d’expression et de la presse. En août 2000, le Premier ministre Ahmed Benbitour est contraint de démissionner. Son remplaçant, Ali Benflis, qui avait entrepris de rénover et rajeunir le FLN, est limogé en mai 2003 quand il fait état de son intention de se porter candidat à l’élection présidentielle de 2004. Le FLN revient dans le giron du pouvoir suite à un putsch politico-judiciaire.

L’UGTA et les organisations satellitaires du FLN rentrent dans le rang. L’APN n’échappe pas à cette reprise en main. Réduite à approuver sans débat tout ce que propose le pouvoir politique – lois sur la Concorde civile et la réconciliation nationale, loi sur les hydrocarbures – elle n’assume aucune des prérogatives que lui confère la Constitution comme par exemple, la fonction de contrôle. Avec la démission de son président, Mohamed Salah Mentouri, en mai 2005, le Conseil économique et social (CNES) est mis au pas: il perd son indépendance et ne produit plus que des analyses légitimant la politique sociale et économique du pouvoir. Enfin, dernier obstacle à la mainmise présidentielle sur le fonctionnement de l’État – le poste de Premier ministre– devient avec la révision constitutionnelle, une fonction purement formelle, celle de coordonner l’activité gouvernementale. Il en est de même de l’Assemblée nationale populaire (APN). Selon le député Mohamed Hadibi, elle n’assume plus ses prérogatives : sur les 120 lois adoptées seules quatre émanaient du Parlement.(El Watan du 29 août 2009.)

Ainsi, avec un appareil judiciaire aux ordres, des médias bâillonnés, un Parlement inféodé au pouvoir politique, une société civile réprimée, un syndicat (l’UGTA) aux ordres, une opposition politique laminée, en bref, en l’absence de tout contre-pouvoirs, de tout garde-fous, il n’existait plus cet « antidote aux dérives du pouvoir » dont parlait d’ailleurs Bouteflika en 1999, ni à la corruption qui va gangrener comme jamais l’État et les institutions.

Et gare aux journaux qui osaient révéler des affaires. On sait ce qui est arrivé au Matin quand il avait informé ses lecteurs sur certaines affaires en 2002-03 (BRC, marché de la téléphonie mobile…)

Auteur
Synthèse : M.B.- Le Matin

 




- Publicité -

Le Nobel de la paix à deux héros de la lutte contre les violences sexuelles

0
Denis Mukwege et Nadia Murad

Le Nobel de la paix à deux héros de la lutte contre les violences sexuelles

Le prix Nobel de la paix a été attribué vendredi au médecin congolais Denis Mukwege et à la Yazidie Nadia Murad, ex-esclave du groupe État islamique, deux champions de la lutte contre les violences sexuelles employées comme « armes de guerre » dans les conflits.

L’un gynécologue de 63 ans, l’autre victime de 25 ans devenue porte-parole d’une cause, Denis Mukwege et Nadia Murad incarnent un élan planétaire qui dépasse le cadre des seuls conflits, comme en témoigne le raz-de-marée #MeToo déclenché il y a un an jour pour jour par des révélations de presse.

Ils sont récompensés « pour leurs efforts pour mettre fin à l’emploi des violences sexuelles en tant qu’arme de guerre », a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen.

Mukwege en pleine opération

Reflétant la liesse qui s’est emparée du pays, l’annonce a été accueillie par des youyous à l’hôpital de Panzi, que Denis Mukwege a fondé en 1999 à Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

« L’homme qui répare les femmes » – titre d’un documentaire qui lui a été consacré – était… dans le bloc opératoire quand l’information est tombée.

« J’étais en train d’opérer quand soudain (les gens) ont commencé à hurler », a-t-il témoigné sur le site Nobel officiel. « Je peux voir dans le visage de nombreuses femmes à quel point elles sont heureuses d’être reconnues. C’était vraiment touchant ». 

Femmes, enfants et même bébés de quelques mois… L’hôpital a traité quelque 50.000 victimes de viols en deux décennies. 

Pour le « docteur miracle » – son autre surnom -, ces violences sexuelles sont des « armes de destruction massive », hélas « pas chères et efficaces ». 

« Nous avons pu tracer la ligne rouge contre l’arme chimique, l’arme biologique, l’arme nucléaire. Aujourd’hui, nous devons aussi mettre une ligne rouge contre le viol comme arme de guerre », déclarait-il à l’AFP en 2016.

« On ne s’habitue jamais » 

Sa colauréate irakienne Nadia Murad, issue de la minorité yazidie, a elle-même vécu ces horreurs dans sa chair.

Comme des milliers de filles et femmes de sa communauté, elle a été réduite en esclavage sexuel par le groupe jihadiste État islamique (EI) en 2014, avant de parvenir à s’évader.

« La première chose qu’ils ont faite, c’est de nous forcer à nous convertir à l’Islam », confiait-elle à l’AFP il y a deux ans. « Après, ils ont fait ce qu’ils ont voulu ».

Ambassadrice de l’ONU pour la dignité des victimes du trafic d’êtres humains depuis 2016, Nadia Murad, dont six frères et la mère ont été tués par l’EI, milite désormais pour que les persécutions commises contre les Yazidis soient considérées comme un génocide.

« On ne s’habitue jamais à raconter son histoire. On la revit chaque fois », confie-t-elle dans son livre « Pour que je sois la dernière ». Mais « mon histoire, relatée honnêtement et prosaïquement, est l’arme la plus efficace dont je dispose pour lutter contre le terrorisme, et j’ai bien l’intention de m’en servir jusqu’à ce que ces criminels soient traduits en justice ».

Renoncer à la honte 

Dès l’annonce du comité Nobel, les félicitations ont afflué. « Difficile d’imaginer deux gagnants plus dignes », a réagi le Haut-Commissaire de l’Onu aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet.

Le patron de l’Otan, Jens Stoltenberg, a salué des « efforts inlassables » pour faire cesser « les crimes les plus sombres », le président irakien Barham Saleh un « honneur pour tous les Irakiens » et la chancelière allemande Angela Merkel un « cri d’humanité au milieu d’horreurs inimaginables ».

Sur tous les continents, le viol fait des centaines de milliers de victimes dans les conflits. La prise de conscience internationale progresse.

Adoptée en 2008 par le Conseil de sécurité de l’ONU, la résolution 1820 stipule que les violences sexuelles en temps de conflit « peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un élément constitutif du crime de génocide ».

Dans la sphère civile, le tsunami #MeToo a aussi marqué les esprits. « #MeToo et les crimes de guerre, ce n’est pas la même chose », a commenté Mme Reiss-Andersen. « Mais ils ont en revanche un point commun: c’est qu’il est important de voir la souffrance des femmes, de voir les abus et de faire en sorte que les femmes renoncent à la honte et osent parler ».

Depuis les premières révélations visant le producteur américain Harvey Weinstein en octobre 2017, le mouvement a fait tomber bon nombre de célébrités et hommes de pouvoir.

L’onde de choc s’est propagée jusqu’à l’institution Nobel puisqu’un scandale de viol a poussé l’Académie suédoise à reporter d’un an le Nobel de littérature 2018. Le Nobel de la paix sera formellement remis à Oslo le 10 décembre.

Auteur
AFP

 




- Publicité -

Gratuité des animations : A quand le respect de la circulaire ministérielle ?

0
JEUNESSE

Gratuité des animations : A quand le respect de la circulaire ministérielle ?

Début juin 2016, le directeur de la jeunesse et des sports de la wilaya d’Alger a annoncé sa décision d’appliquer la directive de M. Mohamed Hattab, ministre de la Jeunesse et du Sport qui dicte une gratuité absolue de toutes les activités au sein des structures de la jeunesse, et au passage évince les tentatives malsaines de ceux qui visent à déstabiliser la bonne application de cette décision.

Cette prise de risque est un acte qui s’adapte au contexte actuel qui répond à une saine gestion des maisons de jeunes. Le but de ces dernières en tant qu’espace de rencontre et de loisirs pour les jeunes, consiste à valoriser les jeunes à travers des activités, des projets créatifs et artistiques. En outre, l’équipe éducative dotée d’outils pédagogiques est dans l’obligation de mettre en œuvre une démarche pour répondre aux objectifs du secteur en créant des ateliers dont l’accès sera désormais gratuit.

Circulaire à la main, Algérie Network a fait le tour de quelques quartiers où sont implantées les maisons de jeunes afin de recueillir les impressions sur cette décision qui apparemment a fait le bonheur des uns et le malheur des autres. M. Boubaker, gérant d’une surface d’Alimentation rencontré à la proximité de la maison de jeune de Bouzaréah nous dit : «Je suis entré dans la maison de jeunes à l’âge de 15 ans. Amoureux du théâtre, c’était pour moi le lieu dans lequel je pouvais vivre ma passion. Happé par cette passion, je ne me doutais pas que j’étais en train en même temps de me former à bien d’autres choses et à dire bonjour au reste de ma vie. Je n’avais pas alors idée qu’on appellerait ça un jour « l’apprentissage de la citoyenneté. Adhérent, bénévole puis animateur vacataire, j’ai à chaque étape bénéficié de l’aide d’une formation qui disait que demain était une promesse et qui tenait sa promesse. Nous étions nombreux à avoir suivi ces parcours initiatiques. Nous venons de partout de Bouzaréah, de Beauséjour, de Chevalley et même d’El Biar et de Bab El Oued ! Pourquoi de tels parcours ont-ils disparu ? Qu’est-ce qui a changé dans l’époque ? Si la maison de jeunes se veut être un lieu d’éducation, il est impérativement nécessaire que l’accès soit gratuit, une initiative que je soutiens personnellement. Je trouve que l’éducation, un mot qui a perdu de son crédit, va ainsi reprendre son droit dans nos structures. Mille bravos au DJS de la wilaya d’Alger pour sa fermeté ».

Malik, un jeune de 25 ans employé à la sûreté de daïra, mitoyenne à la maison de jeunes Hassane El Hassani nous donne son point de vue et nous dit qu’il trouve courageux cette initiative et salue par l’occasion la DJS qui n’a pas hésité à la mettre en exécution. « Pour moi dit-il, éduquer signifie transmettre des normes et des valeurs. Une société qui désire avoir une mission éducative en dehors de la cellule familiale est une société consciente des valeurs qu’elle porte et veut les transmettre. Quand on veut transmettre avec cœur on ne demande pas de l’argent. Je suis contre la marchandisation des structures de l’Etat. D’ailleurs, je suis pour qu’on prévoit désormais des sanctions pour ceux qui faillissent dans cette tâche ».

Rahma Slimani, enseignante dans l’école privé Aradja wa Tafaouk à Beauséjour nous explique que « ce geste nous prouve qu’il existe des responsables du secteur qui croient que les jeunes se transforment et, par extension, que la société peut se transformer elle aussi. C’est pour cela qu’ils doivent gérer cette transformation en menant des actions éducatives en masse. Ouvrir grandes les portes des maisons de jeunes est le seul moyen de mener une action éducative sincère. Une société qui n’éduque plus est une société qui ne répare plus et qui ne pardonne plus. J’en veux à tout ceux qui ont transformé ces lieux de loisirs et de détente éducative en centres de formation professionnelle ». nous affirme-t-elle.

Adossé au mur fraîchement peint de la Maison de jeunes de Beni Messous, un groupe de jeunes nous affirme n’avoir pas entendu parler de cette décision. «On devait afficher pour informer les jeunes du quartier, nous déclare un jeune en colère. Personnellement je ne le savais pas nous dit, Redouane licencié en sciences politiques, actuellement agent de saisie dans un cybercafé. Il faut savoir informer, les jeunes n’attendent que ça. On peut enfin pouvoir s’offrir le plaisir de pratiquer différentes activités sans être à chaque fois obligé de payer.

Ouvrir ces espaces gratuitement aux jeunes c’est abolir la distance entre la jeunesse et sa tutelle. Les maisons de jeunes ont été pensées et inventées pour ça non ? »

« Moi je veux faire du théâtre, de la musique chaâbi le soir créer avec mes copains de quartier une troupe de zorna et de danse classique algéroise pour garçons », déclare Aymen, un adolescent de 17 garçons. ykhi batal !

Warda, professeur d’art moderne à l’école Nationale des beaux-arts nous raconte son expérience. « Mon but était d’apprendre aux enfants la reconnaissance et la réalisation de soi à travers le dessein. J’ai donc décidé de réduire mon temps de travail pour me consacrer à des activités bénévoles. C’est un choix de vie, un luxe, avec ses concessions. Je trouve que c’est le minimum que chacun devrait donner aux autres, surtout aux enfants. Ce qui m’a amenée, en 2014, à faire le tour des maisons de jeunes dans la région ouest d’Alger pour donner des cours de dessins gratuits aux enfants. Croyez-moi, de toutes les maisons de jeunes que j’ai visitées aucune n’a accepté de ne pas faire payer les parents. Je leurs avais pourtant bien expliqué que je ne demandais aucune rémunération et que je ne voyais pas la nécessité de demander une cotisation. À cette époque, une association de quartier m’avait ouvert les portes de son local situé dans la banlieue d’Alger. Ce fût une très belle expérience. Les cours étaient gratuits, les inscriptions aussi. On pouvait même s’offrir du matériel de dessin sur la vente symbolique des petites œuvres d’enfants ! En appliquant cette nouvelle décision je pense que la DJS va redonner vie et sens à aux maisons de jeunes sous peine de les voir disparaitre. Je pense aussi que c’est une belle réussite ».

Pour avoir plus de précision sur le sujet, nous nous rapprochés de M. Tarek Krache, directeur de la jeunesse et du sports de la wilaya d’Alger. Celui-ci nous a affirmé que « les orientations stratégiques définies dans cette décision se traduisent notamment dans une programmation qui évolue et témoigne de la volonté de l’Etat de promouvoir tout ce qui touche à la jeunesse, d’où l’accessibilité gratuite au plus grand nombre de jeunes aux formations et aux activités dans toutes les structures de la jeunesse. Amener les activités au plus près des jeunes, créer des espaces de convivialité et favoriser les échanges sont les objectifs de notre nouvelle aventure. Tous les programmes des maisons de jeunes s’articulent autour de propositions qui offrent le temps de la détente, de la découverte et de la rencontre gratuitement au jeune ».

Auteur
Mayassa Hassane Khoudja

 




- Publicité -

« J’ai combattu l’ostracisme de l’Amicale des Algériens en France pour tamazight »

0
Muhand-Ouramdhane Khacer, ancien membre de l’Académie berbère (I)

« J’ai combattu l’ostracisme de l’Amicale des Algériens en France pour tamazight »

Ouramdhane Khacer est l’un des plus anciens militants de la cause amazighe. Son exil forcé n’a altéré en rien sa volonté de continuer son combat. Un combat entamé au lendemain de l’indépendance algérienne. Figure emblématique au sein de la fameuse Académie berbère, Muhand Oramdhane prône toujours l’unité des peuples amazighs en Afrique du nord et défend, bec et ongles le choix des caractères Tifinagh pour la transcription de la langue de Massinissa.

Le Matin d’Algérie : Pouvez-vous nous rappeler votre parcours au sein de l’Académie berbère ?

Muhand Ouramdhane Khacer : Tout d’abord permettez-moi de me présenter aux lecteurs. Dans mon village, je suis connu sous le nom d’Avdhela Atsamruc. Je suis né le 28 juillet 1948 dans le village d’At Lahcen, Commune d’At Yanni. Dès mon jeune âge, j’ai commencé à défendre notre identité historique amazighe. Identité réprimée depuis près de deux millénaires par les différents envahisseurs venus d’Orient et d’Occident. Ma prise de conscience identitaire remonte à l’indépendance de notre pays. Originaire d’une famille patriotique, très jeune déjà, je suis entré en rébellion contre la colonisation. A huit ans déjà, j’accompagnais ma mère Ghenima At Alandlous (Kedache Ghenima) et ma grand-mère Fatima At Mehdjouva (Kamel Fatima) pour ravitailler nos maquisards. Mon oncle maternel Ali At Alandlous (Kedache Ali) était le premier maquisard du village. C’était un combattant intrépide qui faisait trembler l’armée coloniale, allant jusqu’à ce qu’elle écrive à la peinture noire en grosses lettres sur le fronton de l’abreuvoir d’Asekfel du quartier Taghlitt de mon village : “Kedache Ali est un assassin, Kedache Ali est un criminel, Kedache Ali sera tué”. A l’indépendance, (Plutôt la dépendance) attendant son retour, on nous annonça qu’il est tombé au champ d’honneur à la frontière tunisienne. Mon père Voukhalfa Atsamrouch (Khacer Boukhalfa) de tendance communiste travaillait chez Hutchinson à Puteaux dans la région parisienne et cotisait à la Fédération de France du FLN.

Mon frère Amokrane était responsable de groupe de cette célèbre fédération de France pendant la colonisation à Roubaix. Cette fédération s’est transformée après l’indépendance en «Amicale des Algériens en Europe» qui n’a d’amicale que le nom. C’est une organisation mafieuse de basse police politique de contrôle de notre émigration, cordon ombilical du néo-FLN, au service de la dictature sanguinaire d’Alger. J’ai combattu culturellement et politiquement cette officine au sein de la Direction du Nord de l’Académie Berbère que j’ai fondée dans le Nord de la France, 17, rue du pays à Roubaix (1971 à 1975). Mes compagnons de la première heure dans le combat identitaire peuvent en témoigner : Chebli Mohamed, Makhlouf Rachid, Ali Fateh, Mohand Ousaid, Oumouchi Lounas…

Mais revenons en arrière si vous le voulez bien. En 1958, ma grand-mère a été dénoncée, arrêtée avec deux partisans elle a été torturée pendant plusieurs jours dans la caserne militaire de Taourirt Mimoun. Elle fut fusillée par l’armée française sur la place du village avec les deux partisans. Depuis cette tragédie, ma mère qui a ramené son corps, commença à perdre la raison. Comme son état s’aggravait, mon père a pris sa préretraite et est rentré précipitamment de France en 1960 pour soigner ma mère.

A l’enterrement de mon père je ne pouvais pas être présent car j’étais réfugié politique. Mais ma maman qui aimait me magnifier dans ses poèmes est morte dans mes bras, trois ans après mon retour d’exil le 22 décembre 1990. C’est avec émotion et une grande fierté qu’en tant que membre d’une famille patriotique qui a côtoyé très jeune les maquisards que je rends hommage aux membres de ma famille et à tous ces artisans de notre libération du joug colonial. C’est dans leur sillage que j’ai repris le flambeau pour combattre l’injustice, le déni identitaire, pour défendre notre culture et la réhabilitation de notre identité historique amazighe, commune à l’ensemble du peuple algérien. C’est avec une très grande émotion que j’évoque cette période qui fut pour moi une période d’inhumanités et de déchirement. J’ai été traumatisé dans mon enfance par les atrocités de la guerre. J’en garde encore des séquelles psychologiques. Jusqu’à maintenant, je fais encore des cauchemars.

C’est en 1963 au collège des Pères Blancs «Saint Louis» d’At Larva que j’ai appris avec fierté par le professeur Dessomme que les Berbères possédaient leur propre système d’écriture appelé tifinagh depuis des temps reculés. A l’écoute du professeur, tout de suite, je traduis tifinagh par “Tifinnnegh”. Rebelle, je m’oppose au professeur Vialleton qui nous apprenait l’arabe classique en lui répétant que cette langue n’est pas la mienne. Souvent, il me punissait en me mettant dans le coin de la classe accroupi sur les genoux sur des petits cailloux. C’était une torture. Depuis, je cherchais à connaître l’histoire de nos ancêtres Les Amazighs à travers les livres. Au collège, je devenais réfractaire à l’arabisation que j’ai qualifié en 1971 “d’arabêtisation”, vecteur de l’idéologie arabo-islamo-baathiste que je qualifie de mortifère.

En 1964 après avoir quitté le collège Saint Louis, à la rentrée scolaire, je me suis retrouvé ré-orienté au collège Verdi, aujourd’hui “Si Larvi Mezani” de Taourirt Mimoun. Dans ce collège, c’est en classe de 5ème que je me suis opposé au professeur d’arabe M. Swan, d’origine palestinienne, coopérant moyen-oriental en mission idéologique pour nous arabiser et falsifier l’histoire de notre pays.

En juillet 1969, après une formation de technicien radio à Ben Aknoun, je fus recruté par la RTA et j’entre à la radio algérienne Chaîne nationale II (chaîne Kabyle) pour exercer mes fonctions de technicien radio. C’est durant cette période que commence pour moi le véritable combat identitaire en luttant contre la politique de discrimination et d’exclusion envers la chaîne kabyle et son personnel. Membre de l’Académie Berbère depuis 1968, avec quelques-uns de mes collègues, je militais pour que cette chaîne radiophonique dépourvue de tout moyen ne meure pas.

Ainsi, il me semble utile d’ouvrir une parenthèse pour parler un peu de cette période. Rebelle dans l’âme, je ne pouvais pas accepter que les schizophrènes au pouvoir de mon pays, l’Algérie, qui ont organisé le 1er festival panafricain d’Alger en 1969, refusent la participation de Marguerite Taos Amrouche, renient et marginalisent notre culture amazighe socle de notre identité historique commune. Lors de ce festival, j’ai été détaché en tant que technicien au Colisée «Le Mouggar» pour m’occuper de l’installation radiophonique. Suite à mes différentes interventions pour dénoncer l’ostracisme, Injustice du pouvoir et son déni identitaire, j’ai été agressé physiquement par les sbires du régime à la cérémonie de clôture où j’ai perdu conscience. Malgré les menaces permanentes et les souffrances endurées, cela ne m’a pas empêché de brouiller (réception inaudible, effet Larsen, coupures) à plusieurs reprises certaines émissions idéologiques, archaïques frappées de stérilité, notamment celles animées par les Zoubir Toualbi et autre Ahmed Cheqare pour endormir notre peuple.

Durant cette période, je n’hésitais pas à faire à plusieurs reprises la même chose aux discours du dictateur Houari Boumediene, lors de leur retransmission par la voie des ondes (réception inaudible, effet Larsen, coupures…). Un soir du mois de ramadan, lors de mon service à l’antenne, pour faire prendre conscience aux auditeurs de la censure qui frappe notre grand chanteur Dda Slimane Azem dans tous les médias dans son propre pays, j’ai décidé de passer une de ses chansons «Tlata Iqjan», les personnes qui étaient avec moi dans la cabine technique dès qu’ils ont entendu les aboiements des trois chiens à l’antenne sont sortis en courant.

J’ai aussi lutté pour que soient sautés les verrous qui entravent cette chaîne. Lors de l’un de mes services, j’ai trouvé une note signée du Ministère de l’information Mohammed Seddik Benyahia ordonnant un jumelage avec la chaîne arabe lors de l’heure de retransmission des matchs de football. C’était la fin des reportages en amazigh de Kabylie. Après quelques minutes de réflexion et afin de faire prendre conscience aux auditeurs j’ai juré de ne pas établir le jumelage avec la chaîne nationale 1 (en arabe) et mis à la place de la retransmission des matchs, de la musique de transition d’Iguerbouchen «Icevhit idurar is» et deux chansons de Djamila «Ay acufer u taxi» et «Idjad Lhad Amiruch». Cette suppression de reportages en amazigh de Kabylie m’a profondément indigné. Cette épisode m’a valu l’agression physique et verbale de deux ads «amazighs de service». Je cite Abdelhamid Benhedouga, responsable de la programmation des chaînes nationales I et II et Rezouk Chef de section Basse Fréquence qui m’ont insulté et traité de contre-révolutionnaire). Je leur ai répliqués que c’étaient des traîtres et des renégats de notre culture. Ce sont deux camarades techniciens Belkacem Boudiaf et Ali Rebrab qui sont venus à mon aide. Je n’oublie pas le soutien militant et fraternel de Brahim Ait Yehia, chauffeur assistant, des journalistes Abdelkader, Belkacem, mon camarade Bouaaza technicien, de Ben Mohamed, Cherif Kheddam, Benhanafi, Nouara, mon ami Medjahed…

En plus de l’activité permanente que je menais à la radio, j’avais des relations avec les animateurs du C.E.B. (Cercle d’Etudes Berbères de Ben Aknoun), Madjid Bali, Hend et Ramdane Sadi… en tant que membre et militant de l’Académie Berbère. Souvent, je rendais visite à Dda Lmouloud au CRAPE (Centre de recherche Anthropologique préhistorique et ethnographique) où je rencontrais entre autre Ali Sayad. C’était là que j’ai rencontré Maître Antonio Cubillo avocat et fondateur du mouvement pour l’Autodétermination et l’Indépendance de l’Archipel canarien basé à Alger.

C’est suite à cette rencontre avec Maître Cubillo que j’ai approfondi mes connaissances sur les liens fraternels amazighiens qui nous unissaient aux habitants des Îles Canaries (Les Guanches). L’amazighité est d’ailleurs revendiquée dans la Plate-Forme du MPAIC. Dans le cadre de mon combat identitaire, je distribuais périodiquement dans les boîtes aux lettres, surtout dans celles des administrations, des tracts avec l’alphabet tifinagh et sur l’histoire de nos ancêtres que je recevais que je de l’Académie Berbère de Paris.

Au mois de novembre 1970, un climat malsain régnait au sein de la maison de radio située au 21 bd des Martyrs. J’avais un pressentiment de mal à l’aise qu’on allait m’arrêter. Suivant les conseils de certains de mes amis, je me suis senti menacé, qui pouvait aller de l’arrestation jusqu’à la liquidation physique. C’est grâce à des militants qui m’ont obtenu le passeport et une autorisation de sortie en 48 heures, que je suis parvenu à quitter le pays le 2 décembre 1970 pour la France parce qu’il fallait continuer le combat identitaire. L’Académie berbère Agraw Imazighen de Paris, de Roubaix, l’OFB, l’UPA diffusaient des messages de vulgarisation de l’histoire, la réhabilitation des grands personnages et autres héros de l’histoire et de la civilisation amazighe. Ces organisations ont eu l’intelligence de réhabiliter et d’utiliser l’alphabet amazigh tifinagh qui avait servi de support à la prise de conscience identitaire. C’est ainsi qu’elles ont su redonner la fierté à tous les Amazighs. Toutes les générations qui ont suivi le Printemps amazigh de 1980 leur doivent leur conscientisation politique et identitaire.

Aujourd’hui, nous pouvons dire que ces organisations ont accompli leur mission avec succès. Face aux dangers, menaces et aux pressions incessantes sur l’immigration algérienne par Dame Amicale des Algériens en Europe, cordon ombilicale du néo-FLN, les militants de ces associations ont accompli avec courage et acharnement le travail d’éveil, de sensibilisation et de réhabilitation de la langue amazighe, de son alphabet tifinagh officiellement utilisé dans les écoles pour l’enseignement de la langue amazighe au Maroc et dans les régions amazighophones de Libye. Grâce à cet engagement militant, aujourd’hui, les Amazighs se sont forgés une mémoire et une identité commune qui s’étend de l’Egypte aux Iles Canaries et du Nord de l’Algérie jusqu’au sud du Niger. (A suivre) 

Auteur
Abdenour Igoudjil

 




- Publicité -

Il y a toi…

0
LE COIN DES POETES

Il y a toi…

Il y a toutes ces choses que j’aime avec fracas

Les poèmes faits main

Les beautés qui finissent

Les poètes qui mélangent

L’amour avec le pain

Le miel et le venin

Et tes yeux qui les mangent

Il y a bien d’autres choses

Le bonheur et ses revers

Mes rêves qui me cherchent

Mes impairs qui se planquent

Les journées qui tiennent dans un coin de mouchoir

Les femmes qui s’adossent au vent

Qui redressent leur maison

Ne jettent pas leurs amours dehors

Et il y a toi…

S. H.

Cet espace est le vôtre ami(e)s poète(esse)s. Nous vous le réservons pour la publication de vos poèmes avec votre illustration.

Auteur
Samira Hadjeress

 




- Publicité -

Comment faire savoir que le roi est nu

0
Sortir de l’hypnose du temps Makhzénien

Comment faire savoir que le roi est nu

Antonio Gramsci écrivit : «Dans la construction d’un nouvel imaginaire public, comme dans toute autre forme d’activité humaine, vous êtes pris entre deux réalités : vous devez rebrousser chemin jusqu’au point où vous vous êtes trompés, mais vous ne pouvez pas rentrer chez vous.»

Redécouvrir les luttes pour un projet démocratique et populaire d’envergure, relancer la lutte face au Makhzen et son Etat intégral, reconstruire la stratégie d’hégémonie culturelle émanant de notre histoire collective millénaire, celle de ceux qui ne sont plus propriétaires que de leurs dettes et de leurs berrakas, voilà des questions qui vont aux sources de l’effondrement de ce qu’on appelle « les forces et politiques » dites «Dakakines Siyassiya », passée avec armes et bagages dans le camp du « système makhzénien dominateur », des « minorités » et des classes « moyennes » effarouchées par leur déclassement social en cours, oubliant en route l’immense majorité du Rif à Zagora et de Casablanca à Jerada et Figuig ou Bouarfa.

Nous constatons que c’est au près du Makhzen lui-même qu’on trouve aujourd’hui ceux qui s’accaparent le discours d’une certaine gauche au nom des mécontents, car là on sait utiliser les mots que ladite « classe de notables », ou de nouveaux «aristocrates parvenus », de «crétins parlementaires » récurrents, de «pouvoirs personnels », pour reprendre des concepts ancrés dans le mouvement social, et qui n’ont cessé d’être utilisés. Et qui sont en passe d’être remplacés par « le peuple veut la déchéance de notre nationalité »

A l’heure où le capitalisme a créé un «système-monde global» violant les nations.

A l’heure où les avoirs d’une majorité de l’humanité sont concentrés dans de grandes banques collectivistes supranationales privatisant les profits et socialisant les pertes au profit des « happy few ».

A l’heure où une masse de citoyens croule sous la pauvreté et la précarité, subit une répression rappelant les années de plomb, atteignant son apogée par les morts et les embastillés du Rif et des candidats à l’exil, ou s’engage dans des activités de survie diverses, économiques, sociales, culturelles, humanitaires, sanitaires, etc., sans lesquelles l’ordre social actuel s’effondrerait sous les coups de ses propres incohérences et de ses déséquilibres intenables dictées par les inquisitions du FMI et de la Banque Mondiale.

A l’heure donc où l’on perçoit que les fondements de «la démocratie parlementaire et de l’action dans l’Etat » et celle de « mener la transition démocratique par en haut » sont, de fait, transformés par une bourgeoisie despotique constituée de hordes de rapaces et à leur tête le conglomérat royal qui a multiplié sa richesse par 7 en 20 ans, qui continue à se réserver l’usage égoïste de sa gestion et des bénéfices qu’elle en sous-titre.

Plus que jamais donc, les conditions semblent réunies pour dépasser à la fois un Makhzen essoufflé et une classe politique couchée.

Comment faire pour que le peuple prenne en main tout ce qui a déjà été concentré, collectivisé dans les faits par un discours usurpateur de la condition populaire, et c’est en passe de l’être ?

Comment faire savoir que le roi est nu et qu’on peut « se lancer à l’assaut du ciel » ?

Et comme tous ceux qui ont révolutionné le monde sérieusement, de Mao et Ho Chi Minh à Fidel Castro et Amilcar Cabral, Gramsci, il faudrait combiner peuple, classe, masse et nation dans un bloc, un bloc « majoritaire » au sens le plus strict de ce terme et non une  » collocation  » de minorités.

Le Rif, Jerada ou Zagora nous ont proposés un bloc socle, en mesure de servir d’appui à une vision d’espoir. Ils sont le champ magnétique de la transformation et boussole pour une construction durable permettant de redécouvrir et de se réapproprier la nation, de ré-imaginer un « peuple-nation » et de construire un bloc «populaire national » comme l’écrivit Gramsci.

Dans le même esprit, il ne faut pas éluder une «éthique de la violence » – c’est-à-dire de son usage correct – en constitue un élément central. Elle doit reconnaître que chaque fois que la violence est utilisée sciemment contre des innocents, contre des civils non armés – cela constitue du terrorisme.

Le terrorisme ne peut être déployé, toléré ou ignoré, même lorsqu’il est dirigé contre une entité envers nous, qui nous sommes hostiles. Mais l’éthique progressiste reste la vision applicable le plus largement possible.

Auteur
Mohamed Bentahar

 




- Publicité -

DERNIERS ARTICLES

Palestine

Dix pays, dont la France, décidés à reconnaître l’État palestinien à...

0
Lors d'une conférence lundi 22 septembre à New York, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, seront représentés « dix pays qui ont décidé »...

LES PLUS LUS (48H)

Palestine

Dix pays, dont la France, décidés à reconnaître l’État palestinien à...

0
Lors d'une conférence lundi 22 septembre à New York, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, seront représentés « dix pays qui ont décidé »...